Texte intégral
Déclaration à Besançon le 12 octobre :
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
C'est pour moi un très grand plaisir, comme vous l'imaginez, d'être aujourd'hui parmi vous à Besançon. Dans la série de forums régionaux qui ont lieu actuellement, cette rencontre revêt, à mes yeux un intérêt tout particulier. Au-delà des liens qui m'attachent à ma région, nous sommes ici au cur de l'Europe. Quel meilleur lieu pour en débattre de manière vivante ?
Je tiens d'abord à remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet Alain Gehin pour que ce forum soit un succès.
Par succès j'entends d'abord que nous ayons une véritable discussion, libre, sans tabou, permettant à chacun d'exprimer ses convictions, ses espoirs et ses craintes. De hautes personnalités des Etats membres, des pays candidats ou bien de nations proches et amies nous font l'honneur d'être parmi nous. Quelles soient chaleureusement remerciées ! Elles apporteront, j'en suis certain, un éclairage stimulant à cette grande réflexion sur l'avenir de notre Europe : c'est, à ce stade, un débat entre Français, mais qui les concerne évidemment.
Par succès, j'entends aussi que la Franche-Comté apporte une contribution utile à la réflexion. Chacun a son mot à dire et chaque parole comptera aujourd'hui. Sont en effet parmi nous Jean Gandois et Jean-Louis Quermonne, deux membres du groupe de personnalités désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse des débats en France. Nos autorités verseront ensuite à la réflexion commune des Européens notre contribution nationale et il reviendra, en décembre prochain, au Conseil européen, de préciser comment l'exercice se poursuivra jusqu'en 2004.
2004 est en effet l'horizon de notre réflexion. Il nous faudra alors décider des réformes de structure nécessaires à la grande Europe. Pour ma part, je n'hésite pas à parler de refondation. Car la perspective irréversible d'une Europe à 25 ou 30 - dont nous devons nous réjouir - nous oblige à nous interroger profondément sur le contenu du projet européen et le fonctionnement futur de l'Union. Quelle Europe voulons-nous faire ensemble ? Telle est bien la question, quasiment existentielle, qui inspire ce grand débat.
2004, c'est demain. Et cette période finalement courte est jalonnée d'échéances cruciales : 2002 c'est d'abord l'introduction, des pièces et des billets en euros ; 2003, peut être les premières adhésions ; 2004 enfin, verra les élections au Parlement européen et la nomination d'une nouvelle Commission.
Enfin, comment ne pas penser aux terribles attentats, qui ont frappé les Etats-Unis. L'ombre des événements du 11 septembre plane sur nos réflexions. Nous percevons bien, même s'il n'est pas encore possible d'en apprécier toute la portée, combien cette date funeste créé une nouvelle donne géopolitique. Cela confère aux questions qui nous rassemblent une intensité encore plus grande. Nous, les Européens, sommes au pied du mur : serons-nous capables, d'assumer ensemble nos responsabilités pour lutter contre le terrorisme et contribuer à un monde meilleur ?
Le défi est considérable : il s'agit à la fois d'affirmer les valeurs fondamentales de l'Europe et sa capacité à mettre en uvre des politiques citoyennes, répondant aux besoins concrets de ses peuples, notamment en matière de sécurité ; mais aussi de développer une Europe puissance, capable de peser sur les affaires du monde, pour défendre la démocratie et la justice, promouvoir la paix et le développement.
Alors, entrons maintenant tous ensemble dans le vif du sujet. Le débat est ouvert
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 octobre 2001)
Déclaration à Lyon le 15 octobre :
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui à Lyon pour ce forum qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe, lancé par le Président de la République et le Premier ministre, en avril dernier, à la suite du Conseil européen de Nice.
Je tiens tout d'abord exprimer ma gratitude à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet Michel Besse pour réussir cette journée.
Votre programme, très judicieusement composé, avec ses questions sur l'identité et les valeurs européennes, sur le fonctionnement de l'Union élargie, sur le contenu du projet européen, nous projette d'emblée au cur du débat
Je souhaite qu'il donne lieu à de véritables échanges, déliés, sans paroles convenues ou langue de bois, permettant à chacun d'exprimer sa conviction, ses espoirs et ses craintes. Notre réflexion sera évidemment prise en compte dans la synthèse qui a été confiée à un groupe de personnalités, désignées par le président de la République et le Premier ministre. Un de ses membres, le professeur Jean-Louis Quermonne, est parmi nous.
