Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la simplification, à I-Télé le 18 août 2014, sur la situation économique, la relance de la construction de logements, la négociation sur les seuils sociaux dans les entreprises et la préparation de l'université d'été du PS de La Rochelle.

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Média : Itélé

Texte intégral

CAMILLE LANGLADE
Je reçois aujourd'hui Thierry MANDON, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et également à la Simplification, bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
CAMILLE LANGLADE
Alors le gouvernement a décidé de parler vrai, de dire la vérité aux Français. Quelle est la prochaine mauvaise nouvelle que vous allez nous annoncer ?
THIERRY MANDON
Je crois que ça y est là, on est plutôt dans le trop-plein que dans le pas assez, c'est plutôt des changements de conjoncture qui sont positives qui commencent à s'esquisser. Je cite deux exemples : la baisse du prix du pétrole et la baisse – toute petite pour l'instant mais amorcée – de l'euro par rapport au dollar. Et peut-être que des éléments dans la conjoncture laissent présager un peu plus de marges de manoeuvre qui restent de toute façon assez limitées.
CAMILLE LANGLADE
Vous redevenez optimiste comme le président de la République il y a un mois ?
THIERRY MANDON
Non, non, combatif, optimiste il faut être lucide, on voit bien que le terme… on est dans la difficulté réelle, ce n'est pas propre à la France, c'est la zone euro, c'est d'ailleurs un problème de la zone euro. Mais combatif parce qu'on ne peut pas rester les bras croisés devant une conjoncture déprimée, et il faut chercher tous les moyens d'exploiter au maximum les marges de manoeuvre.
CAMILLE LANGLADE
Pas de prochaines mauvaises nouvelles mais il y a les chiffres du chômage à la fin du mois, on n'attend pas de baisse significative !
THIERRY MANDON
Alors il y a un indicateur qui est passé inaperçu dans les chiffres de ces derniers jours, c'est le paradoxe d'ailleurs, c'est qu'on continue à créer des emplois, le solde net de créations d'emploi dans l'économie française est positif. En revanche comme la population active, les gens qui peuvent travailler, progresse plus vite, parfois le chômage continue à augmenter et on n'est jamais à l'abri dans une conjoncture difficile de cette hausse du chômage.
CAMILLE LANGLADE
C'est passé inaperçu, vous l'avez dit. Vous dites que c'est le problème de la zone euro, or certains pays européens – la Grande Bretagne, l'Espagne, le Portugal – eux s'en sortent, ils commencent à sortir, la croissance revient. Pourquoi la France reste en panne totale ?
THIERRY MANDON
Alors d'abord l'Espagne et le Portugal qui sont dans la zone euro s'en sortent, mais enfin il faut voir d'où ils viennent. Après des baisses très brutales du produit intérieur brut, c'est un peu normal qu'ils aient un peu plus de croissance. L'Angleterre c'est différent, ils ont leur monnaie, ils ont leur Banque centrale qui joue un rôle extrêmement incitatif à la poursuite de la croissance en Angleterre, même si en Angleterre elle profite à personne. Et c'est toute la difficulté…
CAMILLE LANGLADE
Dans chacun des cas, des mesures drastiques ont été imposées à l'opinion, aux habitants, à la population et ces mesures semblent avoir porté leurs fruits, ce qui pèche en France aujourd'hui.
THIERRY MANDON
En Angleterre c'est différent, c'est surtout un effort d'irrigation de monnaie dans l'économie qui fait qu'il y a une croissance avec des risques que… oui, en Espagne et au Portugal ça a été drastique, enfin je ne suis pas certain que les Français souhaiteraient qu'on leur inflige le régime espagnol, le régime portugais, je ne parle même pas du régime grec, même s'ils sont paraît-il bons pour la santé, pour la santé sociale et économique d'un pays ce n'est pas forcément ce qu'il faut. Non, il faut continuer mais peut-être mettre l'accent sur deux ou trois éléments politiques nouveaux. D'abord le logement, le logement, on dépense…
CAMILLE LANGLADE
Il faut relancer la construction !
