Texte intégral
Je veux remercier très chaleureusement mon ami François BROTTES, député de l'ISERE, Président du groupe d'études sur la forêt, le bois, le meuble et l'ameublement, d'avoir organisé cette journée d'études sur la forêt et la filière bois.
Vous connaissez mon attachement à l'institution parlementaire. Je suis heureux que celle-ci se soit saisie du dossier dès maintenant c'est à dire en amont, de la préparation de la loi forestière.
Je veux également remercier solennellement Jean-Louis BIANCO d'avoir, grâce à son rapport remis au Premier Ministre le 25 avril 1998 et intitulé "la forêt une chance pour la France ", activé, à la satisfaction de tous, le débat sur la politique forestière. J'ai eu l'occasion de dire à quel point je faisais miennnes la démarche, la philosophie et les orientations de ce rapport. Il a nourri les débats que vous avez organisés dans les régions, il nourrit encore notre journée de travail et va alimenter les débats et les orientations des prochains mois. Nous sommes maintenant à un moment décisif ou nous devons passer à une phase de concrétisation de notre politique.
Je tiens à souligner à quel point ce va et vient entre les parlementaires, les professionnels et le Gouvernement autour de ce dossier, me paraît une méthode à suivre pour légiférer dans de bonnes conditions.
Je voudrais passer en revue les grands sujets qui nous préoccupent tous sur ce dossier forestier.
Je veux d'abord revenir sur la stratégie forestière, aborder le chapitre de la concertation puis j'en viendrai aux orientations de la politique d'aide aux investissements productifs en forêt, aux orientations à retenir pour le Fonds Forestier National (FFN).
J'évoquerai l'ONF, la prévention des risques et enfin le caractère interministériel du dossier forêt et filière bois.
I/ OU EN EST LA STRATEGIE FORESTIERE ?
La stratégie forestière est une proposition originale de M. Bianco dans son rapport " La forêt, une chance pour la France " que le gouvernement a reprise à son compte après la communication que j'ai présentée en Conseil des ministres sur la politique forestière le 24 novembre 1998.
C'est un plan d'actions à long terme dont la préparation associe l'ensemble des acteurs, privés et publics. Il définit les orientations et les mesures propres à assurer la gestion durable des forêts, la modernisation de nos industries -qui ont besoin d'améliorer leur compétitivité- et l'ouverture de nouveaux débouchés pour le matériau bois. Il s'agit d'un exercice nouveau de concertation dans lequel l'Etat se place en situation de partenaire.
J'ai fixé comme objectif d'élaborer cet exercice, rapidement, car la stratégie doit bien entendu précéder le projet de loi de modernisation forestière qui sera déposé au Parlement à la fin de l'année 1999.
Elle permettra donc d'éclairer les principaux choix législatifs dont je tiens à ce qu'ils constituent le code forestier du 21e siècle Je ne veux pas anticiper sur les travaux de préparation de la loi, mais de ce que j'ai entendu à travers mes conversations je retiens que cette loi, dont les principes de base seront gestion durable et compétitivité, ne saurait éviter, par exemple, le thème des garanties de gestion durable, de l'évolution des modes de ventes de l'ONF, ou encore du statut des entrepreneurs de travaux forestiers, sans oublier la nécessaire actualisation d'un corpus législatif qu'il nous faut adapter.
Vous savez que depuis 4 mois, le projet de stratégie, a bien avancé, et les principales organisations professionnelles ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG) et les administrations intéressées en ont déjà défini les fils directeurs.
Je tiens à redire ici combien je suis attaché à la réussite de cet exercice et rappeler les conditions de cette réussite :
- tout d'abord bien entendu la poursuite de la participation soutenue de tous les acteurs et notamment les professionnels. Je ne saurais trop insister sur mon désir qu'ils s'approprient cette stratégie et en fassent leur référence.
- ensuite une volonté d'aller au bout du débat sans se soucier de je ne sais quel interdit : nous travaillons pour les quinze prochaines années, ce n'est pas un exercice qui se représentera bientôt, non plus que celui de la loi de modernisation forestière ; c'est donc le moment d'évoquer le fond des problèmes.
Je conçois que l'on puisse penser d'ores et déjà à un compromis d'orientation visant à la poursuite et l 'amélioration de la situation actuelle, dans une démarche cherchant à concilier, sur l'ensemble du territoire, gestion durable et compétitivité. Pour autant, nous devons à ce stade évoquer toutes les pistes d'évolution de notre politique forestière. En particulier il est souhaitable qu'un vrai débat ait lieu sur les conditions d'une mobilisation de 6 millions de m3 supplémentaires à la suite de la création d'une " spirale vertueuse" où l'ouverture de débouchés accrus, dans la construction notamment, entraînera un accroissement de la récolte. Le gouvernement a jugé cette option réaliste. Il convient d'en définir les modalités entre acteurs. Enfin et surtout il faut des engagements de chacun. Comme chacun le sait la politique forestière est de la compétence de l'Etat et reste pour l'essentiel centralisée.
Je n'accepterai pas que ce principe serve de justification à une attitude circonspecte des autres acteurs : l'Etat prendra ses responsabilités dans les domaines législatif, réglementaire et financier, j'attends que les élus, les professionnels et les associations représentatives s'engagent tout aussi clairement en ce qui les concerne.
Je vous donne rendez vous au mois de juin, dans l'enceinte du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers.
Je vous signale que j'ai demandé que, pour cette occasion, la composition du Conseil supérieur soit revue et élargie de façon à ce que personne ne soit laissé de côté.
II/ QUELLE CONCERTATION AVEC LES PARTENAIRES PROFESSIONNELS ET REGIONAUX DEVONS-NOUS DEVELOPPER ?
Je vous redis en effet combien me paraît essentielle la concertation entre partenaires à l'échelon central comme au niveau régional.
A l'échelon central, au-delà des échanges de vues entre ceux qui ont l'habitude de se rencontrer, une ouverture à de nouveaux milieux est nécessaire pour le succès de la politique forestière, notamment vis-à-vis :
- des organisations écologiques, d'une part. Je rappelle que le Symposium de Versailles sur la gestion durable, en mai 1998, a associé ces organisations et celles-ci se sont exprimées ;
- mais aussi, d'autre part, des organisations de consommateurs.
