Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le développement de la coopération entre l'Union européenne et la Confédération helvétique constitue une priorité, et une nécessité, pour l'Union comme pour nos voisins suisses. Aussi ne pouvait-on concevoir qu'il puisse être durablement entravé par l'échec du référendum suisse de décembre 1992 (c'est-à-dire le rejet de la ratification du Traité de Porto instituant l'Espace économique européen), et par le gel subséquent de la candidature de la Confédération à l'Union.
Il y aurait, en effet, quelque paradoxe à ce que l'Union mette en oeuvre avec la Suisse des accords de coopération moins poussés qu'avec un certain nombre d'Etats extra-européens, alors qu'il s'agit d'un de ses voisins les plus proches - on pourrait même dire le plus proche - et d'un de ses principaux partenaires.
Voilà pourquoi l'Union européenne et la Confédération helvétique ont engagé des négociations en décembre 1994, en vue de l'élargissement à la Suisse de l'acquis communautaire dans un nombre limité de domaines. Celles-ci ont abouti à la signature de sept accords à Luxembourg, le 21 juin 1999. Seul l'accord relatif à la libre circulation des personnes doit faire l'objet d'une procédure de ratification nationale. En effet, il est de nature "mixte", sur le plan juridique, dans la mesure où il relève à la fois de la compétence de l'Union et des Etats membres, alors que les six autres relèvent de la seule compétence communautaire. Toutefois, ces 7 accords sont liés par une clause d'entrée en vigueur simultanée, et forment donc un même ensemble.
Ces accords présentent un intérêt intrinsèque évident, et je vais y revenir plus en détail. Toutefois, je voudrais commencer par insister sur le fait qu'ils ont une portée globale. D'abord, ils ouvrent la voie à de nouvelles avancées. Par exemple, comme vous le savez, le succès du projet de directive sur la fiscalité de l'épargne, qui devrait être adopté à la fin de l'an prochain, dépend de l'issue de négociations avec un certain nombre de pays tiers. Plusieurs Etats membres de l'Union ont en effet explicitement soumis leur ralliement à ce projet, auquel la France est très attachée, à la condition que les discussions avec notre voisin helvétique sur ce chapitre fassent des progrès décisifs. Or, il ne fait pas de doute que l'entrée en vigueur des accords UE/Suisse représente elle-même un préalable à de tels progrès.
Ensuite, ces accords constituent, à l'évidence, une étape essentielle dans le rapprochement entre la Suisse et l'Union européenne. A terme, ils préparent le terrain à une éventuelle reprise de la procédure d'adhésion de la Suisse à l'Union. L'expérience prouve que cette stratégie de rapprochement progressif est clairement la meilleure.
J'en viens maintenant au contenu des ces accords.
L'accord sur la libre circulation des personnes vise principalement à étendre à la Suisse les règles en vigueur au sein de l'Union européenne, c'est-à-dire le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination en fonction de la nationalité, dans l'exercice de toute une série de droits fondamentaux, notamment ceux d'entrer, de résider, d'étudier, de travailler, et de s'établir comme indépendant.
Cet accord facilitera considérablement l'accès des travailleurs français au marché de l'emploi suisse en supprimant peu à peu tout contingentement. La proximité géographique et linguistique de nos deux pays leur donnera même un avantage évident. Rappelons que le taux de chômage en Suisse est inférieur à 2%. En outre, il améliorera sensiblement la situation des Français travaillant en Suisse, aujourd'hui au nombre de 74 000 (soit la moitié de tous les frontaliers ayant un emploi en Suisse). Ceux-ci pourront notamment changer librement d'emploi, de profession, de lieu de travail ou de séjour.
Un des progrès les plus notables, par rapport au régime actuellement en vigueur entre nos deux pays, a trait à la coordination des systèmes de sécurité sociale. L'accord permettra notamment le maintien des droits acquis et la totalisation des périodes de cotisation.
Je veux m'arrêter quelques instants sur la question de l'assurance-maladie des travailleurs frontaliers, qui a suscité beaucoup d'intérêt et parfois d'inquiétudes chez les personnes concernées.
L'accord pose le principe, conformément à la règle communautaire, d'une affiliation au régime du pays d'emploi. Cependant, il a prévu la possibilité de dérogations afin de tenir compte des spécificités nationales. Cette question est très sensible, et le gouvernement a donc pris l'initiative d'une concertation approfondie avec les associations représentant ces travailleurs frontaliers de même qu'avec les élus des départements concernés. Il a également demandé un rapport sur ce sujet à trois spécialistes du droit social - Marie-Ange Moreau, Dominique Nazet-Allouche et Rolande Ruellan - qui lui a été remis en octobre 2000. Sur la base de ces discussions et de cette réflexion, il a annoncé, en juin dernier, son intention de demander au Comité mixte compétent l'exercice de ce droit d'option dès que possible, c'est-à-dire immédiatement après l'entrée en vigueur de l'accord. Cela signifie que la possibilité sera laissée aux frontaliers qui en feront la demande, de ne pas adhérer au régime fédéral suisse d'assurance-maladie.