Nous avons aussi l'honneur d'accueillir parmi nous le ministre des Affaires étrangères de Slovénie, M. Dimitrij Rupel, et le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes des Pays-Bas, M. Dick Benshop. Je suis certain que leur regard européen stimulera ce débat franco-français.
Pour introduire nos travaux, je me limiterai à quelques remarques, pour préciser le contexte dans lequel cet exercice se déroule, et ses prolongements.
Pour résumer ma pensée, je dirai simplement que la construction européenne traverse une période extrêmement dense et exigeante.
La première évolution majeure est représentée par le mouvement vers l'élargissement, à une échelle inégalée. La perspective d'une Union à 20, 25, ou 30 est désormais une réalité. Cet élargissement correspond à un devoir historique de réunification de notre continent. Il est aussi dans notre intérêt profond. Mais cette véritable lame de fond nous impose aussi de repenser en profondeur le projet européen, le mode de fonctionnement d'une Union élargie, sachant qu'elle a déjà, à 15, du mal à fonctionner.
Au même moment, l'Union européenne n'a jamais connu d'avancées aussi remarquables, dans des domaines emblématiques. Je pense évidemment à l'euro, qui sera dans moins de trois mois dans nos poches, mais aussi aux progrès pour mettre sur pied une politique européenne de sécurité et de défense. Je mentionnerai aussi la Charte des droits fondamentaux, adoptée à Nice, qui consolide le socle des valeurs sur lesquelles s'est bâtie notre Europe. Nous en parlerons.
Vous voyez bien la situation paradoxale dans laquelle l'Union se trouve. Saura-t-elle, saurons-nous, une fois encore, réussir la course de vitesse entre l'élargissement et l'approfondissement ? Cette question, récurrente tout au long de la construction européenne, se pose aujourd'hui avec une intensité sans précédent.
La difficulté est d'autant plus grande que la séquence devant laquelle se trouve placée l'Union européenne sera très rapide : 2002, l'arrivée de l'euro, que je viens d'évoquer ; 2003, peut-être les premières adhésions; 2004, les élections au Parlement européen et la désignation d'une nouvelle Commission. Sans oublier des échéances électorales partout, dont chez nous l'année prochaine, et qui je l'espère permettront de parler d'Europe.
Et à l'horizon, il y a l'année 2004 qui borne nos travaux, puisque c'est à cette date que le rendez-vous est fixé pour décider des réformes institutionnelles nécessaires. 2004, c'est après-demain, compte tenu de l'ampleur des enjeux. Mais, il me semble que le calendrier s'est même rétréci, et que nous sommes aujourd'hui face à une véritable urgence d'Europe.
Je pense, vous l'aurez compris, aux conséquences des attaques du 11 septembre contre New York et Washington.
Je vous fais part d'emblée de ma conviction profonde : ces événements nous ramènent au cur du sujet qui nous rassemble. Ils confèrent une intensité inattendue et inégalée aux grandes questions posées dans le cadre de ce débat. Toutes nos interrogations demeurent, avec même une acuité sans précédent. Sans vouloir être exhaustif ou préempter les discussions, je voudrais essayer de vous le montrer à travers les principales d'entre elles.
- Première question : qu'est-ce que l'identité et la citoyenneté européennes ? La solidarité avec les Etats-Unis nous est dictée tout naturellement par les valeurs de liberté et de démocratie qui unissent nos deux pays, enfants des Lumières, sans oublier notre histoire commune pour affronter la barbarie. Mais notre réaction n'est pas qu'affective. Elle découle aussi d'une certaine vision de l'Europe. Cette vision de l'Europe s'incarne sous diverses formes. De manière éclatante, dans la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice qui constitue une avancée politique majeure. Nos valeurs communes se trouvent rassemblées désormais dans un texte fort et clair, et la question de son applicabilité juridique directe est posée. Mais aussi dans la notion très concrète de citoyenneté européenne, ou dans d'autres champs qui touchent à la substance même du projet européen. Je pense à notre attachement au respect de la diversité culturelle et développement du modèle social européen, qui cherche à combiner performance économique et cohésion sociale. Nous en discuterons.