Par ailleurs, il est aussi essentiel d'ouvrir la réflexion à de nouveaux milieux professionnels notamment dans le secteur de la construction ; je salue à cet égard le travail accompli par le Comité National pour le Développement du Bois vis-à-vis des architectes, maîtres d'ouvrage, artisans du bâtiment... qui me paraît fondamental et devra être poursuivi. Pour ce qui concerne l'échelon régional, ai-je besoin de rappeler le caractère majeur des contrats de plan Etat-région, au travers desquels devront être mobilisés à la fois les acteurs régionaux et les cofinancements pour la constitution d'un volet forestier conséquent. Je voudrais insister à cet égard sur le très important travail de préparation qui a été accompli au travers de la reformulation des orientations régionales forestières. Je souhaite que les Commissions régionales de la forêt poursuivent sur leur lancée et conservent un rythme régulier de rassemblement des acteurs locaux parmi lesquels j'aimerais citer en particulier les interprofessions régionales qui ont vocation à mon sens, en fédérant l'ensemble des intérêts du plan régional, à devenir des interlocuteurs reconnus des Conseils régionaux .
Aujourd'hui donc les lieux de rencontre et de propositions existent, qui peuvent disposer d'un réel poids dans le débat forestier local et la préparation des contrats de plan Etat-région. Je me réjouis dans ces conditions que ce colloque ait pu être préparé par des colloques régionaux assurant ainsi le lieu et la cohérence entre le niveau central et les Régions. J'en félicite vivement tous les responsables
III/ FONDEMENTS ET ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE D'AIDE AUX INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS EN FORET
J'évoquais tout à l'heure les responsabilités de l'Etat, j'aimerais vous préciser en quoi elles consistent, à mon sens, s'agissant des investissements productifs en forêt.
L'Etat doit tout d'abord garantir sur le long terme la régularité de la ressource disponible, afin de permettre des stratégies industrielles ambitieuses. Le problème se pose à la fois en terme de surfaces totales annuellement boisées ou reboisées et de choix des essences privilégiées. Alors qu'il est actuellement d'environ 10.000 ha par an le rythme de boisement ou reboisement qui devrait assurer aux industries une totale sécurité d'approvisionnement sur tout le 21ème siècle, pour les principales essences du marché se situe à plus de 30.000 ha par an. Rappelons-nous que ces boisements participent en outre, en stockant du carbone, à la lutte contre l'effet de serre, pour laquelle la France a pris des engagements sur le plan international.
L'Etat doit ensuite permettre aux investisseurs industriels d'avoir une vision claire de la ressource économiquement mobilisable, en qualité comme en quantité, sur la durée d'amortissement de leurs investissements. Les travaux de l'Inventaire Forestier National (IFN) et du Centre Technique du Bois et de l'Ameublement (CTBA), comme certains éléments de la politique commerciale de l'ONF, sont là pour répondre à la demande de lisibilité des investisseurs.
L'Etat doit enfin garantir la cohérence de ses interventions financières en gardant une priorité à la valorisation des investissements déjà réalisés en forêt. Après la très forte priorité donnée aux boisements et reboisements, il est légitime qu'une proportion plus importante des financements du FFN soit désormais consacrée à l'amélioration de la qualité des bois et à la réduction des coûts d'approvisionnement.
L'amélioration de la qualité impose des efforts dans les peuplements constitués avec l'aide du FFN notamment pour effectuer dépressages, éclaircies et élagages. Elle suppose aussi que l'on poursuive la politique de conversion des anciens taillis sous futaie, de façon raisonnée, là où les potentialités sont suffisantes.
La réduction des coûts d'approvisionnement demande notamment des investissements de desserte. L'on estime qu'un programme de 1.500 kms par an de routes et pistes nouvelles serait nécessaire, ainsi que la remise aux normes de 1.400 kms par an.
Puisque nous voulons parler du long terme, il faut bien entendu examiner cette question.
- Depuis 1946, le FFN a permis le boisement ou le reboisement de plus de 2,3 millions d'hectares, l'amélioration de plus de 1,2 millions d'hectares et la réalisation de plus de 40.000 kilomètres de routes et pistes forestières. Sur cette base, au cours des quinze dernières années, des PME et des grands groupes internationaux se sont développés ou implantés en France, créant ainsi des emplois et de la valeur ajoutée, notamment dans le monde rural.
Les investissements en forêt sont des investissements à très long terme ce qui justifie l'intervention publique. Je suis convaincu qu'elle doit se poursuivre et suis fermement décidé à défendre l'outil principal de cette intervention, le Fonds forestier national.
IV/ QUELLES ORIENTATIONS DEVONS-NOUS ARRETER POUR CE FONDS ?
Je ne reviens pas sur les vicissitudes qu'a connues le FFN et vous indique simplement dans quelles directions j'ai commencé et je continue à travailler pour rénover ce fonds.
Un effort financier des pouvoirs publics en faveur du FFN devrait permettre tout à la fois de relancer l'investissement forestier et de développer les industries tant du bois d'uvre que du bois de trituration. Telle est l'orientation de mon projet qui repose sur quatre objectifs, qui comme vous le verrez sont interdépendants :
Premier objectif : l'affectation au FFN d'une ressource nouvelle
Celle-ci permettrait la mise en uvre de la politique de boisement en vue du renouvellement de la ressource forestière sur le long terme et répondrait à l'engagement gouvernemental d'extension des boisements dans le cadre de la lutte contre l'effet de serre. Si le premier but relève de la politique forestière, le second relève de la politique environnementale.
C'est pourquoi cette recette supplémentaire pourrait provenir d'une ressource au titre de la fiscalité écologique. Personne ici connaissant un tant soit peu le contexte fiscal et budgétaire ne contestera la difficulté de la tâche. C'est pourtant bien ce que je veux défendre en concertation avec ma collègue de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Deuxième objectif : le transfert de certaines dépenses sur le budget de l'Etat
Certaines dépenses, actuellement prises en charge par le FFN, relèvent du budget de l'Etat, car il s'agit du fonctionnement de services publics par exemple les Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) ou de la protection des forêts je pense au programme de défense contre l'incendie dans le massif aquitain.
Un transfert, au moins partiel, vers les lignes budgétaires de mon ministère permettrait de recentrer le FFN sur ses missions essentielles (ceci vous le savez représente 60 MF).
Troisième objectif : la diminution de la taxe forestière qui est payée par les industries du bois.
C'est une revendication fondamentale - et fondée - des industriels qui souhaitent un allégement de leurs charges afin d'améliorer leur compétitivité, objectif qui est aussi le mien. Ils ont mal vécu les hausses de taxe intervenues en 1994 parallèlement à la disparition de la charge du BAPSA et demandent donc un retour aux taux en vigueur en 1991.
Les scieurs qui supportent un taux de 1,2 % de leur chiffre d'affaire, sont les premiers demandeurs. Les papetiers, pour leur part, sont en voie d'obtenir une réduction de la taxe parafiscale qui finance leur centre de recherche (l'AFOCEL) et souhaitent plutôt une prise en charge pérenne par le FFN du financement partiel de ce centre.
