Texte intégral
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de conclure ce colloque établissant le « 5ème bilan parlementaire du DALO ».
Si vous me le permettez, mes premiers mots iront à Madame Audrey Linkenheld et à Monsieur Claude Dilain, qui sont, dans leur chambre respective, rapporteurs du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) ; responsabilité en vertu de laquelle j'ai le plaisir de travailler avec eux depuis plusieurs mois.
Je souhaite également saluer personnellement :
- Monsieur René Dutrey, qui a récemment été nommé secrétaire général du Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées ; comité qui s'est vu confier la charge du suivi de la loi DALO ;
- Monsieur Jean-François DEBAT, dont j'ai pu apprécier le travail, la disponibilité et le sérieux en sa qualité de Président du comité des sages de la réforme du processus d'attribution des logements sociaux.
Enfin, je tiens à adresser un mot particulier à l'attention de Monsieur Etienne Pinte, illustre Président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale mais aussi initiateur des précédents « bilans du DALO ».
Initiée et déclenchée par les associations qui agissent pour les mal-logés, la loi du 5 mars 2007 est une grande loi de la République. Cette loi constitue un progrès indiscutable, qui a fait naître une nouvelle obligation pour l'Etat. Il m'apparait donc essentiel que nous puissions profiter de moments comme celui qui nous réunit aujourd'hui, pour réfléchir collectivement aux avancées réalisées et aux efforts qui restent à déployer pour faire appliquer la loi DALO.
- La mise en oeuvre du DALO : un objectif difficile mais qui fait l'objet d'une forte mobilisation du Gouvernement
Soyons parfaitement francs : la mise en oeuvre de cette loi se heurte à de nombreuses difficultés. Le nombre de recours déposés chaque année continue d'augmenter et des dizaines de milliers de requérants reconnus prioritaires restent à reloger depuis la publication de la loi.
Mais je me refuse à une quelconque forme de fatalisme.
A travers le Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adopté le 21 janvier 2013, le Gouvernement a pris l'engagement de remédier à ces difficultés.
Le 4 juin, j'ai adressé des lettres aux préfets des régions les plus concernées par le DALO afin de leur demander de renforcer le dispositif de relogement des ménages déclarés prioritaires.
Le 26 octobre, j'ai co-signé avec le Ministre de l'Intérieur une circulaire qui prescrit de procéder au relogement des ménages déclarés prioritaires DALO et menacés d'expulsion avant toute mesure d'expulsion forcée.
Par ailleurs et pour améliorer les possibilités de relogement des ménages concernés, nous avons décidé d'affecter des moyens complémentaires aux aides existantes, dans le cadre du fonds national pour l'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).
A titre d'exemple, pour 2013, 11,78 millions d'euros ont été affectés au financement d'actions réalisées au profit des ménages DALO en Ile-de-France, PACA, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Aquitaine.
- Le DALO au coeur d'une politique globale en faveur du logement
Cela étant, je suis bien consciente d'une chose : la première entrave à l'application de la loi DALO, c'est bien l'insuffisance de l'offre de logements, et en particulier de logements accessibles. C'est pourquoi je place la mise en oeuvre du DALO au coeur d'une politique globale.
Vous le savez, le développement de l'offre de logement social est une priorité du Gouvernement, qui s'est fixé un objectif de réalisation de 150 000 logements locatifs sociaux par an et qui a déjà pris, pour ce faire, des mesures concrètes.
* La loi Duflot I
La loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, promulguée le 18 janvier dernier, permet la cession du foncier public avec une forte décote pouvant aller jusqu'à la gratuité pour la construction de logements sociaux ainsi que le renforcement des dispositions de l'article 55 de la loi « SRU ».
Ce renforcement constitue une première réponse à la question de la mixité sociale - sur laquelle je reviendrai - en ce qu'il permet de mieux répartir le logement social entre les territoires.
* Le PIL et le Pacte Etat-USH
Pour atteindre les objectifs de construction fixés par le Gouvernement, l'État et le mouvement HLM ont conclu un pacte en juillet 2013. Ce pacte scelle notamment :
- le maintien du niveau des aides à la pierre ;
- un taux de TVA réduit à 5,5 % à partir du 1er janvier 2014 ;
- la mobilisation exceptionnelle d'Action logement en faveur de la production de logements sociaux, grâce à un emprunt de 3 Mds - sur trois ans auprès des fonds d'épargne ;
- mais le pacte prévoit également le lancement d'un appel à projets conjoint entre l'État et l'USH afin de créer 10 000 logements sociaux accompagnés.