Dans le même ordre d'idées, notre réaction visant à réfuter la thèse du "choc des civilisations" entre l'Occident et le monde musulman - pour refuser que soit fait un amalgame choquant, et surtout faux, entre islam et terrorisme - participe de la même conception des valeurs de l'Europe.
- Cette situation conduit aussi à s'interroger sur l'identité européenne et donc sur les frontières de l'Union européenne. Là aussi, les attentats du 11 septembre mettent en évidence la portée géostratégique de la question. L'Union est en voie de s'installer dans ses frontières ultimes, délimitées d'abord par le cercle des pays candidats d'Europe centrale et orientale. Mais au-delà, les questions surgissent, avec d'abord le cas de la Turquie, mais aussi de la perspective ouverte aux pays de l'ex-Yougoslavie d'adhérer à l'Union, le moment venu, quand ils auront retrouvé stabilité et démocratie. Il y a aussi les relations à entretenir avec les grands ensembles aux marches de l'Europe, pour nous d'intérêt stratégique. Je pense évidemment à la Russie, mais aussi au monde méditerranéen, dans le cadre de ce partenariat euro-méditerranéen qu'on appelle le "processus de Barcelone". Pour coller à l'actualité, ces exemples montrent - si besoin était -, combien les critères religieux ne sauraient être un facteur discriminant pour l'adhésion ou des relations privilégiées avec l'Union.
- La troisième série de questions porte sur le contenu du projet européen. Car l'Europe acquiert sa légitimité aux yeux de ses peuples, en répondant aux aspirations concrètes de chacun, ce que j'appelle l'Europe-citoyenne. Là encore, les suites des événements du 11 septembre mettent en lumière cette dimension interne, quotidienne et concrète de la construction européenne. L'Union européenne a su prendre très vite un certain nombre d'initiatives concrètes, comme l'illustre le plan d'action adopté par le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre. Les exemples ne manquent pas, qu'il s'agisse d'améliorer la sûreté des transports aériens, ou de donner une nouvelle et très forte impulsion à la construction d'une Europe de la Justice et des affaires intérieures. Lionel Jospin, dans son discours du 28 mai sur l'avenir de l'Union élargie, l'avait d'ailleurs déjà appelée de ses vux.
Vous savez qu'un certain nombre de mesures ont été décidées en priorité, pour lutter plus efficacement contre le terrorisme : un mandat d'arrêt européen, qui se substituera, dans les affaires de terrorisme, aux très longues procédures d'extradition entre Etats membres ; une définition judiciaire commune du terrorisme, dont nous manquons, tant en ce qui concerne l'incrimination que les sanctions pénales; un rôle plus opérationnel, en matière de terrorisme, pour l'office européen de police, EUROPOL, qui est un peu l'embryon d'un FBI européen ; un renforcement de l'efficacité du système Schengen, pour prévenir l'accès de terroristes au territoire européen. Je soulignerai aussi le soutien aux compagnies aériennes, affectées notamment par la forte hausse des tarifs d'assurance, grâce au mécanisme de garantie décidé par l'Union européenne.
Enfin, n'oublions pas l'euro et ses effets positifs, lorsque l'on évoque l'Europe concrète. Vous parlerez cet après-midi des attentes des entreprises. A l'évidence, un environnement économique stable est indispensable au maintien de la confiance, c'est-à-dire à la croissance et à l'emploi, et l'euro y contribue de manière déterminante. Je rappellerai aussi une première, le 17 septembre, avec la baisse concertée des taux d'intérêts par les deux banques centrales, la Fed et la BCE, et ses conséquences stabilisatrices face au ralentissement de l'économie. Imaginons dans quelle situation nous serions aujourd'hui sans l'euro si on ajoutait la spéculation à l'incertitude.
