Texte intégral
Le rendez-vous de 2002 va nous permettre d'élire le premier Président du nouveau siècle. Ce sera le rendez-vous des Français avec une Nouvelle France. Cela est si vrai que M. Jospin qui n'est toujours pas candidat mais qui pourrait peut-être l'être un jour si l'on en croit certains de ses amis, a tenu à récupérer ces mêmes mots "une Nouvelle France". Mais là où nous mettons un projet, il ne met qu'un mot et une étiquette.
C'est d'abord une étiquette mensongère parce qu'on ne construira pas la nouvelle France avec les recettes socialistes. C'est aussi une étiquette qui est la marque d'un formidable aveu. Oui, M. le Premier ministre, vous avez raison, après 5 ans de socialisme il est temps de faire du neuf. Et il faudra bien du talent et bien du courage à M. le Premier ministre pour nous expliquer comment il fera demain ce qu'il n'a pas voulu, ce qu'il n'a pas su, ce qu'il n'a pas pu faire quand la croissance lui en offrait toutes les chances.
Faire du neuf, c'est bien là tout le sens des réformes que je porte avec conviction et détermination depuis longtemps. Baisser les dépenses publiques pour baisser les impôts. Libérer le travail pour retrouver le chemin du plein emploi. Créer des fonds de pension quand il en était temps pour pouvoir sauver nos retraites. Libérer l'école. Supprimer les monopoles. Réduire le poids des lois et des règlements. Réformer l'Etat. Donner de vrais pouvoirs aux régions.
En 1995, c'est vrai, j'espérais que le moment était venu de s'engager dans cette voie. Il n'en a rien été, et nous avons perdu du temps quand, partout autour de nous, nous voyons les mêmes réformes proposées, choisies et mises en uvre avec succès.
C'est pourquoi cette fois je présenterai moi-même aux Français le projet d'une Nouvelle France. Au sein de l'opposition, je vais offrir une alternative. Elle est attendue. Car j'en suis convaincu, beaucoup espèrent du rendez-vous 2002 autre chose que le match retour de 1995. L'alternative nécessaire si l'on veut entraîner au-delà de l'opposition les déçus du chiraquisme, les bernés du socialisme et les nombreux, les trop nombreux, dégoûtés de la vie politique. Une alternative pour rassembler, une alternative pour faire gagner la France.
Ce n'est pas une troisième voie. Ce n'est pas un troisième choix. Ce n'est même pas un second choix. C'est tout simplement le bon choix pour la France. Un choix que seul je peux porter aujourd'hui. Car demander aujourd'hui de résoudre les problèmes à ceux qui les ont créés hier, attendre des réformes aujourd'hui de ceux qui ont eu hier tous les moyens de les mettre en oeuvre, autant demander aux souris de bien vouloir attraper les chats.
Jacques Chirac, qu'as-tu fait de notre belle victoire de 1995 ? Et Lionel Jospin, qu'as-tu fait des chances de la croissance ?
Ce bon choix, c'est le choix d'une Nouvelle France que je regarde avec confiance, parce que je la vois aux couleurs de la liberté, aux couleurs de la vie.
1. La Nouvelle France, c'est la France des nouvelles libertés
La Nouvelle France, c'est la France des nouvelles libertés, des libertés d'agir, de choisir, de réussir, de disposer plus largement du fruit de son travail ou de son épargne.
Et d'abord libérer le travail. Travailler moins, travailler à temps partiel, travailler plus, travailler le dimanche. Interdit ! Travailler au-delà des 35 heures, si je le souhaite, parce que je veux gagner plus, parce que je suis apprenti dans un salon de coiffure et que je voudrais le plus rapidement possible me mettre à mon compte. Au nom de quoi voulez-vous m'interdire de travailler plus et de réaliser le rêve de toute ma vie ? Voilà des libertés que je veux rendre aux Français.
Comment ne pas vouloir remettre en cause cet absurde butoir des 35 heures pour tous, de la grande entreprise à la petite, de l'entreprise industrielle à la start-up ? Comment appliquer les 35 heures en ce prochain début d'année quand il va falloir passer à l'euro ? Demandez à votre boucher, demandez à votre buraliste. Car en France, en même temps qu'il décidait de réduire le temps de travail, le gouvernement a demandé aux commerçants et aux artisans de se faire les agents de change. Dans les autres pays, les gouvernements ont généralement estimé que cela relevait du devoir des banques. Certains même sont allés plus loin : considérant que les banques allaient avoir un surcroît de travail, ils les ont autorisés à travailler jusqu'à 70 heures par semaine.
La France a besoin de nouvelles libertés. La liberté de choisir l'âge de sa retraite, par exemple. Je pense à ces Français que l'on a trop souvent dirigés de force vers la retraite, vers la préretraite, à la casse, se privant de leur expérience et de leur compétence. Certains voudraient peut-être travailler davantage pour accumuler un petit capital et pouvoir le transmettre à leurs enfants, à leurs petits-enfants. Interdit, retraite obligatoire !
Aujourd'hui, des millions de Français ont un projet précis et rêvent de créer leur entreprise. Mais ce rêve ils ne peuvent l'accomplir. Résultat : la création d'entreprises, en France, patine. Car dans notre pays, plutôt que d'aider les entrepreneurs, on préfère multiplier les emplois artificiels pour les jeunes ! Si nous voulions nous comparer à d'autres pays comme l'Angleterre ou l'Italie, la France devrait compter deux millions d'entrepreneurs supplémentaires.
Je souhaiterais permettre à ces Français qui voudraient un jour se mettre à leur compte, créer leur entreprise, y compris dans ces quartiers difficiles -d'ailleurs un peu oubliés-, de réaliser leur rêve : leur donner la liberté d'agir, la liberté de créer dans tous les domaines.
Donner de nouvelles libertés, comme la liberté de faire une meilleure école. Aujourd'hui, les parents ne peuvent pas choisir l'école de leurs enfants. C'est un privilège réservé à une petite partie des Français. Je me souviens avoir rencontré il y a peu de temps une femme, en banlieue parisienne, qui élevait seule ses enfants et vivait un véritable drame : elle voulait les changer d'école car leurs bons résultats scolaires les avaient fait devenir les boucs émissaires de leurs copains de classe. On lui a répondu : "Non, Madame. Vous n'avez pas le droit". A cité-ghetto, école-ghetto obligatoire.
