Déclaration de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, sur l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, la reconnaissance du volontaire au sein des services d'incendie et de secours, la formation et la carrière des sapeurs-pompiers professionnels, à Chambéry le 11 octobre 2013.

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Circonstance : 120ème congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, à Chambéry (Savoie) le 11 octobre 2013

Texte intégral

Monsieur le président, cher Eric FAURE,
Monsieur le sénateur, président de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, Yves ROME,
Messieurs les députés [Jean-Paul BACQUET et Pierre MOREL A l'HUISSIER],
Madame le maire de Chambéry [Bernadette LACLAIS],
Monsieur le ministre [Hervé GAYMARD], président du conseil général de la Savoie,
Mesdames et messieurs les élus,
Chers amis sapeurs-pompiers,
Parmi les rencontres qui ponctuent la vie d'un ministre de l'Intérieur, le Congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France est, à n'en pas douter, un événement incontournable.
Car c'est un événement important. Et un événement surprenant.
Surprenant par son ampleur. Cela m'avait frappé, l'an dernier, à Amiens. Cela me frappe peut-être davantage cette année, ici, à Chambéry. Je suis impressionné par la variété des exposants, la diversité des matériels : on imagine mal l'étendue des réalités économiques, sociales, culturelles, territoriales que l'on peut appréhender en venant au Congrès des sapeurs-pompiers.
C'est un événement surprenant également par l'enthousiasme et la conviction qui émanent de tous. A vrai dire, ce n'est pas vraiment pour moi une surprise … car je vous connais bien. Nous connaissons bien.
Au cours des 16 derniers mois, j'ai eu l'occasion d'être de nombreuses fois à vos côtés, dans différents SDIS de France. A parcourir les allées, on voit que l'on a affaire ici à un univers de passionnés où le mot engagement n'est pas une vaine parole.
J'adresse donc toutes mes félicitations à l'équipe qui a organisé cet événement de très grande qualité, et tout particulièrement aux sapeurs-pompiers de Savoie, à leur chef de corps et à l'union départementale.
Ce congrès est un lieu de rassemblement à la fois sérieux et convivial pour vous tous sapeurs-pompiers de France. C'est l'occasion de vous rencontrer, d'échanger sur vos missions quotidiennes, de partager vos savoir-faire.
C'est l'occasion aussi d'envisager, ensemble, l'avenir d'une communauté à laquelle vous êtes très attachés.
A ce titre, cher colonel Faure, je suis très fier et heureux d'avoir assisté au lancement officiel des travaux de l'institut français de la sécurité civile, l'IFRASEC.
Avec ce think tank, vous franchissez une étape importante dans l'histoire de la sécurité civile française : vous investissez le domaine de la prospective et de la recherche. C'est une ambition d'une très grande modernité. Les sapeurs-pompiers ont acquis au fil du développement des SDIS et de leur mobilisation sur tant de fronts – j'y reviendrai – une expertise, une compréhension des situations des crises. J'ajouterais même une compréhension des grands mouvements qui affectent notre société : le vieillissement, l'isolement des plus fragiles, les inégalités. Tout cela, le monde sapeur-pompier le vit très directement. Mais cette connaissance, cette intelligence du monde pompier n'est pas bien employée. Bien sûr, l'État sait y recourir, mais – c'est le ministre de l'Intérieur qui vous parle – il y a recours pour l'action immédiate, pour la protection des populations de ce pays. Il dispose de moyens d'anticipation, mais il y a incontestablement des progrès à faire pour se projeter, en matière de sécurité civile, au-delà des quelques mois ou des quelques années qui viennent.
L'IFRASEC répond à ce besoin. Il est promis à un bel avenir, mais à une condition : celle de fonctionner comme vous fonctionnez sur le terrain, dans la complémentarité, dans la mise en réseau des savoirs ; d'autres cercles de réflexion existent, il faut en tirer parti et bâtir les partenariats qui permettront de faire progresser la sécurité civile.
Sapeurs-pompiers de France,
La diversité des situations auxquelles vous faites face vous donne une expertise sans équivalent. J'en ai pris toute la mesure à Brétigny-sur-Orge ou lors des récentes inondations et intempéries qui ont frappé notre pays. Mais derrière ce professionnalisme reconnu de tous, il y a des hommes et des femmes qui, partout sur notre territoire, chaque jour, chaque nuit, se dépassent.
Je veux ce soir, comme le fera demain le président de la République, leur rendre hommage ; vous rendre hommage, vous qui êtes sapeurs-pompiers volontaires, professionnels ou militaires. Je veux également rendre hommage aux personnels administratifs et techniques qui vous accompagnent. Leur action est fondamentale pour l'accomplissement de vos missions.
A cet hommage, je veux associer également vos familles, car elles aussi s'engagent totalement.