- La quatrième série de questions porte sur la place de l'Union européenne sur la scène internationale. De toutes parts, la communauté internationale a réagi pour affirmer sa solidarité agissante avec les Etats-Unis. Je mentionnerai d'abord la détermination européenne à renforcer les mécanismes de la Politique étrangère et de sécurité commune, pour s'adapter au contexte international ; à rendre aussi opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense. Ces initiatives s'inscrivent dans un mouvement d'ensemble positif, témoignant de la montée en puissance de l'Union européenne sur la scène internationale. Je pense notamment à sa position en pointe concernant le protocole de Kyoto pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, à son rôle dans les Balkans, à sa présence au Moyen-Orient pour tenter d'apaiser les tensions et faciliter une reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens, ainsi que ces efforts en faveur d'une mondialisée régulée, en particulier dans le cadre de l'OMC. J'imagine que Pascal Lamy nous en parlera.
En définitive, ces événements valident notre approche française d'une Europe-puissance, capable de peser sur les affaires du monde pour défendre la justice et la démocratie, promouvoir la paix et le développement.
- J'en viens maintenant, pour terminer, à une dernière série de questions qui concerne le mode de fonctionnement de l'Union européenne, c'est-à-dire les aspects institutionnels. Il est essentiel de l'aborder d'une manière parlante pour nos concitoyens, et non en posant des questions théologiques, à partir d'étiquettes simplificatrices, autour d'un fédéralisme plus ou moins poussé. A ce stade, je dirai simplement que cette thématique fondamentale doit être traitée avec pragmatisme en gardant à l'esprit un double souci ;
- celui de la légitimité ; pour construire une Europe encore plus démocratique, dans laquelle nos concitoyens soient capables d'identifier les pouvoirs, s'y reconnaissent ;
- celui de l'efficacité ; pour éviter que l'Union étouffe sous le poids du nombre, se retrouve diluée ou paralysée.
Je ne doute pas que la région Rhône-Alpes va apporter une contribution à sa mesure à ce grand débat, leur premier rendez-vous est fixé au Conseil européen de Laeken, en décembre prochain, pour préciser comment le poursuivre au plan européen. Vos réflexions, je le répète, seront intégrées dans la préparation de ce sommet.
Il me reste maintenant à vous écouter et à souhaiter pleine réussite à vos travaux.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
C'est pour moi un très grand plaisir, comme vous l'imaginez, d'être aujourd'hui parmi vous à Besançon. Dans la série de forums régionaux qui ont lieu actuellement, cette rencontre revêt, à mes yeux un intérêt tout particulier. Au-delà des liens qui m'attachent à ma région, nous sommes ici au cur de l'Europe. Quel meilleur lieu pour en débattre de manière vivante ?
Je tiens d'abord à remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet Alain Gehin pour que ce forum soit un succès.
Par succès j'entends d'abord que nous ayons une véritable discussion, libre, sans tabou, permettant à chacun d'exprimer ses convictions, ses espoirs et ses craintes. De hautes personnalités des Etats membres, des pays candidats ou bien de nations proches et amies nous font l'honneur d'être parmi nous. Quelles soient chaleureusement remerciées ! Elles apporteront, j'en suis certain, un éclairage stimulant à cette grande réflexion sur l'avenir de notre Europe : c'est, à ce stade, un débat entre Français, mais qui les concerne évidemment.
Par succès, j'entends aussi que la Franche-Comté apporte une contribution utile à la réflexion. Chacun a son mot à dire et chaque parole comptera aujourd'hui. Sont en effet parmi nous Jean Gandois et Jean-Louis Quermonne, deux membres du groupe de personnalités désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse des débats en France. Nos autorités verseront ensuite à la réflexion commune des Européens notre contribution nationale et il reviendra, en décembre prochain, au Conseil européen, de préciser comment l'exercice se poursuivra jusqu'en 2004.
2004 est en effet l'horizon de notre réflexion. Il nous faudra alors décider des réformes de structure nécessaires à la grande Europe. Pour ma part, je n'hésite pas à parler de refondation. Car la perspective irréversible d'une Europe à 25 ou 30 - dont nous devons nous réjouir - nous oblige à nous interroger profondément sur le contenu du projet européen et le fonctionnement futur de l'Union. Quelle Europe voulons-nous faire ensemble ? Telle est bien la question, quasiment existentielle, qui inspire ce grand débat.
