Texte intégral
En choisissant de centrer les débats de cette année sur les enjeux économiques et sociaux à l'horizon 2015, vous avez choisi pour thème de votre congrès une réflexion à la fois indispensable et difficile qui vient compléter les rapports précédents sur (la mondialisation de l'économie) au Touquet en 1998 et (les nouvelles demandes de la société) à Lyon en 1997.
On a trop eu tendance pendant longtemps à dissocier les dimensions économiques et sociales des défis qui nous sont posés, notamment en agriculture. Or, l'intitulé même de votre congrès montre qu'il est maintenant acquis que ces deux aspects sont indissociables : la cohésion et le bien-être social sont bien évidemment fonction de la richesse économique mais, inversement, la recherche d'une maximisation de la croissance économique d'une nation, ou d'un secteur, n'a de sens que si elle tend à améliorer la condition sociale de l'ensemble de ceux qui fabriquent cette richesse. A cet égard, la CNMCCA est emblématique de cette synergie, par la nature de ses composantes, et l'esprit du mutualisme et de la coopération qui les anime.
C'est la raison pour laquelle en tant que Ministre de l'agriculture, chargé par la loi de définir la politique sociale agricole, je me sens tout autant concerné par cette dimension que par la dimension économique de cette fonction.
Vous avez évoqué dans votre intervention, Monsieur le Président, les tendances lourdes qui accompagnent le développement de notre agriculture et dont il nous faut tenir compte pour garantir son avenir et mis l'accent sur le dynamisme économique, le maintien de l'enclin et le développement rural et régional qui sont vos préoccupations de tous les instants.
Comme vous l'avez souligné ce sont également les miennes.
Nous savons quelle politique agricole nous entendons promouvoir : Celle qui encourage une agriculture multifonctionnelle qui produit dans des conditions de soutien à l'emploi, d'aménagement du territoire, de préservation de l'environnement,
En effet, la France est bien la première puissance agricole de l'Union européenne et le second pays exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires.
Elle exploite à elle seul quelques 20 % de la surface agricole utile de l'Europe et se place en tête des quinze pays de l'Union pour la plupart des grandes productions agricoles Mais y aurai-t-il encore demain des agriculteurs en France pour assurer l'accomplissement de cette vocation ? Que seront demain ces paysans auxquels nous sommes tous attachés, c'est-à-dire des agriculteurs indépendants, travaillant sur des exploitations à taille humaine, et responsables de leur conduite.
Une grande puissance agricole sans agriculteurs, c'est en effet le paradoxe auquel nous pourrions être confrontés dans un proche avenir si rien n'est fait pur modifier le cours des choses.
Bien sûr, la France produira toujours des denrées agricoles et des produits agroalimentaires. Mais la question est de savoir dans quelles conditions ?. Cette production sera-t-elle assurée demain par une poignée de grandes exploitations n'occupant que les zones les plus productives de notre territoire, et dont l'activité sera totalement intégrée à celle des industries d'amont et d'aval, ou serons-nous capables de préserver ce que nous appelons le " modèle agricole européen " ?
Ce qui est en jeu, c'est tout simplement la pérennité d'un certain mode d'organisation sociale du monde agricole, et des rapports entre le monde rural et le reste de la société.
Voulons-nous garder une agriculture avec des agriculteurs aussi nombreux que possible et présents sur l'ensemble du territoire ? C'est à cette question essentielle pour la Nation toute entière que la loi d'orientation agricole actuellement en cours de discussion au Parlement à l'ambition de répondre :
La politique agricole ne sera efficace, légitime et durable que si elle place l'homme au cur de ses préoccupations en privilégiant l'installation sur l'agrandissement et en améliorant la protection sociale des agriculteurs, des conjoints d'exploitants, des salariés et des retraités de l'agriculture.
Le ministère conçoit et finance, grâce au BAPSA, et les caisses de mutualité sociale agricole mettent en uvre la politique visant les 2,5 millions de ressortissants du régime des non salariés agricoles, ainsi que les 1,8 million de ressortissants du régime des salariés agricoles soit une population totale de 4,3 millions de personnes couvertes.
Avec 148 milliards de francs de prestations versées par la MSA, soit bien plus que les concours publics nationaux et européens à l'agriculture, nous savons que la protection sociale agricole est un élément fondamental de structuration du métier d'agriculteur et de l'agriculture française.
Je voudrais tout d'abord confirmer mon attachement aux principes et aux règles qui régissent la mutualité sociale agricole. C'est un régime moderne, parce qu'il assure la gestion de l'ensemble des risques et forme un guichet unique pour l'agriculteur et sa famille. C'est un régime démocratique, parce que ses ressortissants sont particulièrement impliqués dans sa gestion, que ce soient les agriculteurs, les salariés agricoles ou les représentants des familles.
Un nouvel exemple de cette vitalité démocratique nous sera donné le 27 octobre prochain lors de l'élection des délégués communaux et cantonaux.
Permettez-moi maintenant de développer les points qui me paraissent essentiels pour l'avenir du régime de protection sociale et que vous avez vous-même évoqués en prévision de l'horizon 2015.
I - Les retraites
Il nous faut en la matière prendre en considération deux priorités : d'une part, le rapport du commissaire au Plan qui vient d'être remis au Premier ministre confirme l'impact du choc démographique à venir sur l'ensemble des régimes à l'horizon 2015 et au-delà. D'autre part, il faut néanmoins tenir compte du retard qu'a pris le régime agricole en termes de niveau des pensions de retraite.
