Texte intégral
Messieurs les Présidents, Madame et Messieurs les Ministres, mes chers compagnons, nos Journées parlementaires, c'est d'abord, surtout, un moment d'amitié et de compagnonnage. Et je voudrais d'emblée vous remercier pour la manière dont toutes et tous vous m'avez accueilli hier, avec spontanéité et chaleur. Croyez bien que cela m'a touché.
Je voudrais remercier les présidents de nos trois groupes parlementaires, M. Péricard, J. de Rohan, J.-C. Pasty ; notre secrétaire général, J.-F. Mancel ; nos amis de l'UDF, G. de Robien, A. Lamassoure, C. Revet ; et bien sûr, nos hôtes ici, le maire du Havre, A. Rufenacht, et le député de la circonscription, J.-Y. Deslac que nous pouvons une fois de plus remercier de la manière dont ils nous ont accueillis.
Nos Journées parlementaires, c'est aussi une occasion de dialogue libre et franc. J'ai pris beaucoup d'intérêt au débat qui vient d'avoir lieu ici. J'ai été frappé par la qualité des interventions, des questions et vous pardonnerez au chef du Gouvernement de dire aussi des réponses des ministres. Je crois que ce débat fait honneur au groupe et montre qu'il sait s'investir dans des débats de fond. Je voudrais à mon tour essayer de participer librement et franchement à ce dialogue. Je connais, je comprends les inquiétudes, les impatiences, voire les critiques qui s'expriment autour de vous. Et votre première responsabilité de parlementaires, c'est à la fois de les entendre et de me les faire entendre. Et il faut continuer. Je partage vos préoccupations et vos insatisfactions et, je le dirais là-aussi d'emblée, plus particulièrement aujourd'hui puisque viennent d'être publiés les chiffres du chômage pour le mois d'août 1996 qui sont mauvais : une augmentation de 39 500 après la baisse de 20 000 en juillet. Je pourrais vous dire que le chômage des jeunes n'a pratiquement pas augmenté depuis le début de l'année, et c'est vrai ; je pourrais vous dire que le chômage de longue durée a baissé depuis le début de l'année, il ne touche plus qu'une personne sur trois inscrite à l'ANPE alors qu'en moyenne en Europe, c'est une sur deux, et c'est vrai ; je pourrais vous dire que le rythme des licenciements reste plus faible qu'en 1994 - moins 25 - , ou en 93 - moins 40 % -, mais j'ai parfaitement conscience que devant le désarroi des chômeurs, de leur famille, de tous ceux qui viennent nous en parler, ces arguments risqueraient fort d'apparaître comme des arguties. Alors, il vaut mieux parler franchement : ces résultats sont mauvais. Et ils amènent sur nos lèvres, j'en suis sûr, des questions qui ne sont pas tabou et que je suis prêt à aborder avec vous.
La première, c'est tout simplement de savoir s'il faut changer de politique, et la deuxième - parce que la première n'a pas de sens si on ne se pose pas la deuxième -, dans l'hypothèse où il faudrait en changer, quelle autre politique nous faudrait-il conduire ? Pour réfléchir avec vous à ces deux questions, je voudrais d'abord jeter un bref regard en arrière. 89-93, plus on y songe, plus sont nombreux les rapports qui sortent sur cette période - j'en ai évoqué tout à l'heure à propos de la situation des collectivités locales -, plus on se rend compte que ces années ont été des années-gâchis, avec l'explosion des dépenses publiques, des déficits, des dettes qu'il nous faut aujourd'hui payer, des réformes de fond négligées ou différées, des inégalités accrues entre ceux qui vivent des revenus de l'argent qui dort et ceux qui vivent des revenus de leur travail, entre les inactifs et les actifs, notamment les jeunes - un rapport vient d'être à nouveau publié sur ce sujet. Des années où des pans entiers de notre économie ont été sinistrés, je pense en particulier à notre système bancaire qui est dans une situation difficile et pas simplement le Crédit Lyonnais qui n'arrive pas à sortir du gouffre, la chute de l'investissement, je pourrais en rajouter. On me dira : Mais cet argument de l'héritage est éculé, il n'intéresse plus personne. Voire ! Mais moi je rencontre beaucoup de gens qui me disent : Pourquoi n'en parlez-vous pas plus souvent ? Pourquoi ne rappelez-vous pas un certain nombre de vérités, d'évidences ? Alors, sans m'y attarder davantage, je voulais simplement y faire allusion parce que ceci nous permet de comprendre et de mesurer la difficulté de la tâche, la vôtre et la mienne.
Jeter un regard sur le passé récent, c'est aussi considérer le chemin que nous avons parcouru depuis maintenant trois ans. En 1993, grâce à notre victoire aux élections législatives, nous avons pu commencer le redressement, avec le Gouvernement d'E. Balladur. Les contraintes étaient fortes, celles qui sont inhérentes à la cohabitation, celles qui découlaient de la préparation de l'élection présidentielle, et, comme il se doit sous la Vème République, c'est 95 qui a évidemment marqué la vraie rupture. Et nous nous sommes engagés là dans un travail dont nous pouvons être fiers, je crois. M. Pericard évoquait hier le document qui retrace le bilan de l'action gouvernementale et législative depuis un peu plus d'un an. Il est nourri, il est riche, il est ambitieux.
Nous avons d'abord lancé toute une série de réformes que l'on attendait depuis longtemps, et qui avancent. Et puis nous avons défini une stratégie cohérente pour l'emploi, et c'est de cela que je voudrais reparler brièvement pour bien apprécier avec vous s'il faudra changer.