Je voudrais aussi que tous les Français puissent avoir la liberté de disposer plus largement du fruit de leur travail et de leur épargne.
C'est d'abord un choix éthique, parce que le niveau de prélèvements publics sur une société constitue le baromètre de l'étatisation et donc de la liberté et de la responsabilité d'une société. C'est aussi un choix d'efficacité. Quand, sur 100 francs de richesses supplémentaires créées, l'Etat en ponctionne 70 à 80, ceci ne peut que ralentir le moteur de la croissance et de la création d'emplois.
Voilà pourquoi nous avons besoin d'une vraie réforme fiscale. J'ai expliqué ce que pouvait être cette réforme fiscale. Je voudrais juste insister aujourd'hui sur un point qui me paraît extrêmement important : il nous faut alléger fortement l'impôt sur les successions. C'est ce qui vient d'être mis en oeuvre dans un pays voisin et qui est en train de faire tache d'huile aujourd'hui en Europe. C'est un choix d'efficacité : les grosses fortunes savent trouver le chemin d'une fiscalité plus accueillante. Et c'est sans doute là encore un choix moral. Au nom de quoi je vais surtaxer, taxer plusieurs fois celui qui a choisi d'épargner pour laisser un capital à ses enfants plutôt que de consommer ?
Autre exemple. Les Français aimeraient -toutes les études le montrent- plus que d'autres, être propriétaires de leur logement. Pourtant la France est, en Europe, le pays où il y a le moins de citoyens propriétaires de leur logement. Pourquoi ? Parce que l'on a fabriqué un système absurde où l'on a matraqué fiscalement tous les petits propriétaires de ces petits logements modestes qui étaient des logements sociaux et qui assuraient la vraie mixité sociale. On les a remplacés par nos offices de logements collectifs, constructeurs de ces tours, qui ont enfermé et enferment encore tant de personnes dans l'assistance et dans la dépendance, et qu'il nous faut aujourd'hui détruire. On aurait pu prêter à ces gens-là pour qu'ils deviennent propriétaires de leur logement. Non, on a préféré prêter -à la française- à des organismes publics, pour qu'ils soient propriétaires du logement des Français. A-t-on fait le bon choix ? Ne pensez-vous pas que le choix d'être propriétaire de son logement, particulièrement pour ceux qui viennent de loin et qui sont nouveaux Français, constitue en même temps un choix d'enracinement ? C'est la raison pour laquelle je veux rendre aux Français la possibilité d'avoir la propriété de leur logement.
Voilà la Nouvelle France, c'est une France aux couleurs de la liberté. Et je suis convaincu que c'est en suivant le chemin des libertés que nous allons retrouver le plein emploi.
2. La Nouvelle France, c'est une France qui donne à chacun sa chance.
Une France qui donne à chacun sa chance, c'est là le projet que je porte depuis toujours. Et c'est sans doute là aussi le sens de mon engagement politique. Parce que peut-être mieux que d'autres je ressens l'exigence de retrouver la mobilité sociale, la France de l'égalité des chances, cette belle promesse qui a été longtemps celle de la France.
Oui, le plein emploi est possible. Je n'ai jamais cessé d'y croire quand d'autres parlaient de la fin du travail et de la nécessité de partager à la mode socialiste les derniers emplois. Le plein emploi existe, vous pouvez le voir à l'uvre partout autour de nous. Car la nouvelle économie porte la chance d'une forte croissance. Vous me direz qu'aujourd'hui cette nouvelle économie patine. Oui, parce que les socialistes n'ont pas su mener une politique de croissance. M. Jospin ressemble un peu au coq Chantecler qui croit que tous les matins, c'est son cocorico qui fait lever le soleil. Il a cru que la création d'emplois qui repartait en France était liée à la politique des 35 heures, alors que c'était tout simplement parce que nos entreprises ont su s'accrocher au moteur américain de la croissance. Et le problème qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir à quel moment nous déciderons de ne plus vivre à crédit sur le moteur américain de la croissance. Il revient en effet à l'Europe, et particulièrement à la France, de devenir un puissant moteur de création de richesses et d'emplois.
Je crois au retour du plein emploi. Il existe de formidables gisements d'emplois, notamment dans le secteur des services, du commerce, de la restauration, de l'hôtellerie, du tourisme. Proportionnellement, si nous avions le même taux d'occupation dans ce dernier secteur qu'aux Etats-Unis, nous aurions 5 millions d'emplois en plus. Et c'est la raison pour laquelle j'ai soutenu, nous soutenons l'idée de baisser en France mais aussi en Europe, les taxes et les impôts qui aujourd'hui bloquent la création d'emplois dans ces secteurs porteurs de chance pour tous les Français.
Voilà pourquoi je crois au nécessaire retour du plein emploi. C'est la meilleure des politiques sociales ; celle qui remet en marche l'ascenseur social, change le rapport de forces sur le marché du travail. On entend souvent dire : "Les libéraux n'aiment pas les salaires, ils préfèrent le travail précaire". c'est totalement faux. En période de plein emploi, le salarié a plus de facilité pour changer d'employeur. Pour le garder, il faut alors davantage le motiver, mieux l'intéresser, mieux le récompenser. C'est ce qui fait reculer le travail précaire et progresser la feuille de paie. C'est ce qui donne la liberté de changer d'entreprise pour en trouver une meilleure.
En ce qui concerne les salaires, il ne s'agit pas de faire de concurrence aux usines du Bengladesh en donnant aux salariés des usines bourguignonnes les salaires du Bengladesh. Dans la compétition internationale, la croissance doit être tirée par le haut, par des salariés de plus en plus qualifiés, par des entrepreneurs toujours plus entreprenants. J'ai la conviction que ce sont les bonnes feuilles de paie qui font le plein emploi et font reculer le travail illégal.
Le plein emploi, c'est aussi le moyen qui va nous permettre de sortir de cette société d'assistanat généralisé qui enferme et détruit tant de familles aujourd'hui. Une société dans laquelle il est parfois plus intéressant de toucher un revenu minimum, plus ou moins complété par un travail au noir, que de reprendre un vrai travail. La solution, on la connaît. Je l'ai proposée plusieurs fois : c'est, d'une part, instaurer un revenu familial garanti, et chaque fois qu'on le peut, transformer le revenu d'assistance en revenu d'activité, fut-ce une activité au service d'une collectivité locale, d'une mairie ou d'une association. Il y va de la dignité des personnes.
