Déclaration de M. François Lamy, ministre de la ville, sur les contours de la future génération des contrats de ville prévue dans le dispositif du projet de loi sur la politique de la ville, à Paris le 26 juin 2013.

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Circonstance : Clôture des premières rencontres territoriales de la cohésion urbaine, à Paris le 26 juin 2013

Texte intégral

Monsieur le président du CNFPT,
Monsieur le président de Ville et Banlieue,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie tout d'abord de votre accueil aujourd'hui et de votre invitation à venir clôturer vos deux journées de travaux.
J'y suis sensible pour plusieurs raisons : d'une part, parce que ces rencontres sont inédites. Elles traduisent la volonté tout autant que le besoin des professionnels et des agents territoriaux d'échanger sur leur quotidien, sur leur métier et son évolution dans le cadre de la réforme engagée depuis plusieurs mois maintenant.
D'autre part, parce que ces rencontres s'inscrivent pleinement dans la démarche que j'ai initiée en octobre dernier, celle de la concertation large et continue avec l'ensemble des acteurs de la politique de la ville. J'en suis convaincu : la réussite de cette réforme se construira dans cette concertation, dans les échanges de pratiques et d'expériences, dans les débats, pas seulement entre le ministère de la ville et ses partenaires, mais entre chacun des acteurs eux-mêmes, au niveau national comme au niveau local.
Ensuite, parce que vos rencontres sont celles de la cohésion urbaine. Je le répète souvent : mon intitulé exact devrait être ministre de la ville et de la cohésion urbaine. Le projet de loi qui sera d'ailleurs présenté en conseil des ministres courant juillet s'intitule précisément « ville et cohésion urbaine ». Ce que vous poursuivez jour après jour dans vos missions respectives, l'objectif que je poursuis moi-même dans cette réforme de la politique de la ville, c'est bien celui de la cohésion au sein de nos territoires urbains, entre nos villes, entre nos quartiers, entre leurs habitants. C'est en miroir la lutte contre les inégalités territoriales, contre les fractures urbaines, contre les ségrégations sociales qui isolent jour après jour un peu plus certains de nos territoires et surtout certains de nos compatriotes du vivre-ensemble. Cet objectif, c'est l'exigence républicaine que porte le ministère de l'égalité des territoires auquel est rattaché le ministère de la Ville. L'égalité des territoires doit se réaliser entre les villes, quelle qu'elles soient, où qu'elles se trouvent. Elle doit aussi se réaliser à l'intérieur de chacune d'entre elles et créer du lien entre les habitants. C'est l'ambition de cette réforme que de remettre la cohésion au coeur de notre démarche territoriale.
Enfin, je salue l'initiative de ces rencontres, parce que la politique de la ville ne pourra jamais se passer de ceux qui la portent au quotidien dans nos quartiers. La politique de la ville n'existe que parce que des chefs de projets, des agents de développement, des chargés de mission, des directeurs territoriaux, des directeurs généraux adjoints, des généralistes ou des spécialistes…bref, que parce que les collectivités territoriales, leurs services et les professionnels en général s'y investissent pleinement et la font vivre. Vous êtes les artisans de la politique de la ville dans nos quartiers, le lien direct et fondamental avec le terrain, avec les associations, avec les habitants.
La dynamique partenariale, qui est au fondement de la politique de la ville et de la démarche contractuelle, est au coeur de la mise en oeuvre de cette réforme. Les professionnels du développement local, de développement social urbain, de la rénovation urbaine, ont une légitimité pour la porter au même titre que les agences nationales, les administrations centrales ou les élus. Car la politique de la ville ne peut pas uniquement se construire au niveau national. Chacun d'entre vous êtes un maillon indispensable de cette nouvelle étape.
La force de la politique de la ville, c'est donc sa capacité de mobilisation.
La force de la politique de la ville, c'est aussi sa capacité d'adaptation. Là encore, on ne peut pas enfermer cette politique dans la seule logique étatique qui viendrait d'en haut, et s'imposerait uniformément sur l'ensemble du territoire national. Le projet de territoire ne se construit pas depuis Paris. L'Etat national ne doit pas faire pour les territoires, mais avec eux. Le sens de cette réforme, c'est aussi de réaffirmer que s'il peut y avoir un cadre et un objectif national pour la politique de la ville, il y a autant de manières et de chemins d'y parvenir qu'il y a de territoires pour la conduire. La co-construction suggère tout autant de la transversalité, que des démarches descendantes et ascendantes. Et cette réforme doit donc se nourrir de la diversité de vos approches et de vos pratiques de la politique de la ville.
