Texte intégral
Aménagement du territoire, intercommunalité, actions économiques des collectivités locales : lorganisation du territoire et le rôle des collectivités territoriales sont au cur du travail législatif du Parlement. Quel regard portez-vous sur ces textes ?
Elu local, maire dune ville moyenne, je suis satisfait de voir que les problèmes quotidiens daction, de gestion, dadministration que nous rencontrons, sont pris en compte. Le fait que des thèmes essentiels comme la démocratie de proximité, le modelage des territoires, lorganisation des compétences, bref la vie locale dans toute ses dimensions, ait occupé, ces derniers mois, à travers des débats approfondis, une place importante dans lhémicycle, est indéniablement une excellente chose. Lintercommunalité, notamment, est un moyen intelligent de donner une nouvelle assise aux piliers de citoyenneté que sont les communes, sans créer de coûteuses superstructures en permettant une meilleure information des habitants, une meilleure écoute des communes périphériques.
Pour autant, je vois des sujets proches ou connexes se succéder et, avec eux, les ministres et les textes. Or ce ne sont que les différentes composantes dun projet pour le siècle qui vient.
Vous estimez donc quil est nécessaire de donner un second souffle à la décentralisation ?
Oui. Chaque année nous égrenons les anniversaires des lois Defferre. Elles ont bouleversé notre paysage politique et institutionnel. Pourtant le temps passe sans quune véritable réforme en profondeur donne un second souffle à ces textes. Quels sont, actuellement, les principaux défauts de notre organisation territoriale ? Un partage des compétences mal maîtrisé et une dépendance de fait vis à vis de lEtat. Par le poids des administrations faussement déconcentrées, par le jeu, direct ou indirect, des financements croisés, Paris contrôle souvent les projets des collectivités locales alors quelles sont plutôt mieux gérées que lEtat central. Ce ne sont ni les menaces qui pèsent sur la répartition des fonds structurels, ni la nouvelle cartographie de la prime à laménagement du territoire, qui peuvent sur ce point nous rassurer.
Lacte II de la décentralisation, ce nest pas pour moi la nuit du 4 août, le grand soir des communes de France. Il sagit de promouvoir une nouvelle méthode pragmatique, de conforter des dynamiques locales, de valoriser lexistant, tout en confiant aux collectivités, par le biais de conventions, de nouvelles compétences. Je pense par exemple au tourisme, au logement, au patrimoine, aux politiques de lemploi, de la jeunesse et des sports, à lenvironnement, à la culture. Le bilan des expériences menées déciderait le cas échéant dun transfert définitif. Cette logique partenariale sappuie sur deux notions, le contrat et le volontariat. Au début des années 80, pour simposer, la décentralisation avait besoin dun cadre contraignant, à la veille de lan 2000 cest par ladhésion et limagination quelle doit progresser.
Faut-il réformer le statut de lélu ?
En fait, il faut linventer. Un véritable statut de l'élu local ce sont des devoirs, mais aussi des droits, rassemblés dans une charte où lon parlerait de conditions de travail et déthique, de retraite et de responsabilité. La loi du 3 février 1992 a posé les premiers jalons dun projet, mais il suffit de jeter un il sur nos voisins européens pour mesurer notre retard.
Les élus locaux ne revendiquent aucune situation somptuaire. Ils souhaitent simplement un traitement décent et une réinsertion professionnelle. Ils croient nécessaire aussi d'approfondir leur formation, notamment dans le domaine du droit européen, et de développer les organismes de conseil. Ils veulent que leurs initiatives soient non seulement politiquement opportunes, ce qui est bien le moins, mais techniquement appropriées et juridiquement fondées. Les 500.000 élus de terrain sont des médiateurs du lien social. Sans eux, combien de situations économiques ou sociales dégénéreraient. Pourtant, malgré leur engagement beaucoup des maires ne souhaitent pas se représenter en 2001. On se prive dun savoir. On décourage les enthousiasmes. Comment se plaindre ensuite de la désaffection pour le politique, du déficit civique dont souffrirait notre pays. Le flou qui entoure la notion de responsabilité personnelle est une explication. Ce nest pas la seule.
Comment réagissez-vous à la mise en cause pénale de plus en plus fréquente des élus locaux ? Ne peut-on pas envisager une réforme du code pénal afin dexiger un lien direct entre la faute reprochée et le dommage subi ?
On confond trois types de responsabilités : politique, administrative et pénale personnelle. Paradoxalement cest lévolution du droit qui a favorisé cette dérive, notamment larticle 221-6 du code pénal créant, dans lurgence, le principe aux contours flous du délit non intentionnel. Alors que 27 condamnations venaient légitiment punir le crime ou le délit, la malhonnêteté ou lincurie, près de 700 mises en examen délus locaux, lannée dernière, ont été notifiées dans ce nouveau cadre. La responsabilité outrancière peut conduire à lirresponsabilité, à la perte de confiance des citoyens en leurs élus et, souvent, à la paralysie des décideurs. On croyait y gagner. On y perd.
