Déclaration de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur les grandes orientations du projet de loi de programmation pour la transition énergétique, à Paris le 18 juin 2014.

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Circonstance : Point presse à l'issue de la présentation du projet de loi de programmation pour la transition énergétique en conseil des ministres, à Paris le 18 juin 2014

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi pour un nouveau modèle énergétique français afin de réussir la transition énergétique.
Il s'agit d'engager le pays tout entier dans la voie de la croissance verte. A la fois grâce aux énergies d'avenir, aux emplois créés dans les services et les industries vertes que j'ai évalués récemment au nombre de 100 000.
C'est donc un défi majeur que nous devons relever. Cette loi est une loi d'action et de mobilisation. Elle s'inscrit dans un plan d'action plus global puisqu'il y a non seulement cette loi mais aussi la mise en mouvement des territoires qui souvent ont anticipé la transition énergétique. Cette loi, pour certains de ses aspects, généralise des bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves sur les territoires français : que ce soit dans les régions, dans les agglomérations, dans les communautés de communes qui souvent ont anticipé cette mutation énergétique.
Dans le cadre de cette oeuvre législative, je m'appuie sur l'intelligence collective d'hommes et de femmes, de citoyens, d'associations, de communes, d'élus de terrain, d'entreprises… qui ont déjà pris à bras le corps cette nécessité de changer de modèle énergétique.
Le troisième pilier, outre cette loi et la mutation des territoires, c'est la mise en mouvement des entreprises. J'ai rencontré depuis ma nomination l'ensemble des entreprises du secteur de la transition énergétique. Que ce soit dans le domaine du bâtiment, des énergies renouvelables, des réseaux intelligents, du transport propre, de l'économie circulaire… j'ai voulu par ce texte, répondre aux attentes des entreprises. En particulier par un volet très important sur les simplifications administratives, les simplifications de procédures, la clarté des objectifs mis en place, la mobilisation des moyens financiers, pour que les entreprises puissent investir, avoir confiance en l'avenir, mettre en place les formations professionnelles nécessaires et puissent répondre à cette attente de créer ces 100 000 emplois dans le domaine de la transition énergétique et écologique au sens large.
C'est aussi l'exigence d'une responsabilité collective que nous mettons en place. Celle qui consiste à tout faire pour lutter contre le réchauffement climatique, réduire les dégâts sur la planète que notre système de développement a créés. Ce qui est exceptionnel dans ce moment que nous vivons, c'est que cette exigence est d'une responsabilité collective qui fait que nous sommes aussi citoyens du monde.
Lorsque l'on a du mal à boucler les fins de mois, payer sa facture d'électricité, la notion de « citoyen du monde » paraît éloignée.
Pourtant, on peut être à la fois citoyen du monde, c'est-à-dire être engagé dans une responsabilité collective à l'égard de la planète et en même temps améliorer sa vie quotidienne. Le pari que je fais, dans cette oeuvre législative et dans cette transition énergétique, qui va nous permettre de nous projeter dans un nouveau modèle de développement, c'est que cette responsabilité collective nous permet aussi d'apporter du bien-être, une meilleure santé, du pouvoir d'achat et la création d'activité et d'emplois.
Ce que je souhaite que les Français comprennent aujourd'hui, c'est que nous mettons en place les outils qui vont permettre de réussir cette transition énergétique – un mot un peu complexe – qui veut simplement dire que nous allons passer d'une situation telle que nous la subissons, à une meilleure situation parce que nous en avons les moyens, les opportunités et surtout la volonté collective d'agir ensemble avec un cadre clair. C'est ça que réalise ce cadrage, cette loi de programmation pour que chacun puisse comprendre comment agir, comment s'engager, et comment bénéficier de ce nouveau modèle énergétique français.
La réussite de ce nouveau modèle est nécessaire si l'on veut aussi réduire la facture énergétique de la France. Je vous le rappelle, elle s'élève à près de 70 milliards d'euros. Elle pèse sur la productivité économique de nos entreprises et sur notre indépendance énergétique.