Comme vous le savez, ce gouvernement a porté une attention toute particulière aux retraités agricoles en mettant en place un plan pluriannuel de revalorisations des plus petites pensions agricoles.
Dès 1997, les premières mesures de ce plan ont été mises en oeuvre. C'est ainsi qu'entre 1998 et 1999, ce sont plus de 2,5 MdsF de mesures nouvelles qui ont été inscrites au BAPSA, ce qui constitue un effort sans précédent qui permet, dès 1999, de porter le minimum des pensions de retraite, pour des carrières complètes à :
- 3 000 F/mois pour les chefs d'exploitation
- 2 800 F/mois pour les personnes veuves
- 2 500 F/mois pour les aides familiaux
- 2 200 F/mois pour les conjoints.
Le projet de loi d'orientation agricole prévoit qu'un rapport, qui sera déposé devant le Parlement, définira les objectifs et les modalités d'atteinte de ces objectifs d'ici la fin de la législature, à savoir d'ici le 30 juin 2002.
Il reste en effet à en définir les modalités mais les objectifs sont pour moi, d'ores et déjà,
clairs : il s'agit de faire en sorte que les pensions contributives des exploitants et des membres de leur famille ne puissent être inférieures au minimum social dont la référence s'impose en la matière, c'est-à-dire le minimum vieillesse. Aussi, je proposerai au Parlement que, d'ici le 30 juin 2002, la pension des chefs d'exploitation et des veuves ne soient inférieure, pour des carrières pleines, au minimum vieillesse (3 500 F/mois) et que les pensions des aides familiaux et des conjoints ne puissent être inférieures au minimum vieillesse des conjoints, soit 2 800 F/mois.
Dès lors, tous les retraités agricoles, y compris ceux qui ont travaillé de nombreuses années avant la création du régime de sécurité sociale des agriculteurs et, ainsi, se sont vus valider ces périodes d'avant 1952 sans qu'ils aient cotisé, se verront, pour une carrière pleine, attribuer des pensions au moins égales au minimum vieillesse, ce qui, d'ailleurs, correspond à la pension moyenne du régime général.
Au terme du plan de revalorisation le volume des prestations vieillesse financées par le BAPSA aura progressé de 7 milliards soit plus de 10 %. 75 milliards sur les 90 milliards de francs du BAPSA sont assurés par la solidarité nationale ou inter-professionnelle.
Il n'est pas possible d'envisager d'aller au-delà, non seulement pour des raisons financières, mais, surtout, pour des raisons d'équité : pourquoi la collectivité nationale garantirait-elle aux anciens agriculteurs des droits supérieurs à ceux des salariés ? Pourquoi un régime de retraite garantirait-il, sans contrepartie en termes de cotisations, des pensions supérieures au revenu de nombreux actifs agricoles ?
Parmi les régimes de non salariés, celui des agriculteurs est le dernier à ne pas s'être doté d'un régime complémentaire. Les professions libérales l'ont fait en 1949, les commerçants et industriels en 1977, les artisans en 1979. C'est pourquoi je suis prêt à soutenir l'initiative de la profession consistant à se doter d'un tel régime.
Dans la perspective sociale qui est celle dans laquelle se place le gouvernement, je suis favorable à la création d'un régime complémentaire obligatoire par répartition. Nous avons d'ailleurs convenu, dans la convention d'objectifs et de gestion que j'ai signée avec la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, qui a une vocation naturelle à se voir confier la gestion de ce régime, d'étudier la faisabilité de la création d'un tel régime. Il convient notamment de prendre acte du fait que cette création interviendrait dans un contexte démographique défavorable du régime social agricole dans lequel on compte 2,5 retraités pour un actif. Cette situation rendrait probablement nécessaire une participation financière de l'Etat au titre de la compensation de ce déséquilibre démographique, à l'instar de ce qui se passe déjà pour le régime de base.
Je suis favorable à une telle participation. Il convient donc, désormais, que nous travaillions ensemble -Etat, caisse centrale de mutualité sociale agricole, et professionnels- pour définir plus précisément les contours de ce nouveau régime complémentaire.
II - L'assurance maladie et les accidents du travail
Quant à l'assurance maladie et aux accidents du travail, on est confronté dans le régime agricole, sans doute plus qu'ailleurs, à une contrainte forte : il est à la fois indispensable d'une part, d'améliorer la couverture de ces risques vitaux, et, d'autre part, de contenir les dépenses pour respecter l'équilibre des comptes sociaux.
S'agissant de l'amélioration des prestations, je voudrais d'abord souligner l'effort important qu'accomplit le gouvernement dans son ensemble et, plus particulièrement, le ministère de l'agriculture, en matière de lutte contre l'exclusion. Comme vous le savez, le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) est actuellement discuté au Parlement et sera voté avant l'été. Ce dispositif permettra aux agriculteurs dont les revenus sont inférieurs à 3 500 F par mois (et ils sont nombreux) d'être tous couverts non seulement par un régime de base mais également par un régime complémentaire qui prendra en charge le ticket modérateur et le forfait journalier hospitalier. Plus globalement, d'ailleurs, l'exclusion en milieu rural est un problème croissant qui me préoccupe et je me félicite que la mutualité sociale agricole, grâce à sa politique d'action sanitaire et sociale dont elle a récemment rénové les principes et les objectifs, se mobilise dans la lutte contre ce phénomène.