Cette stratégie pour l'emploi, elle est d'abord fondée sur une conviction qui se renforce en moi chaque jour davantage, c'est qu'il n'y a pas d'emploi sans croissance. Il n'y aura pas d'emploi demain si nous ne retrouvons pas un niveau de croissance suffisant. Et ma deuxième conviction, c'est qu'il n'y aura pas de croissance si nous n'avons pas de bonnes finances. Et voilà les quelques idées simples qui nous ont gouvernées dans notre politique budgétaire, fiscale et monétaire : dépenser mieux pour ne pas dépenser plus, parce qu'on ne peut pas dépenser plus sous peine d'accroître des déficits et des dettes écrasants ; réduire donc les déficits et les dettes, baisser les impôts pour redynamiser les forces vives de notre pays et, je crois aussi que cela fait partie de cette politique et de cette stratégie, garder le franc stable pour avoir des taux d'intérêt bas. Dois-je ouvrir une petite parenthèse, ici ? Faut-il que je redise aux gaullistes ce qu'était le franc pour le général de Gaulle ? Et les batailles qu'il a mené en 58, puis en 68 pour garder la stabilité de la monnaie ? Parce que ça fait partie aussi de la puissance et de la prospérité d'un pays.
Voilà notre première ligne directrice : pas d'emploi sans croissance, pas de croissance sans de bonnes finances.
Et puis notre deuxième grande orientation dans cette stratégie pour l'emploi, c'est bien sûr d'enrichir la croissance en emploi, parce qu'elle ne suffira pas, elle est absolument indispensable, elle n'est pas suffisante, et il faut donc que sur tous les fronts nous nous battions pour qu'elle soit, à niveau donné, plus créatrice d'emplois qu'elle ne l'a été par le passé. Et ce combat, nous l'avons engagé sur à peu près tous les fronts. D'abord le front des PME, parce que nous partageons tous la conviction que ce sont les petites et moyennes entreprises qui seront créatrices d'emploi, qui sont créatrices d'emploi et qui le seront demain, nous avons défini un plan, nous l'appliquons, nous le renforcerons encore - j'aurai l'occasion de vous en parler plus tard.
Le deuxième front, c'est celui du temps de travail qu'il faut aménager et même - je n'hésite pas à le dire même si c'est encore peut-être un sujet de controverses ou d'interrogations - qu'il faut aussi réduire, comme J. Chirac l'a dit, pas en prêt-à-porter, c'est-à-dire pas en revenant aux errements de 1981 et 82, c'est-à-dire pas avec une loi sur les 37, les 36 ou les 35 heures ; mais en faisant du sur-mesure, branche par branche, entreprise par entreprise. Et ça bouge ! Et ça avance ! Y compris d'ailleurs dans la fonction publique.
Le troisième front, c'est celui des emplois de proximité, que P. Seguin appelle dans son livre "le tiers-secteur social". C'est vrai qu'il y a là de nouveaux emplois qui correspondent à des besoins, parfois marchands, parfois non-marchands et qu'il faut développer - et nous le faisons -, les emplois de ville, les emplois de dépendance ou d'aide à la dépendance puisque ce dispositif va se mettre en place le 1er janvier prochain - nous n'avons pas renoncé à tenir cet engagement essentiel de la campagne de J. Chirac -, et puis aussi les emplois qui figureront dans la grande loi de cohésion sociale qui part au Conseil économique et social ces jours-ci et qui viendra devant vous d'ici la fin de l'année.
Les PME, le temps de travail, les emplois de proximité, et puis, quatrième front, peut-être à court terme - et j'y reviendrai -, le plus important : celui de la formation des jeunes, la formation par l'alternance ; l'entrée dans l'entreprise est la clé de tout. J'étais il y a quelques jours à Boulogne-Billancourt où j'inaugurais avec le sénateur-maire, J.-P. Fourcade, un service cybernétique d'aide aux jeunes. Et alors, j'ai pianoté sur les ordinateurs et on regardait les offres d'emplois dans une spécialité choisie au hasard. Et il y avait des offres d'emplois. A chaque fois tombait à la fin de l'offre d'emploi la même exigence : "expérience professionnelle demandée, deux ans minimum". Et je me disais : le jeune qui n'a aucune expérience professionnelle, comment il fait, si on ne lui met pas le pied à l'étrier, si on ne lui donne pas la possibilité de s'insérer une première fois dans la vie de l'entreprise ? Et c'est là qu'est le véritable défi que nous avons à relever dans les six mois qui viennent. Je l'ai dit, j'y reviendrai. Voilà ce qu'est notre stratégie pour l'emploi.
Alors, j'observe que sur bien des points, elle ne fait pas l'objet de contestation, ni ici, ni ailleurs. Je n'ai pas entendu pour l'instant d'autres suggestions relevant d'une autre approche du problème, mais je dis tout de suite que, bien sûr, je suis attentif et ouvert à toutes les propositions qui pourraient venir. Il faut tout essayer pour l'emploi et je suis prêt à tout essayer.
Simplement, je voudrais ajouter qu'il faut du temps, qu'il faut du temps pour les réformes. Il faut du temps pour qu'elles portent des fruits et que vienne le moment de la récolte. J'en prendrais un exemple qui n'est pas dans le domaine de l'emploi - encore que -, c'est la réforme de la Sécurité sociale. Pour essayer de dissiper - mais je sais que cette idée ne s'est pas installée dans vos esprits -, celle qui court en ce moment selon laquelle elle aurait échoué. On a d'abord assorti un rapport récent de la Cour des comptes du commentaire suivant : la réforme Juppé vient trop tard. Je vais vous faire une confidence, je ne me suis pas senti particulièrement visé par cette critique. Quand aurais-je pu la faire plus tôt ? Et ce rapport, en réalité, nous montre quoi ? Que de 89 à 93, on n'a rien fait dans ce domaine et que nous avons là un lourd héritage à porter. Cette réforme, nous l'avons, une fois que vous en avez approuvé les principes, en novembre, mise en oeuvre dans des délais relativement rapides - moins d'un an pour sortir des textes nombreux et compliqués. Et elle n'a pas en réalité encore commencé véritablement à entrer dans les faits.