THIERRY MANDON
Evidemment, on ne construit plus, on va être à 300.000 logements cette année, c'est 500.000 logements et là il y a des mesures d'urgence à faire et à prendre.
CAMILLE LANGLADE
…Une loi Alur, la loi Duflot vient d'être promulguée, vous avez eu 2 ans pour faire tout ça, pourquoi ne pas avoir relancé le logement il y a 2 ans déjà ?
THIERRY MANDON
Alors d'abord il y a…
CAMILLE LANGLADE
Pourquoi tant de retard ?
THIERRY MANDON
D'abord il y a un premier problème, c'est qu'il y a eu des élections municipales cette année, et depuis les élections municipales – et notamment dans les villes qui sont passées à l'UMP, à droite – on a bloqué plusieurs milliers de logements. Et la droite qui nous donne beaucoup de leçon serait bien inspirée de convaincre ses maires de relancer la construction dans leurs mairies, et de débloquer ces logements-là. Et puis il y a des problèmes beaucoup plus structurels, les procédures sont trop longues, on a commencé à simplifier ces procédures, on doit faire plus encore. Les normes, on a commencé à simplifier les normes de construction qui font que ça coûte très cher, là encore il faut faire un nouveau paquet de mesures. Bref ! Nous travaillons avec le gouvernement à un plan d'ensemble qui sera lancé dans les prochaines semaines de relance de la construction.
CAMILLE LANGLADE
Mais quelle mesure nouvelle va annoncer… peut encore annoncer un gouvernement alors que la défiance est au plus haut, un récent sondage publié hier le dit, plus de 8 français sur 10 n'y croient plus, ne croient plus ce que dit le gouvernement.
THIERRY MANDON
Mais ce n'est pas des annonces qu'il faut faire, vous avez raison, c'est des actes. Ces actes c'est des textes, c'est des lois, c'est des décrets, des décisions très précises dans le domaine du logement, dans le domaine de l'économie verte, nous allons discuter au Parlement très prochainement du grand chantier de relance de l'économie verte où sont les emplois de demain. Dans le dialogue social, dans les seuils sociaux des entreprises qui doivent évoluer par la négociation…
CAMILLE LANGLADE
Ce tabou des seuils sociaux va être abordé à la rentrée ?
THIERRY MANDON
Mais il faut absolument qu'il le soit, il faut qu'il soit bien abordé…
CAMILLE LANGLADE
…Concertation, donc si la concertation échoue avec les partenaires sociaux, les seuils ne changeront pas, et la France…
THIERRY MANDON
Ça ce n'est pas dit, ça… on verra la conclusion de la négociation et ensuite, le gouvernement et le Parlement apprécieront. Mais les seuils, si on prend le dossier par le bon ordre, c'est-à-dire que si non ne dit pas « ce n'est pas un problème les seuils de représentation du personnel », c'est d'abord un problème d'un grand nombre d'obligations sociales, fiscales, administratives qui tombent sur les entreprises quand elles changent d'effectif. Et si on prend par ce côté-là et on essaie de simplifier cette liste très importante d'obligations, sans fouler les droits des salariés, je pense qu'on peut y arriver.
CAMILLE LANGLADE
Mais cette méthode de la concertation, de la discussion, c'est ce que semble annoncer aujourd'hui  nouveau le gouvernement, sur l'investissement, sur le logement, sur les seuils sociaux. Depuis 2 ans, on le voit bien, il ne porte absolument pas ses fruits, est-ce qu'il ne faut pas – à défaut de changer de cap politique puisque Manuel VALLS a été très ferme hier – changer de méthode dans le gouvernement, être plus ferme, plus autoritaire peut-être ?
THIERRY MANDON
Les bonnes réformes c'est les réformes qui se font. La réforme des collectivités territoriales, on pensait qu'on ne la ferait jamais, elle a été votée au Parlement…
CAMILLE LANGLADE
Elle patine.