3. La Nouvelle France, c'est aussi une France qui donne plus de place à une société civile plus forte et plus libre.
L'Etat doit aujourd'hui reculer et se recentrer sur ses vraies missions : la sécurité, la justice, garantir l'égalité des chances.
A ce recul de l'Etat doit correspondre l'avancée de la société. D'abord parce que face à tous les pouvoirs, ceux de l'Etat, de l'administration, des grandes entreprises, face aux nouveaux pouvoirs du nouveau monde qui inquiètent souvent, il faut opposer des contre-pouvoirs, le contre-pouvoir des citoyens, le contre-pouvoir des consommateurs, le contre-pouvoir des contribuables, celui des usagers, des défenseurs de l'environnement.
Ensuite, parce que la société civile peut accomplir toute une série de missions trop souvent confiées à l'Etat. Et ces missions, je suis convaincu qu'elle peut alors les exercer avec plus de passion, plus de cur, plus de générosité que les bureaucraties d'Etat : fonder et gérer une école, une université ; organiser une solidarité communautaire ; gérer un hôpital ; entretenir un patrimoine ; faire vivre un orchestre ; soutenir l'innovation des créateurs.
C'est la raison pour laquelle parmi les mesures que j'ai proposées, j'insiste tout particulièrement sur le régime des fondations et des dons. Nous devons libérer la générosité des citoyens pour les associations et les fondations de leur choix plutôt que de prélever anonymement de l'argent dans leur portefeuille pour le faire transiter par un percepteur vers les associations choisies par les bureaucraties. Le circuit court est le circuit du coeur et de la générosité, le circuit de l'efficacité.
Si j'insiste sur la nécessité de renforcer la société civile, c'est aussi pour une autre raison. De même que l'on ne saurait réduire la société à l'Etat, de même il ne faut pas la réduire à l'économie ou à l'argent. Il y a bien des choses qui n'ont pas de valeur marchande mais qui font cependant la réussite d'une vie. L'amour d'un enfant, quel est son prix ? La famille, l'amitié. Si la Nouvelle France porte, c'est vrai, la promesse d'une nouvelle croissance, d'une nouvelle prospérité, elle porte aussi la promesse d'une société d'épanouissement personnel enrichi.
L'augmentation des richesses personnelles n'est rien si dans le même temps on a le sentiment d'un appauvrissement de nos richesses intérieures, si on a le sentiment que nos enfants sont systématiquement détournés par l'observation de la vie ou par les médias des valeurs qui vont donner un vrai sens à leur vie. Voilà pourquoi je crois au rôle des familles, au rôle des communautés, à celui des associations et des églises. Car c'est bien la société civile qui apporte les règles de civilité sans lesquelles il ne saurait y avoir de société et qui porte le vrai savoir-vivre ensemble.
4. La Nouvelle France a besoin de nouvelles institutions, d'une nouvelle République
Les institutions de la Vème République sont moribondes, elles sont étouffées par les affaires, la centralisation jacobine, la cohabitation, la colonisation de la vie politique par la haute administration. Tout est à reconstruire : l'Etat, le gouvernement, la justice, l'administration, les services publics, les régions. Et il n'est que temps d'offrir enfin à toutes les régions françaises, pas seulement la Corse, le cadre d'un vrai pouvoir régional. Une France forte a besoin de régions fortes.
Une France forte a besoin aussi d'une profonde rénovation de notre vie politique. Il faut que la société civile s'engage, que l'on mette fin au privilège de l'engagement politique des seuls fonctionnaires qui ont fait cette colonisation de la vie politique par la haute administration.
Une France forte exige également le renouveau de la vie démocratique, que l'on donne plus souvent la parole aux citoyens en favorisant les référendums nationaux, régionaux et locaux.
Une France forte a besoin que l'on repense le statut, mais plus encore le rôle du Président, du gouvernement, du parlement et des lois dans le souci d'une meilleure séparation et d'un meilleur équilibre des pouvoirs.
Une France forte a enfin besoin d'un Etat moderne. Un Etat moderne, c'est un Etat qui assure avec fermeté ses vraies missions. C'est aussi un Etat allégé des missions qui ne sont pas les siennes, allégé des règlements inutiles. Un Etat qui sait réduire, comme on le voit tout autour de nous, le nombre de ses fonctionnaires, qui sait aussi les intéresser aux réformes, mieux les former, mieux les gérer, mieux les récompenser. Un Etat qui a la volonté d'améliorer la performance et la qualité des services rendus au public en s'ouvrant s'il le faut, sans complexe, à l'initiative privée et à la concurrence. Voilà le chemin de ce meilleur Etat.
Je crois comme Péguy, que le métier d'enseignant, après celui de parent, est le plus beau métier du monde ! Mais je crois aussi que notre système ne permet pas aux enseignants de donner le meilleur d'eux-mêmes. On ne peut plus accepter dans un pays comme le nôtre qu'un fils d'ouvrier ait 28 fois moins de chances d'arriver dans une grande école que le fils d'un cadre supérieur. Et les enseignants sont au fond d'eux-mêmes les premiers à souhaiter une école qui donne à chacun sa chance. Ils savent bien qu'un enfant peut être bon dans une matière, mauvais dans une autre, que tous ne marchent pas à la même vitesse et qu'il est nécessaire de faire des écoles différentes, d'innover, de bousculer, de revoir complètement l'organisation scolaire qui ne doit pas forcément être la même à Redon, à Argenteuil ou à Tournus. Il faut organiser le temps de travail différemment au long de l'année, au cours de la semaine et de la journée, et pour cela donner beaucoup plus d'autonomie aux établissements scolaires. Si je devais aller plus loin, je proposerais, comme d'autres pays aujourd'hui envisagent de le faire, un crédit éducation égal pour tous, valable tout au long de la vie, qui permette à chacun de choisir son école, de faire des écoles différentes et innovantes, mais qui donne aussi la chance de pouvoir reprendre ses études un peu plus tard, après une première expérience de la vie. C'est cela aujourd'hui une société qui donne à chacun sa chance et qui mise sur la première richesse de la société de nouvelles croissances, l'intelligence et la formation de nos enfants.
5. Le droit de vivre en paix
Cette Nouvelle France doit d'abord et peut-être surtout, être une France dans laquelle chacun a le droit de vivre en paix et en sécurité. Ce sujet grave est à juste titre la première préoccupation des Français.