C'est aussi l'occasion de valoriser de nouvelles technologies, de conquérir de nouveaux marchés dans le domaine des énergies renouvelables. Tous les pays de la planète se sont engagés vers le modèle des transports propres, de l'efficacité énergétique et donc d'améliorer la compétitivité économique des entreprises.
C'est l'opportunité de baisser la facture énergétique des Français grâce aux économies d'énergies, en particulier dans le bâtiment et dans les transports.
Ce texte de loi s'organise en six grands chantiers qui comportent tous des actions concrètes. J'ai voulu des actions opérationnelles compréhensibles par tous et pour que chacun puisse s'en saisir. Le texte fixe les grands objectifs de la transition énergétique qui donne ainsi un horizon stable pour un autre modèle.
Pour atteindre ces objectifs, c'est dès maintenant qu'il faut accélérer le processus, les actions et la mise en mouvement de tous les Français, de toutes les entreprises, de toutes les associations, de toutes les collectivités territoriales, pour que collectivement nous puissions atteindre ces objectifs.
Premier grand chantier : les économies d'énergies. Il faut accélérer et amplifier les travaux des bâtiments, faire baisser les factures et créer des emplois. Les nouvelles constructions de bâtiments publics devront être exemplaires au plan énergétique et chaque fois que possible, à énergie positive, avec des prêts à taux bas. Ce qui se fait déjà dans les territoires. Mon expérience à la tête de la région Poitou-Charentes a été extrêmement utile. C'est la politique par la preuve. Pour encourager les Français, toute une série d'engagements financiers sont mis en place pour que la transition démarre immédiatement.
Ainsi, les ménages vont bénéficier d'un avantage fiscal renforcé pour toute action de rénovation thermique. Les entreprises vont bénéficier de l'intervention de BPI France. Le tiers-financement est mis en place par les sociétés régionales créées à cette fin agréée par cette loi. Aujourd'hui, six régions au moins ont mis en place des sociétés régionales de préfinancement et qui n'ont pas pu débloquer le premier euro, seront agréées. Les Français n'auront plus à faire l'avance des frais. Les tarifs sociaux d'électricité et du gaz seront ouverts à toutes les énergies grâce au chèque énergie.
Deuxième grand pilier : favoriser le développement des énergies renouvelables pour diversifier la production de la France et pour renforcer son indépendance énergétique grâce à des énergies non polluantes. Il permet de revaloriser nos ressources et de développer nos filières concernées en utilisant le soutien aux énergies renouvelables et en lançant de nouveaux appels d'offre et en mettant en place des financements innovants.
J'ajoute que la simplification des procédures permettra de raccourcir les délais de réalisation. Il n'est pas normal qu'en France il faille huit ans pour créer une plate-forme d'éoliennes off shore alors que dans d'autres pays se soit deux ans et demi.
J'ai donc décidé d'unifier chacune des autorisations et chaque fois que ce sera nécessaire, une décision unique permettant d'accélérer les délais sans porter atteinte à la protection de l'environnement. Enfin, nous mettons en place un financement participatif de la production d'électricité et de chaleur qui va contribuer à développer une nouvelle citoyenneté individuelle, collective et territoriale. Là aussi, nous en avons l'expérience dans nos territoires où la production décentralisée d'électricité a permis de créer une nouvelle citoyenneté de l'énergie. Dans cet état d'esprit, j'ai décidé de lancer un appel à projet pour 200 territoires à énergies positives qui seront ainsi encouragés en direction des intercommunalités et qui pourront déployer l'ensemble des facettes du développement durable.
Une place toute particulière est dédiée aux outre-mer. Je souhaite qu'elles renforcent leur autonomie énergétique développement fortement leurs énergies renouvelables : marines, solaires, éoliennes. Je sais à quel point les outre-mer souffrent du chômage des jeunes en particulier alors qu'elles ont un potentiel d'énergies renouvelables extraordinaires. Je sais que des entreprises françaises de très haut niveau ont envie de s'engager dans les outre-mer sans avoir aujourd'hui la sécurité et la stabilité à la fois règlementaire financière législative suffisante. Je souhaite que pour la France, nos outre-mer deviennent des territoires exemplaires et avant-gardistes du développement durable et de l'utilisation des énergies renouvelables. De leur contrainte insulaire, en faire une chance par rapport à leur potentiel.