Les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation ont été nommés au Conseil des ministres à la fin du mois d'août. Le carnet de santé sera obligatoire - parce qu'il sera totalement diffusé - au 1er juillet de l'année 97 : il faut des millions d'exemplaires à distribuer, ça prend du temps. Et c'est un des instruments essentiels de la maîtrise médicalisée des dépenses. Alors, quand j'entends dire qu'elle n'a pas marché, cette réforme, je me dis vraiment qu'on met un peu la charrue avant les boeufs. Faisons-la, faisons-la vraiment entrer en application. Convainquons les partenaires, les assurés sociaux, les médecins aussi qui doivent se convaincre qu'elle est bonne, et ils le sont - je sais qu'ils souffrent en ce moment parce qu'il y a des mesures douloureuses dont ils sont l'objet. Mais au fond d'eux-mêmes, ils savent très bien que si on ne met pas en application un certain nombre de ces règles - le carnet médical, les références opposables, et ainsi de suite -, le système explosera. C'est pour la sauver que nous faisons ça. Ce n'est pas pour punir.
Alors, il faut continuer cette réforme, et même si elle n'est pas en application, elle commence à donner des résultats : la courbe d'évolution des dépenses de santé va dans le bon sens. Et si les chiffres des déficits sont supérieurs à ce que nous avions prévu - inférieurs à ce qu'il se serait passé si nous n'avions rien fait, mais supérieur à ce que nous avions prévu -, c'est parce que les recettes, elles, ne sont pas rentrées.
Et là, on ajoute à cela mais comme ça ne marche pas il faut un nouveau plan. Et là, c'est très significatif de la difficulté que nous avons parfois à nous expliquer : ce n'est pas un nouveau plan que nous allons faire en octobre, c'est la première loi de financement de la Sécurité sociale que le Parlement aura la responsabilité d'examiner. La première et pas la dernière, puisque c'est un changement structurel de première grandeur : chaque année nous aurons rendez-vous pour fixer des objectifs à la progression des dépenses et pour déterminer les moyens de respecter ces objectifs. C'est vraiment un changement de logique qui donnera, j'en suis sûr, tous ses fruits. Voilà un exemple, mais je pourrais en citer d'autres, qui montrent que la réforme c'est du temps, c'est de la ténacité, c'est de la persévérance.
Et les signes encourageants apparaissent même si, je le répète, du temps est nécessaire. J'ai essayé depuis plusieurs semaines - et je n'ai pas été le seul, le Président de la République l'a fait, vous l'avez tous fait - de combattre cette espèce de scepticisme ou de morosité ambiante qui fond comme une chape de plomb sur l'économie et la société française. Nous avons des raisons de combattre cette morosité parce que des signes encourageants apparaissent. Les bases de notre économie sont solides. L'inflation est maîtrisée. On le regrette maintenant ! Oh paradoxe ! Il nous a fallu tant de décennies pour la maîtriser. Notre commerce extérieur est fort parce que nos entreprises sont compétitives. Je lisais ce matin, dans un grand journal économique que les taux d'intérêt à moyen terme ou à long terme s'approchent de 6 %. C'est du jamais vu ! On me dit : "Mais personne n'en bénéficie vraiment, à part quelques très grandes entreprises". Hier, j'avais à ma table à Matignon une dizaine de patrons de PME, des vraies PME, des gens qui avaient créé leur entreprise dans des secteurs très différents. L'un fabriquait du fromage, l'autre était dans des secteurs très pointus de l'informatique, et je leur ai posé la question : "Est-ce que vous commencez à sentir se diffuser l'effet de la baisse des taux d'intérêts ?". La réponse était oui.
Voilà un certain nombre de signes qui permettent de dire que ça va dans le bon sens. Deuxième signe encourageant, les perspectives de croissance pour l'année prochaine sont positives. Aucun institut de prévision - je sais bien qu'il faut prendre ça avec des pincettes -, le Fond Monétaire International, lui-même, ne prévoit un recul de la croissance l'année prochaine. Au contraire, toutes les prévisions sont au-delà de 2 % et la France, et la France, de ce point de vue , est bien placée par rapport à beaucoup de ses partenaires.
Enfin, troisième signe positif cette croissance qui revient, qui va revenir - les signes avant-coureur en apparaissent -, cette croissance est plus riche en emplois. Il faut aujourd'hui moins de croissance pour créer des emplois qu'il n'en fallait par le passé. Mais les chiffres je vous en ferai grâce et cela pour une raison, là aussi qui n'est pas le fruit du hasard, c'est que la politique résolue commencée par E. Balladur et poursuivie par mon Gouvernement de baisse des charges sur les entreprises commence à donner ses effets. Le 1er octobre prochain se rejoindront la ristourne décidée avant 1995 et celle que nous avons décidé et qui aboutira au fait que sur les salaires de salariés peu qualifiés - jusqu'à 133 % du SMIC - il y aura une baisse des charges de 13 %, c'est considérable ! Et là encore, même question à mes chefs d'entreprises, hier. Est-ce que vous commencez à le voir dans vos comptes ? Réponse : oui, ça commence à se sentir. Et c'est pour cela que la croissance aujourd'hui est plus riche en emplois. Voilà quelques signes qui font que je ne me décourage pas.
Et nous avons dans ce combat des armes à notre disposition. Nous avons d'abord un budget de combat. Un budget sans précédent - ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais plusieurs observateurs qui l'ont analysé - qui permet pour la première fois depuis longtemps de stabiliser la progression des dépenses, qui permet de réduire les déficits et qui permet de baisser l'impôt sur le revenu.
