Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames les sénatrices,
Messieurs les sénateurs,
Je vous prie tout d'abord d'excuser mon collègue Frédéric Cuvillier, qui ne peut pas être présent aujourd'hui pour débattre avec vous de la politique maritime de la France, sujet qui lui tient pourtant particulièrement à coeur et sur lequel il s'est beaucoup investi depuis deux ans. Mais comme vous le savez le débat sur la réforme ferroviaire est en cours à l'Assemblée Nationale, ce qui explique son absence aujourd'hui.
Mais je suis pour ma part ravie d'être ici parmi vous : 97% des zones économiques exclusives de la France sont situées dans les outre-mer, la valorisation de ces richesses potentielles constitue donc un enjeu important pour ces territoires et plus largement pour toute la république française. Je remercie donc vivement la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la délégation à l'outre-mer de s'être intéressé à ces sujets en y ayant consacré chacune un rapport d'information et d'avoir organisé ce débat.
J'en profite pour saluer leur Président respectif, Jean-Louis Carrère et Serge Larcher ainsi naturellement que les auteurs de ces 2 rapports. Le Président Serge Larcher dans son intervention a lancé un appel en ce jour du 18 juin « pour que nous ouvrions les yeux et réalisions la chance que nous avons de disposer de pareils potentiels d'innovation ». Tout comme lui, tout comme vous tous qui avez dans vos interventions insisté sur ce formidable potentiel, cette formidable richesse que constituent nos ZEE ultramarines, je souhaite que cet appel soit entendu et je suis certaine, en tous cas, que vos propos y contribuent.
Certains commencent avec des formules de Charles Baudelaire ou de Victor Hugo pour évoquer la mer, je me permettrai d'introduire mon propos avec une phrase d'Antoine de Saint-Exupéry que m'évoque votre travail : « Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle » C'est donc ce désir que nous devons susciter pour construire ce bateau, ce navire, comme s'évertue à le faire mon collègue Frédéric Cuvillier au sein du gouvernement par la promotion de la politique maritime intégrée. La renaissance du Ministère de la mer, un ministère pensé par le Président François Mitterrand, la renaissance de ce Ministère est sans doute le fait générateur du réveil de ce désir collectif d'une mer grande et belle. Quelques chiffres pour commencer, vous les citez dans vos rapports, la France possède la 2ème surface mondiale, sur 4 océans, le 1er linéaire européen maritime avec 18 000 km, l'économie maritime représente 900 000 emplois directs et indirects, le pays compte 564 ports et 360 millions de tonnes de marchandises, et 55 000 km2 de récifs coralliens et lagons. La liste est longue, elle est édifiante, et le travail relatif aux zones économiques exclusives, les ZEE, ultra-marines, mené par la délégation à l'outre-mer nous renforce dans l'idée qu'il faut apprendre à mieux valoriser cette richesse exceptionnelle.
Effectué par la délégation sénatoriale à l'outre-mer, ce rapport coordonné par Jean-Etienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava est le fruit de nombreuses auditions menées de mars 2012 à février 2014. Ces travaux ont permis de recueillir les informations des institutionnels, des industriels, des juristes, des scientifiques concernant les activités maritimes qui s'étendent à nos collectivités ultramarines dans un contexte de maritimisation des enjeux.
Le résultat de ces travaux approfondis est un état des lieux complet de la situation actuelle, des richesses potentielles, et des actions à mener pour passer des richesses « potentielles » aux richesses « réelles ». Le rapport couvre les différents usages de la mer dans une démarche de politique maritime intégrée, ce que je souhaite ici, avec vous, et au nom du gouvernement, participer à promouvoir. Ainsi les activités économiques traditionnelles (pêche et aquaculture, transport maritime), les énergies marines renouvelables, les explorations/exploitations off shore d'hydrocarbures, les ressources minérales et minières profondes, les biotechnologies bleues s'effectuant sur le même territoire, maritime, si j'osais je parlerais de « méritoire ».
Au-delà de la poésie, la réalité économique, sociale et environnementale de la politique maritime est bien là, les enjeux liés à la situation maritime exceptionnelle de la France en termes de développement durable, dans des espaces qui doivent être, mieux connus, mieux protégés et mieux partagés. Je pense notamment à des coopérations régionales dans chacune des zones concernées et de gouvernance mondiale des océans dans le contexte de la Convention des Nations Unies de 1982 relative au droit de la mer dite « Convention de Montego Bay ».
Avant de détailler vos dix recommandations et de répondre aux interventions des sénateurs au cours de ce débat, je veux seulement insister sur un élément important sur cet enjeu cardinal qu'est la mer pour les outre-mer. En effet, les collectivités ultramarines regroupent aujourd'hui près de 2,7 millions d'habitants sur treize territoires aux caractères géographiques, statutaires et culturels profondément distincts.
C'est grâce à ces territoires que la France peut étendre sa surface maritime sur quatre océans, c'est grâce à ce sixième du territoire terrestre métropolitain que la France dispose de droits souverains et de droits de juridiction sur le deuxième espace maritime du monde, oui c'est grâce aux Outre-mer que la France peut afficher 11 millions de km² de domaine maritime, soit 20 fois la superficie de la France hexagonale, et 97% de cette superficie se situe dans les Outre-mer. Il s'agit là d'un enjeu géostratégique majeur que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a tenu à mettre en exergue dans son rapport de 2012 sur la « maritimisation » dont je tiens encore à saluer les rapporteurs ici présents, MM. LORGEOUX et TRILLARD.