La Justice ne dispose toujours pas des moyens de traiter la délinquance et de faire respecter la loi pénale. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 10 ans, tous les indicateurs de la délinquance et de la violence ont plus que doublé. En 10 ans, le nombre de peines prononcées, le nombre de places dans les prisons, le nombre de places pour les mineurs sont à peu près restés les mêmes. Cela signifie qu'il est aujourd'hui deux fois moins risqué d'être délinquant qu'il y a dix ans. Ne cherchez pas ailleurs, M. Jospin, les causes d'augmentation de la délinquance. C'est cela qui explique pourquoi les plaintes sont classées sans suite, pourquoi les peines de prison ne sont pas exécutées, pourquoi les policiers sont découragés, pourquoi les victimes ont le sentiment d'être narguées et pourquoi le sentiment d'insécurité monte. Voilà pourquoi aussi on dévalue en cascade la justice et le droit.
S'il faut répondre bien évidemment avec fermeté à la violence et à la délinquance, il faut aussi s'attaquer avec énergie aux causes de la délinquance et à ces foyers de culture violente que constituent encore trop de nos cités. On nous parle de police de proximité mais savez-vous que cette police de proximité, qui fait bien son travail, avec conviction, avec ardeur, est menacée chaque jour ?
On dit qu'il faut apporter une réponse immédiate à la petite délinquance. Evidemment. On a d'ailleurs fait quelques progrès en ce sens. Pour ma part, je proposerais de mobiliser plusieurs milliers de magistrats et de policiers en retraite pour assurer le service après-vente immédiat des décisions de justice vis-à-vis de ces mineurs délinquants. Mais à l'heure actuelle, on vous dit : réponse immédiate. Donc centre de placement immédiat. Or il faut aujourd'hui trois mois, voire six mois d'attente pour un placement immédiat. Où est la Justice ? Où est l'Etat ?
on dit qu'il faut sortir les multirécidivistes de leur quartier, ces petits caïds qui empoisonnent la vie des cités, donnent le mauvais exemple et entraînent tant de gamins qui, s'ils ne les avaient pas rencontrés, auraient pu suivre une autre voie. On dit qu'il faut les sortir de leur quartier, les placer dans des centres d'éducation spécialisés plutôt qu'en prison. Mais savez-vous combien il y a de places dans les centres d'éducation spécialisés de toute la région parisienne pour accueillir les petits caïds? 10 places.
Où est la Justice ? où est l'Etat ?
J'ai accompagné la police dans les quartiers difficiles. J'ai rencontré des magistrats, des policiers. J'ai discuté avec des bandes. J'ai vu ceux qui voulaient s'en sortir. J'ai vu les parents. J'ai vu les victimes. Il est clair, je le répète, que nous n'avons pas donné à la Justice et à l'Etat les moyens de faire respecter la loi pénale, c'est la raison pour laquelle la priorité aujourd'hui, c'est un plan Orsec pour la Justice que j'ai chiffré à 12 milliards. Est-ce beaucoup ? on trouve toujours 12 milliards pour la Justice quand on trouve 120 milliards pour les 35 heures.
12 milliards pour que la loi soit la même pour tous, pour que la Justice soit exercée, pour que l'on crée enfin toute la palette des établissements spécialisés nécessaires pour accueillir ces mineurs en perdition
L'immigration clandestine, comme l'insécurité, n'est pas un problème qui appartient au passé et que la régularisation de quelques sans-papier permettrait d'effacer une fois pour toutes. Je suis récemment allé au centre de Sangatte dans le Pas-de-Calais à proximité du bout du tunnel sous la Manche, côté français. Là, l'Etat s'est défaussé sur la Croix-Rouge pour accueillir les immigrés clandestins, essentiellement afghans ou kurdes, qui veulent aller travailler en Angleterre mais sont empêchés de s'y rendre.
400, 500 clandestins qui, tous les jours, prennent d'assaut le tunnel sous la Manche. En face, 40 à 50 policiers, plus les gardiens d'Eurotunnel.
Ceux que l'on arrête sont conduits au centre d'hébergement. Parmi eux, certains feront une nouvelle tentative dans la même nuit. A voir ainsi de près les problèmes de l'immigration clandestine, on comprend la nécessité d'avoir une véritable politique en la matière, tant au plan national -or, il n'y en a pas- qu'européen. Sur ces questions Monsieur Jospin dit ne pas manquer de volonté politique, mais pour ma part, je n'en vois toujours pas les signes.
* *
Voilà quelques unes des idées forces qui vont nous permettre de dessiner ensemble le projet d'une Nouvelle France, de le présenter aux Français et de faire du rendez-vous de l'élection présidentielle de 2002, non pas le rendez-vous de la résignation, mais celui de notre belle espérance.
Une page se tourne, celle d'un siècle assurément bien rude pour l'homme ; l'homme qui a été traité comme un numéro par les bureaux, comme un robot par les entreprises. Un siècle qui a été rude pour la nature, l'environnement malmené par la main de l'homme. C'était le siècle des masses, le siècle de la production de masse, le siècle des bureaucraties de masse, le siècle de la consommation de masse, le siècle des idéologies de masse.
Avec la chute du mur de Berlin, un nouveau monde se dessine. Celui de la confiance retrouvée dans la liberté, la démocratie et les droits fondamentaux des personnes. Ce nouveau monde c'est aussi pour beaucoup de peuples la perspective de sortir de la pauvreté par la liberté des échanges dans une mondialisation solidaire. C'est également pour nous la chance de construire une nouvelle Europe, celle de tous les Européens, forte de sa diversité, de la richesse de nos nations et de nos cultures. Car, à mes yeux, l'Europe ne saurait être un super-Etat au-dessus de la France et une pâle copie du modèle américain qui ferait de la France le Connecticut de je ne sais trop quels Etats-Unis d'Europe.
Je crois que dans ce nouveau monde et cette nouvelle Europe nous pouvons construire une Nouvelle France. Une France qui soit à taille humaine, plus harmonieuse, plus respectueuse de l'homme, de sa nature, de ses valeurs, de son cadre de vie. La Nouvelle France, celle que je vais porter dans le débat des élections présidentielles, ce n'est pas la France du repli, de la frilosité ou des peurs ; il y aura bien des candidats pour parler de cette France-là.