Bien entendu, quand un maire a intentionnellement commis un délit, alors le juge pénal retrouve ses prérogatives. Mais quand ce délit ne résulte pas dune volonté, il faut à tout le moins vérifier que lélu avait accompli les diligences normales, comme la prévu la loi du 13 mai 1996, et que le préjudice a bien un lien direct et certain avec la décision personnelle du maire. Enfin pourquoi ne pas imaginer un dispositif de mutualisation, évidemment pas des crimes et des délits, mais des risques civils ? Lélu mieux protégé, ladministré mieux entendu, cela contribuerait à combler le fossé entre eux.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 mai 1999)
Elu local, maire dune ville moyenne, je suis satisfait de voir que les problèmes quotidiens daction, de gestion, dadministration que nous rencontrons, sont pris en compte. Le fait que des thèmes essentiels comme la démocratie de proximité, le modelage des territoires, lorganisation des compétences, bref la vie locale dans toute ses dimensions, ait occupé, ces derniers mois, à travers des débats approfondis, une place importante dans lhémicycle, est indéniablement une excellente chose. Lintercommunalité, notamment, est un moyen intelligent de donner une nouvelle assise aux piliers de citoyenneté que sont les communes, sans créer de coûteuses superstructures en permettant une meilleure information des habitants, une meilleure écoute des communes périphériques.
Pour autant, je vois des sujets proches ou connexes se succéder et, avec eux, les ministres et les textes. Or ce ne sont que les différentes composantes dun projet pour le siècle qui vient.
Vous estimez donc quil est nécessaire de donner un second souffle à la décentralisation ?
Oui. Chaque année nous égrenons les anniversaires des lois Defferre. Elles ont bouleversé notre paysage politique et institutionnel. Pourtant le temps passe sans quune véritable réforme en profondeur donne un second souffle à ces textes. Quels sont, actuellement, les principaux défauts de notre organisation territoriale ? Un partage des compétences mal maîtrisé et une dépendance de fait vis à vis de lEtat. Par le poids des administrations faussement déconcentrées, par le jeu, direct ou indirect, des financements croisés, Paris contrôle souvent les projets des collectivités locales alors quelles sont plutôt mieux gérées que lEtat central. Ce ne sont ni les menaces qui pèsent sur la répartition des fonds structurels, ni la nouvelle cartographie de la prime à laménagement du territoire, qui peuvent sur ce point nous rassurer.
Lacte II de la décentralisation, ce nest pas pour moi la nuit du 4 août, le grand soir des communes de France. Il sagit de promouvoir une nouvelle méthode pragmatique, de conforter des dynamiques locales, de valoriser lexistant, tout en confiant aux collectivités, par le biais de conventions, de nouvelles compétences. Je pense par exemple au tourisme, au logement, au patrimoine, aux politiques de lemploi, de la jeunesse et des sports, à lenvironnement, à la culture. Le bilan des expériences menées déciderait le cas échéant dun transfert définitif. Cette logique partenariale sappuie sur deux notions, le contrat et le volontariat. Au début des années 80, pour simposer, la décentralisation avait besoin dun cadre contraignant, à la veille de lan 2000 cest par ladhésion et limagination quelle doit progresser.
Faut-il réformer le statut de lélu ?
En fait, il faut linventer. Un véritable statut de l'élu local ce sont des devoirs, mais aussi des droits, rassemblés dans une charte où lon parlerait de conditions de travail et déthique, de retraite et de responsabilité. La loi du 3 février 1992 a posé les premiers jalons dun projet, mais il suffit de jeter un il sur nos voisins européens pour mesurer notre retard.
Les élus locaux ne revendiquent aucune situation somptuaire. Ils souhaitent simplement un traitement décent et une réinsertion professionnelle. Ils croient nécessaire aussi d'approfondir leur formation, notamment dans le domaine du droit européen, et de développer les organismes de conseil. Ils veulent que leurs initiatives soient non seulement politiquement opportunes, ce qui est bien le moins, mais techniquement appropriées et juridiquement fondées. Les 500.000 élus de terrain sont des médiateurs du lien social. Sans eux, combien de situations économiques ou sociales dégénéreraient. Pourtant, malgré leur engagement beaucoup des maires ne souhaitent pas se représenter en 2001. On se prive dun savoir. On décourage les enthousiasmes. Comment se plaindre ensuite de la désaffection pour le politique, du déficit civique dont souffrirait notre pays. Le flou qui entoure la notion de responsabilité personnelle est une explication. Ce nest pas la seule.
Comment réagissez-vous à la mise en cause pénale de plus en plus fréquente des élus locaux ? Ne peut-on pas envisager une réforme du code pénal afin dexiger un lien direct entre la faute reprochée et le dommage subi ?
On confond trois types de responsabilités : politique, administrative et pénale personnelle. Paradoxalement cest lévolution du droit qui a favorisé cette dérive, notamment larticle 221-6 du code pénal créant, dans lurgence, le principe aux contours flous du délit non intentionnel. Alors que 27 condamnations venaient légitiment punir le crime ou le délit, la malhonnêteté ou lincurie, près de 700 mises en examen délus locaux, lannée dernière, ont été notifiées dans ce nouveau cadre. La responsabilité outrancière peut conduire à lirresponsabilité, à la perte de confiance des citoyens en leurs élus et, souvent, à la paralysie des décideurs. On croyait y gagner. On y perd.
Bien entendu, quand un maire a intentionnellement commis un délit, alors le juge pénal retrouve ses prérogatives. Mais quand ce délit ne résulte pas dune volonté, il faut à tout le moins vérifier que lélu avait accompli les diligences normales, comme la prévu la loi du 13 mai 1996, et que le préjudice a bien un lien direct et certain avec la décision personnelle du maire. Enfin pourquoi ne pas imaginer un dispositif de mutualisation, évidemment pas des crimes et des délits, mais des risques civils ? Lélu mieux protégé, ladministré mieux entendu, cela contribuerait à combler le fossé entre eux.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 26 mai 1999)