Texte intégral
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie de votre invitation car elle me donne l'occasion, un an après notre première rencontre, de venir débattre avec vous. Ces moments et ces lieux d'échanges sont précieux : ils me donnent l'occasion non seulement de préciser tel ou tel aspect des politiques publiques que nous mettons en uvre ; ils me permettent aussi de vous écouter, de prendre la mesure des attentes et des questionnements qui sont les vôtres.
C'est pourquoi, cette année, je ne vous imposerai pas de long discours sur l'action de mon ministère. En accord avec François Gourdon, qui préside aux destinées du Comité 21, nous avons décidé de vous apporter des réponses précises sur les sujets qui vous tiennent à cur. Aussi, si vous en êtes d'accord, je vais passer en revue ces questions que vous nous avez adressées. À en juger par l'étendue des thèmes que vous nous avez envoyés, vos préoccupation sont très diverses même si, pour la plupart, elles sont rattachées au monde l'entreprise. Vous ne vous étonnerez donc pas que nous passions un peu du coq-à-l'âne. Mais si d'aventure nous n'avions pas pu répondre à tous, soyez certains que nous le ferons par écrit. Ce forum de questions/réponses que vous avez mis en place pour la préparation de cette rencontre a été fécond : il mériterait, me semble-t-il, d'être pérennisé.
Monsieur le président...
Formation à l'environnement
Question de : Dominique MEIGNAN, Directeur de la Maison de l'Environnement d'Angers
L'éducation, la sensibilisation, l'information et la formation à l'environnement pour tous publics s'impose aujourd'hui comme un élément indispensable des politiques environnementales des collectivités territoriales. Des structures sont créées sous l'appellation " Maison de la Nature ", " Maisons de l'Environnement ". En France, il en existe aujourd'hui une quarantaine fonctionnant à l'année avec des salariés permanents. Quelle analyse faites-vous de ces initiatives ? Ne serait-il pas opportun de créer une dynamique ministère collectivité autour de ces structures ?
Réponse : L'éducation et la formation à l'environnement sont effectivement indispensables, et le partenariat étroit qui existe entre des structures associatives telles que les " Maisons de la nature " ou les " Maisons de l'environnement " et les collectivités territoriales sont un facteur clef d'efficacité en ce domaine.
Le ministère, s'il n'intervient pas de façon systématique dans la mise en place de ce partenariat, est toujours impliqué par le biais de ses services déconcentrés, qui apportent divers types de soutien - financier mais aussi conceptuel - à ces associations et à d'autres du même type comme les CPIE (Centres permanents d'information à l'environnement). La souplesse du système actuel ne me paraît pas rendre utile une collaboration formalisée entre ministère et collectivités sur ce thème, en tous cas pas au niveau central.
Par contre, dans le cadre du programme des emplois jeunes, les collectivités recrutent des jeunes, souvent formés par ces mêmes structures associatives, qui permettent de faire évoluer la fonction publique territoriale mais entrent parfois en concurrence avec ces associations. C'est une question qui est actuellement examinée par mes services, en liaison avec le Centre national de la fonction publique territoriale et le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Formation des élus au développement durable
Question de Michel MOMBRUN
Que comptez-vous faire au niveau de la formation pour accoutumer les élus et les agents territoriaux aux bonnes pratiques du développement durable ?
Réponse : Les collectivités locales constituent un facteur clé pour le succès de l'approche en terme de développement durable. En effet, le pilier relatif à l'équité sociale est mis en oeuvre de manière très pertinente par les communes et les départements. Le pilier du développement économique correspond très largement a la volonté des élus locaux de s'impliquer en matière de développement local. Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'importance des enjeux en matière d'environnement pour les collectivités locales.
Les chartes d'environnement comme les Agenda 21 constituent une politique bien établie dans mon ministère. La démarche que vient d'entreprendre le département de la Haute-Saône mérite d'être suivie. Elles ont constitué la première démarche pour encourager les bonnes pratiques. Il me semble également nécessaire d'encourager une réflexion en profondeur au sein des réseaux que constituent les collectivités locales.
C'est, bien entendu, une des responsabilités du comité 21. C'est également la vocation de la CFDD. Je viens de proposer au Premier ministre la désignation de son nouveau président, cette personnalité de premier plan saura, j'en suis sûre, continuer les travaux déjà entrepris et les développer pour susciter, au sein des associations nationales d'élus, une prise de conscience. Je souhaite également que mon ministère s'implique plus largement dans les études économiques et l'évaluation environnementale que j'envisage de développer au sein de l'administration centrale à partir de l'an 2000.
Emplois jeunes
Question de Jacques Brégeon, collège des hautes études de l'environnement
A moins de politiques volontaristes, il semble que les préoccupations environnementales ne génèrent pas spontanément des emplois. Peut-on continuer à laisser des étudiants s'engager dans des formations bac + 5 sans certitude de débouché ?
Réponse : Vous posez deux questions : la formation et les emplois jeunes. Concernant la formation, force est de reconnaître l'inadéquation entre les cursus proposés et le marché du travail. Les formations se focalisent sur les questions de nature alors que les emplois se développent dans le champ des pollutions et de l'industrie. Les élus comme les dirigeants d'universités portent leur part de responsabilité. Les entreprises aussi : il est en effet regrettable qu'elles préfèrent systématiquement former leurs agents à l'environnement plutôt que d'avoir recours à des professionnels du secteur. Mais je suis optimiste : les emplois jeunes environnement, parce qu'ils auront fait émerger des besoins non satisfaits dans ce domaine, permettront, en partie, l' éclosion de ce marché du travail. Concernant ces emplois jeunes, un dispositif a été mis en place au ministère dès la fin de l'année 97. 18 accords cadre ont été signés à ce jour avec les grands réseaux intervenant dans ce domaine; un guide opérationnel " aménagement du territoire et environnement " destiné à aider les porteurs de projets a été publié en 10 000 exemplaires ; des groupes de travail ont été mis en place (nature, déchets, eau, bientôt énergie). Un suivi est effectué, une évaluation est en cours. Le ministère a réuni le 18 mars dernier sa cellule nationale de suivi, ce qui a permis de constater que bien qu'il s'agisse de petits projets, concernant 1 ou 2 salariés le plus souvent, à ce jour plus de 10 000 jeunes ont été embauchés, ce qui nous place au 2ème rang juste après le secteur famille/santé/solidarité ; les recrutement continuent au rythme d'environ 800 par mois. Par ailleurs, plus de 60 % sont dans des collectivités territoriales. Répartition des postes : 60 % conseiller et animateur environnement développement local ; 30 % agent d'entretien des espaces naturels ; 8 % agent de traitement des pollutions
Un corps de fonctionnaire de l'environnement
Question de : Philippe Jamet, Directeur de l'ISIGE (Institut Supérieur d'Ingénierie et de Gestion de l'Environnement)
Qu'en est-il de la création d'un corps de fonctionnaires spécifiques au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, en particulier, en termes d'inspection des installations classées ?
Réponse : Les personnels non titulaires de l'office national de la chasse et du conseil supérieur de la pêche occupent des emplois permanents de l'Etat et exercent pour la plus grande partie des missions régaliennes notamment de police. C'est pourquoi je souhaite que ces emplois soient pourvus par des fonctionnaires conformément à la lettre et à l'esprit du statut général de la fonction publique. Cette fonctionnarisation pourrait également concerner les futurs agents des services d'hydrométrie et d'annonce de crues dans les directions régionales de l'environnement. Les agents actuels sont en effet proches de la retraite et on ne recrute plus parmi les fonctionnaires des personnes ayant ce type de compétences). Au delà, il faudra se poser la question des agents travaillant dans les parcs ou les réserves naturelles.
Le Premier ministre a donné son accord en octobre 1998 pour que ce dossier soit étudié. Un travail a donc été réalisé en collaboration étroite avec l'ensemble des ministères impliqués, en particulier, le ministère de la fonction publique et le secrétariat d'Etat au budget : il s'agit de proposer la création de deux corps, l'un de catégorie B, l'autre de catégorie C, à partir de corps existants de fonctionnaires des parcs nationaux. Plus de 2000 personnes sont concernées. Mais ce dossier ne concerne pas les inspecteurs des installations classées, qu'elles soient industrielles ou agricoles. En effet, ces agents sont déjà fonctionnaires, principalement des corps gérés par les ministères de l'agriculture et de l'industrie et travaillant au sein des DSV et des DRIRE. Il ne faut cependant pas exclure la possibilité pour un technicien des futurs corps d'intégrer, s'il en a les compétences, l'inspection des installations classées.
Des états généraux sur l'avenir de l'énergie
Question de : Serge ORRU, Président du festival du Vent
A quand des états généraux sur l'avenir de l'énergie en France et en Europe ?