La Nouvelle France, c'est celle qui puise dans notre histoire le meilleur de nos valeurs, pour réaliser cette promesse qui a fait le message universel de la France : la liberté, l'égalité devant la loi, l'égalité des chances. C'est cette France-là que j'aime. C'est cette France-là que je veux faire gagner.
(Source http://www.alainmadelin.com, le 15 octobre 2001)
C'est d'abord une étiquette mensongère parce qu'on ne construira pas la nouvelle France avec les recettes socialistes. C'est aussi une étiquette qui est la marque d'un formidable aveu. Oui, M. le Premier ministre, vous avez raison, après 5 ans de socialisme il est temps de faire du neuf. Et il faudra bien du talent et bien du courage à M. le Premier ministre pour nous expliquer comment il fera demain ce qu'il n'a pas voulu, ce qu'il n'a pas su, ce qu'il n'a pas pu faire quand la croissance lui en offrait toutes les chances.
Faire du neuf, c'est bien là tout le sens des réformes que je porte avec conviction et détermination depuis longtemps. Baisser les dépenses publiques pour baisser les impôts. Libérer le travail pour retrouver le chemin du plein emploi. Créer des fonds de pension quand il en était temps pour pouvoir sauver nos retraites. Libérer l'école. Supprimer les monopoles. Réduire le poids des lois et des règlements. Réformer l'Etat. Donner de vrais pouvoirs aux régions.
En 1995, c'est vrai, j'espérais que le moment était venu de s'engager dans cette voie. Il n'en a rien été, et nous avons perdu du temps quand, partout autour de nous, nous voyons les mêmes réformes proposées, choisies et mises en uvre avec succès.
C'est pourquoi cette fois je présenterai moi-même aux Français le projet d'une Nouvelle France. Au sein de l'opposition, je vais offrir une alternative. Elle est attendue. Car j'en suis convaincu, beaucoup espèrent du rendez-vous 2002 autre chose que le match retour de 1995. L'alternative nécessaire si l'on veut entraîner au-delà de l'opposition les déçus du chiraquisme, les bernés du socialisme et les nombreux, les trop nombreux, dégoûtés de la vie politique. Une alternative pour rassembler, une alternative pour faire gagner la France.
Ce n'est pas une troisième voie. Ce n'est pas un troisième choix. Ce n'est même pas un second choix. C'est tout simplement le bon choix pour la France. Un choix que seul je peux porter aujourd'hui. Car demander aujourd'hui de résoudre les problèmes à ceux qui les ont créés hier, attendre des réformes aujourd'hui de ceux qui ont eu hier tous les moyens de les mettre en oeuvre, autant demander aux souris de bien vouloir attraper les chats.
Jacques Chirac, qu'as-tu fait de notre belle victoire de 1995 ? Et Lionel Jospin, qu'as-tu fait des chances de la croissance ?
Ce bon choix, c'est le choix d'une Nouvelle France que je regarde avec confiance, parce que je la vois aux couleurs de la liberté, aux couleurs de la vie.
1. La Nouvelle France, c'est la France des nouvelles libertés
La Nouvelle France, c'est la France des nouvelles libertés, des libertés d'agir, de choisir, de réussir, de disposer plus largement du fruit de son travail ou de son épargne.
Et d'abord libérer le travail. Travailler moins, travailler à temps partiel, travailler plus, travailler le dimanche. Interdit ! Travailler au-delà des 35 heures, si je le souhaite, parce que je veux gagner plus, parce que je suis apprenti dans un salon de coiffure et que je voudrais le plus rapidement possible me mettre à mon compte. Au nom de quoi voulez-vous m'interdire de travailler plus et de réaliser le rêve de toute ma vie ? Voilà des libertés que je veux rendre aux Français.
Comment ne pas vouloir remettre en cause cet absurde butoir des 35 heures pour tous, de la grande entreprise à la petite, de l'entreprise industrielle à la start-up ? Comment appliquer les 35 heures en ce prochain début d'année quand il va falloir passer à l'euro ? Demandez à votre boucher, demandez à votre buraliste. Car en France, en même temps qu'il décidait de réduire le temps de travail, le gouvernement a demandé aux commerçants et aux artisans de se faire les agents de change. Dans les autres pays, les gouvernements ont généralement estimé que cela relevait du devoir des banques. Certains même sont allés plus loin : considérant que les banques allaient avoir un surcroît de travail, ils les ont autorisés à travailler jusqu'à 70 heures par semaine.
La France a besoin de nouvelles libertés. La liberté de choisir l'âge de sa retraite, par exemple. Je pense à ces Français que l'on a trop souvent dirigés de force vers la retraite, vers la préretraite, à la casse, se privant de leur expérience et de leur compétence. Certains voudraient peut-être travailler davantage pour accumuler un petit capital et pouvoir le transmettre à leurs enfants, à leurs petits-enfants. Interdit, retraite obligatoire !
Aujourd'hui, des millions de Français ont un projet précis et rêvent de créer leur entreprise. Mais ce rêve ils ne peuvent l'accomplir. Résultat : la création d'entreprises, en France, patine. Car dans notre pays, plutôt que d'aider les entrepreneurs, on préfère multiplier les emplois artificiels pour les jeunes ! Si nous voulions nous comparer à d'autres pays comme l'Angleterre ou l'Italie, la France devrait compter deux millions d'entrepreneurs supplémentaires.
Je souhaiterais permettre à ces Français qui voudraient un jour se mettre à leur compte, créer leur entreprise, y compris dans ces quartiers difficiles -d'ailleurs un peu oubliés-, de réaliser leur rêve : leur donner la liberté d'agir, la liberté de créer dans tous les domaines.
Donner de nouvelles libertés, comme la liberté de faire une meilleure école. Aujourd'hui, les parents ne peuvent pas choisir l'école de leurs enfants. C'est un privilège réservé à une petite partie des Français. Je me souviens avoir rencontré il y a peu de temps une femme, en banlieue parisienne, qui élevait seule ses enfants et vivait un véritable drame : elle voulait les changer d'école car leurs bons résultats scolaires les avaient fait devenir les boucs émissaires de leurs copains de classe. On lui a répondu : "Non, Madame. Vous n'avez pas le droit". A cité-ghetto, école-ghetto obligatoire.
Je voudrais aussi que tous les Français puissent avoir la liberté de disposer plus largement du fruit de leur travail et de leur épargne.