Cette réforme de l'impôt sur le revenu est une grande réforme et je voudrais vous exhorter à vous en emparer, non pas à la prendre, comme ça avec des pincettes, en disant c'est pas assez, c'est pas bien, c'est pas ça. Emparez-vous en et faites-en un argument d'explication et de conviction. Parce qu'elle est juste. Elle est toute entière axée autour de l'idée qu'il faut cesser de favoriser les revenus du capital et de l'argent qui dort pour rétablir la balance au profit des revenus du travail, de tous ceux qui travaillent : les salariés, les travailleurs indépendants. C'est ça sa finalité et sa philosophie. Elle est ambitieuse parce qu'on n'a jamais, en France, réalisé une baisse d'un quart de l'impôt sur le revenu, et ce sont nos engagements. Elle est simple : elle consiste tout simplement à baisser tous les taux du barème et à simplifier un certain nombre de déductions fiscales spécifiques ; et elle est durable - puisqu'elle est pour cinq ans - , et qu'elle a donc une visibilité - notion qui vous est chère, je le sais - aux contribuables, à ceux qui travaillent. Je crois que c'est une bonne réforme et qu'elle aura dès le premier tiers provisionnel de l'année prochaine des effets sur l'économie et sur le moral des Français.
Et ce budget 1997, c'est aussi un budget de combat parce qu'il poursuit sur la voie de la baisse des charges qui nous permet d'enrichir la croissance à l'emploi. On ne l'a pas dit parce que je n'ai pas voulu - évidemment - multiplier les chiffres. Mais le budget de 1997 c'est à nouveau quinze milliards de baisse des charges et des impôts sur les entreprises. Et ceci permettra d'amplifier le mouvement dont je parlais tout à l'heure. Donc notre première arme, c'est ce budget 1997 qui est un bon budget et qui va nous permettre d'accompagner et d'amplifier cette croissance qui revient.
Notre deuxième arme, c'est l'arme de la monnaie unique. Je crois que c'est une arme pour l'économie française et pour la société française demain. D'abord elle a conquis sa crédibilité. Personne, il y a deux ans n'y croyait. Aujourd'hui "les marchés" comme on dit entre guillemets, les banquiers, les économistes, les chefs d'entreprise sont convaincus que la monnaie unique va se faire et ils s'y préparent. Et je suis sûr que cette monnaie unique, ce sera une sorte de "Big Bang" économique pour l'Europe et pour la France à deux conditions - qui je le reconnais aujourd'hui devant vous ne sont pas entièrement remplies.
La première de ces conditions c'est qu'à l'intérieur du marché unique que constitue désormais l'Union européenne il y ait des règles du jeu entre ceux qui utiliseront l'euro et ceux qui garderont pour un temps leur monnaie nationale. Parce que l'absence de règle du jeu et la pratique de ce que l'on appelle les dévaluations compétitives ne sera plus, alors, supportable. Et vous savez tous les efforts que la France déploie pour arriver à créer ce système de règles du jeu entre ceux qui seront dedans et ceux qui n'y seront pas encore. Des progrès importants ont été faits en ce sens récemment à Dublin.
La deuxième condition - plus difficile encore à réunir - c'est que ce futur euro qui va exister dans les années qui viennent ait, vis-à-vis des autres grandes monnaies du monde - le yen et le dollar pour l'essentiel - une parité qui corresponde à la réalité des économies et que nous mettions donc un terme - ce ne sera pas facile - à ce phénomène de sous-évaluation chronique du dollar qui pénalise notre industrie et nos entreprises en général. Et là-dessus il y a encore beaucoup de progrès à faire.
Voilà deux des armes qu'il nous faut utiliser dans ce qui est une vraie bataille, j'en ai bien conscience, pour l'emploi et contre le chômage, l'arme du budget, l'arme de la monnaie unique. Mais il faut aussi un supplément d'arme à tout ça, si je puis dire. Il faut que nous mobilisions davantage les acteurs concernés et à commencer par la mobilisation contre le chômage. Nous faisons tout ce que nous pouvons, nous pouvoirs publics, vous majorité, nous Gouvernement et on va continuer, mais ça ne suffira pas si les autres ne s'y mettent pas. Et les autres, c'est qui ? C'est tout le monde. D'abord les collectivités territoriales qui ont un rôle à jouer. J'ai lancé des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes qui se sont mis en place. C'est une bonne idée, il faut aller plus loin.
J'avais rêvé un temps - mais je renonce rarement à mes rêves, donc j'y reviendrai - que les maires soient des sortes de chefs de guerre contre le chômage dans leur commune, à condition de pouvoir catalyser l'ensemble des aides, parce que c'est eux qui ont la meilleure appréhension, la plus quotidienne, la plus concrète, la plus humaine du phénomène du chômage. Et puis il faut aussi que les entreprises s'y mettent. Dans mon rêve, l'autre jour j'ai cru approcher de la réalité. Je recevais un chef d'entreprise qui me disait : "Moi, j'ai embauché 3 000 jeunes dans mon entreprise - c'était une grosse entreprise - et j'en suis très satisfait parce que ça me coûte beaucoup moins cher que je ne le pensais, ils sont formidables. Ils travaillent, ils se défoncent, ils sont productifs et au bout de deux ans j'en embauche ou j'en fais embaucher autour de moi plus de 80 % parce qu'ils sont bons". Et il me disait : "Imaginons que les cent premières entreprises françaises fassent pareil : 3 000 multipliés par 100, vous voyez". Il faut absolument que dans les six mois qui viennent nous concrétisions l'objectif que nous nous étions fixé à la fin de l'année dernière, plus de 300 000 jeunes en entreprise, dans le circuit de l'insertion pour eux d'abord et puis pour changer le moral des Français. Et j'adresse aujourd'hui un appel solennel à nos entreprises pour qu'elles nous aident à faire cela. Nous avons besoin d'elles ; c'est leur intérêt, c'est l'intérêt de la France.