Sans le soutien de ses proches, un sapeur-pompier ne peut plus accomplir sa mission avec sérénité. Je veux donc saluer vos conjoints et conjointes, vos enfants, vos parents. Ils sont fiers de vous. Mais nous devons aussi être fiers d'eux. Car ils sont eux aussi courageux.
Depuis votre dernier congrès national, il y a un an, 9 d'entre vous sont décédés en service.
Je veux rappeler, ici, la mémoire du lieutenant Yvan VIGNAROLI, des adjudants Michaël BAGHIONI, Guillaume BERSON et Serge LACROIX, des sergents Guy GARCIA et Lionel LUCYK, des caporaux Jimmy RIOU et Yoann THIERRY, et du caporal Yann SIMEONI, sapeur-pompier de 16 ans.
Tous ces noms qui s'ajoutent à ceux d'autres sapeurs-pompiers – de tant d'autres – tombés dans l'accomplissement de leur mission sont votre honneur. Ils sont l'honneur de notre pays.
L'uniforme des sapeurs-pompiers, comme celui des policiers et des gendarmes, doit imposer le respect. Respect devant le courage – qui n'a rien de banal – d'aller au-devant du danger, pour protéger.
Je n'accepte pas que les sapeurs-pompiers, que nos soldats du feu, soient pris pour cibles par des individus souvent lâches et qui auraient tant à apprendre d'eux, comme ce fut le cas cet été à Toulouse, dans le quartier du Mirail.
Je connais l'engagement des sapeurs-pompiers ; je sais aussi qu'ils peuvent avoir des inquiétudes.
Ces inquiétudes, vous venez de les exprimer, cher colonel FAURE. Vous m'en aviez déjà fait part, car nous nous voyons régulièrement. L'une d'entre elles – majeure – concerne le volontariat.
Je me suis exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises. Ce congrès est l'occasion de m'adresser à vous plus directement. L'enjeu du volontariat, c'est quelque chose de très simple. C'est se demander si oui ou non, il y a encore une place dans notre société pour « l'engagement du citoyen pour le citoyen », pour l'altruisme et la solidarité.
A vous regarder, à constater qu'il y a près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires – l'équivalent d'une capitale régionale – et qu'ils assurent 8 interventions sur 10, la réponse ne fait aucun doute : oui !
Et pourtant – et c'est votre rôle –, vous avez appelé l'attention des responsables publics sur la situation du volontariat, un système plus fragile qu'il n'y paraît.
Vous dites aujourd'hui : il faut reconnaître et considérer ces hommes et ces femmes à leur juste valeur. Demain, le président de la République viendra vous parler. C'est un geste fort, un geste de soutien et de reconnaissance, un témoignage d'estime. Un témoignage qui apportera aussi des réponses.
Vous dites également : il faut consolider ce modèle du volontariat. C'est-à-dire qu'il ne faut pas seulement le conserver en l'état, mais aussi en solidifier les bases pour qu'il puisse résister et s'adapter aux évolutions de la société. Cette ambition est légitime. Je la partage.
C'est pour cela que, dans un instant, avec vous, avec l'ensemble des élus présents, dont je tiens à saluer l'investissement, Yves ROME, Jean-Paul BACQUET, Pierre MOREL A L'HUISSIER – et je n'oublie pas Claudy LEBRETON qui sera là demain –, nous allons signer un plan d'action pour le volontariat, élément central, fondamental du pacte de sécurité civile sur lequel nous nous sommes accordés.
Ce plan d'action liste un ensemble de mesures concrètes. Il s'agit là de faire aboutir les travaux de la commission « Ambition Volontariat ». Il s'agit aussi de poursuivre le chantier ouvert par la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers dont les textes d'application sont désormais publiés.
La charte nationale des sapeurs-pompiers volontaires rappelle ce qu'est l'éthique de cet engagement citoyen. Je viens de la parapher sur le stand de l'école nationale, l'ENSOSP, pour marquer la place qu'elle doit avoir dans les enseignements destinés aux futurs cadres des SDIS. Je l'ai signée également dans les départements, par exemple celui de l'Aveyron dernièrement, et je continuerai à le faire, la semaine prochaine aux Antilles.
Parallèlement, le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, présidé par Jean-Paul BACQUET (ancien sapeur-pompier volontaire lui-même), a été installé en début d'année. Il doit apporter son expertise et ses recommandations.
Enfin, plusieurs textes sont venus renforcer la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires ou améliorer les conditions de déroulement de leur carrière.
Voilà pour le cadre juridique.
Mais le droit ne dit pas tout. Et c'est pour cela que nous nous engagerons, collectivement, dans un instant, à donner de la consistance à ces dispositions, à les prolonger par un ensemble de mesures assurant la reconnaissance du volontaire au sein des SDIS.
Il y a enfin un effort particulier à porter en direction de la jeunesse.
Il y a aujourd'hui près de 30 000 jeunes sapeurs-pompiers qui se préparent à assurer la relève. Et c'est très largement grâce à votre réseau associatif que tout cela fonctionne. Mais je souhaite que l'on aille plus loin encore. Je souhaite que les SDIS eux-mêmes puissent vous épauler dans cette démarche d'éducation et de formation.