Je ne crois pas que le principe d'une baisse puisse être débattu longtemps : l'allégement des charges est évidemment un facteur de compétitivité, et n'eut été la position difficile du FFN depuis le début des années 90, mes prédécesseurs auraient sûrement agi déjà en ce sens.
Je ne crois pas me trouver dans une meilleure position qu'eux, mais j'entends m'efforcer d'aboutir à un allégement des taux, peut-être partiel, peut-être progressif, cela dépendra de ce que j'obtiendrai en matière de ressource nouvelle et de transfert sur le budget de l'Etat.
Quatrième objectif : en matière de dépenses, un accroissement des moyens du FFN pour ouvrir de nouveaux marchés aux industriels du bois et enclencher un processus de développement de la demande nécessaire à l'accroissement de la récolte.
L'effort portera notamment sur le soutien à l'exploitation forestière qui conditionne un approvisionnement compétitif des industriels, sur la communication et sur la promotion du bois dans la construction et l'emballage afin de promouvoir le bois face à la concurrence des autres matériaux, ainsi que sur la recherche et le développement.
Ces orientations me semblent de nature à répondre aux enjeux d'ores et déjà bien identifiés pour le secteur forêt- bois, notamment en ce qui concerne les industriels.
V/ L'OFFICE NATIONAL DES FORETS
L'ONF, tout le monde le reconnaît, a un rôle majeur à jouer, qui dépasse sa mission de base de gestionnaire des forêts publiques. Jean-Louis BIANCO a insisté sur ce point. L'ONF joue donc un rôle stratégique essentiel, c'est pourquoi l'occasion du renouvellement du contrat d'objectifs entre l'Etat et l'ONF doit être saisie pour lui fixer des objectifs cohérents avec les ambitions de la politique forestière et lui donner les moyens de les atteindre.
Pour autant, cet établissement n'est pas le seul élément de la politique forestière, et la charge non négligeable pour le budget de l'Etat que présente le versement compensateur en vue de la mise en uvre du régime forestier ne doit pas constituer un handicap aux efforts publics vers ses autres objectifs. C'est pourquoi dans la difficile négociation qui se poursuit sur le montant de l'effort de l'Etat, j'attends que chacun des partenaires, Etat, collectivités, office, fasse un réel effort en replaçant la défense de ses intérêts au regard des grands objectifs de la politique forestière.
J'ajouterai d'ailleurs, en me tournant vers les associations de défenses de l'environnement, que si elles ne sont pas appelées à participer - et pour cause - aux efforts financiers directs, elle peuvent elles aussi intervenir de façon non négligeable : quand cessera-t-on en France de s'auto-flageller et de contester, parfois de chercher à détruire, les outils performants que nous avons mis en place. Je sais qu'on peut toujours critiquer localement telle décision du gestionnaire public, mais qui contestera sérieusement au niveau national et au regard de nos partenaires étrangers le sérieux de la gestion environnementale de nos forêts ? Au moment où les charges liées à cette excellence environnementale s'accroissent, dépassant souvent les possibilités de financement offertes par la forêt elle-même, il faut faire preuve de hauteur de vue et raison garder.
Pour en revenir au contrat avec l'ONF, j'ai l'intention de privilégier les orientations suivantes :
- accroître les mises en marché de 1 million de mètres cube d'ici à 2003 en forêt domaniale, et si possible de 1 million de mètres cube en forêt communale dans la mesure où les collectivités en seront d'accord ;
- cela doit s'accompagner de la modernisation et de la simplification des conditions de commercialisation des bois, notamment en développant les contrats d'approvisionnement, et d'une forte augmentation des travaux de régénération, d'entretien, et d'investissement en forêt domaniale, dans l'intérêt même du domaine privé de l'Etat ;
- renforcer l'exemplarité de la gestion sur le plan environnemental et sur celui de la performance économique : pour chaque forêt, moduler davantage l'équilibre entre objectifs environnementaux, économiques et sociaux, en adaptant le niveau de gestion à la situation locale et aux enjeux propres à cette forêt et au territoire environnant ;
- renforcer la concertation avec les élus représentant les propriétaires de forêts soumises au régime forestier et avec les principaux acteurs des territoires concernés, autour des enjeux préalablement identifiés ;
- clarifier en quatre grands comptes les différents métiers de l'ONF (gestion du domaine privé de l'Etat ; gestion des forêts communales, en individualisant le coût de mise en uvre du régime forestier ;
- missions d'intérêt général assumées dans le cadre de conventions avec l'Etat ; activités conventionnelles de diversification) ;
Plus que les contrats précédents, ce document doit identifier des objectifs chiffrés et doit prévoir une clause de révision à mi parcours pour tirer les conséquences des résultats constatés. La comptabilité analytique doit être revue pour faciliter cet exercice.
J'évoquais tout à l'heure les efforts de chacun :
Un gros effort de productivité sera demandé à l'ONF, de l'ordre de 2,6 % par an. Il devra sûrement être accompagné d'une certaine réorganisation du travail fondée notamment sur le groupe technique, sur la création de cellules d'appui spécialisées, sur le regroupement d'unités fonctionnelles et sur une réflexion sur les structures territoriales.
Parallèlement à cet effort de productivité, un effort sera demandé aux communes forestières pour résorber d'ici à la fin du contrat d'objectifs les charges indues pour le versement compensateur, provenant d'une sous-facturation très significative du coût d'encadrement des travaux.
L'effort financier qu'assumera l'Etat en matière de versement compensateur sera proportionnel aux efforts qu'accepteront de faire l'ONF et les communes forestières.
J'entends signifier à l'occasion du renouvellement du Conseil d'Administration de l'ONF et de la signature du contrat, ma volonté de conforter cet organisme.
VI/ POLITIQUE FORESTIERE ET PREVENTION DES RISQUES : RESTAURATION DES TERRAINS EN MONTAGNE (RTM) et DEFENSE DE LA FORET CONTRE LES INCENDIES (DFCI)
Je voudrais enfin aborder un thème fondamental pur la politique forestière et la gestion des espaces ruraux, celui de la prévention des risques.
Les derniers événements catastrophiques, aussi bien en France qu'en Autriche rappellent tragiquement que le risque zéro n'existe pas en montagne.
Prévenir les risques naturels en montagne s'inscrit nécessairement dans une approche interministérielle s'appuyant sur une gestion durable des espaces sensibles en étroite concertation avec les collectivités territoriales. Les actions de prévention des risques naturels sont en effet à la croisée des actions économiques, urbanistiques et touristiques, sociales et d'aménagement du territoire.