Réponse : Bonne idée, surtout pour l'élargissement à l'Europe. Le point de départ du débat et de l'organisation de ces états généraux doit être le travail actuellement en cours dans les régions pour l'élaboration du schéma des services collectifs de l'énergie : partir des besoins, évaluer les potentiels, élaborer des programmes d'utilisation rationnelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. L'objectif de ces schémas est clair. Il s'agit de mener simultanément des actions en faveur du développement économique local, de la création d'activités et d'emplois, et de protection de l'environnement local et global. C'est l'amorce du développement durable. Il faudrait travailler sur votre idée. Mais on peut d'ores et déjà imaginer faire une proposition à la nouvelle Commission européenne pour organiser ces états généraux à l'échelle de toute l'Europe (Union européenne et pays candidats à l'adhésion). Il s'agirait de mettre en place des forums et des table-rondes sur ce sujet en privilégiant simultanément des débats internationaux et décentralisés, et cela dès le début de l'opération. Votre idée est séduisante. Le travail mené par la Commission nationale du débat public sur la ligne THT Boutre/Carros a montré comment, lorsque l' on joue le jeu de la concertation et de la transparence, des solutions nouvelles peuvent émerger qui sont moins coûteuses pour le contribuable et moins dommageables pour l'environnement.
Changements climatiques / Fonds carbone
Question de Laurent Ségalène, de PriceWaterCoopers
Lors de la Conférence des Parties, un des mécanismes de flexibilité annoncé a été le mécanisme pour le développement propre avec les pays non annexe I. Depuis de nombreuses initiatives ont été lancées. Comment la France compte-t-elle s'associer à la création du futur Fonds Prototype Carbone annoncé par la Banque Mondiale ?
Réponse : Des initiatives ont été prises à la suite de l'adoption du protocole de Kyoto, pour la mise en uvre des dispositions du protocole, notamment celles ayant trait aux mécanismes de flexibilité (terme qu'il faudrait bannir de notre langage). Et la Banque Mondiale s'est engagée de manière approfondie vers la création d'un fonds prototype, dit " Fonds Carbone ", destiné à promouvoir des échanges bilatéraux de valeurs carbone. Ce fonds serait basé sur des projets, et aurait donc un rapport étroit avec le mécanisme pour le développement propre. La Banque servirait d'intermédiaire, de gestionnaire du fonds en assurant transparence, équité et moralisation du marché. Cinq gouvernements et plusieurs investisseurs privés ont déjà fait part de leur intérêt et se sont pré-engagés à hauteur de 100 millions de dollars. Le mécanisme proposé par la Banque a des qualités : il évite les difficultés propres aux mécanismes de flexibilité du protocole, mais il procède d'une approche très libérale, sans vision à long terme, ni considérations environnementales directes. Par ailleurs, compte tenu du stade d'avancement des négociations sur les crédits d'émission, le fonds n'est clairement qu'un outil expérimental, qui peut servir de laboratoire d'essai pour les questions de mise en uvre opérationnelle. Les règles de fonctionnement des mécanismes de Kyoto ne sont en effet pas encore entièrement déterminées, l'échéance fixée lors de la réunion de Buenos Aires étant COP 6, c'est à dire au deuxième semestre 2000. Dans ces conditions, la France ne souhaite pas, comme la plupart des pays de l'Union Européenne, participer directement à ce fonds. Et elle veillera, en tant qu'actionnaire de la Banque Mondiale, à ce que celle-ci ne s'expose pas de manière excessive sur ce fonds.
Changements climatiques / le rôle des acteurs
Question de Marc Darras, de Gaz de France :
Globalement, au regard des impacts sur l'environnement au sens large, on peut distinguer deux catégories d'émetteurs : les entreprises, dans la production des biens, et les consommateurs, par les usages de ces biens. Sur le thème du changement climatique, quelle part des efforts peut être demandée aux consommateurs ? Et, en conséquence, quelles sont les politiques et mesures que vous comptez mettre en oeuvre pour les y inciter ?
Réponse : Il me semble que vous oubliez un acteur de poids : les pouvoirs publics et les collectivités locales. qui peuvent largement contribuer, notamment par leur politique d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de transport, à la maîtrise de l'énergie et à la lutte contre l'effet de serre. Nous sommes en train d'élaborer un nouveau programme de lutte contre l'effet de serre. A l'issue de cette exercice de réflexion et de concertation, je pourrai répondre plus précisément à cette question. Quelques pistes néanmoins :
o les citoyens - je préfère ce mot à celui de " consommateur "-, ont un rôle à jouer dans la lutte contre l'effet de serre. Une grande partie des émissions polluantes provient en effet des déplacements automobiles et du chauffage. Il faut donc les sensibiliser : conduite économe ou, mieux, pratique des transports en commun, réglage du chauffage, achat d'ampoules électriques basse consommation... La modification de la fiscalité peut les aider. C'est pourquoi nous avons changé le mode de calcul de la puissance administrative pour que le prix de la vignette soit fonction des émissions de gaz carbonique des véhicules. La taxation sur le gazole a par ailleurs été augmentée et une partie des recettes fiscales sert à financer les politiques environnementales des pouvoirs publics
o Ces mêmes outils peuvent être utilisés pour inciter les industriels à agir : la sensibilisation peut déboucher sur des engagements volontaires, comme dans le cas des constructeurs automobiles européens ; la fiscalité, comme d'autres instruments économiques, est un bon outil pour peu que l'on n'oublie pas les problèmes de concurrence internationale ; la réglementation et le soutien aux investissements (aides ADEME) ne sont pas à négliger.
TGAP / Déchets
Question de Antoine COSTANTINO, Procter Gamble
La taxe sur la mise en décharge initialement perçue par l'Ademe pour le compte du FMGD a été transformée en TGAP. Pouvez-nous dire si, à partir de la TGAP, la subvention reversée à l'ADEME sera équivalente à la taxe initialement perçue sur la mise en décharge ?
Réponse : Le principe retenu est celui d'une globalisation des recettes. Aussi l'ADEME recevra pour chacune de ses missions une subvention globale. Ce qui importe, c'est que la conjugaison de la TGAP, de la baisse de la TVA et des décisions de financement que l'ADEME prendra en comités et en conseil d'administration, se traduise, car tel en est bien l'objectif, par un encouragement du tri sélectif et de la valorisation des déchets. Par ailleurs l'Ademe pour mener l'ensemble de ses missions, dont la politique de relance de l'énergie, a reçu en 99 une dotation supplémentaire de 500 MF et de recrutements supplémentaires.
Les élus ont un peu tendance à dire : " I want my money back " sous prétexte que la taxe de mise en décharge a été augmentée. Mais ils oublient que la baisse du taux de TVA représente pour eux un gain d'1 milliard en année pleine.
Ce qu'il faut savoir, c'est que le FMGD constituait, jusqu'à l'année dernière, un matelas confortable parce que les collectivités locales s'étaient encore peu mobilisées. La perspective des élections municipales comme les plans départementaux de gestion des déchets ménagers ont donné un coup de fouet à ce secteur et mis provisoirement en difficulté la trésorerie de l'Ademe.
Mais je suis sereine pour l'avenir : les investissements réalisés par les collectivités locales dans le secteur de l'environnement sont essentiels ; les élus y sont naturellement attachés. Aucune inflexion budgétaire ne pourrait justifier que le partage des responsabilités entre l'Etat et les collectivités soit mis en cause et que l'Etat ne respecte pas ses engagements. C'est pourquoi la TGAP restera un instrument privilégié des politiques publiques : elle sera progressivement étendue au domaine de l'eau et pourra accueillir la future écotaxe européenne.
Ecolabel et taux de TVA
Question de Rémy Souchon, 3 Suisses
Dans le cadre de la fiscalité écologique du Gouvernement, je souhaiterais savoir si vous seriez favorable à élargir aux produits conformes aux écolabels officiels la liste de produits et services éligibles à une TVA réduite comme le permettrait la récente proposition de directive de Mario Monti concernant les services de proximité riches en emplois ?
Réponse : L'Etat doit être en mesure de donner des signaux clairs aux acteurs économiques. Les mesures fiscales peuvent faire partie de ces signaux. Je suis donc tout à fait favorable à un taux réduit de TVA pour les produits écolabellisés. Ceux-ci ont en effet un moindre impact sur l'environnement, ce qui évite des dommages auxquels sont souvent associés des coûts pour la collectivité. Cependant, vous n'ignorez pas qu'il existe, en France comme au niveau européen, une doctrine en matière de TVA, selon laquelle tous les produits remplissant la même fonction doivent être traités à égalité. Une évolution est aujourd'hui nécessaire, mais cela demandera vraisemblablement du temps et des efforts répétés.