THIERRY MANDON
Elle a été votée au Parlement, elle va passer au Sénat, elle reviendra au Parlement. La réforme…
CAMILLE LANGLADE
On sait bien comment ça va se passer…
THIERRY MANDON
Ça on verra, mais ces réformes-là… ce qui compte, c'est celles qui sont votées, ce n'est pas encore une fois les annonces. Et nous, nous sommes concentrés sur les faits et nous pensons que les résultats viendront. Ça prend du temps, surtout quand on est sur des politiques qui soutiennent les entreprises, qui défendent le pouvoir d'achat des plus modestes et qui font des économies de dépenses publiques, si on ne s'accroche pas on n'a pas de résultat, il faut s'accrocher.
CAMILLE LANGLADE
Et en attendant, la situation est très compliquée sur le front économique, sur le front politique aussi. La rentrée à La Rochelle s'annonce explosive avec les frondeurs qui demandent un changement de cap, comment éviter l'implosion, la scission du PS aujourd'hui, de la majorité ?
THIERRY MANDON
Il faut convaincre, enfin le changement de cap…
CAMILLE LANGLADE
Vous y croyez encore, convaincre les frondeurs ?
THIERRY MANDON
Non mais… le problème ce n'est pas… les frondeurs. Une seconde, un frondeur pense sérieusement qu'on va abandonner – comme ils le proposent – le pacte de responsabilité, est-ce qu'une seconde un frondeur pense qu'on va arrêter de soutenir nos entreprises qui ont des taux de marge…
CAMILLE LANGLADE
Ils ne se battraient pas si…
THIERRY MANDON
Mais non, je ne crois pas, je pense qu'il y a…
CAMILLE LANGLADE
Le gouvernement est prêt à lâcher les frondeurs aujourd'hui ?
THIERRY MANDON
Mais lâcher, c'est eux qui lâchent, c'est eux qui coupent la corde de la cordée qui essaie de gravir la montagne qui est difficile. Et je pense que cet effort d'explication de l'état réel de l'économie, de l'état de nos entreprises qui perdent des marchés à l'international, qui perdent des marchés en France, ça, cet effort d'explication-là il est de nature à entendre et à convaincre.
CAMILLE LANGLADE
Vous dites en clair qu'il faut tenir, en attendant comment François HOLLANDE peut-il continuer à installer sa légitimité qui est de toutes parts… qui est… oui… critiquée de toutes parts ?
THIERRY MANDON
Il faut qu'il y ait des résultats, il faut que nous ayons des résultats, et donc il faut qu'on continue à garder un cap mais à ajuster un peu comme en voile, on fait du pré serré pour utiliser au maximum la force des vents, même quand ils sont faibles. Il faut qu'on ajuste, sur le logement ce sera le cas, sur l'économie verte ce sera le cas, sur le dialogue social, les seuils, l'apprentissage, ce sera le cas, il faut continuer à se battre.
CAMILLE LANGLADE
Et quelle responsabilité de François HOLLANDE qui s'est consacré surtout à l'international, aux commémorations pendant l'été, on a l'impression d'une nouvelle répartition des rôles : à François HOLLANDE l'international, les chrysanthèmes presque ; et puis Manuel VALLS, le langage de vérité, les réformes, l'accélération ?
THIERRY MANDON
Oui, ça c'est une… c'est le rôle du président de la République que de gérer un calendrier. Il se trouve qu'on est en 2014, qu'il y avait les manifestations liées au centenaire de 1914, celles à la libération, il fallait que ces manifestations-là soient présidées par le président. Mais il travaille le président, c'est lui qui pousse sur le choc de simplification avec le Premier ministre, c'est lui qui pousse sur le renforcement d'actions en matière de logements, en matière d'économie verte avec le Premier ministre. C'est une équipe qui est complètement soudée, qu'il y ait une répartition des rôles c'est bien normal, mais surtout une équipe qui tire dans le même sens et il n'y a pas de salut en dehors de ça. Vous savez, c'est comme l'équipe de France de relais hier soir, dans le dernier virage elles sont battues et puis elles font une ligne droite formidable et elles gagnent, c'est ce qui va nous arriver. Il faut qu'on continue à être soudés, c'est comme ça qu'on gagnera.
CAMILLE LANGLADE
Eh bien ! Les Français attendent ces résultats aussi flamboyants de l'équipe de France pour le gouvernement. Merci Thierry MANDON d'avoir été notre invité aujourd'hui.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 août 2014