Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, à "RMC" le 7 août 2014, sur le rejet par le Conseil constitutionnel des dispositions de la loi rectificative de financement de la sécurité sociale prévoyant des cotisations dégressives sur les bas salaires.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

FABIEN CROMBE
Le Pacte de responsabilité a perdu son volet social. Fini les deux milliards et demi de baisse de cotisations pour les petits salaires, rejetés hier par le Conseil constitutionnel. Christian ECKERT, Secrétaire d'Etat au Budget, est avec nous. Bonjour.
MONSIEUR LE SECRETAIRE D'ETAT CHRISTIAN ECKERT
Bonjour.
FABIEN CROMBE
La baisse des cotisations Sécu au 1er janvier concernait sept millions de personnes, l'équivalent pour les plus petits salaires de cinq cents euros d'économies par an pour un salarié du SMIC par exemple. Dans un communiqué hier, Bercy et les Affaires sociales annoncent que le gouvernement « compensera par d'autres mesures ». Ce matin Christian ECKERT, quelles sont les pistes les plus sérieuses ? Est-ce qu'on parle par exemple d'une piste fiscale, d'une baisse d'impôt sur le revenu ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, toutes les pistes sont ouvertes. Il existe la prime pour l'emploi, il existe le RSA activité qui sont des dispositifs parfois un peu complexes. Il était envisagé une remise une à plat de ces dispositifs, je crois que ça va nous obliger à l'accélérer. Une mesure de même ampleur concernant les mêmes publics, c'est-à-dire les salariés modestes - c'est bien ceux-là qui sont visés et pas seulement ceux qui payent de l'impôt d'ailleurs - une telle mesure sera prise dans les lois de finances avant la fin de l'année et pourra s'appliquer au 1er janvier 2015, comme ç'aurait été le cas avec la mesure de réduction de cotisations.
FABIEN CROMBE
Est-ce que vous aviez prévu le coup ou est-ce que vous vous retrouvez un peu à devoir replancher un peu en urgence ?
CHRISTIAN ECKERT
On a toujours dit que le Conseil constitutionnel est souverain. Il n'y a pas lieu de commenter sa décision. On peut quand même s'étonner qu'une réduction de cotisations pour les salariés soit retoquée au principe de l'inégalité alors que les cotisations des employeurs sont elles-mêmes soumises à des variations et sont progressives en fonction du niveau du salaire. Ceci dit, le Conseil constitutionnel a dicté sa loi et nous allons en tenir compte pour prendre des mesures qui toucheront les mêmes publics.
FABIEN CROMBE
Pour bien comprendre, le Conseil constitutionnel dit sur la baisse de cotisations que ça n'est pas égal entre tous les salariés. C'est-à-dire que ceux qui vont beaucoup moins cotiser ou voire pas cotiser vont avoir les mêmes prestations que ceux qui cotisent, et il y a donc un problème d'égalité.
CHRISTIAN ECKERT
Oui.
FABIEN CROMBE
En revanche sur le fait que ce soit progressif pour les entreprises, il dit que de toute façon, même si c'est progressif, toutes les entreprises y ont le droit et on peut le valider.
CHRISTIAN ECKERT
Oui, mais toutes les entreprises y ont le droit mais pas forcément pour tous les mêmes salariés. On pourrait imaginer une entreprise qui n'ait que des bas salaires et serait à ce moment-là faiblement, très faiblement voire même pas du tout cotisante à la protection sociale. Tout ceci se discute. Ceci dit, ça ne se discutera plus car le Conseil constitutionnel a tranché.
FABIEN CROMBE
Il y a le risque d'être un petit peu moins lisible. Vous me parlez du RSA notamment.
CHRISTIAN ECKERT
Non, ce n'est pas sûr. Ce n'est pas sûr, au contraire. Par exemple, je crois que la prime pour l'emploi, qui est un crédit d'impôt accordé aux bas salaires versé avec un an de différé, est peu connue des Français. Je crois qu'en termes de lisibilité, on peut y gagner. Ce qu'il faut rechercher, c'est avoir une mesure qui soit effectivement lisible et plutôt simple. Nous avons déjà commencé à y travailler, puisque c'est une hypothèse qui ne nous avait pas complètement échappé. J'ai évidemment assisté à toute la discussion parlementaire et j'observe que ni le Conseil d'Etat, qui a été consulté, ni les députés et sénateur de droite n'ont jamais remis en cause cette diminution de cotisations sociales. Je crois même qu'ils l'ont votée, il faudrait le vérifier. Le fait qu'ils aient saisi le Conseil sur d'autres sujets, sur lesquels ils ont d'ailleurs été déboutés, a conduit le Conseil constitutionnel à rendre ce jugement. Il faudra en tenir compte.