La France a su être leader mondial dans les domaines stratégiques du nucléaire, de l'aéronautique, du spatial et des télécoms, elle doit l'être, et le gouvernement partage et promeut cette ambition, autour d'une politique de la mer. Oui, j'en suis convaincue, la France peut devenir leader mondial dans le développement mondial d'une croissance durable, protectrice et émancipatrice, la croissance bleue. En conjuguant sa compétence technologique, de recherche et d'innovation et sa puissance maritime, elle peut offrir à une planète de 8 milliards d'individus en 2025 un nouveau modèle de développement. Naturellement, il y a un préalable indispensable et vous avez été nombreux, le Président Carrère bien sûr ou les sénateurs Lorgeoux et Trillard pour la commission de la défense comme le sénateur Gerriau pour la délégation ou encore le sénateur Vergoz en ce qui concerne plus particulièrement les TAAF à insister sur ce point : que la France arrive à protéger ses ressources, donc à « assumer ses responsabilités » pour reprendre les termes du sénateur Gerriau, avant de prétendre exploiter ses ressources. Nécessitant des moyens de navigation hauturière, l'affirmation de la souveraineté française sur les vastes ZEE dans les outre-mer nécessite des moyens relevant principalement du Ministère de la Défense. Le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008, avait entériné une diminution des effectifs militaires stationnés dans les outre-mer de 23% entre 2008 et 2020. Tel était ce qui était acté lors de l'arrivée aux responsabilités de la nouvelle majorité. Le Livre blanc de juin 2013 a ainsi fait le constat d'un risque important de ruptures capacitaires à court et à moyen terme dans les outre-mer, tant dans le domaine maritime qu'aérien, qui pourrait conduire l'Etat à ne plus pouvoir remplir de façon appropriée l'ensemble des missions qui lui incombent dans ces territoires, dont la mission de souveraineté. Il s'est donc fixé pour objectif de résoudre ces problématiques capacitaires par un dimensionnement adapté du dispositif militaire, une montée en puissance des capacités civiles, et un recours accru à la mutualisation des capacités. Comme l'a rappelé le Président Carrère, le Livre blanc de la Défense a permis de mettre davantage en exergue les enjeux maritimes. Des décisions récentes ont ainsi permis de répondre à une partie des enjeux : vous avez ainsi rappelé l'acquisition de 3 bâtiments multi-dimensions par le Ministère de la Défense. D'autres arbitrages doivent encore être rendus, dans le contexte budgétaire que vous connaissez. La question la plus urgente est en effet celle des capacités militaires dans l'océan indien, et plus particulièrement dans le canal du Mozambique qui connaît depuis plusieurs mois une recrudescence d'incursions menaçant notre souveraineté sur les îles Eparses. La surveillance et la police des pêches dans la zone maritime de l'Océan indien est une préoccupation importante du ministère des outre-mer, et je tiens à rassurer les sénateurs Thani Mohamed Soihili ou encore Michel Vergoz sur ce point. L'Osiris effectue actuellement les missions de police des pêches dans la zone et ce dispositif est sécurisé jusqu'à la fin de l'année 2016. Je tiens également à souligner l'implication forte des services de l'Etat en Guyane pour lutter, en lien avec les autorités brésiliennes, contre la pêche illégale : des actions exemplaires ont été, comme vous le savez, menées récemment. Par ailleurs le gouvernement a déjà opposé une réponse ferme aux prétentions d'exploitation sans titre des ressources pétrolifères. Cette protection de nos ressources passe aussi naturellement par une délimitation clairement établie de la limite de nos ZEE et beaucoup d'entre vous ont insisté sur ce point.
La délimitation du territoire français est ainsi une autre de nos priorités, mon prédécesseur avait eu l'occasion de réaffirmer cette volonté et de rappeler l'ensemble des démarches entreprises lors d'un récent débat à l'Assemblée nationale à l'initiative du groupe RRDP que le Président Jacques MEZARD a mentionné dans son intervention. Le secrétariat général de la mer anime avec le ministère des affaires étrangères un important travail de délimitation de tous nos espaces maritimes, ce qui n'avait pas été encore entrepris de manière aussi méthodique. C'est dans ce cadre que le gouvernement a déjà pris plusieurs décrets de délimitation de nos lignes de base, travail indispensable pour ensuite fixer par décret les limites de nos autres espaces maritimes comme la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental. En 2013, quatre nouveaux décrets ont fixé les lignes de base de Wallis et Futuna, Amsterdam, Saint-Paul et Mayotte. Pour l'année 2014, la priorité a été donnée à la fixation de toutes les lignes de base des espaces sous juridiction de la France dans la zone maritime sud de l'océan Indien.
Vous le voyez, le gouvernement prend cette question très au sérieux.
J'en viens maintenant aux recommandations du rapport de la délégation. Elles portent en premier lieu, et c'est bien logique, sur la gouvernance nationale de la mer. Pas de politique forte sans une gouvernance nationale claire qui dépasse les clivages sectoriels traditionnels. L'une des préconisations fortes du rapport, peut-être la principale, est la suivante : instaurer une instance capable de fédérer toutes les questions relatives à la mer et de donner ainsi une réelle impulsion pour définir et surtout mettre en oeuvre, une stratégie maritime intégrée. A l'issue de l'évaluation de la politique maritime réalisée dans le cadre du Comité interministériel de modernisation de l'action publique (Cimap), un comité interministériel de la mer (CIMER) s'est tenu le 2 décembre dernier, sous la présidence du Premier ministre. A l'occasion de ce CIMER, la création d'une délégation à la mer et au littoral a été décidée. L'ambition de cette nouvelle structure est d'être la clé de voûte de la politique maritime intégrée et une rupture est attendue avec le fonctionnement actuel, tant par les services de l'Etat que par les usagers. Vous le voyez, nous partageons donc votre souhait d'une gouvernance adaptée aux enjeux.
Cette délégation sera certes ministérielle, mais elle aura pour rôle de coordonner la politique maritime intégrée. C'est pourquoi je suis favorable, et je l'ai plaidé auprès de Frédéric Cuvillier, pour qu'un préfet connaissant l'Outre-mer soit nommé à la tête de cette délégation. Il me semble qu'un tel profil est le mieux à même de prendre sur des politiques sectorielles un recul nécessaire pour mieux appréhender le fait maritime.