Vous le savez, suite aux préconisations de la concertation nationale « Quartiers, engageons le changement », et aux décisions du comité interministériel des villes du 19 février dernier, le projet de loi qui sera débattu à l'automne au Parlement définit le cadre de la future génération de contrats de ville. Les principes simples et forts de ces contrats nécessitent leur appropriation par tous les acteurs et une adaptation qualitative aux réalités de chacun : mobilisation large des partenaires, renforcement du couple intercommunalité/communes, levée effective du droit commun, articulation des volets urbain et social, participation des habitants, capacité d'observation, de suivi et d'évaluation, ingénierie locale, sécurisation et visibilité accrue pour le tissu associatif…autant d'axes qu'ils nous faut approfondir pour donner toute leur ambition à ces contrats.
Cela passe évidemment par des changements profonds, tant en termes de décloisonnement des pratiques, d'évolution des modes d'intervention, d'organisation et de fonctionnement, que d'innovation dans les approches et les méthodes de travail. Derrière la réforme de la « mécanique » de la politique de la ville – sa géographie prioritaire, son contrat, ses dispositifs -, l'enjeu est bien plus profond et c'est bien la philosophie même de l'action publique qui, dans la démarche partenariale, est réinterrogée dans son ensemble.
Cette ambition collective, nous devons la traduire dans chaque projet de territoire que nous portons. Car il n'y a pas de bon projet de territoire sans ambition pour ce territoire. Et il n'y a pas de vrai projet de territoire sans un diagnostic partagé et une organisation collective et coopérative la mieux à même de le porter. Bien sûr, les élus devront définir la stratégie et impulser cette dynamique. Bien sûr, l'Etat devra se réorganiser pour être un partenaire lisible et un interlocuteur efficace. Mais j'en suis convaincu : il n'y a pas de dimension stratégique sans son pendant opérationnel et technique. Et sans une ingénierie dédiée et outillée, sans une ingénierie reconnue et légitime, sans ce troisième homme - ou cette troisième femme - qu'est au côté de l'élu et de l'Etat, le professionnel, il n'y a pas de mise en oeuvre ni de réussite possibles de la politique de la ville.
C'est pourquoi nous avons posé l'exigence, dans le cadre du CIV, d'équipes-projets mieux intégrées dans cette nouvelle génération de contrat.
Mieux intégrées, tout d'abord du point de vue du portage intercommunal du contrat. Vous le savez, les futurs contrats devront être intercommunaux, dans une articulation étroite et une collaboration renouvelée entre les communes et l'EPCI. La nouvelle étape de la politique de la ville passe par la prise en compte du quartier dans son agglomération, et de l'habitant dans sa globalité et sa mobilité. Pour désenclaver physiquement et mentalement ces quartiers, nous devons élever le projet, le redimensionner à une échelle cohérente, stratégique et donc pertinente. La mutualisation des moyens, le portage des politiques de développement économique, de logement, de transports, de solidarité, l'aménagement du territoire urbain passent nécessairement par ce changement d'échelle. Ce projet global appelle de fait la constitution d'une ingénierie intercommunale de cohésion sociale et urbaine forte et crédible. Si la constitution ou le renforcement de cette équipe intercommunale n'est pas exclusive selon les territoires d'une ingénierie communale, elle sera néanmoins obligatoire.
Mieux intégrées ensuite, du point de vue du portage d'un contrat unique, donc de l'articulation des volets social et urbain. C'est un autre défi de taille que nous nous lançons, appréhendable déjà au travers de la gestion urbaine de proximité, de l'accompagnement des ménages dans le relogement ou encore dans les clauses d'insertion économique. Trop souvent ces dernières années, le renouvellement urbain nécessaire de ces quartiers a laissé de côté les actions de cohésion sociale dont ont pourtant tant besoin les habitants de ces quartiers. Nous devons évidemment poursuivre l'effort de rénovation du bâti et des espaces publics dégradés de ces quartiers, et ce sera l'objet d'un nouveau programme national de renouvellement urbain. Mais nous devons aussi et avant tout nous préoccuper de ceux qui vivent dedans. Cela passe évidemment par une meilleure articulation des équipes de rénovation urbaine et de cohésion sociale. Ce qui suggère de revoir leur organisation aujourd'hui trop souvent cloisonnée, de mieux articuler les développeurs généralistes et les spécialistes, de mieux positionner dans l'organigramme ces équipes transversales et inter-services. C'est tout l'enjeu en fin de compte d'une approche véritablement intégrée du projet de territoire et du développement local.
Je sais sur ce point les inquiétudes des professionnels de la rénovation urbaine, dans les sites en sortie de convention et dans ceux qui ne bénéficieront pas d'un nouveau programme. Je veux leur dire que l'enjeu urbain ne se résume pas aux projets de rénovation urbaine. Et que dans cette nouvelle étape qui doit permettre de mieux conjuguer l'approche urbaine et celle sociale, leurs compétences, leurs expériences sont un atout indispensable à la mutation nécessaire des équipes de projet.