S'agissant de la couverture des accidents du travail auxquels, là encore, la profession agricole est plus exposée que d'autres, force est de constater que le système existant, qui s'est d'ailleurs bâti avec difficulté, n'est pas satisfaisant : il est en principe obligatoire mais géré par des entreprises privées d'assurance, il ne garantit pas que tous les exploitants soient couverts. De plus, il offre des prestations de niveau insuffisant puisqu'un exploitant qui se voit reconnaître une incapacité de 2/3 ne se voit attribuer qu'une pension de 23 000 F par an.
C'est la raison pour laquelle nous avons, la ministre de l'emploi et de la solidarité et moi, confié une mission de réflexion sur ce régime aux inspections générales de l'agriculture et des affaires sociales.
Les conclusions définitives de cette mission ne me seront remises que dans quelques jours, mais, des éléments dont je dispose d'ores et déjà, il me semble qu'on peut déduire quelques pistes d'évolution.
Il m'apparaît en effet que, s'agissant d'un risque dont la prévalence en milieu agricole, est particulièrement forte, il est de notre devoir de passer d'un système purement assurantiel à un véritable régime de sécurité sociale basé sur la solidarité. Il convient d'étudier dans quelle mesure un tel régime pourrait, en étant appuyé sur des cotisations modulées selon les différents risques, assumer financièrement une meilleure couverture et pour laquelle l'Etat est prêt à intervenir, par l'intermédiaire du BAPSA. Il existe d'ailleurs un intérêt en termes de transparence, lié à cette amélioration de la couverture des accidents dans la mesure où, faute d'un telle couverture, les exploitants accidentés sont souvent indemnisés au titre de la maladie par la MSA. Quant à la gestion de ce régime, il conviendra en effet d'étudier s'il est préférable de conserver un système dans lequel pourrait s'exercer la concurrence entre les différents intervenants ou s'il vaut mieux en confier la gestion à la MSA.
III - Les charges sociales
Dans ce domaine également, nous devons faire face à un dilemme classique entre la nécessité que chaque exploitant contribue financièrement à la constitution de sa couverture sociale et le souhait de prendre au mieux en compte les charges spécifiques générées par l'exploitation en vue de ne pas défavoriser les adhérents du régime par rapport à d'autres régimes.
En termes d'équité, le régime a fait l'objet d'une réforme en profondeur qui a permis d'asseoir les cotisations sur les revenus professionnels et non plus sur les revenus cadastraux. Les exploitants agricoles sont désormais, si l'on tient compte du niveau respectif des prestations, globalement à parité avec les salariés.
J'estime qu'il est néanmoins légitime de rechercher des aménagements de façon à tenir compte de la spécificité de l'activité agricole. C'est pourquoi j'ai accepté un amendement au projet de loi d'orientation agricole prévoyant qu'un rapport relatif à la fiscalité, aux charges sociales et à la transmission des exploitations sera déposé devant le Parlement. Parallèlement, mes services animeront, jusqu'au mois de septembre prochain, un groupe de travail relatif aux charges sociales et à la fiscalité et composé des représentants des différents ministères concernés, des organisations professionnelles agricoles, et de la caisse centrale de mutualité sociale agricole.
- La politique agricole ne sera légitime et pérenne que si elle permet le plein développement des trois fonctions de l'agriculture : production, emploi, entretien de l'espace agricole et forestier.
La multifonctionnalité de l'agriculture correspond tout simplement à la réalité d'une activité agricole bien conduite, qui contribue en même temps à la production agricole, mais aussi à la protection et au renouvellement des ressources naturelles, à l'équilibre du territoire et à l'emploi.
C'est une vision de l'agriculture dans laquelle environnement, bien-être des animaux, qualité et identification des produits ne sont plus des contraintes pesant sur l'activité agricole, mais des atouts permettant de valoriser cette production agricole sur le marché national, communautaire et mondial.
Les politique publiques doivent reconnaître cette évolution. Les règles de répartition des aides publiques en faveur de l'agriculture, qu'il s'agisse des concours nationaux aujourd'hui, mais aussi demain des concours européens, doivent être adaptées. Les soutiens aux agriculteurs ne devront plus être répartis proportionnellement au volume de la production qu'ils réalisent. Mais ils devront inciter les agriculteurs à prendre en compte l'ensemble des dimensions de leur métier.
- Les contrats territoriaux d'exploitation seront les outils de cette nouvelle politique agricole.
Un contrat territorial d'exploitation sera la traduction d'un projet global de développement de l'exploitation, conçu par l'agriculteur qui le signera. Il fixera les engagements respectifs de l'Etat et de l'agriculteur.
Le CTE avec ses 2 volets socio-économique d'une part, territorial et environnemental d'autre part est l'expression d'une politique volontariste dont le premier objectif est de maintenir des exploitations agricoles viables et d'encourager l'installation sur tout le territoire national et dont le deuxième objectif est de promouvoir à travers des pratiques agronomiques respectueuses de l'environnement une production de qualité ainsi que la réalisation d'actions d'intérêt général contribuant à l'aménagement du territoire et à l'entretien de l'espace.
Cette vision de la politique agricole doit être défendue au niveau européen et multilatéral.