C'est d'abord un choix éthique, parce que le niveau de prélèvements publics sur une société constitue le baromètre de l'étatisation et donc de la liberté et de la responsabilité d'une société. C'est aussi un choix d'efficacité. Quand, sur 100 francs de richesses supplémentaires créées, l'Etat en ponctionne 70 à 80, ceci ne peut que ralentir le moteur de la croissance et de la création d'emplois.
Voilà pourquoi nous avons besoin d'une vraie réforme fiscale. J'ai expliqué ce que pouvait être cette réforme fiscale. Je voudrais juste insister aujourd'hui sur un point qui me paraît extrêmement important : il nous faut alléger fortement l'impôt sur les successions. C'est ce qui vient d'être mis en oeuvre dans un pays voisin et qui est en train de faire tache d'huile aujourd'hui en Europe. C'est un choix d'efficacité : les grosses fortunes savent trouver le chemin d'une fiscalité plus accueillante. Et c'est sans doute là encore un choix moral. Au nom de quoi je vais surtaxer, taxer plusieurs fois celui qui a choisi d'épargner pour laisser un capital à ses enfants plutôt que de consommer ?
Autre exemple. Les Français aimeraient -toutes les études le montrent- plus que d'autres, être propriétaires de leur logement. Pourtant la France est, en Europe, le pays où il y a le moins de citoyens propriétaires de leur logement. Pourquoi ? Parce que l'on a fabriqué un système absurde où l'on a matraqué fiscalement tous les petits propriétaires de ces petits logements modestes qui étaient des logements sociaux et qui assuraient la vraie mixité sociale. On les a remplacés par nos offices de logements collectifs, constructeurs de ces tours, qui ont enfermé et enferment encore tant de personnes dans l'assistance et dans la dépendance, et qu'il nous faut aujourd'hui détruire. On aurait pu prêter à ces gens-là pour qu'ils deviennent propriétaires de leur logement. Non, on a préféré prêter -à la française- à des organismes publics, pour qu'ils soient propriétaires du logement des Français. A-t-on fait le bon choix ? Ne pensez-vous pas que le choix d'être propriétaire de son logement, particulièrement pour ceux qui viennent de loin et qui sont nouveaux Français, constitue en même temps un choix d'enracinement ? C'est la raison pour laquelle je veux rendre aux Français la possibilité d'avoir la propriété de leur logement.
Voilà la Nouvelle France, c'est une France aux couleurs de la liberté. Et je suis convaincu que c'est en suivant le chemin des libertés que nous allons retrouver le plein emploi.
2. La Nouvelle France, c'est une France qui donne à chacun sa chance.
Une France qui donne à chacun sa chance, c'est là le projet que je porte depuis toujours. Et c'est sans doute là aussi le sens de mon engagement politique. Parce que peut-être mieux que d'autres je ressens l'exigence de retrouver la mobilité sociale, la France de l'égalité des chances, cette belle promesse qui a été longtemps celle de la France.
Oui, le plein emploi est possible. Je n'ai jamais cessé d'y croire quand d'autres parlaient de la fin du travail et de la nécessité de partager à la mode socialiste les derniers emplois. Le plein emploi existe, vous pouvez le voir à l'uvre partout autour de nous. Car la nouvelle économie porte la chance d'une forte croissance. Vous me direz qu'aujourd'hui cette nouvelle économie patine. Oui, parce que les socialistes n'ont pas su mener une politique de croissance. M. Jospin ressemble un peu au coq Chantecler qui croit que tous les matins, c'est son cocorico qui fait lever le soleil. Il a cru que la création d'emplois qui repartait en France était liée à la politique des 35 heures, alors que c'était tout simplement parce que nos entreprises ont su s'accrocher au moteur américain de la croissance. Et le problème qui se pose aujourd'hui, c'est de savoir à quel moment nous déciderons de ne plus vivre à crédit sur le moteur américain de la croissance. Il revient en effet à l'Europe, et particulièrement à la France, de devenir un puissant moteur de création de richesses et d'emplois.
Je crois au retour du plein emploi. Il existe de formidables gisements d'emplois, notamment dans le secteur des services, du commerce, de la restauration, de l'hôtellerie, du tourisme. Proportionnellement, si nous avions le même taux d'occupation dans ce dernier secteur qu'aux Etats-Unis, nous aurions 5 millions d'emplois en plus. Et c'est la raison pour laquelle j'ai soutenu, nous soutenons l'idée de baisser en France mais aussi en Europe, les taxes et les impôts qui aujourd'hui bloquent la création d'emplois dans ces secteurs porteurs de chance pour tous les Français.
Voilà pourquoi je crois au nécessaire retour du plein emploi. C'est la meilleure des politiques sociales ; celle qui remet en marche l'ascenseur social, change le rapport de forces sur le marché du travail. On entend souvent dire : "Les libéraux n'aiment pas les salaires, ils préfèrent le travail précaire". c'est totalement faux. En période de plein emploi, le salarié a plus de facilité pour changer d'employeur. Pour le garder, il faut alors davantage le motiver, mieux l'intéresser, mieux le récompenser. C'est ce qui fait reculer le travail précaire et progresser la feuille de paie. C'est ce qui donne la liberté de changer d'entreprise pour en trouver une meilleure.
En ce qui concerne les salaires, il ne s'agit pas de faire de concurrence aux usines du Bengladesh en donnant aux salariés des usines bourguignonnes les salaires du Bengladesh. Dans la compétition internationale, la croissance doit être tirée par le haut, par des salariés de plus en plus qualifiés, par des entrepreneurs toujours plus entreprenants. J'ai la conviction que ce sont les bonnes feuilles de paie qui font le plein emploi et font reculer le travail illégal.
Le plein emploi, c'est aussi le moyen qui va nous permettre de sortir de cette société d'assistanat généralisé qui enferme et détruit tant de familles aujourd'hui. Une société dans laquelle il est parfois plus intéressant de toucher un revenu minimum, plus ou moins complété par un travail au noir, que de reprendre un vrai travail. La solution, on la connaît. Je l'ai proposée plusieurs fois : c'est, d'une part, instaurer un revenu familial garanti, et chaque fois qu'on le peut, transformer le revenu d'assistance en revenu d'activité, fut-ce une activité au service d'une collectivité locale, d'une mairie ou d'une association. Il y va de la dignité des personnes.
3. La Nouvelle France, c'est aussi une France qui donne plus de place à une société civile plus forte et plus libre.
L'Etat doit aujourd'hui reculer et se recentrer sur ses vraies missions : la sécurité, la justice, garantir l'égalité des chances.