Il restait à préciser le type d'assurance auquel les travailleurs frontaliers pourraient avoir recours en France. Il s'agira de la couverture maladie universelle (CMU) dite de "résidence", créée par la loi du 27 juillet 1999, qui a vocation à accueillir tous les résidents français non-couverts par un régime obligatoire, mais aussi, pendant une période transitoire de 7 ans, d'une assurance auprès d'une compagnie privée. Le gouvernement a donc entendu, une fois de plus, le souhait exprimé par de nombreux frontaliers et leurs représentants.
La consultation des différentes associations de frontaliers, réunies au début de la semaine par mes services et ceux de Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a d'ailleurs permis de montrer que cette formule devrait recueillir un large consensus auprès des intéressés. Je crois donc que, conformément à ses engagements, le gouvernement a trouvé, par la concertation, un compromis satisfaisant entre les règles communautaires, les principes qui fondent notre sécurité sociale nationale et les revendications des travailleurs concernés. En plus de la révision de l'accord, l'ensemble de ce dispositif exigera certaines adaptations législatives.
Comme je le disais, la ratification de l'accord de libre circulation des personnes permettra par ailleurs l'entrée en vigueur de six autres accords, relatifs, respectivement, aux échanges de produits agricoles, à la reconnaissance mutuelle en matière de conformité, aux marchés publics, aux transports terrestres, au transport aérien, ainsi qu'à la coopération scientifique.
Au total, les accords bilatéraux UE/Suisse se traduiront par une intensification de la coopération et des échanges entre la Suisse et l'Union, entre la Suisse et la France, dont les effets seront globalement bénéfiques pour toutes les parties, en particulier dans les régions frontalières.
Nos partenaires de l'Union en ont reconnu toute l'importance. Le Parlement européen a donné son avis conforme le 4 mai 2000, et, à ce jour, douze Etats membres de l'Union européenne ont ratifié l'accord sur la libre circulation des personnes. En le faisant à son tour cet automne, la France devrait lui permettre d'entrer en vigueur au début de 2002.
Telles sont, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les raisons pour lesquelles j'ai l'honneur, au nom du gouvernement, de solliciter de la part de votre Haute Assemblée l'approbation de ce projet de loi, en application de l'article 53 de la Constitution./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Le développement de la coopération entre l'Union européenne et la Confédération helvétique constitue une priorité, et une nécessité, pour l'Union comme pour nos voisins suisses. Aussi ne pouvait-on concevoir qu'il puisse être durablement entravé par l'échec du référendum suisse de décembre 1992 (c'est-à-dire le rejet de la ratification du Traité de Porto instituant l'Espace économique européen), et par le gel subséquent de la candidature de la Confédération à l'Union.
Il y aurait, en effet, quelque paradoxe à ce que l'Union mette en oeuvre avec la Suisse des accords de coopération moins poussés qu'avec un certain nombre d'Etats extra-européens, alors qu'il s'agit d'un de ses voisins les plus proches - on pourrait même dire le plus proche - et d'un de ses principaux partenaires.
Voilà pourquoi l'Union européenne et la Confédération helvétique ont engagé des négociations en décembre 1994, en vue de l'élargissement à la Suisse de l'acquis communautaire dans un nombre limité de domaines. Celles-ci ont abouti à la signature de sept accords à Luxembourg, le 21 juin 1999. Seul l'accord relatif à la libre circulation des personnes doit faire l'objet d'une procédure de ratification nationale. En effet, il est de nature "mixte", sur le plan juridique, dans la mesure où il relève à la fois de la compétence de l'Union et des Etats membres, alors que les six autres relèvent de la seule compétence communautaire. Toutefois, ces 7 accords sont liés par une clause d'entrée en vigueur simultanée, et forment donc un même ensemble.
Ces accords présentent un intérêt intrinsèque évident, et je vais y revenir plus en détail. Toutefois, je voudrais commencer par insister sur le fait qu'ils ont une portée globale. D'abord, ils ouvrent la voie à de nouvelles avancées. Par exemple, comme vous le savez, le succès du projet de directive sur la fiscalité de l'épargne, qui devrait être adopté à la fin de l'an prochain, dépend de l'issue de négociations avec un certain nombre de pays tiers. Plusieurs Etats membres de l'Union ont en effet explicitement soumis leur ralliement à ce projet, auquel la France est très attachée, à la condition que les discussions avec notre voisin helvétique sur ce chapitre fassent des progrès décisifs. Or, il ne fait pas de doute que l'entrée en vigueur des accords UE/Suisse représente elle-même un préalable à de tels progrès.