Il s'agit là d'un chantier à creuser, tant auprès de la Commission de Bruxelles que du ministère de l'économie et des finances. D'ores et déjà, côté français, la réforme du Code des marchés publics permettra à l'avenir de mieux prendre en compte la protection de l'environnement et l'emploi. Le verdissement de l'administration ne sera plus un vain mot mais bien un signal clair tant vis-à-vis du marché que des citoyens.
Statut des déchets de recyclage
Question de Noël MANGIN, REVIPAP
Les opérations de recyclage produisent elles-mêmes des déchets qui sont traités comme des DIB, ne bénéficient donc d'aucune priorité d'accès aux décharges et supportent la même taxe de mise en décharge. Ne faudrait-il pas les traiter de façon différente de façon à encourager les activité de recyclage ?
Réponse : Le ministère met en place une politique de gestion des déchets incitant clairement à la valorisation et au recyclage. La mesure fiscale d'application du taux réduit de TVA aux opérations de collecte sélective et de tri est notamment destinée à favoriser la filière du recyclage. De même, la création de la TGAP réoriente la politique fiscale en matière de déchets afin d'encourager le tri sélectif et de réduire les avantages de prix de la mise en décharge. Mais l'exonération des déchets ultimes ou des déchets du recyclage semble difficile à mettre en oeuvre. En effet, la définition du déchet ultime donnée par la loi du 13 juillet 1992 laisse une place à l'interprétation créant un risque important de contentieux. De plus, une telle proposition d'exonération risquerait de conduire à ne plus appliquer la TGAP aux centres de stockage après le 1er juillet 2002, quelle que soit la nature des déchets admis, ou à gérer un nombre important de litiges. La TGAP est majorée lorsque les déchets présentés proviennent d'une zone extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets. Il n'est pas question de remettre en cause cette mesure. En revanche, si les besoins et les flux sont bien établis, cela ne devrait pas pénaliser les déchets du recyclage. Il faut donc que le travail d'élaboration du plan soit mené avec une rigueur et une concertation suffisantes pour ne pas oublier de prendre en compte certains déchets de départements voisins.
Management environnemental inspection
Question de Jean-Philippe Caruette, président du CITEPA (centre interprofessionnel technique et études de la pollution atmosphérique)
Comment considérez-vous les engagements volontaires en matière de réduction de rejets et de certification de management environnemental ? Sont-ils de nature à réduire la pression des inspections réglementaires en créant un climat de confiance ?
Réponse : Les engagements volontaires et la mise en place de systèmes de management environnemental par les entreprises sont un élément essentiel d'une meilleure préservation de l'environnement, au-delà même de la seule sphère industrielle comme en témoigne l'extension actuelle de ces pratiques aux services. Cela étant, l'initiative en revient à l'entreprise et ne peut se substituer à la preuve du respect de la réglementation. Les pouvoirs publics n'ont pas à s'y immiscer ni à rendre prescriptifs des objectifs que l'entreprise se fixe en interne. Ce sont davantage les exigences des fournisseurs, ou les avantages tirés en termes d'image auprès du public ou d'économies, qui devraient en être les moteurs. Il appartient à l'inspection des installations classées de veiller à cette stricte séparation des concepts, même si, bien entendu, l'existence d'un système de management environnemental apporte une certaine garantie quant à la fiabilité de l'organisation de l'industriel. Il peut alors être profitable d'en tenir compte dans la relation globale avec l'industriel, par exemple dans la mise en place de son
" autosurveillance ", de même que l'on tiendrait compte de toute action entreprise en faveur de l'environnement ou tout autre facteur notable.
Chimie environnement
Question de René Deleuze, directeur général adjoint de Elf Atochem
L'industrie chimique s'est engagée dans la démarche d'Engagement de Progrès, partie du Responsible Care au niveau européen. Pouvez-vous nous faire part de votre opinion générale sur cet engagement et plus précisément sur les objectifs à atteindre et les moyens mis en uvre ?
Réponse : J'apprécie beaucoup la démarche d'Engagement de Progrès lancée par l'industrie chimique et je sais gré à l'Union des Industries Chimiques de tenir la DPPR informée régulièrement de son évolution. Il est clair que les actions concrètes qu'elle impliquera ne peuvent qu'aller dans un sens souhaitable : j'en veux pour exemple marquant l'évaluation des risques que font peser les produits chimiques sur l'environnement, l'homme comme les écosystèmes. Vous savez à quel point cette préoccupation est aujourd'hui passée au premier plan et notamment quelle situation d'insuffisance le rapport Aschiéri/Grzegrzulka a révélée : il est essentiel que l'industrie chimique, à travers l'Engagement de Progrès, l'INERIS et mes services, travaillent de façon constructive à mettre en place un système satisfaisant en vue de cette évaluation. Je souhaiterais également voir renforcées les velléités et les réalisations de l'industrie chimique en matière de management environnemental. Ce défi important dans cette industrie complexe doit être relevé jusqu'à atteindre l'enregistrement Ecoaudit ou la certification ISO 14000.
Transports alternatifs des marchandises
Question de Philippe JAMET, directeur de l'ISIGE (Institut d'Ingénierie et de Gestion de l'Environnement)
Le transport par camion sur de très longues distances présente des dangers importants et leur impact sur l'environnement est loin d'être négligeable. Envisagez-vous d'engager une concertation avec vos collègues du gouvernement afin d'évaluer et de mettre en place d'autres moyens de transport (comme le rail) pour les trajets longue distance ?
Réponse : Le mauvais bilan de l'insécurité routière en 1998 et le tragique accident du Tunnel du Mt Blanc ont souligné les dangers du développement du transport routier de marchandises. Sans attendre ces douloureux rappels, j'avais arrêté avec Jean-Claude GAYSSOT d'autres orientations: relance au sommet de Chambéry, des études de projet Lyon-Turin en insistant sur sa dimension fret, et sans attendre des mesures permettant à court terme d'augmenter les capacités et la qualité de service sur la ligne de Modame ; décision en février 1998 d'augmentation de l'effort de l'Etat en faveur du développement des infrastructures ferroviaires et de rééquilibrage de ces actions en faveur du réseau classique y compris au bénéfice du fret et du combiné (sortie de la politique du ....). Ces orientations se traduisent par la décision d'au moins doubler les enveloppes consacrées au ferroviaire dans les CPER ; en cohérence avec les orientations du projet de LOADDT, envoi aux préfets en août 1998 d'un document de cadrage pour l'élaboration des schémas de services de transports dont l'une des deux grandes priorités sont : " les actions permettant de développer le trafic ferroviaire fret, et notamment les conditions de constitution et de fonctionnement d'un réseau ferroviaire à priorité fret, en synergie avec les ports nationaux ". Les impulsions sont clairement données depuis 18 mois. Peu de décisions ont encore pu être prises, ce qui justifie votre inquiétude. Je souhaite que les négociations des CPER comme l'élaboration des schémas de service collectif fassent rapidement avancer ce dossier.
Vallée d'Aspe / tunnel du Somport
Question de Bruno REBELLE, Directeur général de GREENPEACE
On a pu lire récemment dans la presse que le tunnel du Somport serait ouvert à la circulation dès 2000. Où en est ce projet aujourd'hui ? On parle de dépassements budgétaires importants, de désintérêt des transporteurs pour cet itinéraire plus court en km mais plus long en temps (du fait des fortes pentes). Au moment où l'opposition au projet autoroutier en Vallée d'Aspe se consolide, seriez-vous en mesure de marquer l'histoire pyrénéenne en sauvant la vallée d'Aspe ?
Réponse : Le percement du tunnel est achevé, c'est un fait. Avant sa mise en service il faudra vérifier qu'il présente toutes les garanties en matière de sécurité. Il ne saurait échapper à l'audit souhaité par le Gouvernement. L'année dernière, conjointement avec Jean-Claude GAYSSOT, j'ai demandé une mission d'inspection pour vérifier les conditions dans lesquelles sont étudiés et réalisés les travaux sur la RN 134 en Vallée d'Aspe, au regard notamment du cahier des charges de 1994. Ce rapport vient just e de lui être rendu.
Par ailleurs, j'ai décidé, là encore en accord avec Jean-Claude GAYSSOT, de faire effectuer sur les relations transpyrénéennes une étude comme celle faite par Christian BROSSIER sur les Alpes, afin d'éclairer globalement de l'atlantique à la Méditerranée et sous un angle multimodale cette question. Cette réflexion permettra de replacer les questions de la RN 134 et du Pau-Canfranc dans un cadre général assurant la pertinence des décisions qui seront prises.
Recherche environnement
Question de : Philippe SAINT MARC, Secrétaire Général de la SIRES (Société internationale de la recherche pour l'environnement et la Santé)
Quelles actions comptez-vous mener pour développer la recherche sur le créneau essentiel
" relations entre l'environnement et la santé " ?