2004, c'est demain. Et cette période finalement courte est jalonnée d'échéances cruciales : 2002 c'est d'abord l'introduction, des pièces et des billets en euros ; 2003, peut être les premières adhésions ; 2004 enfin, verra les élections au Parlement européen et la nomination d'une nouvelle Commission.
Enfin, comment ne pas penser aux terribles attentats, qui ont frappé les Etats-Unis. L'ombre des événements du 11 septembre plane sur nos réflexions. Nous percevons bien, même s'il n'est pas encore possible d'en apprécier toute la portée, combien cette date funeste créé une nouvelle donne géopolitique. Cela confère aux questions qui nous rassemblent une intensité encore plus grande. Nous, les Européens, sommes au pied du mur : serons-nous capables, d'assumer ensemble nos responsabilités pour lutter contre le terrorisme et contribuer à un monde meilleur ?
Le défi est considérable : il s'agit à la fois d'affirmer les valeurs fondamentales de l'Europe et sa capacité à mettre en uvre des politiques citoyennes, répondant aux besoins concrets de ses peuples, notamment en matière de sécurité ; mais aussi de développer une Europe puissance, capable de peser sur les affaires du monde, pour défendre la démocratie et la justice, promouvoir la paix et le développement.
Alors, entrons maintenant tous ensemble dans le vif du sujet. Le débat est ouvert
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 octobre 2001)
Déclaration à Lyon le 15 octobre :
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui à Lyon pour ce forum qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe, lancé par le Président de la République et le Premier ministre, en avril dernier, à la suite du Conseil européen de Nice.
Je tiens tout d'abord exprimer ma gratitude à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet Michel Besse pour réussir cette journée.
Votre programme, très judicieusement composé, avec ses questions sur l'identité et les valeurs européennes, sur le fonctionnement de l'Union élargie, sur le contenu du projet européen, nous projette d'emblée au cur du débat
Je souhaite qu'il donne lieu à de véritables échanges, déliés, sans paroles convenues ou langue de bois, permettant à chacun d'exprimer sa conviction, ses espoirs et ses craintes. Notre réflexion sera évidemment prise en compte dans la synthèse qui a été confiée à un groupe de personnalités, désignées par le président de la République et le Premier ministre. Un de ses membres, le professeur Jean-Louis Quermonne, est parmi nous.
Nous avons aussi l'honneur d'accueillir parmi nous le ministre des Affaires étrangères de Slovénie, M. Dimitrij Rupel, et le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes des Pays-Bas, M. Dick Benshop. Je suis certain que leur regard européen stimulera ce débat franco-français.
Pour introduire nos travaux, je me limiterai à quelques remarques, pour préciser le contexte dans lequel cet exercice se déroule, et ses prolongements.
Pour résumer ma pensée, je dirai simplement que la construction européenne traverse une période extrêmement dense et exigeante.
La première évolution majeure est représentée par le mouvement vers l'élargissement, à une échelle inégalée. La perspective d'une Union à 20, 25, ou 30 est désormais une réalité. Cet élargissement correspond à un devoir historique de réunification de notre continent. Il est aussi dans notre intérêt profond. Mais cette véritable lame de fond nous impose aussi de repenser en profondeur le projet européen, le mode de fonctionnement d'une Union élargie, sachant qu'elle a déjà, à 15, du mal à fonctionner.
Au même moment, l'Union européenne n'a jamais connu d'avancées aussi remarquables, dans des domaines emblématiques. Je pense évidemment à l'euro, qui sera dans moins de trois mois dans nos poches, mais aussi aux progrès pour mettre sur pied une politique européenne de sécurité et de défense. Je mentionnerai aussi la Charte des droits fondamentaux, adoptée à Nice, qui consolide le socle des valeurs sur lesquelles s'est bâtie notre Europe. Nous en parlerons.
Vous voyez bien la situation paradoxale dans laquelle l'Union se trouve. Saura-t-elle, saurons-nous, une fois encore, réussir la course de vitesse entre l'élargissement et l'approfondissement ? Cette question, récurrente tout au long de la construction européenne, se pose aujourd'hui avec une intensité sans précédent.