Car l'agriculture et la politique agricole font désormais partie, depuis les accords du GATT à Marrakech, du processus de mondialisation. Les disciplines en matière de libre concurrence s'appliquent donc largement aux soutiens à l'agriculture, dans la limite des engagements consentis par les Etats : accès au marché, subventions à l'exportation, soutiens directs à l'agriculture.
Il s'agit, par ailleurs d'une compétence européenne. C'est au niveau européen que se décide l'essentiel de la politique agricole, et c'est donc là que doit être porté plus loin le soutien à une agriculture multifonctionnelle, par la mise en place d'un second pilier de la PAC décidé à Berlin : le développement rural.
Enfin, c'est l'union européenne, par la voix de la Commission, agissant sur la base des instructions du Conseil des ministres, qui s'exprime dans la négociation multilatérale à l'OMC. C'est donc avant tout à Bruxelles que nous devons forger un nouveau consensus communautaire, pour affronter comme il convient l'offensive des pays tiers.
J'entends donc sans tarder prolonger au niveau européen l'entreprise de conviction entamée lors de la réforme de la PAC . Nous avons déjà obtenu de constituer avec le développement rural ce second pilier de la PAC. La modulation nous permettra d'aller plus loin en augmentant ces dépenses en faveur des zones défavorisées, de l'installation des jeunes, de l'agri-environnemental.
Mais toute l'Europe devra y venir. Car cette politique de développement rural est celle, aux côtés des soutiens classiques au marché, qui est la plus à même de répondre aux attentes des agriculteurs comme de l'ensemble de la société.
Je remettrai dans les toutes prochaines semaines un mémorandum sur ce sujet à mes collègues européens, pour contribuer à une réflexion à laquelle j'entends donner un très large écho lors de la Présidence française de l'Union européenne, l'année prochaine. Il sera alors temps de se préparer aux grandes échéances internationales qui nous attendent : élargissement de l'Union européenne, négociations agricoles à l'OMC, accords avec des pays tiers comme ceux du Sud de la méditerranée ou d'Amérique latine.
Au niveau multilatéral aussi, l'évolution de la politique agricole dans le sens du soutien à une agriculture multifonctionnelle doit être au cur de notre stratégie. L'enjeu est de taille. Dès Seatlle, avec le lancement des négociations à l'OMC, les Etats-Unis et les pays du groupe de Cairns mettront plus que jamais en cause la possibilité pour l'Europe de soutenir son agriculture.
J'entends être présent à Seattle. Nous y défendrons aussi la préférence communautaire, la régulation de nos marchés et l'accès à celui des pays tiers. Mais nous devrons avant tout élargir le cercle des pays qui estiment qu'aider l'agriculture à occuper harmonieusement le territoire et à préserver l'environnement, est pleinement légitime. Nous devons travailler à redéfinir les contours de la fameuse " boîte verte ". C'est en effet le seul moyen de faire accepter au niveau international, le principe d'un soutien public à l'agriculture. Dès lors que l'agriculture n'est plus, depuis Marrakech, totalement à l'abri de la mondialisation - et c'est heureux pour un pays exportateur comme le nôtre - ; Il s'agit d'un enjeu capital pour nous.
Là encore, je prendrai des initiatives pour défendre ce modèle de politique agricole au niveau multilatéral.
J'entends que le projet que nous défendons dans notre pays, à travers la loi d'orientation agricole et le Contrat Territorial d'Exploitation, soit aussi avancé et débattu, aussi bien dans le cadre européen que dans le concert multilatéral. La France est, vous le savez une force de proposition attendue. Son approche de la multifonctionnalité et du découplage des aides, donne un contenu à ce débat.
Afin de répondre aux questions soulevées par les récents accords européens et de faire face aux inquiétudes que pose cet environnement international de plus en plus pesant je proposerai à la réunion du conseil supérieur d'orientation du 20 mai prochain que des groupes de travail soient constitués par grands thèmes avec l'ensemble des organisations professionnelles représentatives et les Ministères concernés afin d'examiner d'ici 6 mois les conséquences pour l'agriculture française de la réforme de la PAC décidée à Berlin, en intégrant les dispositions de la LOA, sur les thèmes suivants :
bilan des accords de Berlin : conséquences par production et développement rural, mise en uvre de la modulation des aides directes, plan de régionalisations des rendements grandes cultures ; fiscalité et mesures sociales en lien avec les rapports prévus par la LOA.
Comme vous le savez, un axe essentiel de la politique du gouvernement, est de prendre les mesures de nature à permettre à l'agriculture de continuer à être un secteur de production performant et de continuer à assurer un maillage culturel, environnemental et social en milieu rural. C'est bien là tout l'enjeu de la réorientation voulue par le projet de LOA et la politique en matière de protection sociale en est totalement partie intégrante. L'agriculture a trop longtemps vécu dans un environnement social incomplet. Il faut aller plus loin pour la doter d'un cadre qui tout en prenant en compte ses spécificités la rapproche des autres secteurs de production afin d'offrir la garantie d'un développement économique et social créateur de richesse et d'emploi.
Nous en avons posé les jalons avec le plan pluriannuel de revalorisation des retraites et le projet de loi d'orientation agricole dont les rapports vont, dans les prochains mois, permettre au gouvernement de prendre des mesures concrètes en matière de retraite complémentaire, d'accidents du travail, d'assiette des charges sociales.