J'en viens à la seconde partie de vos recommandations, la valorisation des zones économiques exclusives. Je retiens successivement : pour chaque collectivité, disposer d'un outil de gouvernance local permettant de prendre en compte les enjeux de la zone concernée et de coordonner les acteurs, associer étroitement les collectivités aux actions de coopération régionale relatives à la gestion des ressources marines, stabiliser la règlementation pour permettre aux investisseurs et aux industriels de développer leur activité, et enfin promouvoir la structuration des activités marines en filières intégrées. Comme le Président Larcher l'a souligné, les outre-mer eux même sont trop souvent, historiquement et culturellement, tournés vers leurs territoires terrestres et il convient donc, ce n'est pas le sénateur Antoinette qui me démentira, de permettre aux collectivités d'outre-mer et à leurs élus de s'intéresser davantage à ce potentiel. Là encore, je vais vous parler de l'existant avec le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), installé et réuni la première fois le 18 janvier 2013, pour participer à l'élaboration des orientations de la politique maritime nationale. A l'échelon local, les périmètres de la gouvernance sont les façades maritimes en métropole et les bassins maritimes outre-mer. Le conseil maritime de façade en métropole et le conseil maritime de bassin outre-mer est chargé de définir les enjeux et priorités de la zone maritime concernée et d'établir la politique maritime intégrée locale dans le document stratégique de façade en métropole et dans le document stratégique de bassin maritime outre-mer. Pour les Outre-mer, la gouvernance maritime locale est en pleine évolution puisque le décret du 13 mai 2014 organise cette gouvernance locale en instaurant les conseils maritimes ultramarins et les documents stratégiques de bassin maritime. Je rappelle les 4 bassins définis outre-mer :
1- le bassin « Antilles » regroupant la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;
2- le bassin « maritime sud Océan Indien » englobant La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises et Mayotte ;
3- le bassin « Guyane » ;
4- le bassin « Saint Pierre et Miquelon »
La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie qui exercent des compétences propres en matière maritime, environnementale, économique et littorale, conformément aux lois statutaires qui les régissent, ne sont pas concernées par le dispositif.
Mais cela ne signifie pas que ces territoires ne sont pas pris en compte, bien au contraire : ils sont étroitement associés aux actions de coopération régionale en matière de gestion des ressources marines. Par exemple, pour ce qui concerne les organisations régionales de gestion des pêches, la France est partie prenante à une dizaine d'organisations au titre des collectivités ultramarines ayant le statut de Pays et territoire d'outre-mer (PTOM) : elle y siège en tant que délégation France-territoires, indépendamment de l'Union européenne qui défend les intérêts de la métropole et des régions ultrapériphériques.
D'autres territoires, je pense à Saint-Pierre et Miquelon et singulièrement à leurs parlementaires et à Karine Claireaux, ne nous ont pas attendu pour penser leur développement maritime. Après avoir, le 24 juillet dernier, reçu les deux parlementaires de l'archipel pour évoquer ce sujet, le Président de la République François Hollande a annoncé le dépôt d'un dossier devant la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies et celui-ci est désormais déposé comme l'a rappelé la sénatrice ou encore le Président MEZARD.
Si ce dossier est un dossier décisif pour que l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon soit un avenir plein de promesses, il n'est pas le seul sujet sur lequel vous appelez notre attention.
L'avenir de votre archipel, j'en ai conscience, repose pour une large part ce n'est certes pas la seule - sur son ouverture maritime. Le siècle qui s'est ouvert sera celui de la mer. Saint-Pierre-et-Miquelon doit pouvoir profiter pleinement des avantages territoriaux qui sont les siens. La mise en valeur des ressources qu'offre l'océan est indispensable. Oui, nous sommes déterminés à poursuivre le soutien à la filière pêche. Je pense en particulier au pôle de Miquelon, vis-à-vis duquel des engagements ont été pris par mon prédécesseur et que j'entends bien honorer. Je pense aussi à Saint-Pierre, dont l'activité doit pouvoir être relancée. Je sais qu'il y a des projets en ce sens et vous vous en faites régulièrement le relai efficace. Saisir l'opportunité de développement que procure la mer suppose aussi de se doter d'infrastructures adaptées. Le port de Saint Pierre, ce « port français aux portes de l'Amérique du Nord » dispose d'atouts, dont il doit profiter au mieux. Le ministère a contribué à en assurer la promotion l'an passé. A court terme, nous pouvons poursuivre cet effort, parce qu'encourager les activités de plaisance, de croisière et de carénage, c'est non seulement mettre en valeur la singularité de ce territoire et les sites exceptionnels qu'il offre, mais c'est également aussi encourager la localisation d'activités et d'emploi. En la matière, vous le savez, il n'ya pas de petites victoires ! Pour ce qui concerne le développement durable et protection de la biodiversité sur lequel un certain nombre d'entre vous sont intervenus, notamment Mme la Sénatrice Leïla AÏCHI ou le Sénateur LAUFOAULU, de nombreux projets transversaux existent outre-mer et associent les collectivités. Pour n'en citer que quelques uns : le projet AGOA-Sanctuaire des mammifères marins dans l'espace Caraïbe, le projet CARET2 de conservation des tortues marines au niveau du plateau des Guyanes. Concernant l'Océan Indien, le sénateur Mohamed-Soilihi a évoqué la gestion des deux parcs naturels de Mayotte et des Glorieuses, dont les périmètres se jouxtent. La fusion des deux parcs ne semble pas opportune dans l'immédiat. En revanche, il est indispensable qu'ils renforcent leurs synergies, afin d'assurer une cohérence technique de plans de gestion et des actions engagées. Il me semble que c'est déjà largement le cas puisque le président du parc naturel marin de Mayotte et les représentants de la pêche artisanale mahoraise siègent au conseil du parc des Glorieuses.
Pour ce qui concerne les collectivités du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent des compétences de gestion, de protection et de valorisation des ressources marines et peuvent à ce titre prendre part directement aux projets régionaux de coopération dans le domaine de la gestion des ressources marines. C'est ainsi que le 23 avril dernier le parc naturel de la mer de Corail a été créé en Nouvelle-Calédonie. Il constitue la plus grande aire marine protégée de France.
J'en termine sur la valorisation des ZEE en évoquant le code minier dont certain d'entre vous comme le sénateur Cornano avez parlé. Vous le soulignez à juste raison dans votre rapport : les partenaires privés ont besoin d'un cadre normatif et financier à la fois stable et attractif pour mener des projets d'exploration et d'exploitation qui comportent par nature des risques financiers importants.