La difficulté est d'autant plus grande que la séquence devant laquelle se trouve placée l'Union européenne sera très rapide : 2002, l'arrivée de l'euro, que je viens d'évoquer ; 2003, peut-être les premières adhésions; 2004, les élections au Parlement européen et la désignation d'une nouvelle Commission. Sans oublier des échéances électorales partout, dont chez nous l'année prochaine, et qui je l'espère permettront de parler d'Europe.
Et à l'horizon, il y a l'année 2004 qui borne nos travaux, puisque c'est à cette date que le rendez-vous est fixé pour décider des réformes institutionnelles nécessaires. 2004, c'est après-demain, compte tenu de l'ampleur des enjeux. Mais, il me semble que le calendrier s'est même rétréci, et que nous sommes aujourd'hui face à une véritable urgence d'Europe.
Je pense, vous l'aurez compris, aux conséquences des attaques du 11 septembre contre New York et Washington.
Je vous fais part d'emblée de ma conviction profonde : ces événements nous ramènent au cur du sujet qui nous rassemble. Ils confèrent une intensité inattendue et inégalée aux grandes questions posées dans le cadre de ce débat. Toutes nos interrogations demeurent, avec même une acuité sans précédent. Sans vouloir être exhaustif ou préempter les discussions, je voudrais essayer de vous le montrer à travers les principales d'entre elles.
- Première question : qu'est-ce que l'identité et la citoyenneté européennes ? La solidarité avec les Etats-Unis nous est dictée tout naturellement par les valeurs de liberté et de démocratie qui unissent nos deux pays, enfants des Lumières, sans oublier notre histoire commune pour affronter la barbarie. Mais notre réaction n'est pas qu'affective. Elle découle aussi d'une certaine vision de l'Europe. Cette vision de l'Europe s'incarne sous diverses formes. De manière éclatante, dans la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice qui constitue une avancée politique majeure. Nos valeurs communes se trouvent rassemblées désormais dans un texte fort et clair, et la question de son applicabilité juridique directe est posée. Mais aussi dans la notion très concrète de citoyenneté européenne, ou dans d'autres champs qui touchent à la substance même du projet européen. Je pense à notre attachement au respect de la diversité culturelle et développement du modèle social européen, qui cherche à combiner performance économique et cohésion sociale. Nous en discuterons.
Dans le même ordre d'idées, notre réaction visant à réfuter la thèse du "choc des civilisations" entre l'Occident et le monde musulman - pour refuser que soit fait un amalgame choquant, et surtout faux, entre islam et terrorisme - participe de la même conception des valeurs de l'Europe.
- Cette situation conduit aussi à s'interroger sur l'identité européenne et donc sur les frontières de l'Union européenne. Là aussi, les attentats du 11 septembre mettent en évidence la portée géostratégique de la question. L'Union est en voie de s'installer dans ses frontières ultimes, délimitées d'abord par le cercle des pays candidats d'Europe centrale et orientale. Mais au-delà, les questions surgissent, avec d'abord le cas de la Turquie, mais aussi de la perspective ouverte aux pays de l'ex-Yougoslavie d'adhérer à l'Union, le moment venu, quand ils auront retrouvé stabilité et démocratie. Il y a aussi les relations à entretenir avec les grands ensembles aux marches de l'Europe, pour nous d'intérêt stratégique. Je pense évidemment à la Russie, mais aussi au monde méditerranéen, dans le cadre de ce partenariat euro-méditerranéen qu'on appelle le "processus de Barcelone". Pour coller à l'actualité, ces exemples montrent - si besoin était -, combien les critères religieux ne sauraient être un facteur discriminant pour l'adhésion ou des relations privilégiées avec l'Union.
- La troisième série de questions porte sur le contenu du projet européen. Car l'Europe acquiert sa légitimité aux yeux de ses peuples, en répondant aux aspirations concrètes de chacun, ce que j'appelle l'Europe-citoyenne. Là encore, les suites des événements du 11 septembre mettent en lumière cette dimension interne, quotidienne et concrète de la construction européenne. L'Union européenne a su prendre très vite un certain nombre d'initiatives concrètes, comme l'illustre le plan d'action adopté par le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre. Les exemples ne manquent pas, qu'il s'agisse d'améliorer la sûreté des transports aériens, ou de donner une nouvelle et très forte impulsion à la construction d'une Europe de la Justice et des affaires intérieures. Lionel Jospin, dans son discours du 28 mai sur l'avenir de l'Union élargie, l'avait d'ailleurs déjà appelée de ses vux.