Ceci démontre, Monsieur le Président, la pertinence et l'actualité du thème choisi par la CNMCCA pour son congrès. Je ne doute pas que votre contribution sera précieuse et qu'elle occupera une place importante dans la phase de concertation qui s'ouvre sur les différents chantiers que nous avons évoqués.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 mai 1999)
On a trop eu tendance pendant longtemps à dissocier les dimensions économiques et sociales des défis qui nous sont posés, notamment en agriculture. Or, l'intitulé même de votre congrès montre qu'il est maintenant acquis que ces deux aspects sont indissociables : la cohésion et le bien-être social sont bien évidemment fonction de la richesse économique mais, inversement, la recherche d'une maximisation de la croissance économique d'une nation, ou d'un secteur, n'a de sens que si elle tend à améliorer la condition sociale de l'ensemble de ceux qui fabriquent cette richesse. A cet égard, la CNMCCA est emblématique de cette synergie, par la nature de ses composantes, et l'esprit du mutualisme et de la coopération qui les anime.
C'est la raison pour laquelle en tant que Ministre de l'agriculture, chargé par la loi de définir la politique sociale agricole, je me sens tout autant concerné par cette dimension que par la dimension économique de cette fonction.
Vous avez évoqué dans votre intervention, Monsieur le Président, les tendances lourdes qui accompagnent le développement de notre agriculture et dont il nous faut tenir compte pour garantir son avenir et mis l'accent sur le dynamisme économique, le maintien de l'enclin et le développement rural et régional qui sont vos préoccupations de tous les instants.
Comme vous l'avez souligné ce sont également les miennes.
Nous savons quelle politique agricole nous entendons promouvoir : Celle qui encourage une agriculture multifonctionnelle qui produit dans des conditions de soutien à l'emploi, d'aménagement du territoire, de préservation de l'environnement,
En effet, la France est bien la première puissance agricole de l'Union européenne et le second pays exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires.
Elle exploite à elle seul quelques 20 % de la surface agricole utile de l'Europe et se place en tête des quinze pays de l'Union pour la plupart des grandes productions agricoles Mais y aurai-t-il encore demain des agriculteurs en France pour assurer l'accomplissement de cette vocation ? Que seront demain ces paysans auxquels nous sommes tous attachés, c'est-à-dire des agriculteurs indépendants, travaillant sur des exploitations à taille humaine, et responsables de leur conduite.
Une grande puissance agricole sans agriculteurs, c'est en effet le paradoxe auquel nous pourrions être confrontés dans un proche avenir si rien n'est fait pur modifier le cours des choses.
Bien sûr, la France produira toujours des denrées agricoles et des produits agroalimentaires. Mais la question est de savoir dans quelles conditions ?. Cette production sera-t-elle assurée demain par une poignée de grandes exploitations n'occupant que les zones les plus productives de notre territoire, et dont l'activité sera totalement intégrée à celle des industries d'amont et d'aval, ou serons-nous capables de préserver ce que nous appelons le " modèle agricole européen " ?
Ce qui est en jeu, c'est tout simplement la pérennité d'un certain mode d'organisation sociale du monde agricole, et des rapports entre le monde rural et le reste de la société.
Voulons-nous garder une agriculture avec des agriculteurs aussi nombreux que possible et présents sur l'ensemble du territoire ? C'est à cette question essentielle pour la Nation toute entière que la loi d'orientation agricole actuellement en cours de discussion au Parlement à l'ambition de répondre :
La politique agricole ne sera efficace, légitime et durable que si elle place l'homme au cur de ses préoccupations en privilégiant l'installation sur l'agrandissement et en améliorant la protection sociale des agriculteurs, des conjoints d'exploitants, des salariés et des retraités de l'agriculture.
Le ministère conçoit et finance, grâce au BAPSA, et les caisses de mutualité sociale agricole mettent en uvre la politique visant les 2,5 millions de ressortissants du régime des non salariés agricoles, ainsi que les 1,8 million de ressortissants du régime des salariés agricoles soit une population totale de 4,3 millions de personnes couvertes.
Avec 148 milliards de francs de prestations versées par la MSA, soit bien plus que les concours publics nationaux et européens à l'agriculture, nous savons que la protection sociale agricole est un élément fondamental de structuration du métier d'agriculteur et de l'agriculture française.
Je voudrais tout d'abord confirmer mon attachement aux principes et aux règles qui régissent la mutualité sociale agricole. C'est un régime moderne, parce qu'il assure la gestion de l'ensemble des risques et forme un guichet unique pour l'agriculteur et sa famille. C'est un régime démocratique, parce que ses ressortissants sont particulièrement impliqués dans sa gestion, que ce soient les agriculteurs, les salariés agricoles ou les représentants des familles.
Un nouvel exemple de cette vitalité démocratique nous sera donné le 27 octobre prochain lors de l'élection des délégués communaux et cantonaux.
Permettez-moi maintenant de développer les points qui me paraissent essentiels pour l'avenir du régime de protection sociale et que vous avez vous-même évoqués en prévision de l'horizon 2015.
I - Les retraites
Il nous faut en la matière prendre en considération deux priorités : d'une part, le rapport du commissaire au Plan qui vient d'être remis au Premier ministre confirme l'impact du choc démographique à venir sur l'ensemble des régimes à l'horizon 2015 et au-delà. D'autre part, il faut néanmoins tenir compte du retard qu'a pris le régime agricole en termes de niveau des pensions de retraite.