La réforme du code minier a été annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale en 2012. M. Thierry Tuot (conseiller d'Etat), que vous avez auditionné, a été désigné par ce dernier pour conduire la réflexion et les travaux dans un esprit de large concertation. Un groupe de travail regroupant les représentants des industriels, des associations, des collectivités, des universitaires, des avocats et des syndicats a été constitué. Les travaux se poursuivent et je souhaite comme vous qu'ils puissent aboutir rapidement pour adopter une réglementation adaptée aux contextes fiscal, économique et juridique des zones économiques exclusives, et garantissant un juste retour aux territoires.
Le troisième et dernier ensemble que je souhaite commenter dans vos recommandations, c'est la promotion de l'économie bleue, autour de la nécessité de prendre en compte les impératifs de gestion durable et de valorisation des ressources dans le futur code minier, du soutien de l'UE pour la valorisation de nos ZEE, et du rôle moteur de la France pour la mise en place d'une gouvernance mondiale des océans. Le sénateur Antoinette dans son intervention a parfaitement rappelé l'ensemble des potentialités qu'offrent les ressources des ZEE ultramarines pour répondre, notamment, au défi énergétique.
Le CIMER du 2 décembre 2013 a confié à différents ministères la définition et le pilotage d'un programme national de recherche et d'accès aux ressources minérales des grands fonds marins, associant notamment l'IFREMER, le CNRS, les universités, les industriels et les autres ministères concernés. Il doit s'inscrire dans le droit fil du rapport d'Anne Lauvergeon pour le soutien à l'innovation majeure. En ce qui concerne plus particulièrement les ressources minérales, vous soulignez dans votre rapport que les profondeurs de notre domaine maritime sont prometteuses tant en cuivre, zinc, plomb, or ou argent et en terres rares (nodules polymétalliques, amas sulfurés et encroûtements, ). Des permis d'exploration sont attribués par l'autorité internationale des fonds marins pour 15 ans à IFREMER, et le président de l'IFREMER va prochainement signer un contrat d'exploration des amas sulfurés entre l'AIFM (autorité internationale des grands fonds marins) et l'IFREMER en atlantique Nord. Ce contrat comprend la réalisation de trois campagnes océanographiques sur les 15 ans à venir, dont une première campagne dès 2016.
Les ressources maritimes de la France ne sont pas seulement minérales, mais également biologiques : le développement des filières de pêche et d'aquaculture constitue un enjeu important. Le sénateur Antoinette a souligné l'importance d'un soutien fort de l'Union européenne aux politiques maritimes et le sénateur Cornano a évoqué les difficultés du secteur en Guadeloupe notamment. A ce titre, le gouvernement français s'est montré particulièrement actif auprès des instances européennes dans le cadre de la nouvelle programmation des fonds européens pour la période 2014-2020, afin d'obtenir un soutien maximal pour la valorisation de nos ZEE. Cela se traduit notamment par le concours du FEAMP (fonds européen pour les affaires maritimes et pour la pêche) aux actions engagées dans les régions ultra-périphériques tant en matière de soutien aux secteurs de la pêche et de l'aquaculture que pour les actions engagées au titre de la politique maritime intégrée (acquisition de connaissance, innovation ) et par celui du fonds européen de développement (FED) dans les PTOM : Les fonds alloués aux outre-mer sont ainsi en très nette augmentation par rapport à la période 2007-2013.
Le projet de règlement FEAMP (remplaçant le Fonds européen pour la pêche arrivé à échéance le 31 décembre 2013) fixant le cadre règlementaire de la politique commune de la pêche pour la période de programmation 2014-2020 est porteur d'avancées majeures pour la pêche outre-mer. Je les cite rapidement, nous y reviendrons si vous le souhaitez : l'introduction de l'article 349 du TFUE dans les visas du règlement, la mise en oeuvre d'un régime de compensation des surcoûts doté d'enveloppes conséquentes soit 12,35 millions d'euros/an pour les cinq RUP, l'augmentation du taux de cofinancement, passant de 75% dans le cadre du FEP à 85% dans le cadre du FEAMP, la possibilité d'adosser des aides d'Etat en faveur du secteur de la pêche et de l'aquaculture dans les RUP, la mise en place de fonds de mutualisation en cas de phénomènes climatiques ou environnementaux, le financement des dispositifs de concentration de poissons ancrés .. C'est aussi des moyens en hausse sensible pour les outre-mer : je le disais 86M sur 7 ans pour compenser les surcoûts de production et de commercialisation et également une fraction (non encore définie) de l'enveloppe attribuée à la France pour le financement de la pêche (soit 588M sur 7 ans) permettant de développer une politique ambitieuse au soutien du développement du secteur, du contrôle des pêches, de la politique maritime intégrée .
Pour les PTOM, le FED (fonds européen pour le développement, qui peut contribuer à financer des actions en faveur de la filière pêche si les autorités de gestion le décident est également en hausse sensible (+37%).
Sur le sujet spécifique de la pêche à Wallis et Futuna dont a parlé le sénateur LAUFOAULU, les autorités françaises envisagent avec les autorités américaines un accord de pêche. Les négociations sont en cours et il est prématuré d'en indiquer une issue. Toutefois l'idée de la démarche est double : permettre à la fois de mieux connaître les possibilités offertes par la zone de pêche, à ce jour mal connues comme vous l'avez rappelé, tout en assurant les retombées financières afférentes pour le territoire.
Je souhaite conclure mon propos en évoquant le contexte international. La France est bien entendue partie prenante aux instances internationales dont il est question directement ou indirectement dans votre rapport : le processus des nations Unies sur la négociation de la résolution annuelle sur le droit de la mer, le processus consultatif sur l'évaluations des océans, la réunion des Etats parties à la Conventions de Montego Bay, la préparation d'une décision de la 69ème AGNU en vue de la négociation d'un accord d'application de la conventions de Montego Bay sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité en haute mer, et l'Autorité internationale des fonds marins. Par sa présence active dans ces instances de concertation et de suivi, la France continuera à porter la voix d'une politique maritime intégrée, source de croissance durable pour les populations, dans le respect de cet environnement maritime exceptionnel et encore trop peu connu à l'heure actuelle.