Mobiliser contre le chômage et puis aussi mobiliser contre le doute. Cette espèce de virus - je ne sais pas comment il faut appeler ça médicalement parlant - qui s'est emparé du corps social en France. La question pour la France elle est très simple ; la question pour les Français elle est très simple. Est-ce qu'on va rester dans la course ou est-ce qu'on va se mettre hors-jeu ? C'est ça qui est en cause aujourd'hui. Eh bien l'ambition que nous devons proposer à nos compatriotes, c'est de rester dans la course, c'est-à-dire de rester le moteur de la construction européenne. Ne laissons pas briser aujourd'hui le rêve européen, au moment où le but approche.
Et les risques sont grands. Nous avons tous voulu la Grande Europe. Elle va se faire ! Elle ne peut fonctionner que si, dans le même temps, il y a des forces de cohésion supplémentaires.
D'où le sens de la monnaie unique qui n'est pas simplement une question pour gouverneurs des banques centrales ; qui est d'abord, et avant tout, un projet politique, un projet de cohésion et d'amitiés entre la France et l'Allemagne, un projet pour l'Europe, un projet de dynamisation de la construction européenne. Mais enfin, au moment où le monde entier s'organise, au moment où les Etats-Unis d'Amérique font l'ALENA, au moment où l'Amérique-du-Sud fait le MERCOSUR, au moment où l'Asie fait l'ASEAN, nous, nous laisserions l'Europe se séparer ? Je crois qu'il y a là une responsabilité historique - et je n'hésite pas à le dire, pour nous, gaullistes, parce que nous avons été au bon moment, 58 et quelques autres, toujours, au créneau sur cette enjeu de la construction européenne. Alors voilà aussi ce sur quoi il faut mobiliser. Il y va du rayonnement de la France et il y va de la prospérité des Françaises et des Français. Je vous le répète : l'euro, sa parité, quelques décimales ici ou là, laissons ça à nous mêmes et aux techniciens. Nous, notre rôle c'est de faire sentir qu'il s'agit d'une ambition, d'un projet politique, d'un projet de grandeur et de rayonnement pour la France et de prospérité pour les Français.
Voilà, mes chers compagnons la politique que je vous proposerai de conduire ensemble, avec quelques autres réformes importantes à poursuivre ou à lancer : nous n'avons pas épuisé le sujet de l'immigration - et je vous ferai des propositions précises et rapides. Nous n'avons pas épuisé, peut-être pas encore vraiment ouvert la question de la Justice, de la place du juge dans la société française, de l'équilibre à rechercher entre la nécessaire protection des libertés individuelles et la nécessaire autorité de l'Etat dans les sociétés complexes comme les nôtres. Et puis il faudra ouvrir aussi - et je le ferai, parce qu'on me l'a demandé et puis parce que c'est utile - le débat sur la modernisation de la vie publique. Tout ça, je vous en parlerai plus longuement mercredi prochain. Mais dès aujourd'hui, puisque nous sommes ici avec nos amis de l'UDF, entre compagnons, je voudrais vous dire ce que j'attends. Vous êtes en droit d'attendre beaucoup de moi. J'essaye de donner beaucoup ! Permettez moi quelques instants de vous demander à mon tour.
Ce dont j'ai besoin, maintenant, si je vous ai convaincu, ce n'est pas d'un bulletin de vote dans un scrutin parlementaire qui s'appelle 49-1, donné du bout des doigts, à contrecoeur. Je ne vous demande pas naturellement non plus, en sens inverse, un soutien inconditionnel. Nous n'avons jamais été des godillots, contrairement à une fausse réputation. Alors je reconnais le droit à la différence - est-ce qu'il faut dire le droit à la différence. Beaucoup revendiquent le droit à la différence. Peut-être, je veux bien. Pourquoi nous vouloir si différents les uns des autres ? Si on essayait de se ressembler, de se rapprocher, du moins un peu plus. Mais le droit à l'initiative, le droit à la proposition, le droit à l'amendement et même le droit à la critique, bien sûr ! Alors qu'est-ce que je vous demande ? Je vous demande une adhésion sincère et franche de l'esprit mais aussi du coeur au projet que j'essaye de définir avec vous et qui doit nous réunir. Et sachez le bien, les Français ne s'y tromperont pas. Ils nous feront confiance s'ils voient et s'ils croient que nous nous faisons confiance les uns les autres et que nous pratiquons ces vertus rares en politique mais essentielles que sont la cohésion, la persévérance et l'enthousiasme.
Tout cela, nous le devons à J. Chirac qui a besoin d'un Gouvernement et d'une majorité unis pour accomplir sa mission. Nous le devons à la France qui ne doit pas rechuter dans le socialisme, mais poursuivre son rétablissement pour s'épanouir dans la justice et dans la solidarité.Je vous connais toutes et tous depuis longtemps. Vous me connaissez. Je suis sûr de votre réponse et je vous en dis ma gratitude.
Je voudrais remercier les présidents de nos trois groupes parlementaires, M. Péricard, J. de Rohan, J.-C. Pasty ; notre secrétaire général, J.-F. Mancel ; nos amis de l'UDF, G. de Robien, A. Lamassoure, C. Revet ; et bien sûr, nos hôtes ici, le maire du Havre, A. Rufenacht, et le député de la circonscription, J.-Y. Deslac que nous pouvons une fois de plus remercier de la manière dont ils nous ont accueillis.