Réponse : Les crédits alloués au ministère chargé de l'environnement pour la recherche relèvent du budget civil de la recherche et du développement (BCRD). Ils représentaient, cette année, 80,7 MF (fonctionnement + investissement) contre 75,5 MF en 1998, soit une hausse de 6,9 %( 66 MF en investissement, en AP, contre 70 MF en 1998, soit -5,7 %). Notre objectif est de stimuler et fédérer la recherche en environnement pour faire évoluer l'état des connaissances permettant de construire les bases objectives du principe de précaution. Le ministère est également impliqué dans les grands programmes fédérateurs interministériels, tel le PREDIT (Programme de recherche, de développement et d'innovation dans les transports terrestres). En 1999, les priorités seront les champs ''environnement-santé'' et ''maîtrise des risques'' et le renforcement de l'INERIS en tant que pôle d'expertise en écotoxicologie, qualité de l'air et risques. Je pourrais en outre mentionner les travaux de l'IPSN, qui a par exemple mené une étude épidémiologique sur le cancer dans le Cotentin, ou de l'ADEME qui est fortement impliquée dans le programme PREDIT, dans la recherche sur les technologies propres et le dispositif de surveillance de la qualité de l'air. Enfin l'IFEN, qui n'est certes pas un organisme de recherche, mène des missions d'observation de l'environnement dont certaines, comme par exemple la pollution par les phytosanitaires, viennent en appui des programmes de recherche.
Le thème " santé-environnement est une priorité de la recherche du ministère de l'environnement dès 1995 : 15 MF au titre du BCRD 1999 ont été inscrits sur deux programmes de recherche : "environnement et santé" et PRIMEQUAL (recherche sur les impacts de la qualité de l'air). Le même montant avait été inscrit en 97 et 98.
oLe programme de recherche "environnement et santé" a été lancé en 1995 pour une durée de cinq ans, avec des appels à proposition de recherche annuels depuis 1996. Il aborde trois thèmes prioritaires : l'eau, la contamination des sols et des aliments, l'habitat. Son objectif est de mieux fonder les politiques de prévention des risques pour la santé liés aux perturbations de l'environnement.
o Le programme PRIMEQUAL est cofinancé depuis 1995 essentiellement par l'ADEME ; il concerne la pollution de l'air, des émissions aux impacts sur la santé (études épidémiologiques et toxicologiques).
o Cette préoccupation s'est aussi traduite par un développement des travaux du CPP qui a été créé en 1996 et qui est présidé par le professeur Alain Grimfeld. En trois ans, le CPP a abordé des thèmes très divers : les particules fines dans l'atmosphère, le radon, les dioxines, les risques liés à l'exposition aux éthers de glycol ou à la dissémination des OGM, les nitrates, les étude des leucémies dans le Nord-Cotentin, ou encore les applications du principe de précaution. Les moyens de fonctionnement du Comité sero nt de 0,5 MF en 1999.
2)
OGM
Questions de : Bruno Rebelle, Directeur Général de Greenpeace et Philippe Jamet, Directeur de l'ISIGE
On assiste actuellement, dans toute l'Europe, à une montée en puissance des positions de prudence qui préconisent un moratoire global sur l'utilisation des OGM en agriculture et en alimentation. La France pourra-t-elle rester longtemps dans la position ambiguë qui la caractérise aujourd'hui ? Là aussi, ne serait-il pas préférable d'admettre que l'on a pu se tromper et qu'il est plus raisonnable de donner effectivement la priorité à l'agriculture biologique qui en terme de développement durable semble bien plus prometteuse ?
Réponse : J'ai défendu au sein du gouvernement l'application du principe de précaution sur cette question de l'utilisation des OGM dans l'agriculture et l'alimentation. Et, sur plusieurs points, j'ai été entendue :
o un débat public a été mené avec la première " conférence de citoyens ";
o un moratoire sur les espèces disséminantes (colza, betterave), celles qui posent le plus de problèmes en matière environnementale, a été décidé ;
o un dispositif du biovigilance, piloté par un comité ouvert aux associations, a été mis en
place ;
o l'affirmation de la nécessité de la traçabilité pour une bonne information des consommateurs, thème sur lequel une mission vient d'ailleurs d'être confiée par le Premier ministre à Marylise Lebranchu ;
otransparence de la prise de décision par une réforme de la CGB
oamélioration de l'information sur la localisation des parcelles d'essai...
En outre, la France a joué un rôle moteur à Carthagène pour favoriser un rapprochement entre l'UE et les PVD dans le cadre des négociations sur le projet de protocole biosécurité et empêcher que des concessions inacceptables soient faites aux Etats-Unis et à leurs alliés. Des pays ont manifesté leurs craintes : le Luxembourg et l'Autriche mais aussi la Grande Bretagne. La France est dans le camp des pays qui ont adopté une position de prudence, même si le Premier ministre n'a pas jugé opportun d'aller jusqu'à un moratoire général compte tenu en particulier de la faiblesse des risques environnementaux pour le maïs. Les agriculteurs eux-mêmes semblent réservés puisque le surfaces consacrées aux OGM sont moins importantes que prévu.
CPER /développement durable
Question de : Philippe MARZOLF, Directeur de l'OREE
Quelles sont les préconisations en matière de développement durable pour la mise en place des futurs CPER, en particulier dans les domaines de l'accompagnement des PME-PMI dans leur gestion environnementale, et de l'aménagement des zones d'activités ?
Réponse : Le Gouvernement a placé le développement durable avec l'emploi et l'organisation territoriale parmi les trois priorités de la stratégie de l'Etat en Région, validée par le CIADT du 15 décembre 1998. Le développement durable ouvre de nouvelles perspectives dans le champ de l'environnement, de l'agriculture, de la forêt et de la pêche, dans le domaine des infrastructures et des transports, dans le champ social. Les concertations qui ont lieu en ce moment avec les Régions et les acteurs locaux permettront de définir des programmes dans ces différents domaines et de préparer les mandats de négociation qui seront adressés aux Préfets avant l'été. Le CIADT du 15 décembre a également décidé que puissent être contractualisés des instruments spécifiques et participatifs permettant d'intégrer l'environnement au sein du développement économique et social : observation, évaluation et veille, médiation et formation, expérimentation, ingénierie et conseil... Nous travaillons, notamment la DATAR, avec les Préfets, le SGAR et les DIREN pour sensibiliser les porteurs de programmes nationaux et européens de développement régional et local à intégrer cette préoccupation. En ce qui concerne les PME-PMI, la DATAR a récemment diffusé une étude sur les relations à renforcer entre la qualité de la production industrielle et des produits et la qualité des territoires. Cette étude propose de développer collectivement le management environnemental et de mettre en uvre des technologies propres dans les entreprises; elle propose aussi de travailler sur la qualité des zones d'activités : une zone industrielle française (Landacres dans le Pas-de-Calais) vient d'ailleurs d'être certifiée ISO 14001. Ces propositions, et bien d'autres, peuvent faire l'objet d'accords contractuels, si l'ensemble des partenaires sont d'accord.
Aide internationale
Question de Jacques Brégeon, collège des hautes études de l'environnement
Si la France a largement contribué au développement de l'Afrique, les besoins de ce continent restent considérables notamment en termes de gestion environnementale. Une action plus coordonnée des entreprises privées et des institutions françaises, s'inscrivant dans une logique de développement durable, permettrait peut-être de repositionner notre pays. Avez-vous développé une réflexion particulière sur ce thème ?
Réponse : L'action internationale du MATE en Afrique s'inscrit traditionnellement dans la politique de coopération française conduite par le Ministère des affaires étrangères/Coopération, notamment à travers le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Mon objectif est d'uvrer à l'intégration des impératifs du développement durable dans l'ensemble de la politique de coopération. Les pays de l'Afrique sub-saharienne figurent parmi les priorités géographiques de l'action internationale de mon ministère. À Dakar, lors de la deuxième conférence des parties de la convention sur la lutte contre la désertification, en décembre 1998, j'ai exprimé le souci de mon ministère d'être plus présent dans les pays africains. Les axes structurants de l'intervention du MATE sont ceux des grandes conventions environnementales, et plus particulièrement les conventions relatives à la lutte contre la désertification, la réduction des gaz à effet de serre et la préservation de la biodiversité. Cependant, le MATE s'intéresse aussi à l'environnement urbain (alimentation en eau potable, déchets, assainissement, maîtrise de l'énergie), où il s'attache à encourager les synergies entre le secteur public (collectivités locales) et le secteur privé. Nos activités en Afrique s'inscrivent dans le cadre d'une approche intégrée. En effet, il s'agit, parallèlement aux actions de coopération intergouvernementale, de mobiliser la société civile, d'associer les partenaires du secteur privé et de soutenir la dynamique de la coopération décentralisée.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 avril 1999 )
Je vous remercie de votre invitation car elle me donne l'occasion, un an après notre première rencontre, de venir débattre avec vous. Ces moments et ces lieux d'échanges sont précieux : ils me donnent l'occasion non seulement de préciser tel ou tel aspect des politiques publiques que nous mettons en uvre ; ils me permettent aussi de vous écouter, de prendre la mesure des attentes et des questionnements qui sont les vôtres.