FABIEN CROMBE
Il n'y a pas que l'opposition qui parle après avoir été retoqué par le Conseil constitutionnel, à gauche aussi notamment. On a l'impression que c'était aussi un volet qui avait été réclamé par l'aile gauche du PS. Le député socialiste Laurent BAUMEL dénonce sur RMC ce matin « des mesures salariales prises sur un coin de table et mal travaillées ». Voilà pourquoi ça été retoqué par le Conseil constitutionnel ».
CHRISTIAN ECKERT
Laurent BAUMEL ferait mieux de se taire. Travaillées sur un coin de table ? Moi, j'ai vu des tas d'amendements de Laurent BAUMEL qui n'avaient ni queue, ni tête et qui ne tiendraient pas cinq minutes devant le Conseil constitutionnel, notamment quand il parle de la CSG progressive. Il y a des sujets qui sont très complexes. C'est mépriser le gouvernement que de parler de « bricolage sur un coin de table ». Laurent BAUMEL ferait mieux de réfléchir avec nous, parce qu'il avait approuvé cette disposition. C'était d'ailleurs une des rares dispositions qui avait trouvé grâce à ses yeux ! La question n'est pas de savoir quelle est la pensée profonde de Laurent BAUMEL. C'est vers les Français que nous devons nous tourner, car ce sont eux qui risquent de pâtir de cette décision si nous n'y trouvons pas un remède.
FABIEN CROMBE
Il y a aussi toute une volonté d'être pédagogique dans les décisions et les choix pris par ce gouvernement. Avant d'avoir vos mesures alternatives, il y a aujourd'hui un message envoyé qui est : « Trente milliards de baisse du coût du travail, ça passe sans problème. Deux milliards et demi de volet salarial, c'est mal ficelé et ça ne passe pas ».
CHRISTIAN ECKERT
Je pense que ce n'est pas aussi binaire que ça mais c'est vrai qu'on peut se poser la question. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur un point de droit. Le gouvernement en tiendra compte et de toute façon, il tiendra ses engagements en ce qui concerne le retour de pouvoir d'achat à un certain nombre de catégories, notamment les salariés les plus modestes. C'est ceux-là qui vont pâtir du fait que l'UMP ait saisi le Conseil constitutionnel.
FABIEN CROMBE
Vous parlez de la prime pour l'emploi. L'ironie de l'histoire, c'est qu'elle est apparue en 2000 sous Jospin qui lui aussi avait été retoqué par le Conseil constitutionnel et avait donc créé cette prime pour l'emploi comme mesure alternative. C'est vrai que ça se répète.
CHRISTIAN ECKERT
Justement, c'est ce qu'il faut rappeler à Laurent BAUMEL. C'est justement sur une question de progressivité de la CSG que l'on a été amené à créer la prime pour l'emploi. Il faut revoir ces dispositifs, il faut les compléter, il faut mieux les articuler. Je suis très serein, nous arriverons à trouver une solution qui réponde à l'objectif de simplicité.
FABIEN CROMBE
On se dirige plutôt vers prime pour l'emploi-RSA à vous entendre.
CHRISTIAN ECKERT
C'est une des pistes mais on n'exclut aucune piste à l'heure actuelle. Nous en avions parlé avec un certain nombre de collègues du gouvernement, notamment Marisol TOURAINE et Michel SAPIN. On avait effectivement pensé que ce n'était pas complètement impossible et nous travaillerons bien entendu pour que fin septembre-début octobre, on puisse faire des propositions très concrètes au Parlement.
FABIEN CROMBE
Merci beaucoup, merci Christian ECKERT d'avoir été avec nous ce matin.
CHRISTIAN ECKERT
C'est moi qui vous remercie. Bonne journée.
FABIEN CROMBE
Le gouvernement s'engage donc à chercher des mesures alternatives après le refus du Conseil constitutionnel de valider ces deux milliards et demi de baisse de cotisations pour les petits salaires. Sept millions de personnes étaient concernés. C'était dégressif et allait jusqu'à cinq cents euros d'économies par an pour l'équivalent d'un salaire au SMIC.Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 août 2014