Le ministère chargé des forêts est gestionnaire de plus de 380.000 hectares de terrains particulièrement générateurs de risques naturels majeurs liés aux écoulements gravitaires. Ces terrains ont été l'objet de travaux de génie et de génie civil.
L'usure normale et le vieillissement de ces ouvrages, dont certains ont plus d'un siècle, rendent indispensable un programme régulier de maintenance et d'investissements lourds. Les crédits correspondants destinés à la restauration des terrains en montagne seront augmentés de 40 MF, conformément à l'annonce faite par le Premier ministre au dernier Conseil national de la montagne. La convention nationale passée entre l'Etat et l'ONF concernant le service RTM sera renouvelée pour l'an 2000 afin d'assurer de façon pérenne l'adéquation entre les demandes adressées par les différents ministères concernés (agriculture, environnement et aménagement du territoire, Intérieur, équipement et logement) et les services assurés par l'ONF. L'Etat fait un effort significatif pour assurer les responsabilités qui lui reviennent, il serait opportun que parallèlement les collectivités se mobilisent dans le cadre d'une action concertée. La négociation des prochains contrats de plan devrait à cet égard permettre d'assurer la complémentarité des interventions de chacun. S'agissant des feux de forêts, vous savez que le bilan de 1998 s'avère modéré pour la huitième année consécutive, avec seulement, si je puis dire, 23.500 hectares brûlés. Ces résultats positifs enregistrés sur une aussi longue période s'expliquent en grande partie, comme l'indique une comparaison avec des pays voisins, par l'efficacité de la politique de prévention et de lutte. Ce satisfecit global ne signifie pas pour autant que le risque de feu de forêts s'est durablement atténué. Si les superficies brûlées diminuent, le nombre de départs de feux augmente. L'augmentation des friches et des espaces qui se boisent naturellement, ainsi que le manque d'entretien des forêts dont l'enjeu productif est très faible accroissent les espaces potentiellement combustibles.
La vigilance doit donc rester de mise, et la politique de prévention s'avère d'autant plus indispensable que le coût de la lutte atteint désormais les limites du supportable.
Quatre orientations prioritaires en matière d'allocation des moyens budgétaires disponibles sont clairement identifiées :
- renforcer la gestion spatiale du risque ;
- résorber les causes des feux ;
- mettre aux normes les équipements et aménagements de Défense des Forêts Contre l'Incendie (DFCI )
- et enfin, conforter la surveillance des massifs forestiers.
VII/ UNE POLITIQUE INTERMINISTERIELLE POUR LA FORET ET LA FILIERE BOIS
Je voudrais maintenant conclure mon intervention en soulignant que la politique forestière en France a traditionnellement un caractère sectoriel très marqué qui conduit à un cloisonnement du monde forestier, et un déficit de communication qui est désormais ressenti par l'ensemble des acteurs.
Ainsi la participation des ONG aux réflexions reste-t-elle récente et connaît parfois quelques aléas.
Pourtant, la forêt et le bois représentent à l'évidence un thème transversal, qui nécessite une action interministérielle pour deux raisons complémentaires :
- nous avons besoin des autres ministères, et pas seulement du Ministère des Finances pour gérer la forêt, moderniser les entreprises et ouvrir de nouveaux marchés au bois.
- nous pouvons être utiles aux autres ministères et les aider à mettre en uvre leur politique, dans les domaines qui les concernent, en prenant notre part de la réalisation de leurs objectifs.
Par conséquent, si j'entends bien rester le responsable de la politique forestière, je ne prétends pas avoir le monopole des questions forestières et j'attends beaucoup en terme administratif et financier de certains de mes collègues.
Dans cette perspective, différents thèmes relèvent au premier chef d'une logique interministérielle :
- gestion durable et prescriptions environnementales qui concerne le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
- sécurité civile, et prévention des risques pour ce même ministère et celui de l'intérieur ;
- amélioration de la compétitivité des entreprises qui regarde le ministère chargé des transports et bien entendu celui des finances, de l'industrie ;
- prise en compte de la forêt et du bois dans la politique de recherche à quoi je souhaite vivement que le ministère de la recherche s'intéresse ;
- ouverture de nouveaux débouchés pour le bois : bois-énergie, place du bois dans la construction qui concerne non seulement l'équipement, le logement, l'environnement mais aussi la culture.
Et bien entendu la formation pour laquelle il faut impérativement mobiliser le ministère de l'éducation nationale pour diminuer la méconnaissance dramatique de nos concitoyens et parmi eux de décideurs en matière de forêt de bois.
La liste de mes collègues que j'entends mobiliser est donc longue et encore n'ai-je pas parlé de la santé pour ce qui concerne les conséquences de l'utilisation du bois, et bien entendu de l'emploi, enjeu fondamental dans les zones rurales.
La stratégie forestière représente une réelle opportunité pour cela et elle doit à mon sens permettre d'intégrer la forêt dans une logique interministérielle. Je veux impliquer les autres administrations dès la préparation des projets et pas seulement à l'occasion d'un arbitrage interministériel.
C'est dans cet état d'esprit que je veux préparer la loi forestière.
Cette loi doit être une loi d'orientation affirmant clairement nos objectifs de compétitivité et de gestion durable.
Elle doit être aussi une loi de modernisation de notre code forestier en raison des évolutions constatées.
Elle doit être aussi une loi permettant à ce code forestier de mieux s'articuler au code de l'environnement, au code de l'urbanisme ou encore au code pénal.
J'ai donné le coup d'envoi de la concertation à travers la réunion régulière des groupes de travail, qui vont maintenant se réunir à un rythme hebdomadaire. J'entends pouvoir présenter à la rentrée, un premier texte, susceptible d'être arbitré et retenu par le Gouvernement.
Ce projet de loi sera la transcription législative, là où cela s'impose de la stratégie forestière que nous aurons ensemble adoptée. Elle sera l'expression de notre pays dans le concert international sur la contribution de la forêt et du bois aux grands équilibres écologiques. Elle marquera notre volonté d'inscrire pleinement la forêt et la filière bois et papier dans la politique de développement économique, social et culturel de notre pays.
Je compte sur l'appui des professionnels, du monde associatif mais aussi dès maintenant des parlementaires, pour faire de ce projet un projet d'orientation, comme je compte sur les parlementaires pour éclairer les choix budgétaires que nous allons prendre dans les semaines et les mois qui viennent.
1999 doit marquer une inflexion de notre politique forestière, j'ai déjà dit, combien j'y tenais,
l'année 2000 permettra d'exprimer dans toute son ampleur ce nouvel élan.