C'est pourquoi, cette année, je ne vous imposerai pas de long discours sur l'action de mon ministère. En accord avec François Gourdon, qui préside aux destinées du Comité 21, nous avons décidé de vous apporter des réponses précises sur les sujets qui vous tiennent à cur. Aussi, si vous en êtes d'accord, je vais passer en revue ces questions que vous nous avez adressées. À en juger par l'étendue des thèmes que vous nous avez envoyés, vos préoccupation sont très diverses même si, pour la plupart, elles sont rattachées au monde l'entreprise. Vous ne vous étonnerez donc pas que nous passions un peu du coq-à-l'âne. Mais si d'aventure nous n'avions pas pu répondre à tous, soyez certains que nous le ferons par écrit. Ce forum de questions/réponses que vous avez mis en place pour la préparation de cette rencontre a été fécond : il mériterait, me semble-t-il, d'être pérennisé.
Monsieur le président...
Formation à l'environnement
Question de : Dominique MEIGNAN, Directeur de la Maison de l'Environnement d'Angers
L'éducation, la sensibilisation, l'information et la formation à l'environnement pour tous publics s'impose aujourd'hui comme un élément indispensable des politiques environnementales des collectivités territoriales. Des structures sont créées sous l'appellation " Maison de la Nature ", " Maisons de l'Environnement ". En France, il en existe aujourd'hui une quarantaine fonctionnant à l'année avec des salariés permanents. Quelle analyse faites-vous de ces initiatives ? Ne serait-il pas opportun de créer une dynamique ministère collectivité autour de ces structures ?
Réponse : L'éducation et la formation à l'environnement sont effectivement indispensables, et le partenariat étroit qui existe entre des structures associatives telles que les " Maisons de la nature " ou les " Maisons de l'environnement " et les collectivités territoriales sont un facteur clef d'efficacité en ce domaine.
Le ministère, s'il n'intervient pas de façon systématique dans la mise en place de ce partenariat, est toujours impliqué par le biais de ses services déconcentrés, qui apportent divers types de soutien - financier mais aussi conceptuel - à ces associations et à d'autres du même type comme les CPIE (Centres permanents d'information à l'environnement). La souplesse du système actuel ne me paraît pas rendre utile une collaboration formalisée entre ministère et collectivités sur ce thème, en tous cas pas au niveau central.
Par contre, dans le cadre du programme des emplois jeunes, les collectivités recrutent des jeunes, souvent formés par ces mêmes structures associatives, qui permettent de faire évoluer la fonction publique territoriale mais entrent parfois en concurrence avec ces associations. C'est une question qui est actuellement examinée par mes services, en liaison avec le Centre national de la fonction publique territoriale et le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Formation des élus au développement durable
Question de Michel MOMBRUN
Que comptez-vous faire au niveau de la formation pour accoutumer les élus et les agents territoriaux aux bonnes pratiques du développement durable ?
Réponse : Les collectivités locales constituent un facteur clé pour le succès de l'approche en terme de développement durable. En effet, le pilier relatif à l'équité sociale est mis en oeuvre de manière très pertinente par les communes et les départements. Le pilier du développement économique correspond très largement a la volonté des élus locaux de s'impliquer en matière de développement local. Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'importance des enjeux en matière d'environnement pour les collectivités locales.
Les chartes d'environnement comme les Agenda 21 constituent une politique bien établie dans mon ministère. La démarche que vient d'entreprendre le département de la Haute-Saône mérite d'être suivie. Elles ont constitué la première démarche pour encourager les bonnes pratiques. Il me semble également nécessaire d'encourager une réflexion en profondeur au sein des réseaux que constituent les collectivités locales.
C'est, bien entendu, une des responsabilités du comité 21. C'est également la vocation de la CFDD. Je viens de proposer au Premier ministre la désignation de son nouveau président, cette personnalité de premier plan saura, j'en suis sûre, continuer les travaux déjà entrepris et les développer pour susciter, au sein des associations nationales d'élus, une prise de conscience. Je souhaite également que mon ministère s'implique plus largement dans les études économiques et l'évaluation environnementale que j'envisage de développer au sein de l'administration centrale à partir de l'an 2000.
Emplois jeunes
Question de Jacques Brégeon, collège des hautes études de l'environnement
A moins de politiques volontaristes, il semble que les préoccupations environnementales ne génèrent pas spontanément des emplois. Peut-on continuer à laisser des étudiants s'engager dans des formations bac + 5 sans certitude de débouché ?
Réponse : Vous posez deux questions : la formation et les emplois jeunes. Concernant la formation, force est de reconnaître l'inadéquation entre les cursus proposés et le marché du travail. Les formations se focalisent sur les questions de nature alors que les emplois se développent dans le champ des pollutions et de l'industrie. Les élus comme les dirigeants d'universités portent leur part de responsabilité. Les entreprises aussi : il est en effet regrettable qu'elles préfèrent systématiquement former leurs agents à l'environnement plutôt que d'avoir recours à des professionnels du secteur. Mais je suis optimiste : les emplois jeunes environnement, parce qu'ils auront fait émerger des besoins non satisfaits dans ce domaine, permettront, en partie, l' éclosion de ce marché du travail. Concernant ces emplois jeunes, un dispositif a été mis en place au ministère dès la fin de l'année 97. 18 accords cadre ont été signés à ce jour avec les grands réseaux intervenant dans ce domaine; un guide opérationnel " aménagement du territoire et environnement " destiné à aider les porteurs de projets a été publié en 10 000 exemplaires ; des groupes de travail ont été mis en place (nature, déchets, eau, bientôt énergie). Un suivi est effectué, une évaluation est en cours. Le ministère a réuni le 18 mars dernier sa cellule nationale de suivi, ce qui a permis de constater que bien qu'il s'agisse de petits projets, concernant 1 ou 2 salariés le plus souvent, à ce jour plus de 10 000 jeunes ont été embauchés, ce qui nous place au 2ème rang juste après le secteur famille/santé/solidarité ; les recrutement continuent au rythme d'environ 800 par mois. Par ailleurs, plus de 60 % sont dans des collectivités territoriales. Répartition des postes : 60 % conseiller et animateur environnement développement local ; 30 % agent d'entretien des espaces naturels ; 8 % agent de traitement des pollutions
Un corps de fonctionnaire de l'environnement
Question de : Philippe Jamet, Directeur de l'ISIGE (Institut Supérieur d'Ingénierie et de Gestion de l'Environnement)
Qu'en est-il de la création d'un corps de fonctionnaires spécifiques au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, en particulier, en termes d'inspection des installations classées ?
Réponse : Les personnels non titulaires de l'office national de la chasse et du conseil supérieur de la pêche occupent des emplois permanents de l'Etat et exercent pour la plus grande partie des missions régaliennes notamment de police. C'est pourquoi je souhaite que ces emplois soient pourvus par des fonctionnaires conformément à la lettre et à l'esprit du statut général de la fonction publique. Cette fonctionnarisation pourrait également concerner les futurs agents des services d'hydrométrie et d'annonce de crues dans les directions régionales de l'environnement. Les agents actuels sont en effet proches de la retraite et on ne recrute plus parmi les fonctionnaires des personnes ayant ce type de compétences). Au delà, il faudra se poser la question des agents travaillant dans les parcs ou les réserves naturelles.
Le Premier ministre a donné son accord en octobre 1998 pour que ce dossier soit étudié. Un travail a donc été réalisé en collaboration étroite avec l'ensemble des ministères impliqués, en particulier, le ministère de la fonction publique et le secrétariat d'Etat au budget : il s'agit de proposer la création de deux corps, l'un de catégorie B, l'autre de catégorie C, à partir de corps existants de fonctionnaires des parcs nationaux. Plus de 2000 personnes sont concernées. Mais ce dossier ne concerne pas les inspecteurs des installations classées, qu'elles soient industrielles ou agricoles. En effet, ces agents sont déjà fonctionnaires, principalement des corps gérés par les ministères de l'agriculture et de l'industrie et travaillant au sein des DSV et des DRIRE. Il ne faut cependant pas exclure la possibilité pour un technicien des futurs corps d'intégrer, s'il en a les compétences, l'inspection des installations classées.
Des états généraux sur l'avenir de l'énergie
Question de : Serge ORRU, Président du festival du Vent
A quand des états généraux sur l'avenir de l'énergie en France et en Europe ?