* Le Super PLAI
Construire mais aussi « agir sur les loyers ». Je sais que vous avez eu l'occasion de discuter ce matin de cette nécessité.
Si le projet de loi Alur comporte des dispositions destinées à encadrer les loyers dans le parc privé, il était parallèlement indispensable de réfléchir à la production de logement social plus accessible.
Pourquoi ? Simplement parce que le parc accessible aux ménages à bas revenus s'est restreint de moitié en 20 ans, reportant ainsi, et à plus forte raison dans les territoires tendus, la demande sur le parc social.
Les chiffres relatifs à la distribution des revenus des locataires du parc social sont aussi très significatifs : les locataires du « 1er quartile » sont passés de 12% en 1973 à 39,8% en 2006. Les logements locatifs sociaux deviennent difficilement accessibles pour certains ménages.
Partant de ce constat, j'ai décidé de lancer un premier appel à projets national afin d'encourager le développement d'une nouvelle offre de logements très sociaux à faible quittance.
Ce programme vise à construire ou à acquérir et améliorer, dès 2014, 2 000 logements très sociaux, puis 3 000 logements à partir de 2015. Ces logements, dits « super PLAI », seront financés sur les crédits du Fonds National de Développement d'une Offre de Logements Locatifs Très Sociaux (FNDOLLTS), créé par la loi du 18 janvier 2013. Le loyer y sera maîtrisé et les aides personnalisées au logement bonifiées grâce au doublement du « forfait charges ».
Cet appel à projets est à mes yeux une belle occasion de faire émerger des solutions innovantes, destinées à offrir des réponses adaptées aux besoins des ménages cumulant des difficultés financières et sociales spécifiques, parmi lesquels les ménages reconnus prioritaires au titre du DALO.
- Les dispositifs relatifs au DALO compris dans Alur
Je tiens désormais à vous rendre compte de la section du projet de loi Alur qui est dédiée à l'amélioration des dispositifs relatifs au DALO.
* L'article 18 : le bail glissant proposé aux ménages DALO
L'article 18 vise à permettre de proposer des logements sociaux en « bail glissant » à des ménages bénéficiant du DALO. Il prévoit que le préfet puisse procéder, à l'issue de la période transitoire, à l'attribution du logement à un ménage bénéficiant du DALO, qui devient locataire en lieu et place de la personne morale locataire.
Pour éviter d'éventuelles dérives, nous avons souhaité encadrer ce dispositif, en imposant la signature d'une convention tripartite permettant de définir précisément les conditions de glissement du bail. Les propositions des députés dans le cadre de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale ont permis de renforcer davantage cet encadrement, en prévoyant :
- que la commission de médiation puisse elle-même préconiser le recours à ce dispositif ;
- que le préfet doive motiver une telle proposition ;
- qu'après un premier refus, le préfet procède à une deuxième consultation du bailleur avant de mettre en oeuvre la transmission du bail.
* L'article 19 : améliorer l'efficacité du DAHO
L'article 19 tend à faciliter l'hébergement des personnes reconnues prioritaires au titre du droit à l'hébergement opposable (DAHO). Cet article a vocation à permettre au préfet de désigner les personnes bénéficiant d'une décision favorable de la commission de médiation au service intégré d'accueil et d'orientation. Le SIAO doit alors les orienter vers une structure d'hébergement ou un gestionnaire de logements de transition, qui dispose de logements ou de places pouvant répondre à leurs besoins. Si jamais l'organisme vers lequel le demandeur a été orienté refuse de le loger ou de l'héberger, le préfet de département procède à l'attribution d'une place ou d'un logement, qui correspond à ses besoins.
* L'article 20 : requalification du recours DAHO en DALO
Aujourd'hui, certains demandeurs déposent un recours « hébergement » alors que leur situation justifierait la reconnaissance d'une priorité pour un logement plutôt que pour un hébergement.
C'est pour fluidifier la procédure pour les demandeurs que l'article 20 confère le droit à la commission de requalifier la saisine lorsque le dossier du demandeur le justifie et qu'il remplit les conditions de reconnaissance du DALO.
* DALO et mixité sociale
Avant de clore ces propos sur le projet de loi Alur, je tenais à mettre à nouveau en exergue l'enchevêtrement des questions de DALO et de mixité sociale.