Nos Journées parlementaires, c'est aussi une occasion de dialogue libre et franc. J'ai pris beaucoup d'intérêt au débat qui vient d'avoir lieu ici. J'ai été frappé par la qualité des interventions, des questions et vous pardonnerez au chef du Gouvernement de dire aussi des réponses des ministres. Je crois que ce débat fait honneur au groupe et montre qu'il sait s'investir dans des débats de fond. Je voudrais à mon tour essayer de participer librement et franchement à ce dialogue. Je connais, je comprends les inquiétudes, les impatiences, voire les critiques qui s'expriment autour de vous. Et votre première responsabilité de parlementaires, c'est à la fois de les entendre et de me les faire entendre. Et il faut continuer. Je partage vos préoccupations et vos insatisfactions et, je le dirais là-aussi d'emblée, plus particulièrement aujourd'hui puisque viennent d'être publiés les chiffres du chômage pour le mois d'août 1996 qui sont mauvais : une augmentation de 39 500 après la baisse de 20 000 en juillet. Je pourrais vous dire que le chômage des jeunes n'a pratiquement pas augmenté depuis le début de l'année, et c'est vrai ; je pourrais vous dire que le chômage de longue durée a baissé depuis le début de l'année, il ne touche plus qu'une personne sur trois inscrite à l'ANPE alors qu'en moyenne en Europe, c'est une sur deux, et c'est vrai ; je pourrais vous dire que le rythme des licenciements reste plus faible qu'en 1994 - moins 25 - , ou en 93 - moins 40 % -, mais j'ai parfaitement conscience que devant le désarroi des chômeurs, de leur famille, de tous ceux qui viennent nous en parler, ces arguments risqueraient fort d'apparaître comme des arguties. Alors, il vaut mieux parler franchement : ces résultats sont mauvais. Et ils amènent sur nos lèvres, j'en suis sûr, des questions qui ne sont pas tabou et que je suis prêt à aborder avec vous.
La première, c'est tout simplement de savoir s'il faut changer de politique, et la deuxième - parce que la première n'a pas de sens si on ne se pose pas la deuxième -, dans l'hypothèse où il faudrait en changer, quelle autre politique nous faudrait-il conduire ? Pour réfléchir avec vous à ces deux questions, je voudrais d'abord jeter un bref regard en arrière. 89-93, plus on y songe, plus sont nombreux les rapports qui sortent sur cette période - j'en ai évoqué tout à l'heure à propos de la situation des collectivités locales -, plus on se rend compte que ces années ont été des années-gâchis, avec l'explosion des dépenses publiques, des déficits, des dettes qu'il nous faut aujourd'hui payer, des réformes de fond négligées ou différées, des inégalités accrues entre ceux qui vivent des revenus de l'argent qui dort et ceux qui vivent des revenus de leur travail, entre les inactifs et les actifs, notamment les jeunes - un rapport vient d'être à nouveau publié sur ce sujet. Des années où des pans entiers de notre économie ont été sinistrés, je pense en particulier à notre système bancaire qui est dans une situation difficile et pas simplement le Crédit Lyonnais qui n'arrive pas à sortir du gouffre, la chute de l'investissement, je pourrais en rajouter. On me dira : Mais cet argument de l'héritage est éculé, il n'intéresse plus personne. Voire ! Mais moi je rencontre beaucoup de gens qui me disent : Pourquoi n'en parlez-vous pas plus souvent ? Pourquoi ne rappelez-vous pas un certain nombre de vérités, d'évidences ? Alors, sans m'y attarder davantage, je voulais simplement y faire allusion parce que ceci nous permet de comprendre et de mesurer la difficulté de la tâche, la vôtre et la mienne.
Jeter un regard sur le passé récent, c'est aussi considérer le chemin que nous avons parcouru depuis maintenant trois ans. En 1993, grâce à notre victoire aux élections législatives, nous avons pu commencer le redressement, avec le Gouvernement d'E. Balladur. Les contraintes étaient fortes, celles qui sont inhérentes à la cohabitation, celles qui découlaient de la préparation de l'élection présidentielle, et, comme il se doit sous la Vème République, c'est 95 qui a évidemment marqué la vraie rupture. Et nous nous sommes engagés là dans un travail dont nous pouvons être fiers, je crois. M. Pericard évoquait hier le document qui retrace le bilan de l'action gouvernementale et législative depuis un peu plus d'un an. Il est nourri, il est riche, il est ambitieux.
Nous avons d'abord lancé toute une série de réformes que l'on attendait depuis longtemps, et qui avancent. Et puis nous avons défini une stratégie cohérente pour l'emploi, et c'est de cela que je voudrais reparler brièvement pour bien apprécier avec vous s'il faudra changer.
Cette stratégie pour l'emploi, elle est d'abord fondée sur une conviction qui se renforce en moi chaque jour davantage, c'est qu'il n'y a pas d'emploi sans croissance. Il n'y aura pas d'emploi demain si nous ne retrouvons pas un niveau de croissance suffisant. Et ma deuxième conviction, c'est qu'il n'y aura pas de croissance si nous n'avons pas de bonnes finances. Et voilà les quelques idées simples qui nous ont gouvernées dans notre politique budgétaire, fiscale et monétaire : dépenser mieux pour ne pas dépenser plus, parce qu'on ne peut pas dépenser plus sous peine d'accroître des déficits et des dettes écrasants ; réduire donc les déficits et les dettes, baisser les impôts pour redynamiser les forces vives de notre pays et, je crois aussi que cela fait partie de cette politique et de cette stratégie, garder le franc stable pour avoir des taux d'intérêt bas. Dois-je ouvrir une petite parenthèse, ici ? Faut-il que je redise aux gaullistes ce qu'était le franc pour le général de Gaulle ? Et les batailles qu'il a mené en 58, puis en 68 pour garder la stabilité de la monnaie ? Parce que ça fait partie aussi de la puissance et de la prospérité d'un pays.
Voilà notre première ligne directrice : pas d'emploi sans croissance, pas de croissance sans de bonnes finances.