Réponse : Bonne idée, surtout pour l'élargissement à l'Europe. Le point de départ du débat et de l'organisation de ces états généraux doit être le travail actuellement en cours dans les régions pour l'élaboration du schéma des services collectifs de l'énergie : partir des besoins, évaluer les potentiels, élaborer des programmes d'utilisation rationnelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. L'objectif de ces schémas est clair. Il s'agit de mener simultanément des actions en faveur du développement économique local, de la création d'activités et d'emplois, et de protection de l'environnement local et global. C'est l'amorce du développement durable. Il faudrait travailler sur votre idée. Mais on peut d'ores et déjà imaginer faire une proposition à la nouvelle Commission européenne pour organiser ces états généraux à l'échelle de toute l'Europe (Union européenne et pays candidats à l'adhésion). Il s'agirait de mettre en place des forums et des table-rondes sur ce sujet en privilégiant simultanément des débats internationaux et décentralisés, et cela dès le début de l'opération. Votre idée est séduisante. Le travail mené par la Commission nationale du débat public sur la ligne THT Boutre/Carros a montré comment, lorsque l' on joue le jeu de la concertation et de la transparence, des solutions nouvelles peuvent émerger qui sont moins coûteuses pour le contribuable et moins dommageables pour l'environnement.
Changements climatiques / Fonds carbone
Question de Laurent Ségalène, de PriceWaterCoopers
Lors de la Conférence des Parties, un des mécanismes de flexibilité annoncé a été le mécanisme pour le développement propre avec les pays non annexe I. Depuis de nombreuses initiatives ont été lancées. Comment la France compte-t-elle s'associer à la création du futur Fonds Prototype Carbone annoncé par la Banque Mondiale ?
Réponse : Des initiatives ont été prises à la suite de l'adoption du protocole de Kyoto, pour la mise en uvre des dispositions du protocole, notamment celles ayant trait aux mécanismes de flexibilité (terme qu'il faudrait bannir de notre langage). Et la Banque Mondiale s'est engagée de manière approfondie vers la création d'un fonds prototype, dit " Fonds Carbone ", destiné à promouvoir des échanges bilatéraux de valeurs carbone. Ce fonds serait basé sur des projets, et aurait donc un rapport étroit avec le mécanisme pour le développement propre. La Banque servirait d'intermédiaire, de gestionnaire du fonds en assurant transparence, équité et moralisation du marché. Cinq gouvernements et plusieurs investisseurs privés ont déjà fait part de leur intérêt et se sont pré-engagés à hauteur de 100 millions de dollars. Le mécanisme proposé par la Banque a des qualités : il évite les difficultés propres aux mécanismes de flexibilité du protocole, mais il procède d'une approche très libérale, sans vision à long terme, ni considérations environnementales directes. Par ailleurs, compte tenu du stade d'avancement des négociations sur les crédits d'émission, le fonds n'est clairement qu'un outil expérimental, qui peut servir de laboratoire d'essai pour les questions de mise en uvre opérationnelle. Les règles de fonctionnement des mécanismes de Kyoto ne sont en effet pas encore entièrement déterminées, l'échéance fixée lors de la réunion de Buenos Aires étant COP 6, c'est à dire au deuxième semestre 2000. Dans ces conditions, la France ne souhaite pas, comme la plupart des pays de l'Union Européenne, participer directement à ce fonds. Et elle veillera, en tant qu'actionnaire de la Banque Mondiale, à ce que celle-ci ne s'expose pas de manière excessive sur ce fonds.
Changements climatiques / le rôle des acteurs
Question de Marc Darras, de Gaz de France :
Globalement, au regard des impacts sur l'environnement au sens large, on peut distinguer deux catégories d'émetteurs : les entreprises, dans la production des biens, et les consommateurs, par les usages de ces biens. Sur le thème du changement climatique, quelle part des efforts peut être demandée aux consommateurs ? Et, en conséquence, quelles sont les politiques et mesures que vous comptez mettre en oeuvre pour les y inciter ?
Réponse : Il me semble que vous oubliez un acteur de poids : les pouvoirs publics et les collectivités locales. qui peuvent largement contribuer, notamment par leur politique d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de transport, à la maîtrise de l'énergie et à la lutte contre l'effet de serre. Nous sommes en train d'élaborer un nouveau programme de lutte contre l'effet de serre. A l'issue de cette exercice de réflexion et de concertation, je pourrai répondre plus précisément à cette question. Quelques pistes néanmoins :
o les citoyens - je préfère ce mot à celui de " consommateur "-, ont un rôle à jouer dans la lutte contre l'effet de serre. Une grande partie des émissions polluantes provient en effet des déplacements automobiles et du chauffage. Il faut donc les sensibiliser : conduite économe ou, mieux, pratique des transports en commun, réglage du chauffage, achat d'ampoules électriques basse consommation... La modification de la fiscalité peut les aider. C'est pourquoi nous avons changé le mode de calcul de la puissance administrative pour que le prix de la vignette soit fonction des émissions de gaz carbonique des véhicules. La taxation sur le gazole a par ailleurs été augmentée et une partie des recettes fiscales sert à financer les politiques environnementales des pouvoirs publics
o Ces mêmes outils peuvent être utilisés pour inciter les industriels à agir : la sensibilisation peut déboucher sur des engagements volontaires, comme dans le cas des constructeurs automobiles européens ; la fiscalité, comme d'autres instruments économiques, est un bon outil pour peu que l'on n'oublie pas les problèmes de concurrence internationale ; la réglementation et le soutien aux investissements (aides ADEME) ne sont pas à négliger.
TGAP / Déchets
Question de Antoine COSTANTINO, Procter Gamble
La taxe sur la mise en décharge initialement perçue par l'Ademe pour le compte du FMGD a été transformée en TGAP. Pouvez-nous dire si, à partir de la TGAP, la subvention reversée à l'ADEME sera équivalente à la taxe initialement perçue sur la mise en décharge ?
Réponse : Le principe retenu est celui d'une globalisation des recettes. Aussi l'ADEME recevra pour chacune de ses missions une subvention globale. Ce qui importe, c'est que la conjugaison de la TGAP, de la baisse de la TVA et des décisions de financement que l'ADEME prendra en comités et en conseil d'administration, se traduise, car tel en est bien l'objectif, par un encouragement du tri sélectif et de la valorisation des déchets. Par ailleurs l'Ademe pour mener l'ensemble de ses missions, dont la politique de relance de l'énergie, a reçu en 99 une dotation supplémentaire de 500 MF et de recrutements supplémentaires.
Les élus ont un peu tendance à dire : " I want my money back " sous prétexte que la taxe de mise en décharge a été augmentée. Mais ils oublient que la baisse du taux de TVA représente pour eux un gain d'1 milliard en année pleine.
Ce qu'il faut savoir, c'est que le FMGD constituait, jusqu'à l'année dernière, un matelas confortable parce que les collectivités locales s'étaient encore peu mobilisées. La perspective des élections municipales comme les plans départementaux de gestion des déchets ménagers ont donné un coup de fouet à ce secteur et mis provisoirement en difficulté la trésorerie de l'Ademe.
Mais je suis sereine pour l'avenir : les investissements réalisés par les collectivités locales dans le secteur de l'environnement sont essentiels ; les élus y sont naturellement attachés. Aucune inflexion budgétaire ne pourrait justifier que le partage des responsabilités entre l'Etat et les collectivités soit mis en cause et que l'Etat ne respecte pas ses engagements. C'est pourquoi la TGAP restera un instrument privilégié des politiques publiques : elle sera progressivement étendue au domaine de l'eau et pourra accueillir la future écotaxe européenne.
Ecolabel et taux de TVA
Question de Rémy Souchon, 3 Suisses
Dans le cadre de la fiscalité écologique du Gouvernement, je souhaiterais savoir si vous seriez favorable à élargir aux produits conformes aux écolabels officiels la liste de produits et services éligibles à une TVA réduite comme le permettrait la récente proposition de directive de Mario Monti concernant les services de proximité riches en emplois ?
Réponse : L'Etat doit être en mesure de donner des signaux clairs aux acteurs économiques. Les mesures fiscales peuvent faire partie de ces signaux. Je suis donc tout à fait favorable à un taux réduit de TVA pour les produits écolabellisés. Ceux-ci ont en effet un moindre impact sur l'environnement, ce qui évite des dommages auxquels sont souvent associés des coûts pour la collectivité. Cependant, vous n'ignorez pas qu'il existe, en France comme au niveau européen, une doctrine en matière de TVA, selon laquelle tous les produits remplissant la même fonction doivent être traités à égalité. Une évolution est aujourd'hui nécessaire, mais cela demandera vraisemblablement du temps et des efforts répétés.