Des amendements porteurs de ces sujets, ont fait l'objet de débats soutenus au Parlement. L'objectif visé par ces amendements est de « contribuer à une plus grande mixité sociale » en prenant « mieux en compte les charges socio-urbaines supportées par les territoires ». Ainsi :
- l'un prévoit que le préfet de département tienne compte, dans des conditions fixées par décret, de la situation des zones urbaines sensibles pour la définition du périmètre au sein duquel les logements devant être attribués en urgence doivent être situés ;
- l'autre prévoit que dans les communes faisant l'objet d'un arrêté de carence, le contingent communal soit imputé en priorité pour le relogement des ménages reconnus prioritaires.
Je vous le disais il y a quelques instants, je comprends très bien l'intention sous-jacente à ces amendements. Je suis évidemment de ceux qui tiennent ardemment à la promotion de la mixité sociale.
Mais je me refuse à ce qu'elle devienne l'étendard de la contestation du relogement des ménages désignés par les commissions de médiation. C'est pourquoi je tiens à souligner deux éléments :
- D'une part, je tiens à rappeler qu'être reconnu prioritaire et urgent dans le cadre du DALO n'est pas nécessairement lié à un niveau de ressources très faible ; cela signifie seulement que les personnes sont mal logées au regard des critères retenus par la loi. Ces personnes ne sont ni plus pauvres ni plus en difficulté sociale que les autres demandeurs de logement social et ne présentent donc pas davantage de caractéristiques susceptibles d'aggraver la fragilité sociale des quartiers ;
- D'autre part, il me semble que cette vision défensive de l'accès des ménages DALO à certaines communes est porteuse de risques. Il est crucial que ces ménages puissent continuer à habiter dans un lieu quand ils en expriment le souhait, au même titre que n'importe quel autre habitant, et qu'une réflexion s'engage entre l'Etat, les communes et les réservataires sur une réparation équilibrée des relogements, sur un territoire qui dépasserait le territoire communal.
Voici donc, brossées à grand traits, les principales dispositions relatives au DALO contenues dans le PJL Alur, à la mise en oeuvre desquelles je serai extrêmement attentive après le vote du projet de loi.
- Perspectives : plan d'urgence pour reloger les ménages DALO
J'en viens donc aux perspectives. L'une des mesures du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale dont je vous faisais mention est le développement d'un « plan d'urgence » en faveur des ménages DALO.
En sus des leviers déjà activés - je pense particulièrement aux logements « super PLAI » et à l'accroissement de l'utilisation des divers contingents -, j'ai chargé mes équipes de travailler activement à la définition d'outils de mobilisation du parc privé, en particulier dans les communes carencées.
Nous réfléchissons aux voies permettant de capter des logements immédiatement disponibles sur le marché : conventionnement Anah très social, intermédiation locative « pérenne »- Ce projet fait encore l'objet de questions financières, opérationnelles et fiscales. Je suis résolue à ce que nous y trouvions des réponses le plus rapidement possible car cela créera un nouveau levier efficace pour accroitre le relogement des ménages DALO.
De nombreuses autres idées sont en gestation, parmi lesquelles :
- assurer un suivi de l'affectation du produit du supplément de loyer de solidarité au financement de remises sur quittances pour les locataires connaissant des difficultés économiques et sociales (possibilité ouverte par le projet de loi Alur) ;
- engager des discussions avec les maires pour accroitre les capacités de relogement en prenant en compte les personnes issues de leur commune et éligibles au DALO ;
- mais aussi mettre en place, dans certains départements d'Ile-de-France, des commissions dédiées aux « cas bloqués » afin de proposer une solution aux ménages ayant obtenu il y a longtemps une décision favorable de la commission de médiation.
De grands progrès restent à faire, c'est ce que prouvent chaque année les rapports du Comité de suivi DALO, qui insistent pour que la mise en oeuvre du droit au logement mobilise l'ensemble de la société.
Je tiens, à nouveau, à vous dire combien je suis déterminée à tout mettre en oeuvre pour le faire respecter.
Mesdames et Messieurs, la loi DALO est une avancée irréversible du droit français.
En vertu des efforts de tous, des progrès notoires ont d'ores et déjà été réalisés au fil des années depuis son entrée en vigueur. Mais nous ne pourrons en être fiers que lorsque cette loi sera effectivement appliquée sur l'ensemble du territoire.
Vous le savez aussi bien que moi, les personnes les plus démunies payent plus que les autres le prix de la crise que nous traversons. Donc, l'appel à la mobilisation en faveur de l'application de cette loi que je relaie ici est à mes yeux loin d'être une vaine incantation : c'est un devoir collectif. Nous nous devons de mettre la loi ' réellement ' au service de nos concitoyens les plus fragiles.
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 3 décembre 2013