Et puis notre deuxième grande orientation dans cette stratégie pour l'emploi, c'est bien sûr d'enrichir la croissance en emploi, parce qu'elle ne suffira pas, elle est absolument indispensable, elle n'est pas suffisante, et il faut donc que sur tous les fronts nous nous battions pour qu'elle soit, à niveau donné, plus créatrice d'emplois qu'elle ne l'a été par le passé. Et ce combat, nous l'avons engagé sur à peu près tous les fronts. D'abord le front des PME, parce que nous partageons tous la conviction que ce sont les petites et moyennes entreprises qui seront créatrices d'emploi, qui sont créatrices d'emploi et qui le seront demain, nous avons défini un plan, nous l'appliquons, nous le renforcerons encore - j'aurai l'occasion de vous en parler plus tard.
Le deuxième front, c'est celui du temps de travail qu'il faut aménager et même - je n'hésite pas à le dire même si c'est encore peut-être un sujet de controverses ou d'interrogations - qu'il faut aussi réduire, comme J. Chirac l'a dit, pas en prêt-à-porter, c'est-à-dire pas en revenant aux errements de 1981 et 82, c'est-à-dire pas avec une loi sur les 37, les 36 ou les 35 heures ; mais en faisant du sur-mesure, branche par branche, entreprise par entreprise. Et ça bouge ! Et ça avance ! Y compris d'ailleurs dans la fonction publique.
Le troisième front, c'est celui des emplois de proximité, que P. Seguin appelle dans son livre "le tiers-secteur social". C'est vrai qu'il y a là de nouveaux emplois qui correspondent à des besoins, parfois marchands, parfois non-marchands et qu'il faut développer - et nous le faisons -, les emplois de ville, les emplois de dépendance ou d'aide à la dépendance puisque ce dispositif va se mettre en place le 1er janvier prochain - nous n'avons pas renoncé à tenir cet engagement essentiel de la campagne de J. Chirac -, et puis aussi les emplois qui figureront dans la grande loi de cohésion sociale qui part au Conseil économique et social ces jours-ci et qui viendra devant vous d'ici la fin de l'année.
Les PME, le temps de travail, les emplois de proximité, et puis, quatrième front, peut-être à court terme - et j'y reviendrai -, le plus important : celui de la formation des jeunes, la formation par l'alternance ; l'entrée dans l'entreprise est la clé de tout. J'étais il y a quelques jours à Boulogne-Billancourt où j'inaugurais avec le sénateur-maire, J.-P. Fourcade, un service cybernétique d'aide aux jeunes. Et alors, j'ai pianoté sur les ordinateurs et on regardait les offres d'emplois dans une spécialité choisie au hasard. Et il y avait des offres d'emplois. A chaque fois tombait à la fin de l'offre d'emploi la même exigence : "expérience professionnelle demandée, deux ans minimum". Et je me disais : le jeune qui n'a aucune expérience professionnelle, comment il fait, si on ne lui met pas le pied à l'étrier, si on ne lui donne pas la possibilité de s'insérer une première fois dans la vie de l'entreprise ? Et c'est là qu'est le véritable défi que nous avons à relever dans les six mois qui viennent. Je l'ai dit, j'y reviendrai. Voilà ce qu'est notre stratégie pour l'emploi.
Alors, j'observe que sur bien des points, elle ne fait pas l'objet de contestation, ni ici, ni ailleurs. Je n'ai pas entendu pour l'instant d'autres suggestions relevant d'une autre approche du problème, mais je dis tout de suite que, bien sûr, je suis attentif et ouvert à toutes les propositions qui pourraient venir. Il faut tout essayer pour l'emploi et je suis prêt à tout essayer.
Simplement, je voudrais ajouter qu'il faut du temps, qu'il faut du temps pour les réformes. Il faut du temps pour qu'elles portent des fruits et que vienne le moment de la récolte. J'en prendrais un exemple qui n'est pas dans le domaine de l'emploi - encore que -, c'est la réforme de la Sécurité sociale. Pour essayer de dissiper - mais je sais que cette idée ne s'est pas installée dans vos esprits -, celle qui court en ce moment selon laquelle elle aurait échoué. On a d'abord assorti un rapport récent de la Cour des comptes du commentaire suivant : la réforme Juppé vient trop tard. Je vais vous faire une confidence, je ne me suis pas senti particulièrement visé par cette critique. Quand aurais-je pu la faire plus tôt ? Et ce rapport, en réalité, nous montre quoi ? Que de 89 à 93, on n'a rien fait dans ce domaine et que nous avons là un lourd héritage à porter. Cette réforme, nous l'avons, une fois que vous en avez approuvé les principes, en novembre, mise en oeuvre dans des délais relativement rapides - moins d'un an pour sortir des textes nombreux et compliqués. Et elle n'a pas en réalité encore commencé véritablement à entrer dans les faits.
Les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation ont été nommés au Conseil des ministres à la fin du mois d'août. Le carnet de santé sera obligatoire - parce qu'il sera totalement diffusé - au 1er juillet de l'année 97 : il faut des millions d'exemplaires à distribuer, ça prend du temps. Et c'est un des instruments essentiels de la maîtrise médicalisée des dépenses. Alors, quand j'entends dire qu'elle n'a pas marché, cette réforme, je me dis vraiment qu'on met un peu la charrue avant les boeufs. Faisons-la, faisons-la vraiment entrer en application. Convainquons les partenaires, les assurés sociaux, les médecins aussi qui doivent se convaincre qu'elle est bonne, et ils le sont - je sais qu'ils souffrent en ce moment parce qu'il y a des mesures douloureuses dont ils sont l'objet. Mais au fond d'eux-mêmes, ils savent très bien que si on ne met pas en application un certain nombre de ces règles - le carnet médical, les références opposables, et ainsi de suite -, le système explosera. C'est pour la sauver que nous faisons ça. Ce n'est pas pour punir.