Il s'agit là d'un chantier à creuser, tant auprès de la Commission de Bruxelles que du ministère de l'économie et des finances. D'ores et déjà, côté français, la réforme du Code des marchés publics permettra à l'avenir de mieux prendre en compte la protection de l'environnement et l'emploi. Le verdissement de l'administration ne sera plus un vain mot mais bien un signal clair tant vis-à-vis du marché que des citoyens.
Statut des déchets de recyclage
Question de Noël MANGIN, REVIPAP
Les opérations de recyclage produisent elles-mêmes des déchets qui sont traités comme des DIB, ne bénéficient donc d'aucune priorité d'accès aux décharges et supportent la même taxe de mise en décharge. Ne faudrait-il pas les traiter de façon différente de façon à encourager les activité de recyclage ?
Réponse : Le ministère met en place une politique de gestion des déchets incitant clairement à la valorisation et au recyclage. La mesure fiscale d'application du taux réduit de TVA aux opérations de collecte sélective et de tri est notamment destinée à favoriser la filière du recyclage. De même, la création de la TGAP réoriente la politique fiscale en matière de déchets afin d'encourager le tri sélectif et de réduire les avantages de prix de la mise en décharge. Mais l'exonération des déchets ultimes ou des déchets du recyclage semble difficile à mettre en oeuvre. En effet, la définition du déchet ultime donnée par la loi du 13 juillet 1992 laisse une place à l'interprétation créant un risque important de contentieux. De plus, une telle proposition d'exonération risquerait de conduire à ne plus appliquer la TGAP aux centres de stockage après le 1er juillet 2002, quelle que soit la nature des déchets admis, ou à gérer un nombre important de litiges. La TGAP est majorée lorsque les déchets présentés proviennent d'une zone extérieure au périmètre du plan d'élimination des déchets. Il n'est pas question de remettre en cause cette mesure. En revanche, si les besoins et les flux sont bien établis, cela ne devrait pas pénaliser les déchets du recyclage. Il faut donc que le travail d'élaboration du plan soit mené avec une rigueur et une concertation suffisantes pour ne pas oublier de prendre en compte certains déchets de départements voisins.
Management environnemental inspection
Question de Jean-Philippe Caruette, président du CITEPA (centre interprofessionnel technique et études de la pollution atmosphérique)
Comment considérez-vous les engagements volontaires en matière de réduction de rejets et de certification de management environnemental ? Sont-ils de nature à réduire la pression des inspections réglementaires en créant un climat de confiance ?
Réponse : Les engagements volontaires et la mise en place de systèmes de management environnemental par les entreprises sont un élément essentiel d'une meilleure préservation de l'environnement, au-delà même de la seule sphère industrielle comme en témoigne l'extension actuelle de ces pratiques aux services. Cela étant, l'initiative en revient à l'entreprise et ne peut se substituer à la preuve du respect de la réglementation. Les pouvoirs publics n'ont pas à s'y immiscer ni à rendre prescriptifs des objectifs que l'entreprise se fixe en interne. Ce sont davantage les exigences des fournisseurs, ou les avantages tirés en termes d'image auprès du public ou d'économies, qui devraient en être les moteurs. Il appartient à l'inspection des installations classées de veiller à cette stricte séparation des concepts, même si, bien entendu, l'existence d'un système de management environnemental apporte une certaine garantie quant à la fiabilité de l'organisation de l'industriel. Il peut alors être profitable d'en tenir compte dans la relation globale avec l'industriel, par exemple dans la mise en place de son
" autosurveillance ", de même que l'on tiendrait compte de toute action entreprise en faveur de l'environnement ou tout autre facteur notable.
Chimie environnement
Question de René Deleuze, directeur général adjoint de Elf Atochem
L'industrie chimique s'est engagée dans la démarche d'Engagement de Progrès, partie du Responsible Care au niveau européen. Pouvez-vous nous faire part de votre opinion générale sur cet engagement et plus précisément sur les objectifs à atteindre et les moyens mis en uvre ?
Réponse : J'apprécie beaucoup la démarche d'Engagement de Progrès lancée par l'industrie chimique et je sais gré à l'Union des Industries Chimiques de tenir la DPPR informée régulièrement de son évolution. Il est clair que les actions concrètes qu'elle impliquera ne peuvent qu'aller dans un sens souhaitable : j'en veux pour exemple marquant l'évaluation des risques que font peser les produits chimiques sur l'environnement, l'homme comme les écosystèmes. Vous savez à quel point cette préoccupation est aujourd'hui passée au premier plan et notamment quelle situation d'insuffisance le rapport Aschiéri/Grzegrzulka a révélée : il est essentiel que l'industrie chimique, à travers l'Engagement de Progrès, l'INERIS et mes services, travaillent de façon constructive à mettre en place un système satisfaisant en vue de cette évaluation. Je souhaiterais également voir renforcées les velléités et les réalisations de l'industrie chimique en matière de management environnemental. Ce défi important dans cette industrie complexe doit être relevé jusqu'à atteindre l'enregistrement Ecoaudit ou la certification ISO 14000.
Transports alternatifs des marchandises
Question de Philippe JAMET, directeur de l'ISIGE (Institut d'Ingénierie et de Gestion de l'Environnement)
Le transport par camion sur de très longues distances présente des dangers importants et leur impact sur l'environnement est loin d'être négligeable. Envisagez-vous d'engager une concertation avec vos collègues du gouvernement afin d'évaluer et de mettre en place d'autres moyens de transport (comme le rail) pour les trajets longue distance ?
Réponse : Le mauvais bilan de l'insécurité routière en 1998 et le tragique accident du Tunnel du Mt Blanc ont souligné les dangers du développement du transport routier de marchandises. Sans attendre ces douloureux rappels, j'avais arrêté avec Jean-Claude GAYSSOT d'autres orientations: relance au sommet de Chambéry, des études de projet Lyon-Turin en insistant sur sa dimension fret, et sans attendre des mesures permettant à court terme d'augmenter les capacités et la qualité de service sur la ligne de Modame ; décision en février 1998 d'augmentation de l'effort de l'Etat en faveur du développement des infrastructures ferroviaires et de rééquilibrage de ces actions en faveur du réseau classique y compris au bénéfice du fret et du combiné (sortie de la politique du ....). Ces orientations se traduisent par la décision d'au moins doubler les enveloppes consacrées au ferroviaire dans les CPER ; en cohérence avec les orientations du projet de LOADDT, envoi aux préfets en août 1998 d'un document de cadrage pour l'élaboration des schémas de services de transports dont l'une des deux grandes priorités sont : " les actions permettant de développer le trafic ferroviaire fret, et notamment les conditions de constitution et de fonctionnement d'un réseau ferroviaire à priorité fret, en synergie avec les ports nationaux ". Les impulsions sont clairement données depuis 18 mois. Peu de décisions ont encore pu être prises, ce qui justifie votre inquiétude. Je souhaite que les négociations des CPER comme l'élaboration des schémas de service collectif fassent rapidement avancer ce dossier.
Vallée d'Aspe / tunnel du Somport
Question de Bruno REBELLE, Directeur général de GREENPEACE
On a pu lire récemment dans la presse que le tunnel du Somport serait ouvert à la circulation dès 2000. Où en est ce projet aujourd'hui ? On parle de dépassements budgétaires importants, de désintérêt des transporteurs pour cet itinéraire plus court en km mais plus long en temps (du fait des fortes pentes). Au moment où l'opposition au projet autoroutier en Vallée d'Aspe se consolide, seriez-vous en mesure de marquer l'histoire pyrénéenne en sauvant la vallée d'Aspe ?
Réponse : Le percement du tunnel est achevé, c'est un fait. Avant sa mise en service il faudra vérifier qu'il présente toutes les garanties en matière de sécurité. Il ne saurait échapper à l'audit souhaité par le Gouvernement. L'année dernière, conjointement avec Jean-Claude GAYSSOT, j'ai demandé une mission d'inspection pour vérifier les conditions dans lesquelles sont étudiés et réalisés les travaux sur la RN 134 en Vallée d'Aspe, au regard notamment du cahier des charges de 1994. Ce rapport vient just e de lui être rendu.
Par ailleurs, j'ai décidé, là encore en accord avec Jean-Claude GAYSSOT, de faire effectuer sur les relations transpyrénéennes une étude comme celle faite par Christian BROSSIER sur les Alpes, afin d'éclairer globalement de l'atlantique à la Méditerranée et sous un angle multimodale cette question. Cette réflexion permettra de replacer les questions de la RN 134 et du Pau-Canfranc dans un cadre général assurant la pertinence des décisions qui seront prises.
Recherche environnement
Question de : Philippe SAINT MARC, Secrétaire Général de la SIRES (Société internationale de la recherche pour l'environnement et la Santé)
Quelles actions comptez-vous mener pour développer la recherche sur le créneau essentiel
" relations entre l'environnement et la santé " ?