Mieux intégrées enfin, du point de vue des outils mis à leur disposition dans la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des actions. Car la capacité d'action et de réaction des professionnels dépend aussi de leur capacité d'observation. Je sais sur ce point l'insuffisance des outils d'accompagnement et de qualification. On ne construit pas un projet de territoire et des programmes d'action sans une connaissance fine et durable du territoire. Au risque sinon de déconnecter le projet des réalités des besoins locaux. Il nous faut évidemment des indicateurs nationaux pour suivre l'évolution de l'ensemble des quartiers en politique de la ville, et pour permettre à chacun de ces sites de pouvoir se resituer par rapport aux autres. Le SGCIV et les réseaux de professionnels ont travaillé sur ce point à la production d'indicateurs communs. Nous devrons aussi travailler à ce que les indicateurs des différents services de l'Etat soient rendus autant que possible disponibles pour les collectivités, dans l'objectif d'un meilleur échange d'informations au service du projet de territoire. L'autre enjeu de taille est la mobilisation et donc le suivi des crédits de droit commun. Nous lançons justement avec le SG CIV une r??flexion pour mieux géolocaliser les politiques publiques de l'Etat et des collectivités. C'est évidemment un enjeu de transparence. C'est aussi un enjeu d'efficacité et de justice. Renforcer les capacités d'observation locale tant quantitative que qualitative passera enfin – et c'est une mesure du CIV – par un meilleur accompagnement des équipes des territoires les plus en difficulté. Cet accompagnement renforcé ne devra pas être simplement porté par l'Etat. Les collectivités, et je pense également aux régions et aux départements, devront aussi se mobiliser dans ces territoires, par des financements spécifiques et par la mise en place de référents également dans leur collectivité.
Ce qui m'amène au dernier point que je souhaitais évoquer devant vous aujourd'hui. Pour réussir cette réforme, pour que tous s'engagent dans la même dynamique, nous devons renforcer la formation et la qualification des acteurs. C'est vrai pour les services déconcentrés de l'Etat, c'est vrai pour les services des collectivités et les équipes de projet. La réforme conduit à des changements profonds qu'il faut pouvoir accompagner. Cela suggère évidemment de faire monter en compétence le réseau territorial, pour tous les enjeux que je viens de développer comme pour des sujets plus spécifiques : les fonds structurels européens par exemple, ou l'assouplissement des règles de financement des associations et des dossiers de demandes de subventions. Cela suggère aussi, dans la droite ligne de la mobilisation partenariale élargie, d'asseoir une culture commune de la politique de la ville et de la cohésion urbaine. Cela est vrai à tous les étages de l'ensemblier : entre les territoires, entre l'Etat et les collectivités, entre les collectivités elles-mêmes, entre les communes et leurs groupements, entre les équipes ville et rénovation urbaine, entre les services… Evidemment, le CNFPT est un partenaire essentiel dans cette démarche, tant au niveau national qu'au plus près du terrain, et je sais pouvoir compter sur lui dans les semaines et les mois qui viennent. C'est vrai aussi pour les réseaux de professionnels qui animent avec énergie et passion et sont des relais sur lesquels le ministère de la Ville sait pouvoir s'appuyer. Je pense à l'Ir-DSU, à AMADEUS ou encore à l'UNADEL. Je pense aussi aux centres de ressources de la politique de la ville, qui contribuent efficacement à la qualification collective des acteurs de la politique de la ville, en développant justement des outils permettant d'observer les territoires. Ils participent d'ailleurs à l'expérimentation lancée sur les 12 sites pour l'élaboration des futurs contrats de ville, qui doit aussi nous permettre de tirer des enseignements, de valoriser des pratiques et des modes d'organisation et de fonctionnement qui vous seront utiles dans la préparation de vos propres contrats.
J'ai conscience du niveau d'exigence que nous nous fixons. J'ai conscience aussi des inquiétudes légitimes, et je n'ai jamais sous-estimé les difficultés d'une telle réforme. Mais face à l'urgence, nous avons le devoir d'être ambitieux. Il y a déjà eu un projet de réforme de la politique de la ville en 2009. II n'a pas été finalisé faute de courage politique. Je le regrette et je sais la déception de bon nombre d'acteurs. La politique de la ville aurait pu gagner 4 ans. Cette réforme en 2013, nous allons, la conduire à son terme. Tout simplement parce qu'elle est indispensable. Et nous allons la conduire ensemble. Tout simplement, parce que sa réussite dépend de notre capacité à la faire tous ensemble.
Car à travers elle, à travers la réaffirmation des principes mêmes de la politique de la ville et de la démarche contractuelle, c'est aussi une certaine idée du développement de nos territoires et du service public que nous défendons et donc la reconnaissance légitime et essentielle des professionnels qui le portent.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 19 juillet 2013