Comme vous le savez, ce gouvernement a porté une attention toute particulière aux retraités agricoles en mettant en place un plan pluriannuel de revalorisations des plus petites pensions agricoles.
Dès 1997, les premières mesures de ce plan ont été mises en oeuvre. C'est ainsi qu'entre 1998 et 1999, ce sont plus de 2,5 MdsF de mesures nouvelles qui ont été inscrites au BAPSA, ce qui constitue un effort sans précédent qui permet, dès 1999, de porter le minimum des pensions de retraite, pour des carrières complètes à :
- 3 000 F/mois pour les chefs d'exploitation
- 2 800 F/mois pour les personnes veuves
- 2 500 F/mois pour les aides familiaux
- 2 200 F/mois pour les conjoints.
Le projet de loi d'orientation agricole prévoit qu'un rapport, qui sera déposé devant le Parlement, définira les objectifs et les modalités d'atteinte de ces objectifs d'ici la fin de la législature, à savoir d'ici le 30 juin 2002.
Il reste en effet à en définir les modalités mais les objectifs sont pour moi, d'ores et déjà,
clairs : il s'agit de faire en sorte que les pensions contributives des exploitants et des membres de leur famille ne puissent être inférieures au minimum social dont la référence s'impose en la matière, c'est-à-dire le minimum vieillesse. Aussi, je proposerai au Parlement que, d'ici le 30 juin 2002, la pension des chefs d'exploitation et des veuves ne soient inférieure, pour des carrières pleines, au minimum vieillesse (3 500 F/mois) et que les pensions des aides familiaux et des conjoints ne puissent être inférieures au minimum vieillesse des conjoints, soit 2 800 F/mois.
Dès lors, tous les retraités agricoles, y compris ceux qui ont travaillé de nombreuses années avant la création du régime de sécurité sociale des agriculteurs et, ainsi, se sont vus valider ces périodes d'avant 1952 sans qu'ils aient cotisé, se verront, pour une carrière pleine, attribuer des pensions au moins égales au minimum vieillesse, ce qui, d'ailleurs, correspond à la pension moyenne du régime général.
Au terme du plan de revalorisation le volume des prestations vieillesse financées par le BAPSA aura progressé de 7 milliards soit plus de 10 %. 75 milliards sur les 90 milliards de francs du BAPSA sont assurés par la solidarité nationale ou inter-professionnelle.
Il n'est pas possible d'envisager d'aller au-delà, non seulement pour des raisons financières, mais, surtout, pour des raisons d'équité : pourquoi la collectivité nationale garantirait-elle aux anciens agriculteurs des droits supérieurs à ceux des salariés ? Pourquoi un régime de retraite garantirait-il, sans contrepartie en termes de cotisations, des pensions supérieures au revenu de nombreux actifs agricoles ?
Parmi les régimes de non salariés, celui des agriculteurs est le dernier à ne pas s'être doté d'un régime complémentaire. Les professions libérales l'ont fait en 1949, les commerçants et industriels en 1977, les artisans en 1979. C'est pourquoi je suis prêt à soutenir l'initiative de la profession consistant à se doter d'un tel régime.
Dans la perspective sociale qui est celle dans laquelle se place le gouvernement, je suis favorable à la création d'un régime complémentaire obligatoire par répartition. Nous avons d'ailleurs convenu, dans la convention d'objectifs et de gestion que j'ai signée avec la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, qui a une vocation naturelle à se voir confier la gestion de ce régime, d'étudier la faisabilité de la création d'un tel régime. Il convient notamment de prendre acte du fait que cette création interviendrait dans un contexte démographique défavorable du régime social agricole dans lequel on compte 2,5 retraités pour un actif. Cette situation rendrait probablement nécessaire une participation financière de l'Etat au titre de la compensation de ce déséquilibre démographique, à l'instar de ce qui se passe déjà pour le régime de base.
Je suis favorable à une telle participation. Il convient donc, désormais, que nous travaillions ensemble -Etat, caisse centrale de mutualité sociale agricole, et professionnels- pour définir plus précisément les contours de ce nouveau régime complémentaire.
II - L'assurance maladie et les accidents du travail
Quant à l'assurance maladie et aux accidents du travail, on est confronté dans le régime agricole, sans doute plus qu'ailleurs, à une contrainte forte : il est à la fois indispensable d'une part, d'améliorer la couverture de ces risques vitaux, et, d'autre part, de contenir les dépenses pour respecter l'équilibre des comptes sociaux.
S'agissant de l'amélioration des prestations, je voudrais d'abord souligner l'effort important qu'accomplit le gouvernement dans son ensemble et, plus particulièrement, le ministère de l'agriculture, en matière de lutte contre l'exclusion. Comme vous le savez, le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) est actuellement discuté au Parlement et sera voté avant l'été. Ce dispositif permettra aux agriculteurs dont les revenus sont inférieurs à 3 500 F par mois (et ils sont nombreux) d'être tous couverts non seulement par un régime de base mais également par un régime complémentaire qui prendra en charge le ticket modérateur et le forfait journalier hospitalier. Plus globalement, d'ailleurs, l'exclusion en milieu rural est un problème croissant qui me préoccupe et je me félicite que la mutualité sociale agricole, grâce à sa politique d'action sanitaire et sociale dont elle a récemment rénové les principes et les objectifs, se mobilise dans la lutte contre ce phénomène.