A ce recul de l'Etat doit correspondre l'avancée de la société. D'abord parce que face à tous les pouvoirs, ceux de l'Etat, de l'administration, des grandes entreprises, face aux nouveaux pouvoirs du nouveau monde qui inquiètent souvent, il faut opposer des contre-pouvoirs, le contre-pouvoir des citoyens, le contre-pouvoir des consommateurs, le contre-pouvoir des contribuables, celui des usagers, des défenseurs de l'environnement.
Ensuite, parce que la société civile peut accomplir toute une série de missions trop souvent confiées à l'Etat. Et ces missions, je suis convaincu qu'elle peut alors les exercer avec plus de passion, plus de cur, plus de générosité que les bureaucraties d'Etat : fonder et gérer une école, une université ; organiser une solidarité communautaire ; gérer un hôpital ; entretenir un patrimoine ; faire vivre un orchestre ; soutenir l'innovation des créateurs.
C'est la raison pour laquelle parmi les mesures que j'ai proposées, j'insiste tout particulièrement sur le régime des fondations et des dons. Nous devons libérer la générosité des citoyens pour les associations et les fondations de leur choix plutôt que de prélever anonymement de l'argent dans leur portefeuille pour le faire transiter par un percepteur vers les associations choisies par les bureaucraties. Le circuit court est le circuit du coeur et de la générosité, le circuit de l'efficacité.
Si j'insiste sur la nécessité de renforcer la société civile, c'est aussi pour une autre raison. De même que l'on ne saurait réduire la société à l'Etat, de même il ne faut pas la réduire à l'économie ou à l'argent. Il y a bien des choses qui n'ont pas de valeur marchande mais qui font cependant la réussite d'une vie. L'amour d'un enfant, quel est son prix ? La famille, l'amitié. Si la Nouvelle France porte, c'est vrai, la promesse d'une nouvelle croissance, d'une nouvelle prospérité, elle porte aussi la promesse d'une société d'épanouissement personnel enrichi.
L'augmentation des richesses personnelles n'est rien si dans le même temps on a le sentiment d'un appauvrissement de nos richesses intérieures, si on a le sentiment que nos enfants sont systématiquement détournés par l'observation de la vie ou par les médias des valeurs qui vont donner un vrai sens à leur vie. Voilà pourquoi je crois au rôle des familles, au rôle des communautés, à celui des associations et des églises. Car c'est bien la société civile qui apporte les règles de civilité sans lesquelles il ne saurait y avoir de société et qui porte le vrai savoir-vivre ensemble.
4. La Nouvelle France a besoin de nouvelles institutions, d'une nouvelle République
Les institutions de la Vème République sont moribondes, elles sont étouffées par les affaires, la centralisation jacobine, la cohabitation, la colonisation de la vie politique par la haute administration. Tout est à reconstruire : l'Etat, le gouvernement, la justice, l'administration, les services publics, les régions. Et il n'est que temps d'offrir enfin à toutes les régions françaises, pas seulement la Corse, le cadre d'un vrai pouvoir régional. Une France forte a besoin de régions fortes.
Une France forte a besoin aussi d'une profonde rénovation de notre vie politique. Il faut que la société civile s'engage, que l'on mette fin au privilège de l'engagement politique des seuls fonctionnaires qui ont fait cette colonisation de la vie politique par la haute administration.
Une France forte exige également le renouveau de la vie démocratique, que l'on donne plus souvent la parole aux citoyens en favorisant les référendums nationaux, régionaux et locaux.
Une France forte a besoin que l'on repense le statut, mais plus encore le rôle du Président, du gouvernement, du parlement et des lois dans le souci d'une meilleure séparation et d'un meilleur équilibre des pouvoirs.
Une France forte a enfin besoin d'un Etat moderne. Un Etat moderne, c'est un Etat qui assure avec fermeté ses vraies missions. C'est aussi un Etat allégé des missions qui ne sont pas les siennes, allégé des règlements inutiles. Un Etat qui sait réduire, comme on le voit tout autour de nous, le nombre de ses fonctionnaires, qui sait aussi les intéresser aux réformes, mieux les former, mieux les gérer, mieux les récompenser. Un Etat qui a la volonté d'améliorer la performance et la qualité des services rendus au public en s'ouvrant s'il le faut, sans complexe, à l'initiative privée et à la concurrence. Voilà le chemin de ce meilleur Etat.
Je crois comme Péguy, que le métier d'enseignant, après celui de parent, est le plus beau métier du monde ! Mais je crois aussi que notre système ne permet pas aux enseignants de donner le meilleur d'eux-mêmes. On ne peut plus accepter dans un pays comme le nôtre qu'un fils d'ouvrier ait 28 fois moins de chances d'arriver dans une grande école que le fils d'un cadre supérieur. Et les enseignants sont au fond d'eux-mêmes les premiers à souhaiter une école qui donne à chacun sa chance. Ils savent bien qu'un enfant peut être bon dans une matière, mauvais dans une autre, que tous ne marchent pas à la même vitesse et qu'il est nécessaire de faire des écoles différentes, d'innover, de bousculer, de revoir complètement l'organisation scolaire qui ne doit pas forcément être la même à Redon, à Argenteuil ou à Tournus. Il faut organiser le temps de travail différemment au long de l'année, au cours de la semaine et de la journée, et pour cela donner beaucoup plus d'autonomie aux établissements scolaires. Si je devais aller plus loin, je proposerais, comme d'autres pays aujourd'hui envisagent de le faire, un crédit éducation égal pour tous, valable tout au long de la vie, qui permette à chacun de choisir son école, de faire des écoles différentes et innovantes, mais qui donne aussi la chance de pouvoir reprendre ses études un peu plus tard, après une première expérience de la vie. C'est cela aujourd'hui une société qui donne à chacun sa chance et qui mise sur la première richesse de la société de nouvelles croissances, l'intelligence et la formation de nos enfants.
5. Le droit de vivre en paix
Cette Nouvelle France doit d'abord et peut-être surtout, être une France dans laquelle chacun a le droit de vivre en paix et en sécurité. Ce sujet grave est à juste titre la première préoccupation des Français.