Vous savez qu'un certain nombre de mesures ont été décidées en priorité, pour lutter plus efficacement contre le terrorisme : un mandat d'arrêt européen, qui se substituera, dans les affaires de terrorisme, aux très longues procédures d'extradition entre Etats membres ; une définition judiciaire commune du terrorisme, dont nous manquons, tant en ce qui concerne l'incrimination que les sanctions pénales; un rôle plus opérationnel, en matière de terrorisme, pour l'office européen de police, EUROPOL, qui est un peu l'embryon d'un FBI européen ; un renforcement de l'efficacité du système Schengen, pour prévenir l'accès de terroristes au territoire européen. Je soulignerai aussi le soutien aux compagnies aériennes, affectées notamment par la forte hausse des tarifs d'assurance, grâce au mécanisme de garantie décidé par l'Union européenne.
Enfin, n'oublions pas l'euro et ses effets positifs, lorsque l'on évoque l'Europe concrète. Vous parlerez cet après-midi des attentes des entreprises. A l'évidence, un environnement économique stable est indispensable au maintien de la confiance, c'est-à-dire à la croissance et à l'emploi, et l'euro y contribue de manière déterminante. Je rappellerai aussi une première, le 17 septembre, avec la baisse concertée des taux d'intérêts par les deux banques centrales, la Fed et la BCE, et ses conséquences stabilisatrices face au ralentissement de l'économie. Imaginons dans quelle situation nous serions aujourd'hui sans l'euro si on ajoutait la spéculation à l'incertitude.
- La quatrième série de questions porte sur la place de l'Union européenne sur la scène internationale. De toutes parts, la communauté internationale a réagi pour affirmer sa solidarité agissante avec les Etats-Unis. Je mentionnerai d'abord la détermination européenne à renforcer les mécanismes de la Politique étrangère et de sécurité commune, pour s'adapter au contexte international ; à rendre aussi opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense. Ces initiatives s'inscrivent dans un mouvement d'ensemble positif, témoignant de la montée en puissance de l'Union européenne sur la scène internationale. Je pense notamment à sa position en pointe concernant le protocole de Kyoto pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, à son rôle dans les Balkans, à sa présence au Moyen-Orient pour tenter d'apaiser les tensions et faciliter une reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens, ainsi que ces efforts en faveur d'une mondialisée régulée, en particulier dans le cadre de l'OMC. J'imagine que Pascal Lamy nous en parlera.
En définitive, ces événements valident notre approche française d'une Europe-puissance, capable de peser sur les affaires du monde pour défendre la justice et la démocratie, promouvoir la paix et le développement.
- J'en viens maintenant, pour terminer, à une dernière série de questions qui concerne le mode de fonctionnement de l'Union européenne, c'est-à-dire les aspects institutionnels. Il est essentiel de l'aborder d'une manière parlante pour nos concitoyens, et non en posant des questions théologiques, à partir d'étiquettes simplificatrices, autour d'un fédéralisme plus ou moins poussé. A ce stade, je dirai simplement que cette thématique fondamentale doit être traitée avec pragmatisme en gardant à l'esprit un double souci ;
- celui de la légitimité ; pour construire une Europe encore plus démocratique, dans laquelle nos concitoyens soient capables d'identifier les pouvoirs, s'y reconnaissent ;
- celui de l'efficacité ; pour éviter que l'Union étouffe sous le poids du nombre, se retrouve diluée ou paralysée.
Je ne doute pas que la région Rhône-Alpes va apporter une contribution à sa mesure à ce grand débat, leur premier rendez-vous est fixé au Conseil européen de Laeken, en décembre prochain, pour préciser comment le poursuivre au plan européen. Vos réflexions, je le répète, seront intégrées dans la préparation de ce sommet.
Il me reste maintenant à vous écouter et à souhaiter pleine réussite à vos travaux.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2001)