Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur le développement de l'urbanisme et de la ville durables et le Grand Paris de l'aménagement et du logement, à Paris le 16 décembre 2013.

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  • Cécile Duflot - Ministre de l'égalité des territoires et du logement

Circonstance : Remise du Grand Prix de l'urbanisme à l'architecte-urbaniste Paola Vigano, à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris le 16 décembre 2013

Texte intégral

Saluer un Grand Prix de l'Urbanisme, c'est d'abord rendre hommage à une profession qui doit encore s'affirmer et être reconnue comme telle. Mettre en lumière une urbaniste, ce qui nous réunit aujourd'hui, c'est aussi éclairer le savoir-faire et l'expertise que les urbanistes savent dédier à nos territoires. Je veux saluer à travers vous, ces femmes et ces hommes qui se sont formés souvent avec passion, avec talent en sollicitant plusieurs disciplines, en croisant toutes ces compétences qu'ils mobilisent au quotidien pour concrétiser nos projets.
Ils ne l'ont pas fait par hasard, ils le font parce qu'ils ont l'intelligence des territoires, ils savent traduire un projet politique en le spatialisant, en le racontant, en permettant aux uns et aux autres de se l'approprier jusqu'à le concrétiser.
Mais aujourd'hui, c'est surtout une vision singulière que nous nous devons de célébrer.
Une vision de la ville, de ce qu'elle peut ou devrait être.
Une vision, aussi, de la manière de la faire.
Une vision selon laquelle la ville durable ne doit pas être « l'exception mais le quotidien de la ville à toutes les échelles ».
Dans ses travaux de recherche comme dans les projets qu'elle conçoit avec Bernardo Secchi, que je tiens aussi à saluer aujourd'hui, Paola Viganò promeut un urbanisme économe qui, je crois, devrait conduire toutes les politiques publiques d'aménagement, en France comme ailleurs.
Construire, ce n'est pas remplir des vides. Je vous rejoins quand vous expliquez que l'espace ouvert doit être désormais placé au coeur de nos projets.
A Anvers, sur la place du Théâtre, comme dans le Val de Durance, Paola Viganò a su composer à partir du vide. Les échelles de ces projets ne sont évidemment pas les mêmes, l'espace ouvert de l'un étant une place publique en coeur de ville et celui de l'autre étant une vallée où coule une rivière. Néanmoins, la philosophie est la même : le non bâti n'est plus une simple variable d'ajustement de notre urbanisation, il est une composante à part entière de nos territoires.
C'est cela que je considère comme un urbanisme économe.
A partir de cette semaine, notre Parlement examinera en deuxième lecture le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Le régime de planification rénové que je porte dans ce texte a vocation à être plus en phase avec la réalité, plurielle, de nos territoires. C'est bien à l'échelle intercommunale qu'il nous sera possible de mettre collectivement en oeuvre des projets de territoires plus cohérents et plus durables. C'est en tout cas à travers des documents d'urbanisme clairs, robustes, qu'on peut penser un développement équilibré de nos territoires. Nos schémas de cohérence territoriale et nos plans locaux d'urbanisme traduisent le projet politique des élus de terrains et la stratégie qu'ils conçoivent pour le mettre en oeuvre.
L'aménagement est aussi une question d'organisation, et celle-ci doit être équilibrée. Ici, il nous faut densifier car nous avons besoin de plus de logements, mais là, nous devons préserver nos espaces naturels et agricoles qui sont devenus des biens rares et précieux.
Ces objectifs ne se contredisent pas, ils vont même de pair, et il revient à l'urbaniste de les articuler. C'est là le sens d'une planification stratégique de nos territoires qui prendra d'autant mieux forme qu'elle se concevra à l'échelle des bassins de vie.
L'honneur que j'éprouve à remettre le prestigieux Grand Prix de l'Urbanisme à Paola Viganò est d'autant plus fort que celle-ci a osé envisager une « radicalité » de l'urbanisme qui me semble tout simplement nécessaire pour faire de cet urbanisme économe une réalité.
Aujourd'hui, l'espace urbain est peut-être avant tout le lieu où les crises que nous traversons de manière inédite se traduisent de la façon la plus spectaculaire et violente.
Je dis ça pour la France, où la fragmentation sociale est souvent conjuguée au déchirement social, mais aussi pour nombre des villes à travers le monde. Ce n'est pas un hasard si le Grand Prix de l'Urbanisme s'ouvre aujourd'hui pour la première fois à l'Europe en la personne de Paola Viganò.
Aussi, nous devons engager une modification radicale de notre espace quotidien et, pour ce faire, de la manière de le construire ou de le transformer. L'urbanisme est un outil puissant pour étudier la nécessité puis la possibilité d'une telle mutation de notre espace de vie.
Ce que Paola Viganò nomme le « projet radical », c'est, je crois, la capacité collective à imaginer une urbanisation économe de notre environnement. C'est bien de radicalité dont il s'agit puisque nous n'y sommes jusqu'à présent pas parvenu alors que le réchauffement climatique comme le délitement du lien social nous l'imposent.