La Justice ne dispose toujours pas des moyens de traiter la délinquance et de faire respecter la loi pénale. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 10 ans, tous les indicateurs de la délinquance et de la violence ont plus que doublé. En 10 ans, le nombre de peines prononcées, le nombre de places dans les prisons, le nombre de places pour les mineurs sont à peu près restés les mêmes. Cela signifie qu'il est aujourd'hui deux fois moins risqué d'être délinquant qu'il y a dix ans. Ne cherchez pas ailleurs, M. Jospin, les causes d'augmentation de la délinquance. C'est cela qui explique pourquoi les plaintes sont classées sans suite, pourquoi les peines de prison ne sont pas exécutées, pourquoi les policiers sont découragés, pourquoi les victimes ont le sentiment d'être narguées et pourquoi le sentiment d'insécurité monte. Voilà pourquoi aussi on dévalue en cascade la justice et le droit.
S'il faut répondre bien évidemment avec fermeté à la violence et à la délinquance, il faut aussi s'attaquer avec énergie aux causes de la délinquance et à ces foyers de culture violente que constituent encore trop de nos cités. On nous parle de police de proximité mais savez-vous que cette police de proximité, qui fait bien son travail, avec conviction, avec ardeur, est menacée chaque jour ?
On dit qu'il faut apporter une réponse immédiate à la petite délinquance. Evidemment. On a d'ailleurs fait quelques progrès en ce sens. Pour ma part, je proposerais de mobiliser plusieurs milliers de magistrats et de policiers en retraite pour assurer le service après-vente immédiat des décisions de justice vis-à-vis de ces mineurs délinquants. Mais à l'heure actuelle, on vous dit : réponse immédiate. Donc centre de placement immédiat. Or il faut aujourd'hui trois mois, voire six mois d'attente pour un placement immédiat. Où est la Justice ? Où est l'Etat ?
on dit qu'il faut sortir les multirécidivistes de leur quartier, ces petits caïds qui empoisonnent la vie des cités, donnent le mauvais exemple et entraînent tant de gamins qui, s'ils ne les avaient pas rencontrés, auraient pu suivre une autre voie. On dit qu'il faut les sortir de leur quartier, les placer dans des centres d'éducation spécialisés plutôt qu'en prison. Mais savez-vous combien il y a de places dans les centres d'éducation spécialisés de toute la région parisienne pour accueillir les petits caïds? 10 places.
Où est la Justice ? où est l'Etat ?
J'ai accompagné la police dans les quartiers difficiles. J'ai rencontré des magistrats, des policiers. J'ai discuté avec des bandes. J'ai vu ceux qui voulaient s'en sortir. J'ai vu les parents. J'ai vu les victimes. Il est clair, je le répète, que nous n'avons pas donné à la Justice et à l'Etat les moyens de faire respecter la loi pénale, c'est la raison pour laquelle la priorité aujourd'hui, c'est un plan Orsec pour la Justice que j'ai chiffré à 12 milliards. Est-ce beaucoup ? on trouve toujours 12 milliards pour la Justice quand on trouve 120 milliards pour les 35 heures.
12 milliards pour que la loi soit la même pour tous, pour que la Justice soit exercée, pour que l'on crée enfin toute la palette des établissements spécialisés nécessaires pour accueillir ces mineurs en perdition
L'immigration clandestine, comme l'insécurité, n'est pas un problème qui appartient au passé et que la régularisation de quelques sans-papier permettrait d'effacer une fois pour toutes. Je suis récemment allé au centre de Sangatte dans le Pas-de-Calais à proximité du bout du tunnel sous la Manche, côté français. Là, l'Etat s'est défaussé sur la Croix-Rouge pour accueillir les immigrés clandestins, essentiellement afghans ou kurdes, qui veulent aller travailler en Angleterre mais sont empêchés de s'y rendre.
400, 500 clandestins qui, tous les jours, prennent d'assaut le tunnel sous la Manche. En face, 40 à 50 policiers, plus les gardiens d'Eurotunnel.
Ceux que l'on arrête sont conduits au centre d'hébergement. Parmi eux, certains feront une nouvelle tentative dans la même nuit. A voir ainsi de près les problèmes de l'immigration clandestine, on comprend la nécessité d'avoir une véritable politique en la matière, tant au plan national -or, il n'y en a pas- qu'européen. Sur ces questions Monsieur Jospin dit ne pas manquer de volonté politique, mais pour ma part, je n'en vois toujours pas les signes.
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Voilà quelques unes des idées forces qui vont nous permettre de dessiner ensemble le projet d'une Nouvelle France, de le présenter aux Français et de faire du rendez-vous de l'élection présidentielle de 2002, non pas le rendez-vous de la résignation, mais celui de notre belle espérance.
Une page se tourne, celle d'un siècle assurément bien rude pour l'homme ; l'homme qui a été traité comme un numéro par les bureaux, comme un robot par les entreprises. Un siècle qui a été rude pour la nature, l'environnement malmené par la main de l'homme. C'était le siècle des masses, le siècle de la production de masse, le siècle des bureaucraties de masse, le siècle de la consommation de masse, le siècle des idéologies de masse.
Avec la chute du mur de Berlin, un nouveau monde se dessine. Celui de la confiance retrouvée dans la liberté, la démocratie et les droits fondamentaux des personnes. Ce nouveau monde c'est aussi pour beaucoup de peuples la perspective de sortir de la pauvreté par la liberté des échanges dans une mondialisation solidaire. C'est également pour nous la chance de construire une nouvelle Europe, celle de tous les Européens, forte de sa diversité, de la richesse de nos nations et de nos cultures. Car, à mes yeux, l'Europe ne saurait être un super-Etat au-dessus de la France et une pâle copie du modèle américain qui ferait de la France le Connecticut de je ne sais trop quels Etats-Unis d'Europe.
Je crois que dans ce nouveau monde et cette nouvelle Europe nous pouvons construire une Nouvelle France. Une France qui soit à taille humaine, plus harmonieuse, plus respectueuse de l'homme, de sa nature, de ses valeurs, de son cadre de vie. La Nouvelle France, celle que je vais porter dans le débat des élections présidentielles, ce n'est pas la France du repli, de la frilosité ou des peurs ; il y aura bien des candidats pour parler de cette France-là.
La Nouvelle France, c'est celle qui puise dans notre histoire le meilleur de nos valeurs, pour réaliser cette promesse qui a fait le message universel de la France : la liberté, l'égalité devant la loi, l'égalité des chances. C'est cette France-là que j'aime. C'est cette France-là que je veux faire gagner.
(Source http://www.alainmadelin.com, le 15 octobre 2001)