Réponse : Les crédits alloués au ministère chargé de l'environnement pour la recherche relèvent du budget civil de la recherche et du développement (BCRD). Ils représentaient, cette année, 80,7 MF (fonctionnement + investissement) contre 75,5 MF en 1998, soit une hausse de 6,9 %( 66 MF en investissement, en AP, contre 70 MF en 1998, soit -5,7 %). Notre objectif est de stimuler et fédérer la recherche en environnement pour faire évoluer l'état des connaissances permettant de construire les bases objectives du principe de précaution. Le ministère est également impliqué dans les grands programmes fédérateurs interministériels, tel le PREDIT (Programme de recherche, de développement et d'innovation dans les transports terrestres). En 1999, les priorités seront les champs ''environnement-santé'' et ''maîtrise des risques'' et le renforcement de l'INERIS en tant que pôle d'expertise en écotoxicologie, qualité de l'air et risques. Je pourrais en outre mentionner les travaux de l'IPSN, qui a par exemple mené une étude épidémiologique sur le cancer dans le Cotentin, ou de l'ADEME qui est fortement impliquée dans le programme PREDIT, dans la recherche sur les technologies propres et le dispositif de surveillance de la qualité de l'air. Enfin l'IFEN, qui n'est certes pas un organisme de recherche, mène des missions d'observation de l'environnement dont certaines, comme par exemple la pollution par les phytosanitaires, viennent en appui des programmes de recherche.
Le thème " santé-environnement est une priorité de la recherche du ministère de l'environnement dès 1995 : 15 MF au titre du BCRD 1999 ont été inscrits sur deux programmes de recherche : "environnement et santé" et PRIMEQUAL (recherche sur les impacts de la qualité de l'air). Le même montant avait été inscrit en 97 et 98.
oLe programme de recherche "environnement et santé" a été lancé en 1995 pour une durée de cinq ans, avec des appels à proposition de recherche annuels depuis 1996. Il aborde trois thèmes prioritaires : l'eau, la contamination des sols et des aliments, l'habitat. Son objectif est de mieux fonder les politiques de prévention des risques pour la santé liés aux perturbations de l'environnement.
o Le programme PRIMEQUAL est cofinancé depuis 1995 essentiellement par l'ADEME ; il concerne la pollution de l'air, des émissions aux impacts sur la santé (études épidémiologiques et toxicologiques).
o Cette préoccupation s'est aussi traduite par un développement des travaux du CPP qui a été créé en 1996 et qui est présidé par le professeur Alain Grimfeld. En trois ans, le CPP a abordé des thèmes très divers : les particules fines dans l'atmosphère, le radon, les dioxines, les risques liés à l'exposition aux éthers de glycol ou à la dissémination des OGM, les nitrates, les étude des leucémies dans le Nord-Cotentin, ou encore les applications du principe de précaution. Les moyens de fonctionnement du Comité sero nt de 0,5 MF en 1999.
2)
OGM
Questions de : Bruno Rebelle, Directeur Général de Greenpeace et Philippe Jamet, Directeur de l'ISIGE
On assiste actuellement, dans toute l'Europe, à une montée en puissance des positions de prudence qui préconisent un moratoire global sur l'utilisation des OGM en agriculture et en alimentation. La France pourra-t-elle rester longtemps dans la position ambiguë qui la caractérise aujourd'hui ? Là aussi, ne serait-il pas préférable d'admettre que l'on a pu se tromper et qu'il est plus raisonnable de donner effectivement la priorité à l'agriculture biologique qui en terme de développement durable semble bien plus prometteuse ?
Réponse : J'ai défendu au sein du gouvernement l'application du principe de précaution sur cette question de l'utilisation des OGM dans l'agriculture et l'alimentation. Et, sur plusieurs points, j'ai été entendue :
o un débat public a été mené avec la première " conférence de citoyens ";
o un moratoire sur les espèces disséminantes (colza, betterave), celles qui posent le plus de problèmes en matière environnementale, a été décidé ;
o un dispositif du biovigilance, piloté par un comité ouvert aux associations, a été mis en
place ;
o l'affirmation de la nécessité de la traçabilité pour une bonne information des consommateurs, thème sur lequel une mission vient d'ailleurs d'être confiée par le Premier ministre à Marylise Lebranchu ;
otransparence de la prise de décision par une réforme de la CGB
oamélioration de l'information sur la localisation des parcelles d'essai...
En outre, la France a joué un rôle moteur à Carthagène pour favoriser un rapprochement entre l'UE et les PVD dans le cadre des négociations sur le projet de protocole biosécurité et empêcher que des concessions inacceptables soient faites aux Etats-Unis et à leurs alliés. Des pays ont manifesté leurs craintes : le Luxembourg et l'Autriche mais aussi la Grande Bretagne. La France est dans le camp des pays qui ont adopté une position de prudence, même si le Premier ministre n'a pas jugé opportun d'aller jusqu'à un moratoire général compte tenu en particulier de la faiblesse des risques environnementaux pour le maïs. Les agriculteurs eux-mêmes semblent réservés puisque le surfaces consacrées aux OGM sont moins importantes que prévu.
CPER /développement durable
Question de : Philippe MARZOLF, Directeur de l'OREE
Quelles sont les préconisations en matière de développement durable pour la mise en place des futurs CPER, en particulier dans les domaines de l'accompagnement des PME-PMI dans leur gestion environnementale, et de l'aménagement des zones d'activités ?
Réponse : Le Gouvernement a placé le développement durable avec l'emploi et l'organisation territoriale parmi les trois priorités de la stratégie de l'Etat en Région, validée par le CIADT du 15 décembre 1998. Le développement durable ouvre de nouvelles perspectives dans le champ de l'environnement, de l'agriculture, de la forêt et de la pêche, dans le domaine des infrastructures et des transports, dans le champ social. Les concertations qui ont lieu en ce moment avec les Régions et les acteurs locaux permettront de définir des programmes dans ces différents domaines et de préparer les mandats de négociation qui seront adressés aux Préfets avant l'été. Le CIADT du 15 décembre a également décidé que puissent être contractualisés des instruments spécifiques et participatifs permettant d'intégrer l'environnement au sein du développement économique et social : observation, évaluation et veille, médiation et formation, expérimentation, ingénierie et conseil... Nous travaillons, notamment la DATAR, avec les Préfets, le SGAR et les DIREN pour sensibiliser les porteurs de programmes nationaux et européens de développement régional et local à intégrer cette préoccupation. En ce qui concerne les PME-PMI, la DATAR a récemment diffusé une étude sur les relations à renforcer entre la qualité de la production industrielle et des produits et la qualité des territoires. Cette étude propose de développer collectivement le management environnemental et de mettre en uvre des technologies propres dans les entreprises; elle propose aussi de travailler sur la qualité des zones d'activités : une zone industrielle française (Landacres dans le Pas-de-Calais) vient d'ailleurs d'être certifiée ISO 14001. Ces propositions, et bien d'autres, peuvent faire l'objet d'accords contractuels, si l'ensemble des partenaires sont d'accord.
Aide internationale
Question de Jacques Brégeon, collège des hautes études de l'environnement
Si la France a largement contribué au développement de l'Afrique, les besoins de ce continent restent considérables notamment en termes de gestion environnementale. Une action plus coordonnée des entreprises privées et des institutions françaises, s'inscrivant dans une logique de développement durable, permettrait peut-être de repositionner notre pays. Avez-vous développé une réflexion particulière sur ce thème ?
Réponse : L'action internationale du MATE en Afrique s'inscrit traditionnellement dans la politique de coopération française conduite par le Ministère des affaires étrangères/Coopération, notamment à travers le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Mon objectif est d'uvrer à l'intégration des impératifs du développement durable dans l'ensemble de la politique de coopération. Les pays de l'Afrique sub-saharienne figurent parmi les priorités géographiques de l'action internationale de mon ministère. À Dakar, lors de la deuxième conférence des parties de la convention sur la lutte contre la désertification, en décembre 1998, j'ai exprimé le souci de mon ministère d'être plus présent dans les pays africains. Les axes structurants de l'intervention du MATE sont ceux des grandes conventions environnementales, et plus particulièrement les conventions relatives à la lutte contre la désertification, la réduction des gaz à effet de serre et la préservation de la biodiversité. Cependant, le MATE s'intéresse aussi à l'environnement urbain (alimentation en eau potable, déchets, assainissement, maîtrise de l'énergie), où il s'attache à encourager les synergies entre le secteur public (collectivités locales) et le secteur privé. Nos activités en Afrique s'inscrivent dans le cadre d'une approche intégrée. En effet, il s'agit, parallèlement aux actions de coopération intergouvernementale, de mobiliser la société civile, d'associer les partenaires du secteur privé et de soutenir la dynamique de la coopération décentralisée.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 20 avril 1999 )