A nouveau je vous remercie de la qualité de vos travaux et de votre mobilisation.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 mai 1999)
Vous connaissez mon attachement à l'institution parlementaire. Je suis heureux que celle-ci se soit saisie du dossier dès maintenant c'est à dire en amont, de la préparation de la loi forestière.
Je veux également remercier solennellement Jean-Louis BIANCO d'avoir, grâce à son rapport remis au Premier Ministre le 25 avril 1998 et intitulé "la forêt une chance pour la France ", activé, à la satisfaction de tous, le débat sur la politique forestière. J'ai eu l'occasion de dire à quel point je faisais miennnes la démarche, la philosophie et les orientations de ce rapport. Il a nourri les débats que vous avez organisés dans les régions, il nourrit encore notre journée de travail et va alimenter les débats et les orientations des prochains mois. Nous sommes maintenant à un moment décisif ou nous devons passer à une phase de concrétisation de notre politique.
Je tiens à souligner à quel point ce va et vient entre les parlementaires, les professionnels et le Gouvernement autour de ce dossier, me paraît une méthode à suivre pour légiférer dans de bonnes conditions.
Je voudrais passer en revue les grands sujets qui nous préoccupent tous sur ce dossier forestier.
Je veux d'abord revenir sur la stratégie forestière, aborder le chapitre de la concertation puis j'en viendrai aux orientations de la politique d'aide aux investissements productifs en forêt, aux orientations à retenir pour le Fonds Forestier National (FFN).
J'évoquerai l'ONF, la prévention des risques et enfin le caractère interministériel du dossier forêt et filière bois.
I/ OU EN EST LA STRATEGIE FORESTIERE ?
La stratégie forestière est une proposition originale de M. Bianco dans son rapport " La forêt, une chance pour la France " que le gouvernement a reprise à son compte après la communication que j'ai présentée en Conseil des ministres sur la politique forestière le 24 novembre 1998.
C'est un plan d'actions à long terme dont la préparation associe l'ensemble des acteurs, privés et publics. Il définit les orientations et les mesures propres à assurer la gestion durable des forêts, la modernisation de nos industries -qui ont besoin d'améliorer leur compétitivité- et l'ouverture de nouveaux débouchés pour le matériau bois. Il s'agit d'un exercice nouveau de concertation dans lequel l'Etat se place en situation de partenaire.
J'ai fixé comme objectif d'élaborer cet exercice, rapidement, car la stratégie doit bien entendu précéder le projet de loi de modernisation forestière qui sera déposé au Parlement à la fin de l'année 1999.
Elle permettra donc d'éclairer les principaux choix législatifs dont je tiens à ce qu'ils constituent le code forestier du 21e siècle Je ne veux pas anticiper sur les travaux de préparation de la loi, mais de ce que j'ai entendu à travers mes conversations je retiens que cette loi, dont les principes de base seront gestion durable et compétitivité, ne saurait éviter, par exemple, le thème des garanties de gestion durable, de l'évolution des modes de ventes de l'ONF, ou encore du statut des entrepreneurs de travaux forestiers, sans oublier la nécessaire actualisation d'un corpus législatif qu'il nous faut adapter.
Vous savez que depuis 4 mois, le projet de stratégie, a bien avancé, et les principales organisations professionnelles ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG) et les administrations intéressées en ont déjà défini les fils directeurs.
Je tiens à redire ici combien je suis attaché à la réussite de cet exercice et rappeler les conditions de cette réussite :
- tout d'abord bien entendu la poursuite de la participation soutenue de tous les acteurs et notamment les professionnels. Je ne saurais trop insister sur mon désir qu'ils s'approprient cette stratégie et en fassent leur référence.
- ensuite une volonté d'aller au bout du débat sans se soucier de je ne sais quel interdit : nous travaillons pour les quinze prochaines années, ce n'est pas un exercice qui se représentera bientôt, non plus que celui de la loi de modernisation forestière ; c'est donc le moment d'évoquer le fond des problèmes.
Je conçois que l'on puisse penser d'ores et déjà à un compromis d'orientation visant à la poursuite et l 'amélioration de la situation actuelle, dans une démarche cherchant à concilier, sur l'ensemble du territoire, gestion durable et compétitivité. Pour autant, nous devons à ce stade évoquer toutes les pistes d'évolution de notre politique forestière. En particulier il est souhaitable qu'un vrai débat ait lieu sur les conditions d'une mobilisation de 6 millions de m3 supplémentaires à la suite de la création d'une " spirale vertueuse" où l'ouverture de débouchés accrus, dans la construction notamment, entraînera un accroissement de la récolte. Le gouvernement a jugé cette option réaliste. Il convient d'en définir les modalités entre acteurs. Enfin et surtout il faut des engagements de chacun. Comme chacun le sait la politique forestière est de la compétence de l'Etat et reste pour l'essentiel centralisée.
Je n'accepterai pas que ce principe serve de justification à une attitude circonspecte des autres acteurs : l'Etat prendra ses responsabilités dans les domaines législatif, réglementaire et financier, j'attends que les élus, les professionnels et les associations représentatives s'engagent tout aussi clairement en ce qui les concerne.
Je vous donne rendez vous au mois de juin, dans l'enceinte du Conseil supérieur de la forêt et des produits forestiers.
Je vous signale que j'ai demandé que, pour cette occasion, la composition du Conseil supérieur soit revue et élargie de façon à ce que personne ne soit laissé de côté.
II/ QUELLE CONCERTATION AVEC LES PARTENAIRES PROFESSIONNELS ET REGIONAUX DEVONS-NOUS DEVELOPPER ?
Je vous redis en effet combien me paraît essentielle la concertation entre partenaires à l'échelon central comme au niveau régional.
A l'échelon central, au-delà des échanges de vues entre ceux qui ont l'habitude de se rencontrer, une ouverture à de nouveaux milieux est nécessaire pour le succès de la politique forestière, notamment vis-à-vis :
- des organisations écologiques, d'une part. Je rappelle que le Symposium de Versailles sur la gestion durable, en mai 1998, a associé ces organisations et celles-ci se sont exprimées ;
- mais aussi, d'autre part, des organisations de consommateurs.