S'agissant de la couverture des accidents du travail auxquels, là encore, la profession agricole est plus exposée que d'autres, force est de constater que le système existant, qui s'est d'ailleurs bâti avec difficulté, n'est pas satisfaisant : il est en principe obligatoire mais géré par des entreprises privées d'assurance, il ne garantit pas que tous les exploitants soient couverts. De plus, il offre des prestations de niveau insuffisant puisqu'un exploitant qui se voit reconnaître une incapacité de 2/3 ne se voit attribuer qu'une pension de 23 000 F par an.
C'est la raison pour laquelle nous avons, la ministre de l'emploi et de la solidarité et moi, confié une mission de réflexion sur ce régime aux inspections générales de l'agriculture et des affaires sociales.
Les conclusions définitives de cette mission ne me seront remises que dans quelques jours, mais, des éléments dont je dispose d'ores et déjà, il me semble qu'on peut déduire quelques pistes d'évolution.
Il m'apparaît en effet que, s'agissant d'un risque dont la prévalence en milieu agricole, est particulièrement forte, il est de notre devoir de passer d'un système purement assurantiel à un véritable régime de sécurité sociale basé sur la solidarité. Il convient d'étudier dans quelle mesure un tel régime pourrait, en étant appuyé sur des cotisations modulées selon les différents risques, assumer financièrement une meilleure couverture et pour laquelle l'Etat est prêt à intervenir, par l'intermédiaire du BAPSA. Il existe d'ailleurs un intérêt en termes de transparence, lié à cette amélioration de la couverture des accidents dans la mesure où, faute d'un telle couverture, les exploitants accidentés sont souvent indemnisés au titre de la maladie par la MSA. Quant à la gestion de ce régime, il conviendra en effet d'étudier s'il est préférable de conserver un système dans lequel pourrait s'exercer la concurrence entre les différents intervenants ou s'il vaut mieux en confier la gestion à la MSA.
III - Les charges sociales
Dans ce domaine également, nous devons faire face à un dilemme classique entre la nécessité que chaque exploitant contribue financièrement à la constitution de sa couverture sociale et le souhait de prendre au mieux en compte les charges spécifiques générées par l'exploitation en vue de ne pas défavoriser les adhérents du régime par rapport à d'autres régimes.
En termes d'équité, le régime a fait l'objet d'une réforme en profondeur qui a permis d'asseoir les cotisations sur les revenus professionnels et non plus sur les revenus cadastraux. Les exploitants agricoles sont désormais, si l'on tient compte du niveau respectif des prestations, globalement à parité avec les salariés.
J'estime qu'il est néanmoins légitime de rechercher des aménagements de façon à tenir compte de la spécificité de l'activité agricole. C'est pourquoi j'ai accepté un amendement au projet de loi d'orientation agricole prévoyant qu'un rapport relatif à la fiscalité, aux charges sociales et à la transmission des exploitations sera déposé devant le Parlement. Parallèlement, mes services animeront, jusqu'au mois de septembre prochain, un groupe de travail relatif aux charges sociales et à la fiscalité et composé des représentants des différents ministères concernés, des organisations professionnelles agricoles, et de la caisse centrale de mutualité sociale agricole.
- La politique agricole ne sera légitime et pérenne que si elle permet le plein développement des trois fonctions de l'agriculture : production, emploi, entretien de l'espace agricole et forestier.
La multifonctionnalité de l'agriculture correspond tout simplement à la réalité d'une activité agricole bien conduite, qui contribue en même temps à la production agricole, mais aussi à la protection et au renouvellement des ressources naturelles, à l'équilibre du territoire et à l'emploi.
C'est une vision de l'agriculture dans laquelle environnement, bien-être des animaux, qualité et identification des produits ne sont plus des contraintes pesant sur l'activité agricole, mais des atouts permettant de valoriser cette production agricole sur le marché national, communautaire et mondial.
Les politique publiques doivent reconnaître cette évolution. Les règles de répartition des aides publiques en faveur de l'agriculture, qu'il s'agisse des concours nationaux aujourd'hui, mais aussi demain des concours européens, doivent être adaptées. Les soutiens aux agriculteurs ne devront plus être répartis proportionnellement au volume de la production qu'ils réalisent. Mais ils devront inciter les agriculteurs à prendre en compte l'ensemble des dimensions de leur métier.
- Les contrats territoriaux d'exploitation seront les outils de cette nouvelle politique agricole.
Un contrat territorial d'exploitation sera la traduction d'un projet global de développement de l'exploitation, conçu par l'agriculteur qui le signera. Il fixera les engagements respectifs de l'Etat et de l'agriculteur.
Le CTE avec ses 2 volets socio-économique d'une part, territorial et environnemental d'autre part est l'expression d'une politique volontariste dont le premier objectif est de maintenir des exploitations agricoles viables et d'encourager l'installation sur tout le territoire national et dont le deuxième objectif est de promouvoir à travers des pratiques agronomiques respectueuses de l'environnement une production de qualité ainsi que la réalisation d'actions d'intérêt général contribuant à l'aménagement du territoire et à l'entretien de l'espace.
Cette vision de la politique agricole doit être défendue au niveau européen et multilatéral.
Car l'agriculture et la politique agricole font désormais partie, depuis les accords du GATT à Marrakech, du processus de mondialisation. Les disciplines en matière de libre concurrence s'appliquent donc largement aux soutiens à l'agriculture, dans la limite des engagements consentis par les Etats : accès au marché, subventions à l'exportation, soutiens directs à l'agriculture.