Je vous remercie de votre attention et, encore une fois, d'avoir permis par l'organisation de ce débat de mettre en valeur cette richesse que constituent nos ZEE ultra-marines.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 juin 2014
Mesdames les sénatrices,
Messieurs les sénateurs,
Je vous prie tout d'abord d'excuser mon collègue Frédéric Cuvillier, qui ne peut pas être présent aujourd'hui pour débattre avec vous de la politique maritime de la France, sujet qui lui tient pourtant particulièrement à coeur et sur lequel il s'est beaucoup investi depuis deux ans. Mais comme vous le savez le débat sur la réforme ferroviaire est en cours à l'Assemblée Nationale, ce qui explique son absence aujourd'hui.
Mais je suis pour ma part ravie d'être ici parmi vous : 97% des zones économiques exclusives de la France sont situées dans les outre-mer, la valorisation de ces richesses potentielles constitue donc un enjeu important pour ces territoires et plus largement pour toute la république française. Je remercie donc vivement la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la délégation à l'outre-mer de s'être intéressé à ces sujets en y ayant consacré chacune un rapport d'information et d'avoir organisé ce débat.
J'en profite pour saluer leur Président respectif, Jean-Louis Carrère et Serge Larcher ainsi naturellement que les auteurs de ces 2 rapports. Le Président Serge Larcher dans son intervention a lancé un appel en ce jour du 18 juin « pour que nous ouvrions les yeux et réalisions la chance que nous avons de disposer de pareils potentiels d'innovation ». Tout comme lui, tout comme vous tous qui avez dans vos interventions insisté sur ce formidable potentiel, cette formidable richesse que constituent nos ZEE ultramarines, je souhaite que cet appel soit entendu et je suis certaine, en tous cas, que vos propos y contribuent.
Certains commencent avec des formules de Charles Baudelaire ou de Victor Hugo pour évoquer la mer, je me permettrai d'introduire mon propos avec une phrase d'Antoine de Saint-Exupéry que m'évoque votre travail : « Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle » C'est donc ce désir que nous devons susciter pour construire ce bateau, ce navire, comme s'évertue à le faire mon collègue Frédéric Cuvillier au sein du gouvernement par la promotion de la politique maritime intégrée. La renaissance du Ministère de la mer, un ministère pensé par le Président François Mitterrand, la renaissance de ce Ministère est sans doute le fait générateur du réveil de ce désir collectif d'une mer grande et belle. Quelques chiffres pour commencer, vous les citez dans vos rapports, la France possède la 2ème surface mondiale, sur 4 océans, le 1er linéaire européen maritime avec 18 000 km, l'économie maritime représente 900 000 emplois directs et indirects, le pays compte 564 ports et 360 millions de tonnes de marchandises, et 55 000 km2 de récifs coralliens et lagons. La liste est longue, elle est édifiante, et le travail relatif aux zones économiques exclusives, les ZEE, ultra-marines, mené par la délégation à l'outre-mer nous renforce dans l'idée qu'il faut apprendre à mieux valoriser cette richesse exceptionnelle.
Effectué par la délégation sénatoriale à l'outre-mer, ce rapport coordonné par Jean-Etienne Antoinette, Joël Guerriau et Richard Tuheiava est le fruit de nombreuses auditions menées de mars 2012 à février 2014. Ces travaux ont permis de recueillir les informations des institutionnels, des industriels, des juristes, des scientifiques concernant les activités maritimes qui s'étendent à nos collectivités ultramarines dans un contexte de maritimisation des enjeux.
Le résultat de ces travaux approfondis est un état des lieux complet de la situation actuelle, des richesses potentielles, et des actions à mener pour passer des richesses « potentielles » aux richesses « réelles ». Le rapport couvre les différents usages de la mer dans une démarche de politique maritime intégrée, ce que je souhaite ici, avec vous, et au nom du gouvernement, participer à promouvoir. Ainsi les activités économiques traditionnelles (pêche et aquaculture, transport maritime), les énergies marines renouvelables, les explorations/exploitations off shore d'hydrocarbures, les ressources minérales et minières profondes, les biotechnologies bleues s'effectuant sur le même territoire, maritime, si j'osais je parlerais de « méritoire ».
Au-delà de la poésie, la réalité économique, sociale et environnementale de la politique maritime est bien là, les enjeux liés à la situation maritime exceptionnelle de la France en termes de développement durable, dans des espaces qui doivent être, mieux connus, mieux protégés et mieux partagés. Je pense notamment à des coopérations régionales dans chacune des zones concernées et de gouvernance mondiale des océans dans le contexte de la Convention des Nations Unies de 1982 relative au droit de la mer dite « Convention de Montego Bay ».
Avant de détailler vos dix recommandations et de répondre aux interventions des sénateurs au cours de ce débat, je veux seulement insister sur un élément important sur cet enjeu cardinal qu'est la mer pour les outre-mer. En effet, les collectivités ultramarines regroupent aujourd'hui près de 2,7 millions d'habitants sur treize territoires aux caractères géographiques, statutaires et culturels profondément distincts.
C'est grâce à ces territoires que la France peut étendre sa surface maritime sur quatre océans, c'est grâce à ce sixième du territoire terrestre métropolitain que la France dispose de droits souverains et de droits de juridiction sur le deuxième espace maritime du monde, oui c'est grâce aux Outre-mer que la France peut afficher 11 millions de km² de domaine maritime, soit 20 fois la superficie de la France hexagonale, et 97% de cette superficie se situe dans les Outre-mer. Il s'agit là d'un enjeu géostratégique majeur que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a tenu à mettre en exergue dans son rapport de 2012 sur la « maritimisation » dont je tiens encore à saluer les rapporteurs ici présents, MM. LORGEOUX et TRILLARD.