Par ailleurs, il est aussi essentiel d'ouvrir la réflexion à de nouveaux milieux professionnels notamment dans le secteur de la construction ; je salue à cet égard le travail accompli par le Comité National pour le Développement du Bois vis-à-vis des architectes, maîtres d'ouvrage, artisans du bâtiment... qui me paraît fondamental et devra être poursuivi. Pour ce qui concerne l'échelon régional, ai-je besoin de rappeler le caractère majeur des contrats de plan Etat-région, au travers desquels devront être mobilisés à la fois les acteurs régionaux et les cofinancements pour la constitution d'un volet forestier conséquent. Je voudrais insister à cet égard sur le très important travail de préparation qui a été accompli au travers de la reformulation des orientations régionales forestières. Je souhaite que les Commissions régionales de la forêt poursuivent sur leur lancée et conservent un rythme régulier de rassemblement des acteurs locaux parmi lesquels j'aimerais citer en particulier les interprofessions régionales qui ont vocation à mon sens, en fédérant l'ensemble des intérêts du plan régional, à devenir des interlocuteurs reconnus des Conseils régionaux .
Aujourd'hui donc les lieux de rencontre et de propositions existent, qui peuvent disposer d'un réel poids dans le débat forestier local et la préparation des contrats de plan Etat-région. Je me réjouis dans ces conditions que ce colloque ait pu être préparé par des colloques régionaux assurant ainsi le lieu et la cohérence entre le niveau central et les Régions. J'en félicite vivement tous les responsables
III/ FONDEMENTS ET ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE D'AIDE AUX INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS EN FORET
J'évoquais tout à l'heure les responsabilités de l'Etat, j'aimerais vous préciser en quoi elles consistent, à mon sens, s'agissant des investissements productifs en forêt.
L'Etat doit tout d'abord garantir sur le long terme la régularité de la ressource disponible, afin de permettre des stratégies industrielles ambitieuses. Le problème se pose à la fois en terme de surfaces totales annuellement boisées ou reboisées et de choix des essences privilégiées. Alors qu'il est actuellement d'environ 10.000 ha par an le rythme de boisement ou reboisement qui devrait assurer aux industries une totale sécurité d'approvisionnement sur tout le 21ème siècle, pour les principales essences du marché se situe à plus de 30.000 ha par an. Rappelons-nous que ces boisements participent en outre, en stockant du carbone, à la lutte contre l'effet de serre, pour laquelle la France a pris des engagements sur le plan international.
L'Etat doit ensuite permettre aux investisseurs industriels d'avoir une vision claire de la ressource économiquement mobilisable, en qualité comme en quantité, sur la durée d'amortissement de leurs investissements. Les travaux de l'Inventaire Forestier National (IFN) et du Centre Technique du Bois et de l'Ameublement (CTBA), comme certains éléments de la politique commerciale de l'ONF, sont là pour répondre à la demande de lisibilité des investisseurs.
L'Etat doit enfin garantir la cohérence de ses interventions financières en gardant une priorité à la valorisation des investissements déjà réalisés en forêt. Après la très forte priorité donnée aux boisements et reboisements, il est légitime qu'une proportion plus importante des financements du FFN soit désormais consacrée à l'amélioration de la qualité des bois et à la réduction des coûts d'approvisionnement.
L'amélioration de la qualité impose des efforts dans les peuplements constitués avec l'aide du FFN notamment pour effectuer dépressages, éclaircies et élagages. Elle suppose aussi que l'on poursuive la politique de conversion des anciens taillis sous futaie, de façon raisonnée, là où les potentialités sont suffisantes.
La réduction des coûts d'approvisionnement demande notamment des investissements de desserte. L'on estime qu'un programme de 1.500 kms par an de routes et pistes nouvelles serait nécessaire, ainsi que la remise aux normes de 1.400 kms par an.
Puisque nous voulons parler du long terme, il faut bien entendu examiner cette question.
- Depuis 1946, le FFN a permis le boisement ou le reboisement de plus de 2,3 millions d'hectares, l'amélioration de plus de 1,2 millions d'hectares et la réalisation de plus de 40.000 kilomètres de routes et pistes forestières. Sur cette base, au cours des quinze dernières années, des PME et des grands groupes internationaux se sont développés ou implantés en France, créant ainsi des emplois et de la valeur ajoutée, notamment dans le monde rural.
Les investissements en forêt sont des investissements à très long terme ce qui justifie l'intervention publique. Je suis convaincu qu'elle doit se poursuivre et suis fermement décidé à défendre l'outil principal de cette intervention, le Fonds forestier national.
IV/ QUELLES ORIENTATIONS DEVONS-NOUS ARRETER POUR CE FONDS ?
Je ne reviens pas sur les vicissitudes qu'a connues le FFN et vous indique simplement dans quelles directions j'ai commencé et je continue à travailler pour rénover ce fonds.
Un effort financier des pouvoirs publics en faveur du FFN devrait permettre tout à la fois de relancer l'investissement forestier et de développer les industries tant du bois d'uvre que du bois de trituration. Telle est l'orientation de mon projet qui repose sur quatre objectifs, qui comme vous le verrez sont interdépendants :
Premier objectif : l'affectation au FFN d'une ressource nouvelle
Celle-ci permettrait la mise en uvre de la politique de boisement en vue du renouvellement de la ressource forestière sur le long terme et répondrait à l'engagement gouvernemental d'extension des boisements dans le cadre de la lutte contre l'effet de serre. Si le premier but relève de la politique forestière, le second relève de la politique environnementale.
C'est pourquoi cette recette supplémentaire pourrait provenir d'une ressource au titre de la fiscalité écologique. Personne ici connaissant un tant soit peu le contexte fiscal et budgétaire ne contestera la difficulté de la tâche. C'est pourtant bien ce que je veux défendre en concertation avec ma collègue de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Deuxième objectif : le transfert de certaines dépenses sur le budget de l'Etat
Certaines dépenses, actuellement prises en charge par le FFN, relèvent du budget de l'Etat, car il s'agit du fonctionnement de services publics par exemple les Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) ou de la protection des forêts je pense au programme de défense contre l'incendie dans le massif aquitain.
Un transfert, au moins partiel, vers les lignes budgétaires de mon ministère permettrait de recentrer le FFN sur ses missions essentielles (ceci vous le savez représente 60 MF).
Troisième objectif : la diminution de la taxe forestière qui est payée par les industries du bois.
C'est une revendication fondamentale - et fondée - des industriels qui souhaitent un allégement de leurs charges afin d'améliorer leur compétitivité, objectif qui est aussi le mien. Ils ont mal vécu les hausses de taxe intervenues en 1994 parallèlement à la disparition de la charge du BAPSA et demandent donc un retour aux taux en vigueur en 1991.
Les scieurs qui supportent un taux de 1,2 % de leur chiffre d'affaire, sont les premiers demandeurs. Les papetiers, pour leur part, sont en voie d'obtenir une réduction de la taxe parafiscale qui finance leur centre de recherche (l'AFOCEL) et souhaitent plutôt une prise en charge pérenne par le FFN du financement partiel de ce centre.