Il s'agit, par ailleurs d'une compétence européenne. C'est au niveau européen que se décide l'essentiel de la politique agricole, et c'est donc là que doit être porté plus loin le soutien à une agriculture multifonctionnelle, par la mise en place d'un second pilier de la PAC décidé à Berlin : le développement rural.
Enfin, c'est l'union européenne, par la voix de la Commission, agissant sur la base des instructions du Conseil des ministres, qui s'exprime dans la négociation multilatérale à l'OMC. C'est donc avant tout à Bruxelles que nous devons forger un nouveau consensus communautaire, pour affronter comme il convient l'offensive des pays tiers.
J'entends donc sans tarder prolonger au niveau européen l'entreprise de conviction entamée lors de la réforme de la PAC . Nous avons déjà obtenu de constituer avec le développement rural ce second pilier de la PAC. La modulation nous permettra d'aller plus loin en augmentant ces dépenses en faveur des zones défavorisées, de l'installation des jeunes, de l'agri-environnemental.
Mais toute l'Europe devra y venir. Car cette politique de développement rural est celle, aux côtés des soutiens classiques au marché, qui est la plus à même de répondre aux attentes des agriculteurs comme de l'ensemble de la société.
Je remettrai dans les toutes prochaines semaines un mémorandum sur ce sujet à mes collègues européens, pour contribuer à une réflexion à laquelle j'entends donner un très large écho lors de la Présidence française de l'Union européenne, l'année prochaine. Il sera alors temps de se préparer aux grandes échéances internationales qui nous attendent : élargissement de l'Union européenne, négociations agricoles à l'OMC, accords avec des pays tiers comme ceux du Sud de la méditerranée ou d'Amérique latine.
Au niveau multilatéral aussi, l'évolution de la politique agricole dans le sens du soutien à une agriculture multifonctionnelle doit être au cur de notre stratégie. L'enjeu est de taille. Dès Seatlle, avec le lancement des négociations à l'OMC, les Etats-Unis et les pays du groupe de Cairns mettront plus que jamais en cause la possibilité pour l'Europe de soutenir son agriculture.
J'entends être présent à Seattle. Nous y défendrons aussi la préférence communautaire, la régulation de nos marchés et l'accès à celui des pays tiers. Mais nous devrons avant tout élargir le cercle des pays qui estiment qu'aider l'agriculture à occuper harmonieusement le territoire et à préserver l'environnement, est pleinement légitime. Nous devons travailler à redéfinir les contours de la fameuse " boîte verte ". C'est en effet le seul moyen de faire accepter au niveau international, le principe d'un soutien public à l'agriculture. Dès lors que l'agriculture n'est plus, depuis Marrakech, totalement à l'abri de la mondialisation - et c'est heureux pour un pays exportateur comme le nôtre - ; Il s'agit d'un enjeu capital pour nous.
Là encore, je prendrai des initiatives pour défendre ce modèle de politique agricole au niveau multilatéral.
J'entends que le projet que nous défendons dans notre pays, à travers la loi d'orientation agricole et le Contrat Territorial d'Exploitation, soit aussi avancé et débattu, aussi bien dans le cadre européen que dans le concert multilatéral. La France est, vous le savez une force de proposition attendue. Son approche de la multifonctionnalité et du découplage des aides, donne un contenu à ce débat.
Afin de répondre aux questions soulevées par les récents accords européens et de faire face aux inquiétudes que pose cet environnement international de plus en plus pesant je proposerai à la réunion du conseil supérieur d'orientation du 20 mai prochain que des groupes de travail soient constitués par grands thèmes avec l'ensemble des organisations professionnelles représentatives et les Ministères concernés afin d'examiner d'ici 6 mois les conséquences pour l'agriculture française de la réforme de la PAC décidée à Berlin, en intégrant les dispositions de la LOA, sur les thèmes suivants :
bilan des accords de Berlin : conséquences par production et développement rural, mise en uvre de la modulation des aides directes, plan de régionalisations des rendements grandes cultures ; fiscalité et mesures sociales en lien avec les rapports prévus par la LOA.
Comme vous le savez, un axe essentiel de la politique du gouvernement, est de prendre les mesures de nature à permettre à l'agriculture de continuer à être un secteur de production performant et de continuer à assurer un maillage culturel, environnemental et social en milieu rural. C'est bien là tout l'enjeu de la réorientation voulue par le projet de LOA et la politique en matière de protection sociale en est totalement partie intégrante. L'agriculture a trop longtemps vécu dans un environnement social incomplet. Il faut aller plus loin pour la doter d'un cadre qui tout en prenant en compte ses spécificités la rapproche des autres secteurs de production afin d'offrir la garantie d'un développement économique et social créateur de richesse et d'emploi.
Nous en avons posé les jalons avec le plan pluriannuel de revalorisation des retraites et le projet de loi d'orientation agricole dont les rapports vont, dans les prochains mois, permettre au gouvernement de prendre des mesures concrètes en matière de retraite complémentaire, d'accidents du travail, d'assiette des charges sociales.
Ceci démontre, Monsieur le Président, la pertinence et l'actualité du thème choisi par la CNMCCA pour son congrès. Je ne doute pas que votre contribution sera précieuse et qu'elle occupera une place importante dans la phase de concertation qui s'ouvre sur les différents chantiers que nous avons évoqués.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 mai 1999)