La lutte contre la précarité énergétique concourt à la transition écologique de notre habitat, de nos territoires, de notre façon de les habiter, de les parcourir et de les vivre. Nos villes doivent redevenir sobres et solidaires, il en va de notre avenir commun, et l'urbanisme aura un rôle majeur à jouer dans cette entreprise à la fois pleine de promesses et d'ambitions.
La radicalité du projet prônée par Paola Viganò n'est pas celle de la table rase, elle est au contraire celle du recyclage urbain que je veux aujourd'hui opposer à l'étalement urbain.
La radicalité de nos démarches d'aménagement sera de parvenir à voir dans les tissus existants la possibilité d'une métamorphose et de la traduire dans nos projets.
Je suis convaincue que le développement urbain durable est celui qui a vocation à requalifier les territoires existants, celui qui sait composer avec les friches mais aussi inventer du foncier, sur les toits, dans les bureaux vacants, sur les centres commerciaux, sur les aires trop étendues de stationnement, plutôt que de fermer les jardins et bétonner les espaces verts qui sont les lieux de respiration indispensable à toute densité confortable.
Les éco-quartiers qui voient le jour aujourd'hui ne sont nullement des objets architecturaux qui se caractérisent par leur seule prouesse technique et leur performance énergétique, comme on l'entend trop souvent. Quand je parle d'écoquartier, je ne parle pas de ceux que promettent nécessairement les promoteurs (et ils sont nombreux dans la salle), mais plutôt ceux qui seront labellisés parce qu'ils sont reconnus comme des projets qui savent considérer et répondre à l'environnement dans lequel ils trouvent place et qui parviennent à se rattacher à la ville qui existe.
Le Premier ministre a confié à Roland PEYLET une mission de préfiguration d'un Institut de la Ville Durable qui aura précisément vocation à promouvoir et développer ces nouvelles manières de composer l'espace urbain. C'est cette structure, parce qu'elle sera partenariale, qui pourra porter la démarche de labellisation des écoquartiers mais plus largement coordonner les initiatives sur la ville durable qu'elles soient publiques ou privées et les mettre en commun. Ce ne sont pas des normes urbaines qu'il s'agit de définir à travers le label EcoQuartier mais bien des façons de conduire nos projets d'aménagement. Tous les acteurs de la ville pourront se retrouver dans cet espace de dialogue qui sera aussi, j'espère, un lieu pour l'intelligence collective.
Il s'agit désormais d'investir tous les espaces possibles pour faire la ville sur la ville, de considérer dans notre aménagement aussi et peut-être d'abord les interstices, les espaces qui sont aujourd'hui regardés comme des délaissés.
Investir ce que Paola Viganò et Bernardo Secchi nomment si bien la ville diffuse, c'est donner sens à chacun des espaces car tous portent tous en eux, sans exception, le potentiel de devenir des lieux.
Il en va de l'égalité des territoires. C'est le concept de « ville isotrope » qu'elle a développé pour le Grand Paris.
Formuler un projet pour la ville diffuse, je crois que c'est précisément le chantier qui s'ouvre à nous pour donner une réalité à cette ambition du Grand Paris que nous appelons tous de nos voeux.
Studio a rejoint l'Atelier International du Grand Paris dès 2010.
En affirmant la nécessité de construire une métropole équitablement accessible mais aussi équitablement habitable, Paola Viganò et Bernardo Secchi ont proposé un destin à cette ville diffuse qui est aujourd'hui fragmentaire et donc inégalitaire.
Pour habiter le Grand Paris, Paola Viganò et Bernardo Secchi proposent une métropole des continuités urbaines qui s'appuie les lignes que sont les infrastructures de transports mais aussi les canaux ou les coteaux.
Nous sommes parvenus à construire un Grand Paris des transports, s'ouvre maintenant pour nous le temps de penser le Grand Paris de l'aménagement et du logement.
Comme Ministre du Grand Paris, je suis attachée à ce que l'un n'aille pas sans l'autre et je considère que c'est pour ceux qui sont déjà là qu'il faut travailler aujourd'hui. Il faut qu'ils trouvent à se loger, qu'ils aient accès à des emplois, à la culture, à la nature et qu'ils puissent s'y rendre dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui. La gouvernance du Grand Paris va changer : la métropole du Grand Paris est maintenant sur les rails. Mais n'attendons pas que les nouvelles institutions soient en place pour élaborer un plan d'action qui permette d'articuler l'amélioration de la qualité de vie des habitants, la construction des 70 000 logements par an, la correction des inégalités territoriales, la meilleure accessibilité à ce que l'on nomme désormais les aménités et, plus globalement, la construction d'une ville durable dans le Grand Paris, première métropole d'Europe.
L'urbanisme de Paola Viganò est un urbanisme rempli de promesses qui saura, j'en suis sûre, faire avancer la discipline, faire avancer nos territoires.
C'est pourquoi lui remettre aujourd'hui le Grand Prix de l'Urbanisme 2013 est pour moi un honneur immense.
Je vous remercie.

Source http://www.territoires.gouv.fr, le 17 décembre 2013