La France a su être leader mondial dans les domaines stratégiques du nucléaire, de l'aéronautique, du spatial et des télécoms, elle doit l'être, et le gouvernement partage et promeut cette ambition, autour d'une politique de la mer. Oui, j'en suis convaincue, la France peut devenir leader mondial dans le développement mondial d'une croissance durable, protectrice et émancipatrice, la croissance bleue. En conjuguant sa compétence technologique, de recherche et d'innovation et sa puissance maritime, elle peut offrir à une planète de 8 milliards d'individus en 2025 un nouveau modèle de développement. Naturellement, il y a un préalable indispensable et vous avez été nombreux, le Président Carrère bien sûr ou les sénateurs Lorgeoux et Trillard pour la commission de la défense comme le sénateur Gerriau pour la délégation ou encore le sénateur Vergoz en ce qui concerne plus particulièrement les TAAF à insister sur ce point : que la France arrive à protéger ses ressources, donc à « assumer ses responsabilités » pour reprendre les termes du sénateur Gerriau, avant de prétendre exploiter ses ressources. Nécessitant des moyens de navigation hauturière, l'affirmation de la souveraineté française sur les vastes ZEE dans les outre-mer nécessite des moyens relevant principalement du Ministère de la Défense. Le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en 2008, avait entériné une diminution des effectifs militaires stationnés dans les outre-mer de 23% entre 2008 et 2020. Tel était ce qui était acté lors de l'arrivée aux responsabilités de la nouvelle majorité. Le Livre blanc de juin 2013 a ainsi fait le constat d'un risque important de ruptures capacitaires à court et à moyen terme dans les outre-mer, tant dans le domaine maritime qu'aérien, qui pourrait conduire l'Etat à ne plus pouvoir remplir de façon appropriée l'ensemble des missions qui lui incombent dans ces territoires, dont la mission de souveraineté. Il s'est donc fixé pour objectif de résoudre ces problématiques capacitaires par un dimensionnement adapté du dispositif militaire, une montée en puissance des capacités civiles, et un recours accru à la mutualisation des capacités. Comme l'a rappelé le Président Carrère, le Livre blanc de la Défense a permis de mettre davantage en exergue les enjeux maritimes. Des décisions récentes ont ainsi permis de répondre à une partie des enjeux : vous avez ainsi rappelé l'acquisition de 3 bâtiments multi-dimensions par le Ministère de la Défense. D'autres arbitrages doivent encore être rendus, dans le contexte budgétaire que vous connaissez. La question la plus urgente est en effet celle des capacités militaires dans l'océan indien, et plus particulièrement dans le canal du Mozambique qui connaît depuis plusieurs mois une recrudescence d'incursions menaçant notre souveraineté sur les îles Eparses. La surveillance et la police des pêches dans la zone maritime de l'Océan indien est une préoccupation importante du ministère des outre-mer, et je tiens à rassurer les sénateurs Thani Mohamed Soihili ou encore Michel Vergoz sur ce point. L'Osiris effectue actuellement les missions de police des pêches dans la zone et ce dispositif est sécurisé jusqu'à la fin de l'année 2016. Je tiens également à souligner l'implication forte des services de l'Etat en Guyane pour lutter, en lien avec les autorités brésiliennes, contre la pêche illégale : des actions exemplaires ont été, comme vous le savez, menées récemment. Par ailleurs le gouvernement a déjà opposé une réponse ferme aux prétentions d'exploitation sans titre des ressources pétrolifères. Cette protection de nos ressources passe aussi naturellement par une délimitation clairement établie de la limite de nos ZEE et beaucoup d'entre vous ont insisté sur ce point.
La délimitation du territoire français est ainsi une autre de nos priorités, mon prédécesseur avait eu l'occasion de réaffirmer cette volonté et de rappeler l'ensemble des démarches entreprises lors d'un récent débat à l'Assemblée nationale à l'initiative du groupe RRDP que le Président Jacques MEZARD a mentionné dans son intervention. Le secrétariat général de la mer anime avec le ministère des affaires étrangères un important travail de délimitation de tous nos espaces maritimes, ce qui n'avait pas été encore entrepris de manière aussi méthodique. C'est dans ce cadre que le gouvernement a déjà pris plusieurs décrets de délimitation de nos lignes de base, travail indispensable pour ensuite fixer par décret les limites de nos autres espaces maritimes comme la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau continental. En 2013, quatre nouveaux décrets ont fixé les lignes de base de Wallis et Futuna, Amsterdam, Saint-Paul et Mayotte. Pour l'année 2014, la priorité a été donnée à la fixation de toutes les lignes de base des espaces sous juridiction de la France dans la zone maritime sud de l'océan Indien.
Vous le voyez, le gouvernement prend cette question très au sérieux.
J'en viens maintenant aux recommandations du rapport de la délégation. Elles portent en premier lieu, et c'est bien logique, sur la gouvernance nationale de la mer. Pas de politique forte sans une gouvernance nationale claire qui dépasse les clivages sectoriels traditionnels. L'une des préconisations fortes du rapport, peut-être la principale, est la suivante : instaurer une instance capable de fédérer toutes les questions relatives à la mer et de donner ainsi une réelle impulsion pour définir et surtout mettre en oeuvre, une stratégie maritime intégrée. A l'issue de l'évaluation de la politique maritime réalisée dans le cadre du Comité interministériel de modernisation de l'action publique (Cimap), un comité interministériel de la mer (CIMER) s'est tenu le 2 décembre dernier, sous la présidence du Premier ministre. A l'occasion de ce CIMER, la création d'une délégation à la mer et au littoral a été décidée. L'ambition de cette nouvelle structure est d'être la clé de voûte de la politique maritime intégrée et une rupture est attendue avec le fonctionnement actuel, tant par les services de l'Etat que par les usagers. Vous le voyez, nous partageons donc votre souhait d'une gouvernance adaptée aux enjeux.
Cette délégation sera certes ministérielle, mais elle aura pour rôle de coordonner la politique maritime intégrée. C'est pourquoi je suis favorable, et je l'ai plaidé auprès de Frédéric Cuvillier, pour qu'un préfet connaissant l'Outre-mer soit nommé à la tête de cette délégation. Il me semble qu'un tel profil est le mieux à même de prendre sur des politiques sectorielles un recul nécessaire pour mieux appréhender le fait maritime.