Troisième pilier : les transports propres. Accélérer leur montée en puissance. Je souhaite que l'on puisse faciliter l'accès aux véhicules électriques qui sont encore trop chers. Le bonus pour l'achat d'un véhicule électrique sera pérennisé et majoré lorsqu'il s'accompagnera de la mise au rebus d'un véhicule polluant. Cet avantage supplémentaire sera octroyé sous condition de ressource et prioritairement dans les zones concernées par une mauvaise qualité de l'air. Le cumul du bonus et de la prime à la concession atteindra ainsi 10 000 €. Des points de recharge pour les véhicules électriques vont être déployés sur l'ensemble du territoire national. Des nouveaux espaces de stationnement devront être équipés de bornes de recharge. Des travaux dans les parkings devront être effectués pour en installer. Comme pour l'allégement de la fiscalité, on y intégrera le coût de l'installation d'une borne de recharge pour tous les travaux qui seront engagés entre le 1er septembre et le 31 décembre 2015. Des espaces de zones de stationnement déjà existantes devront être équipées également.
De même, pour l'État et son parc automobile public. 50 % du renouvellement devra concerner les véhicules électriques. Les plans de covoiturage seront généralisés dans l'ensemble des entreprises ainsi que les plans d'auto-partage. La grande distribution devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 10 % d'ici à 2020 et de 20 % d'ici à 2025. Enfin, les programmes de recherche sur les véhicules du futur seront soutenus dans le cadre des investissements d'avenir.
Quatrième pilier : développement massif des énergies renouvelables. Doubler le fonds chaleur. Je souhaite accélérer la production de distribution de chaleur issue des énergies renouvelables grâce au doublement en trois ans du fonds chaleur qui permet à l'Ademe de contribuer au financement des projets. Je veux déployer un ambitieux plan national de méthanisation généralisé à partir de l'exemple qui est le mien en Poitou- Charentes, en lançant un appel à projet pour les agriculteurs : 1 500 projets de méthanisateurs répartis dans les territoires ruraux seront lancés, qui permettront de produire du biogaz, de produire de l'énergie à partir des déchets agricoles, et de réduire la pollution des sols, de l'eau et de l'air.
Je veux mettre en place une filière d'excellence des énergies renouvelables marines. Comme vous le savez, nous développons l'éolien off shore. La France disposera en 2020 de 3000 méga watts fournis par les nouveaux parcs éoliens en mer. Nous accélérons la construction des fermes pilotes hydroliennes avec un appel à manifestation d'intérêts qui permet d'accélérer la réalisation de fermes pilotes d'hydroliennes en mer afin de consolider de futures offres commerciales en France et à l'international. Ces lauréats seront désignés dans les prochains mois.
Soutenir également les énergies marémotrices, houlomotrices et thermiques en mer, notamment dans les outre-mer. Le projet de loi modernise les centrales hydroélectriques sans porter atteinte à l'environnement. Les règles de concession seront harmonisées et les contrats regroupés à l'échelle des grandes vallées. Les sociétés d'économies mixtes hydroélectriques seront créées afin de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des différents usages de l'eau afin de renforcer la transparence et le contrôle du parc hydroélectrique français et afin d'échapper à la privatisation de ces équipements. De plus, développer le soutien à, l'installation des panneaux photovoltaïques sur les bâtiments demandant beaucoup d'électricité, comme les centre commerciaux, les usines, les entrepôts, ainsi qu'installé au sol, sans porter atteinte aux espaces agricoles.