Je ne crois pas que le principe d'une baisse puisse être débattu longtemps : l'allégement des charges est évidemment un facteur de compétitivité, et n'eut été la position difficile du FFN depuis le début des années 90, mes prédécesseurs auraient sûrement agi déjà en ce sens.
Je ne crois pas me trouver dans une meilleure position qu'eux, mais j'entends m'efforcer d'aboutir à un allégement des taux, peut-être partiel, peut-être progressif, cela dépendra de ce que j'obtiendrai en matière de ressource nouvelle et de transfert sur le budget de l'Etat.
Quatrième objectif : en matière de dépenses, un accroissement des moyens du FFN pour ouvrir de nouveaux marchés aux industriels du bois et enclencher un processus de développement de la demande nécessaire à l'accroissement de la récolte.
L'effort portera notamment sur le soutien à l'exploitation forestière qui conditionne un approvisionnement compétitif des industriels, sur la communication et sur la promotion du bois dans la construction et l'emballage afin de promouvoir le bois face à la concurrence des autres matériaux, ainsi que sur la recherche et le développement.
Ces orientations me semblent de nature à répondre aux enjeux d'ores et déjà bien identifiés pour le secteur forêt- bois, notamment en ce qui concerne les industriels.
V/ L'OFFICE NATIONAL DES FORETS
L'ONF, tout le monde le reconnaît, a un rôle majeur à jouer, qui dépasse sa mission de base de gestionnaire des forêts publiques. Jean-Louis BIANCO a insisté sur ce point. L'ONF joue donc un rôle stratégique essentiel, c'est pourquoi l'occasion du renouvellement du contrat d'objectifs entre l'Etat et l'ONF doit être saisie pour lui fixer des objectifs cohérents avec les ambitions de la politique forestière et lui donner les moyens de les atteindre.
Pour autant, cet établissement n'est pas le seul élément de la politique forestière, et la charge non négligeable pour le budget de l'Etat que présente le versement compensateur en vue de la mise en uvre du régime forestier ne doit pas constituer un handicap aux efforts publics vers ses autres objectifs. C'est pourquoi dans la difficile négociation qui se poursuit sur le montant de l'effort de l'Etat, j'attends que chacun des partenaires, Etat, collectivités, office, fasse un réel effort en replaçant la défense de ses intérêts au regard des grands objectifs de la politique forestière.
J'ajouterai d'ailleurs, en me tournant vers les associations de défenses de l'environnement, que si elles ne sont pas appelées à participer - et pour cause - aux efforts financiers directs, elle peuvent elles aussi intervenir de façon non négligeable : quand cessera-t-on en France de s'auto-flageller et de contester, parfois de chercher à détruire, les outils performants que nous avons mis en place. Je sais qu'on peut toujours critiquer localement telle décision du gestionnaire public, mais qui contestera sérieusement au niveau national et au regard de nos partenaires étrangers le sérieux de la gestion environnementale de nos forêts ? Au moment où les charges liées à cette excellence environnementale s'accroissent, dépassant souvent les possibilités de financement offertes par la forêt elle-même, il faut faire preuve de hauteur de vue et raison garder.
Pour en revenir au contrat avec l'ONF, j'ai l'intention de privilégier les orientations suivantes :
- accroître les mises en marché de 1 million de mètres cube d'ici à 2003 en forêt domaniale, et si possible de 1 million de mètres cube en forêt communale dans la mesure où les collectivités en seront d'accord ;
- cela doit s'accompagner de la modernisation et de la simplification des conditions de commercialisation des bois, notamment en développant les contrats d'approvisionnement, et d'une forte augmentation des travaux de régénération, d'entretien, et d'investissement en forêt domaniale, dans l'intérêt même du domaine privé de l'Etat ;
- renforcer l'exemplarité de la gestion sur le plan environnemental et sur celui de la performance économique : pour chaque forêt, moduler davantage l'équilibre entre objectifs environnementaux, économiques et sociaux, en adaptant le niveau de gestion à la situation locale et aux enjeux propres à cette forêt et au territoire environnant ;
- renforcer la concertation avec les élus représentant les propriétaires de forêts soumises au régime forestier et avec les principaux acteurs des territoires concernés, autour des enjeux préalablement identifiés ;
- clarifier en quatre grands comptes les différents métiers de l'ONF (gestion du domaine privé de l'Etat ; gestion des forêts communales, en individualisant le coût de mise en uvre du régime forestier ;
- missions d'intérêt général assumées dans le cadre de conventions avec l'Etat ; activités conventionnelles de diversification) ;
Plus que les contrats précédents, ce document doit identifier des objectifs chiffrés et doit prévoir une clause de révision à mi parcours pour tirer les conséquences des résultats constatés. La comptabilité analytique doit être revue pour faciliter cet exercice.
J'évoquais tout à l'heure les efforts de chacun :
Un gros effort de productivité sera demandé à l'ONF, de l'ordre de 2,6 % par an. Il devra sûrement être accompagné d'une certaine réorganisation du travail fondée notamment sur le groupe technique, sur la création de cellules d'appui spécialisées, sur le regroupement d'unités fonctionnelles et sur une réflexion sur les structures territoriales.
Parallèlement à cet effort de productivité, un effort sera demandé aux communes forestières pour résorber d'ici à la fin du contrat d'objectifs les charges indues pour le versement compensateur, provenant d'une sous-facturation très significative du coût d'encadrement des travaux.
L'effort financier qu'assumera l'Etat en matière de versement compensateur sera proportionnel aux efforts qu'accepteront de faire l'ONF et les communes forestières.
J'entends signifier à l'occasion du renouvellement du Conseil d'Administration de l'ONF et de la signature du contrat, ma volonté de conforter cet organisme.
VI/ POLITIQUE FORESTIERE ET PREVENTION DES RISQUES : RESTAURATION DES TERRAINS EN MONTAGNE (RTM) et DEFENSE DE LA FORET CONTRE LES INCENDIES (DFCI)
Je voudrais enfin aborder un thème fondamental pur la politique forestière et la gestion des espaces ruraux, celui de la prévention des risques.
Les derniers événements catastrophiques, aussi bien en France qu'en Autriche rappellent tragiquement que le risque zéro n'existe pas en montagne.
Prévenir les risques naturels en montagne s'inscrit nécessairement dans une approche interministérielle s'appuyant sur une gestion durable des espaces sensibles en étroite concertation avec les collectivités territoriales. Les actions de prévention des risques naturels sont en effet à la croisée des actions économiques, urbanistiques et touristiques, sociales et d'aménagement du territoire.