J'en viens à la seconde partie de vos recommandations, la valorisation des zones économiques exclusives. Je retiens successivement : pour chaque collectivité, disposer d'un outil de gouvernance local permettant de prendre en compte les enjeux de la zone concernée et de coordonner les acteurs, associer étroitement les collectivités aux actions de coopération régionale relatives à la gestion des ressources marines, stabiliser la règlementation pour permettre aux investisseurs et aux industriels de développer leur activité, et enfin promouvoir la structuration des activités marines en filières intégrées. Comme le Président Larcher l'a souligné, les outre-mer eux même sont trop souvent, historiquement et culturellement, tournés vers leurs territoires terrestres et il convient donc, ce n'est pas le sénateur Antoinette qui me démentira, de permettre aux collectivités d'outre-mer et à leurs élus de s'intéresser davantage à ce potentiel. Là encore, je vais vous parler de l'existant avec le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), installé et réuni la première fois le 18 janvier 2013, pour participer à l'élaboration des orientations de la politique maritime nationale. A l'échelon local, les périmètres de la gouvernance sont les façades maritimes en métropole et les bassins maritimes outre-mer. Le conseil maritime de façade en métropole et le conseil maritime de bassin outre-mer est chargé de définir les enjeux et priorités de la zone maritime concernée et d'établir la politique maritime intégrée locale dans le document stratégique de façade en métropole et dans le document stratégique de bassin maritime outre-mer. Pour les Outre-mer, la gouvernance maritime locale est en pleine évolution puisque le décret du 13 mai 2014 organise cette gouvernance locale en instaurant les conseils maritimes ultramarins et les documents stratégiques de bassin maritime. Je rappelle les 4 bassins définis outre-mer :
1- le bassin « Antilles » regroupant la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;
2- le bassin « maritime sud Océan Indien » englobant La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises et Mayotte ;
3- le bassin « Guyane » ;
4- le bassin « Saint Pierre et Miquelon »
La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie qui exercent des compétences propres en matière maritime, environnementale, économique et littorale, conformément aux lois statutaires qui les régissent, ne sont pas concernées par le dispositif.
Mais cela ne signifie pas que ces territoires ne sont pas pris en compte, bien au contraire : ils sont étroitement associés aux actions de coopération régionale en matière de gestion des ressources marines. Par exemple, pour ce qui concerne les organisations régionales de gestion des pêches, la France est partie prenante à une dizaine d'organisations au titre des collectivités ultramarines ayant le statut de Pays et territoire d'outre-mer (PTOM) : elle y siège en tant que délégation France-territoires, indépendamment de l'Union européenne qui défend les intérêts de la métropole et des régions ultrapériphériques.
D'autres territoires, je pense à Saint-Pierre et Miquelon et singulièrement à leurs parlementaires et à Karine Claireaux, ne nous ont pas attendu pour penser leur développement maritime. Après avoir, le 24 juillet dernier, reçu les deux parlementaires de l'archipel pour évoquer ce sujet, le Président de la République François Hollande a annoncé le dépôt d'un dossier devant la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies et celui-ci est désormais déposé comme l'a rappelé la sénatrice ou encore le Président MEZARD.
Si ce dossier est un dossier décisif pour que l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon soit un avenir plein de promesses, il n'est pas le seul sujet sur lequel vous appelez notre attention.
L'avenir de votre archipel, j'en ai conscience, repose pour une large part ce n'est certes pas la seule - sur son ouverture maritime. Le siècle qui s'est ouvert sera celui de la mer. Saint-Pierre-et-Miquelon doit pouvoir profiter pleinement des avantages territoriaux qui sont les siens. La mise en valeur des ressources qu'offre l'océan est indispensable. Oui, nous sommes déterminés à poursuivre le soutien à la filière pêche. Je pense en particulier au pôle de Miquelon, vis-à-vis duquel des engagements ont été pris par mon prédécesseur et que j'entends bien honorer. Je pense aussi à Saint-Pierre, dont l'activité doit pouvoir être relancée. Je sais qu'il y a des projets en ce sens et vous vous en faites régulièrement le relai efficace. Saisir l'opportunité de développement que procure la mer suppose aussi de se doter d'infrastructures adaptées. Le port de Saint Pierre, ce « port français aux portes de l'Amérique du Nord » dispose d'atouts, dont il doit profiter au mieux. Le ministère a contribué à en assurer la promotion l'an passé. A court terme, nous pouvons poursuivre cet effort, parce qu'encourager les activités de plaisance, de croisière et de carénage, c'est non seulement mettre en valeur la singularité de ce territoire et les sites exceptionnels qu'il offre, mais c'est également aussi encourager la localisation d'activités et d'emploi. En la matière, vous le savez, il n'ya pas de petites victoires ! Pour ce qui concerne le développement durable et protection de la biodiversité sur lequel un certain nombre d'entre vous sont intervenus, notamment Mme la Sénatrice Leïla AÏCHI ou le Sénateur LAUFOAULU, de nombreux projets transversaux existent outre-mer et associent les collectivités. Pour n'en citer que quelques uns : le projet AGOA-Sanctuaire des mammifères marins dans l'espace Caraïbe, le projet CARET2 de conservation des tortues marines au niveau du plateau des Guyanes. Concernant l'Océan Indien, le sénateur Mohamed-Soilihi a évoqué la gestion des deux parcs naturels de Mayotte et des Glorieuses, dont les périmètres se jouxtent. La fusion des deux parcs ne semble pas opportune dans l'immédiat. En revanche, il est indispensable qu'ils renforcent leurs synergies, afin d'assurer une cohérence technique de plans de gestion et des actions engagées. Il me semble que c'est déjà largement le cas puisque le président du parc naturel marin de Mayotte et les représentants de la pêche artisanale mahoraise siègent au conseil du parc des Glorieuses.
Pour ce qui concerne les collectivités du Pacifique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent des compétences de gestion, de protection et de valorisation des ressources marines et peuvent à ce titre prendre part directement aux projets régionaux de coopération dans le domaine de la gestion des ressources marines. C'est ainsi que le 23 avril dernier le parc naturel de la mer de Corail a été créé en Nouvelle-Calédonie. Il constitue la plus grande aire marine protégée de France.
J'en termine sur la valorisation des ZEE en évoquant le code minier dont certain d'entre vous comme le sénateur Cornano avez parlé. Vous le soulignez à juste raison dans votre rapport : les partenaires privés ont besoin d'un cadre normatif et financier à la fois stable et attractif pour mener des projets d'exploration et d'exploitation qui comportent par nature des risques financiers importants.