Il faut encourager tous ces jeunes gens, filles et garçons qui ont fait le choix de la citoyenneté. On attribue souvent des clichés à la jeunesse : perte de sens civique, passivité face aux événements qui concernent la collectivité. Je n'y crois pas ; je n'y ai jamais cru. Devant vous, dans les SDIS, partout en France, il y a une jeunesse, dynamique, motivée, prête à servir son pays. Cependant, il faut un cadre pour accueillir cet enthousiasme, pour ne pas le décourager. Tout l'enjeu est là.
Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont des structures utiles pour attirer de nouvelles recrues qui doivent être à l'image de notre société, c'est-à-dire avec une place plus grande donnée aux femmes. Elles ont toute leur place dans les effectifs.
Si les douze derniers mois ont permis de compléter le dispositif réglementaire du volontariat, ils ont également permis d'autres avancées. Je veux les rappeler ici, car elles ne sont pas sans conséquences pour les volontaires.
La carrière des sapeurs-pompiers professionnels obéit, depuis plus d'un an, au nouveau cadre statutaire issu de la réforme de la filière professionnelle. Je vous l'ai dit à plusieurs reprises : j'ai décidé de l'accompagner, car elle a créé des droits pour un très grand nombre de sapeurs-pompiers – et il ne faut pas y revenir. Mais il faut, à présent, tirer les conclusions de cette première année de mise en œuvre, et pour cela, il faut respecter les règles du dialogue social.
J'ai reçu les sept organisations syndicales représentatives des sapeurs-pompiers professionnels, comme j'ai reçu la fédération et l'association des directeurs de SDIS.
J'ai évoqué avec les représentants de la profession les difficultés d'application de la réforme, et les corrections qu'il faudra y apporter pour améliorer la situation des professionnels de catégorie C et B. Je fais confiance au président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, Yves ROME, pour que cette fameuse clause de revoyure – dont j'entends parler depuis plus d'un an – puisse trouver, en début d'année,un réel débouché et, le cas échéant, des suites réglementaires.
Un corps départemental, c'est avant tout une troupe. Et une troupe a besoin d'un état-major, qui puisse mettre en œuvre un management de qualité, moderne et reconnu.
Ce sujet me tenait à cœur ; j'en ai fait l'élément central du pacte de sécurité civile que j'entends partager avec les représentants des collectivités territoriales. Le 3 septembre dernier, avec Claudy LEBRETON et Yves ROME, nous nous sommes accordés pour faire aboutir la réforme des emplois supérieurs de direction dont l'objectif est double : permettre une juste reconnaissance aux cadres qui exercent cette responsabilité et moderniser leur gestion.
Les contours de ce dispositif peuvent maintenant se dessiner :
* Les emplois de directeur et de directeur adjoint seront des emplois fonctionnels, comme les emplois de directeur général dans la fonction publique territoriale ; la co-nomination fera place à la co-décision : l'Etat propose trois noms, et le président du SDIS choisit et nomme.
* La mobilité, à la fois géographique et fonctionnelle, sera une condition indispensable à l'acquisition de compétences variées, donc au déroulement d'une carrière professionnelle de directeur de SDIS ;
* De nouvelles perspectives de carrière s'offriront aux lieutenants-colonels et aux colonels, en contrepartie d'une sélection accrue. C'est un modèle équivalent aux armées, où l'école de guerre est une étape obligée de la carrière d'un officier aspirant à de très hautes responsabilités ;
* Enfin, des passerelles, permettant l'accès à des emplois de la haute fonction publique, qu'elle soit d'Etat ou territoriale, seront aménagées.
Ce nouveau statut des emplois supérieurs de direction sera un signal fort adressé par l'Etat et les collectivités territoriales au monde pompier : les SDIS sont des établissements publics de grande envergure, qui répondent aux besoins essentiels de la Nation. Il faut les reconnaître comme tels, cela vaut pour la troupe, comme pour son état-major.
Sapeurs-pompiers de France,
Ce congrès est l'occasion une fois de plus de nous rencontrer. Et de nous parler. J'ai toujours beaucoup de plaisir à cela. Avant de procéder à la signature de cet engagement pour le volontariat, je tiens à vous exprimer à nouveau toute mon estime et toute ma gratitude.
Je vous le dis souvent : la population sait ce qu'elle vous doit. Cependant, j'entends parfois dire que ce ne sont là que des mots …Et bien ce soir, ces mots de reconnaissance profonde et sincère se prolongent par un acte, un acte fort, un acte d'engagement collectif, un acte accompli par tous ceux qui veillent à votre communauté. C'est un acte de confiance en l'avenir du modèle que les sapeurs-pompiers, par leur engagement et leur sacrifice ont donné à ce pays.
Je vous remercie.
Source http://www.pompiers.fr, le 18 octobre 2013