Ensuite, ces accords constituent, à l'évidence, une étape essentielle dans le rapprochement entre la Suisse et l'Union européenne. A terme, ils préparent le terrain à une éventuelle reprise de la procédure d'adhésion de la Suisse à l'Union. L'expérience prouve que cette stratégie de rapprochement progressif est clairement la meilleure.
J'en viens maintenant au contenu des ces accords.
L'accord sur la libre circulation des personnes vise principalement à étendre à la Suisse les règles en vigueur au sein de l'Union européenne, c'est-à-dire le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination en fonction de la nationalité, dans l'exercice de toute une série de droits fondamentaux, notamment ceux d'entrer, de résider, d'étudier, de travailler, et de s'établir comme indépendant.
Cet accord facilitera considérablement l'accès des travailleurs français au marché de l'emploi suisse en supprimant peu à peu tout contingentement. La proximité géographique et linguistique de nos deux pays leur donnera même un avantage évident. Rappelons que le taux de chômage en Suisse est inférieur à 2%. En outre, il améliorera sensiblement la situation des Français travaillant en Suisse, aujourd'hui au nombre de 74 000 (soit la moitié de tous les frontaliers ayant un emploi en Suisse). Ceux-ci pourront notamment changer librement d'emploi, de profession, de lieu de travail ou de séjour.
Un des progrès les plus notables, par rapport au régime actuellement en vigueur entre nos deux pays, a trait à la coordination des systèmes de sécurité sociale. L'accord permettra notamment le maintien des droits acquis et la totalisation des périodes de cotisation.
Je veux m'arrêter quelques instants sur la question de l'assurance-maladie des travailleurs frontaliers, qui a suscité beaucoup d'intérêt et parfois d'inquiétudes chez les personnes concernées.
L'accord pose le principe, conformément à la règle communautaire, d'une affiliation au régime du pays d'emploi. Cependant, il a prévu la possibilité de dérogations afin de tenir compte des spécificités nationales. Cette question est très sensible, et le gouvernement a donc pris l'initiative d'une concertation approfondie avec les associations représentant ces travailleurs frontaliers de même qu'avec les élus des départements concernés. Il a également demandé un rapport sur ce sujet à trois spécialistes du droit social - Marie-Ange Moreau, Dominique Nazet-Allouche et Rolande Ruellan - qui lui a été remis en octobre 2000. Sur la base de ces discussions et de cette réflexion, il a annoncé, en juin dernier, son intention de demander au Comité mixte compétent l'exercice de ce droit d'option dès que possible, c'est-à-dire immédiatement après l'entrée en vigueur de l'accord. Cela signifie que la possibilité sera laissée aux frontaliers qui en feront la demande, de ne pas adhérer au régime fédéral suisse d'assurance-maladie.
Il restait à préciser le type d'assurance auquel les travailleurs frontaliers pourraient avoir recours en France. Il s'agira de la couverture maladie universelle (CMU) dite de "résidence", créée par la loi du 27 juillet 1999, qui a vocation à accueillir tous les résidents français non-couverts par un régime obligatoire, mais aussi, pendant une période transitoire de 7 ans, d'une assurance auprès d'une compagnie privée. Le gouvernement a donc entendu, une fois de plus, le souhait exprimé par de nombreux frontaliers et leurs représentants.
La consultation des différentes associations de frontaliers, réunies au début de la semaine par mes services et ceux de Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a d'ailleurs permis de montrer que cette formule devrait recueillir un large consensus auprès des intéressés. Je crois donc que, conformément à ses engagements, le gouvernement a trouvé, par la concertation, un compromis satisfaisant entre les règles communautaires, les principes qui fondent notre sécurité sociale nationale et les revendications des travailleurs concernés. En plus de la révision de l'accord, l'ensemble de ce dispositif exigera certaines adaptations législatives.
Comme je le disais, la ratification de l'accord de libre circulation des personnes permettra par ailleurs l'entrée en vigueur de six autres accords, relatifs, respectivement, aux échanges de produits agricoles, à la reconnaissance mutuelle en matière de conformité, aux marchés publics, aux transports terrestres, au transport aérien, ainsi qu'à la coopération scientifique.
Au total, les accords bilatéraux UE/Suisse se traduiront par une intensification de la coopération et des échanges entre la Suisse et l'Union, entre la Suisse et la France, dont les effets seront globalement bénéfiques pour toutes les parties, en particulier dans les régions frontalières.
Nos partenaires de l'Union en ont reconnu toute l'importance. Le Parlement européen a donné son avis conforme le 4 mai 2000, et, à ce jour, douze Etats membres de l'Union européenne ont ratifié l'accord sur la libre circulation des personnes. En le faisant à son tour cet automne, la France devrait lui permettre d'entrer en vigueur au début de 2002.
Telles sont, Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les raisons pour lesquelles j'ai l'honneur, au nom du gouvernement, de solliciter de la part de votre Haute Assemblée l'approbation de ce projet de loi, en application de l'article 53 de la Constitution./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)