Le ministère chargé des forêts est gestionnaire de plus de 380.000 hectares de terrains particulièrement générateurs de risques naturels majeurs liés aux écoulements gravitaires. Ces terrains ont été l'objet de travaux de génie et de génie civil.
L'usure normale et le vieillissement de ces ouvrages, dont certains ont plus d'un siècle, rendent indispensable un programme régulier de maintenance et d'investissements lourds. Les crédits correspondants destinés à la restauration des terrains en montagne seront augmentés de 40 MF, conformément à l'annonce faite par le Premier ministre au dernier Conseil national de la montagne. La convention nationale passée entre l'Etat et l'ONF concernant le service RTM sera renouvelée pour l'an 2000 afin d'assurer de façon pérenne l'adéquation entre les demandes adressées par les différents ministères concernés (agriculture, environnement et aménagement du territoire, Intérieur, équipement et logement) et les services assurés par l'ONF. L'Etat fait un effort significatif pour assurer les responsabilités qui lui reviennent, il serait opportun que parallèlement les collectivités se mobilisent dans le cadre d'une action concertée. La négociation des prochains contrats de plan devrait à cet égard permettre d'assurer la complémentarité des interventions de chacun. S'agissant des feux de forêts, vous savez que le bilan de 1998 s'avère modéré pour la huitième année consécutive, avec seulement, si je puis dire, 23.500 hectares brûlés. Ces résultats positifs enregistrés sur une aussi longue période s'expliquent en grande partie, comme l'indique une comparaison avec des pays voisins, par l'efficacité de la politique de prévention et de lutte. Ce satisfecit global ne signifie pas pour autant que le risque de feu de forêts s'est durablement atténué. Si les superficies brûlées diminuent, le nombre de départs de feux augmente. L'augmentation des friches et des espaces qui se boisent naturellement, ainsi que le manque d'entretien des forêts dont l'enjeu productif est très faible accroissent les espaces potentiellement combustibles.
La vigilance doit donc rester de mise, et la politique de prévention s'avère d'autant plus indispensable que le coût de la lutte atteint désormais les limites du supportable.
Quatre orientations prioritaires en matière d'allocation des moyens budgétaires disponibles sont clairement identifiées :
- renforcer la gestion spatiale du risque ;
- résorber les causes des feux ;
- mettre aux normes les équipements et aménagements de Défense des Forêts Contre l'Incendie (DFCI )
- et enfin, conforter la surveillance des massifs forestiers.
VII/ UNE POLITIQUE INTERMINISTERIELLE POUR LA FORET ET LA FILIERE BOIS
Je voudrais maintenant conclure mon intervention en soulignant que la politique forestière en France a traditionnellement un caractère sectoriel très marqué qui conduit à un cloisonnement du monde forestier, et un déficit de communication qui est désormais ressenti par l'ensemble des acteurs.
Ainsi la participation des ONG aux réflexions reste-t-elle récente et connaît parfois quelques aléas.
Pourtant, la forêt et le bois représentent à l'évidence un thème transversal, qui nécessite une action interministérielle pour deux raisons complémentaires :
- nous avons besoin des autres ministères, et pas seulement du Ministère des Finances pour gérer la forêt, moderniser les entreprises et ouvrir de nouveaux marchés au bois.
- nous pouvons être utiles aux autres ministères et les aider à mettre en uvre leur politique, dans les domaines qui les concernent, en prenant notre part de la réalisation de leurs objectifs.
Par conséquent, si j'entends bien rester le responsable de la politique forestière, je ne prétends pas avoir le monopole des questions forestières et j'attends beaucoup en terme administratif et financier de certains de mes collègues.
Dans cette perspective, différents thèmes relèvent au premier chef d'une logique interministérielle :
- gestion durable et prescriptions environnementales qui concerne le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
- sécurité civile, et prévention des risques pour ce même ministère et celui de l'intérieur ;
- amélioration de la compétitivité des entreprises qui regarde le ministère chargé des transports et bien entendu celui des finances, de l'industrie ;
- prise en compte de la forêt et du bois dans la politique de recherche à quoi je souhaite vivement que le ministère de la recherche s'intéresse ;
- ouverture de nouveaux débouchés pour le bois : bois-énergie, place du bois dans la construction qui concerne non seulement l'équipement, le logement, l'environnement mais aussi la culture.
Et bien entendu la formation pour laquelle il faut impérativement mobiliser le ministère de l'éducation nationale pour diminuer la méconnaissance dramatique de nos concitoyens et parmi eux de décideurs en matière de forêt de bois.
La liste de mes collègues que j'entends mobiliser est donc longue et encore n'ai-je pas parlé de la santé pour ce qui concerne les conséquences de l'utilisation du bois, et bien entendu de l'emploi, enjeu fondamental dans les zones rurales.
La stratégie forestière représente une réelle opportunité pour cela et elle doit à mon sens permettre d'intégrer la forêt dans une logique interministérielle. Je veux impliquer les autres administrations dès la préparation des projets et pas seulement à l'occasion d'un arbitrage interministériel.
C'est dans cet état d'esprit que je veux préparer la loi forestière.
Cette loi doit être une loi d'orientation affirmant clairement nos objectifs de compétitivité et de gestion durable.
Elle doit être aussi une loi de modernisation de notre code forestier en raison des évolutions constatées.
Elle doit être aussi une loi permettant à ce code forestier de mieux s'articuler au code de l'environnement, au code de l'urbanisme ou encore au code pénal.
J'ai donné le coup d'envoi de la concertation à travers la réunion régulière des groupes de travail, qui vont maintenant se réunir à un rythme hebdomadaire. J'entends pouvoir présenter à la rentrée, un premier texte, susceptible d'être arbitré et retenu par le Gouvernement.
Ce projet de loi sera la transcription législative, là où cela s'impose de la stratégie forestière que nous aurons ensemble adoptée. Elle sera l'expression de notre pays dans le concert international sur la contribution de la forêt et du bois aux grands équilibres écologiques. Elle marquera notre volonté d'inscrire pleinement la forêt et la filière bois et papier dans la politique de développement économique, social et culturel de notre pays.
Je compte sur l'appui des professionnels, du monde associatif mais aussi dès maintenant des parlementaires, pour faire de ce projet un projet d'orientation, comme je compte sur les parlementaires pour éclairer les choix budgétaires que nous allons prendre dans les semaines et les mois qui viennent.
1999 doit marquer une inflexion de notre politique forestière, j'ai déjà dit, combien j'y tenais,
l'année 2000 permettra d'exprimer dans toute son ampleur ce nouvel élan.
A nouveau je vous remercie de la qualité de vos travaux et de votre mobilisation.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 mai 1999)