La réforme du code minier a été annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale en 2012. M. Thierry Tuot (conseiller d'Etat), que vous avez auditionné, a été désigné par ce dernier pour conduire la réflexion et les travaux dans un esprit de large concertation. Un groupe de travail regroupant les représentants des industriels, des associations, des collectivités, des universitaires, des avocats et des syndicats a été constitué. Les travaux se poursuivent et je souhaite comme vous qu'ils puissent aboutir rapidement pour adopter une réglementation adaptée aux contextes fiscal, économique et juridique des zones économiques exclusives, et garantissant un juste retour aux territoires.
Le troisième et dernier ensemble que je souhaite commenter dans vos recommandations, c'est la promotion de l'économie bleue, autour de la nécessité de prendre en compte les impératifs de gestion durable et de valorisation des ressources dans le futur code minier, du soutien de l'UE pour la valorisation de nos ZEE, et du rôle moteur de la France pour la mise en place d'une gouvernance mondiale des océans. Le sénateur Antoinette dans son intervention a parfaitement rappelé l'ensemble des potentialités qu'offrent les ressources des ZEE ultramarines pour répondre, notamment, au défi énergétique.
Le CIMER du 2 décembre 2013 a confié à différents ministères la définition et le pilotage d'un programme national de recherche et d'accès aux ressources minérales des grands fonds marins, associant notamment l'IFREMER, le CNRS, les universités, les industriels et les autres ministères concernés. Il doit s'inscrire dans le droit fil du rapport d'Anne Lauvergeon pour le soutien à l'innovation majeure. En ce qui concerne plus particulièrement les ressources minérales, vous soulignez dans votre rapport que les profondeurs de notre domaine maritime sont prometteuses tant en cuivre, zinc, plomb, or ou argent et en terres rares (nodules polymétalliques, amas sulfurés et encroûtements, ). Des permis d'exploration sont attribués par l'autorité internationale des fonds marins pour 15 ans à IFREMER, et le président de l'IFREMER va prochainement signer un contrat d'exploration des amas sulfurés entre l'AIFM (autorité internationale des grands fonds marins) et l'IFREMER en atlantique Nord. Ce contrat comprend la réalisation de trois campagnes océanographiques sur les 15 ans à venir, dont une première campagne dès 2016.
Les ressources maritimes de la France ne sont pas seulement minérales, mais également biologiques : le développement des filières de pêche et d'aquaculture constitue un enjeu important. Le sénateur Antoinette a souligné l'importance d'un soutien fort de l'Union européenne aux politiques maritimes et le sénateur Cornano a évoqué les difficultés du secteur en Guadeloupe notamment. A ce titre, le gouvernement français s'est montré particulièrement actif auprès des instances européennes dans le cadre de la nouvelle programmation des fonds européens pour la période 2014-2020, afin d'obtenir un soutien maximal pour la valorisation de nos ZEE. Cela se traduit notamment par le concours du FEAMP (fonds européen pour les affaires maritimes et pour la pêche) aux actions engagées dans les régions ultra-périphériques tant en matière de soutien aux secteurs de la pêche et de l'aquaculture que pour les actions engagées au titre de la politique maritime intégrée (acquisition de connaissance, innovation ) et par celui du fonds européen de développement (FED) dans les PTOM : Les fonds alloués aux outre-mer sont ainsi en très nette augmentation par rapport à la période 2007-2013.
Le projet de règlement FEAMP (remplaçant le Fonds européen pour la pêche arrivé à échéance le 31 décembre 2013) fixant le cadre règlementaire de la politique commune de la pêche pour la période de programmation 2014-2020 est porteur d'avancées majeures pour la pêche outre-mer. Je les cite rapidement, nous y reviendrons si vous le souhaitez : l'introduction de l'article 349 du TFUE dans les visas du règlement, la mise en oeuvre d'un régime de compensation des surcoûts doté d'enveloppes conséquentes soit 12,35 millions d'euros/an pour les cinq RUP, l'augmentation du taux de cofinancement, passant de 75% dans le cadre du FEP à 85% dans le cadre du FEAMP, la possibilité d'adosser des aides d'Etat en faveur du secteur de la pêche et de l'aquaculture dans les RUP, la mise en place de fonds de mutualisation en cas de phénomènes climatiques ou environnementaux, le financement des dispositifs de concentration de poissons ancrés .. C'est aussi des moyens en hausse sensible pour les outre-mer : je le disais 86M sur 7 ans pour compenser les surcoûts de production et de commercialisation et également une fraction (non encore définie) de l'enveloppe attribuée à la France pour le financement de la pêche (soit 588M sur 7 ans) permettant de développer une politique ambitieuse au soutien du développement du secteur, du contrôle des pêches, de la politique maritime intégrée .
Pour les PTOM, le FED (fonds européen pour le développement, qui peut contribuer à financer des actions en faveur de la filière pêche si les autorités de gestion le décident est également en hausse sensible (+37%).
Sur le sujet spécifique de la pêche à Wallis et Futuna dont a parlé le sénateur LAUFOAULU, les autorités françaises envisagent avec les autorités américaines un accord de pêche. Les négociations sont en cours et il est prématuré d'en indiquer une issue. Toutefois l'idée de la démarche est double : permettre à la fois de mieux connaître les possibilités offertes par la zone de pêche, à ce jour mal connues comme vous l'avez rappelé, tout en assurant les retombées financières afférentes pour le territoire.
Je souhaite conclure mon propos en évoquant le contexte international. La France est bien entendue partie prenante aux instances internationales dont il est question directement ou indirectement dans votre rapport : le processus des nations Unies sur la négociation de la résolution annuelle sur le droit de la mer, le processus consultatif sur l'évaluations des océans, la réunion des Etats parties à la Conventions de Montego Bay, la préparation d'une décision de la 69ème AGNU en vue de la négociation d'un accord d'application de la conventions de Montego Bay sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité en haute mer, et l'Autorité internationale des fonds marins. Par sa présence active dans ces instances de concertation et de suivi, la France continuera à porter la voix d'une politique maritime intégrée, source de croissance durable pour les populations, dans le respect de cet environnement maritime exceptionnel et encore trop peu connu à l'heure actuelle.
Je vous remercie de votre attention et, encore une fois, d'avoir permis par l'organisation de ce débat de mettre en valeur cette richesse que constituent nos ZEE ultra-marines.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 juin 2014