Pour aider au financement, les PME pourront avoir recours à des emprunts obligataires écologiques de longue durée sur 20 à 30 ans et moins couteux que les prêts bancaires classiques. Les collectivités seront aidées à financer leur projet. Les procédures administratives seront simplifiées. Enfin la recherche et l'innovation sur les énergies renouvelables sera valorisée. Les appels d'offre sur les panneaux photovoltaïques et les éoliennes seront améliorés.
Cinquième chantier : l'économie circulaire. Le projet de loi encouragera son développement. Un appel à projet pour 10 villes ou territoires « zéro déchet » sera lancé à l'image de ce qui a été fait par la ville de San Francisco.
Sixième point : simplification des procédures, pour gagner en efficacité et en maîtrise des coûts.
Enfin, ce texte de loi établit un cadre permettant aux territoires, aux entreprises et à l'État d'agir ensemble dans la même direction. Une programmation pluriannuelle de l'énergie établira les priorités d'actions des pouvoirs publics pour la gestion des énergies. La transparence sur les coûts de l'énergie permettra de faire les meilleurs choix dans l'allocation des ressources publiques. Les investissements sur les réseaux électriques seront facilités et les tarifs maîtrisés. Le projet de loi renforce la sûreté nucléaire et l'information des citoyens dans ce domaine. Il fixe la part du nucléaire dans l'électricité à 50 %. C'est un grand défi pour la Nation.
Nous pouvons faire bénéficier à chacun une progression de son bien-être, dans les relations de l'Homme avec son milieu, de lutte contre le chômage, de démocratie. L'énergie est ce qui a permis l'émergence de la vie sur terre. L'énergie ne doit donc jamais être une source de guerre ou de destruction. C'est un enjeu démocratique majeur. C'est pour cette raison que je vais être très exigeante sur tous les aspects de transparence, y compris sur les prix. Le parlement sera très exigeant.
Les Français ont le droit de savoir quelles sont les stratégies en matière énergétique. Ils ont le droit de savoir quel sont les choix judicieux et comment ses investissements contribuent à créer du travail, du bien-être et à leur rendre du pouvoir d'achat.
C'est pour cela que les moyens de l'innovation et de la recherche seront mobilisés avec ceux de la formation professionnelle. J'ai longuement reçu les entreprises qui s'impliquent dans les énergies renouvelables : artisans du bâtiment, PME comme les grandes entreprises (comme la FNTP). Elles sont très soucieuses et mobilisées, nous allons les encourager pour que les compétences dans l'éco-construction et l'installation des énergies renouvelables montent en puissance. Un plan de formation professionnelle sur les métiers de l'éco-construction, de la rénovation et des énergies renouvelables soit mis en place en partenariat avec les territoires et avec le secteur du bâtiment. La labellisation des artisans et des entreprises du bâtiment sera encouragée en liaison avec les centres de formation des régions. L'apprentissage et l'alternance seront fortement encouragées y compris dans l'assouplissement des règles pour recourir à l'apprentissage et à la formation en alternance dont ces secteurs ont cruellement besoin.
Pour terminer, je veux vous dire que ce projet de loi est accompagné des moyens pour sa mise en oeuvre, arbitrés par le Premier Ministre, pour créer des effets rapides sur l'activité. Des financements qui y seront consacrés auront un puissant effet de levier pour accélérer la croissance verte et les créations d'emplois et que sa mise en place se fasse avant l'adoption définitive de la loi. Tout ce qui sera installé avant le 1er septembre de cette année et le 31 décembre 2015 pourra rentrer dans le dispositif des allègements d'impôts à hauteur de 30 % de la dépense engagée jusqu'à un plafond de 8 000 € ou de 16 000 € pour un couple.
Je souhaite que ces bonnes pratiques se généralisent et que le mouvement s'accélère. C'est comme ça que nous redonnerons aux Français l'espoir d'un nouveau modèle de développement qui peut à la fois apporter du bien-être, de la maîtrise de sa vie, de la reconquête du pouvoir d'achat et en même de la lutte contre le chômage, qui reste la première préoccupation des Français. Mon souhait le plus cher est que la transition énergétique puisse déboucher sur le recul rapide du chômage grâce à la croissance verte.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 24 juin 2014