Alors, il faut continuer cette réforme, et même si elle n'est pas en application, elle commence à donner des résultats : la courbe d'évolution des dépenses de santé va dans le bon sens. Et si les chiffres des déficits sont supérieurs à ce que nous avions prévu - inférieurs à ce qu'il se serait passé si nous n'avions rien fait, mais supérieur à ce que nous avions prévu -, c'est parce que les recettes, elles, ne sont pas rentrées.
Et là, on ajoute à cela mais comme ça ne marche pas il faut un nouveau plan. Et là, c'est très significatif de la difficulté que nous avons parfois à nous expliquer : ce n'est pas un nouveau plan que nous allons faire en octobre, c'est la première loi de financement de la Sécurité sociale que le Parlement aura la responsabilité d'examiner. La première et pas la dernière, puisque c'est un changement structurel de première grandeur : chaque année nous aurons rendez-vous pour fixer des objectifs à la progression des dépenses et pour déterminer les moyens de respecter ces objectifs. C'est vraiment un changement de logique qui donnera, j'en suis sûr, tous ses fruits. Voilà un exemple, mais je pourrais en citer d'autres, qui montrent que la réforme c'est du temps, c'est de la ténacité, c'est de la persévérance.
Et les signes encourageants apparaissent même si, je le répète, du temps est nécessaire. J'ai essayé depuis plusieurs semaines - et je n'ai pas été le seul, le Président de la République l'a fait, vous l'avez tous fait - de combattre cette espèce de scepticisme ou de morosité ambiante qui fond comme une chape de plomb sur l'économie et la société française. Nous avons des raisons de combattre cette morosité parce que des signes encourageants apparaissent. Les bases de notre économie sont solides. L'inflation est maîtrisée. On le regrette maintenant ! Oh paradoxe ! Il nous a fallu tant de décennies pour la maîtriser. Notre commerce extérieur est fort parce que nos entreprises sont compétitives. Je lisais ce matin, dans un grand journal économique que les taux d'intérêt à moyen terme ou à long terme s'approchent de 6 %. C'est du jamais vu ! On me dit : "Mais personne n'en bénéficie vraiment, à part quelques très grandes entreprises". Hier, j'avais à ma table à Matignon une dizaine de patrons de PME, des vraies PME, des gens qui avaient créé leur entreprise dans des secteurs très différents. L'un fabriquait du fromage, l'autre était dans des secteurs très pointus de l'informatique, et je leur ai posé la question : "Est-ce que vous commencez à sentir se diffuser l'effet de la baisse des taux d'intérêts ?". La réponse était oui.
Voilà un certain nombre de signes qui permettent de dire que ça va dans le bon sens. Deuxième signe encourageant, les perspectives de croissance pour l'année prochaine sont positives. Aucun institut de prévision - je sais bien qu'il faut prendre ça avec des pincettes -, le Fond Monétaire International, lui-même, ne prévoit un recul de la croissance l'année prochaine. Au contraire, toutes les prévisions sont au-delà de 2 % et la France, et la France, de ce point de vue , est bien placée par rapport à beaucoup de ses partenaires.
Enfin, troisième signe positif cette croissance qui revient, qui va revenir - les signes avant-coureur en apparaissent -, cette croissance est plus riche en emplois. Il faut aujourd'hui moins de croissance pour créer des emplois qu'il n'en fallait par le passé. Mais les chiffres je vous en ferai grâce et cela pour une raison, là aussi qui n'est pas le fruit du hasard, c'est que la politique résolue commencée par E. Balladur et poursuivie par mon Gouvernement de baisse des charges sur les entreprises commence à donner ses effets. Le 1er octobre prochain se rejoindront la ristourne décidée avant 1995 et celle que nous avons décidé et qui aboutira au fait que sur les salaires de salariés peu qualifiés - jusqu'à 133 % du SMIC - il y aura une baisse des charges de 13 %, c'est considérable ! Et là encore, même question à mes chefs d'entreprises, hier. Est-ce que vous commencez à le voir dans vos comptes ? Réponse : oui, ça commence à se sentir. Et c'est pour cela que la croissance aujourd'hui est plus riche en emplois. Voilà quelques signes qui font que je ne me décourage pas.
Et nous avons dans ce combat des armes à notre disposition. Nous avons d'abord un budget de combat. Un budget sans précédent - ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais plusieurs observateurs qui l'ont analysé - qui permet pour la première fois depuis longtemps de stabiliser la progression des dépenses, qui permet de réduire les déficits et qui permet de baisser l'impôt sur le revenu.
Cette réforme de l'impôt sur le revenu est une grande réforme et je voudrais vous exhorter à vous en emparer, non pas à la prendre, comme ça avec des pincettes, en disant c'est pas assez, c'est pas bien, c'est pas ça. Emparez-vous en et faites-en un argument d'explication et de conviction. Parce qu'elle est juste. Elle est toute entière axée autour de l'idée qu'il faut cesser de favoriser les revenus du capital et de l'argent qui dort pour rétablir la balance au profit des revenus du travail, de tous ceux qui travaillent : les salariés, les travailleurs indépendants. C'est ça sa finalité et sa philosophie. Elle est ambitieuse parce qu'on n'a jamais, en France, réalisé une baisse d'un quart de l'impôt sur le revenu, et ce sont nos engagements. Elle est simple : elle consiste tout simplement à baisser tous les taux du barème et à simplifier un certain nombre de déductions fiscales spécifiques ; et elle est durable - puisqu'elle est pour cinq ans - , et qu'elle a donc une visibilité - notion qui vous est chère, je le sais - aux contribuables, à ceux qui travaillent. Je crois que c'est une bonne réforme et qu'elle aura dès le premier tiers provisionnel de l'année prochaine des effets sur l'économie et sur le moral des Français.
Et ce budget 1997, c'est aussi un budget de combat parce qu'il poursuit sur la voie de la baisse des charges qui nous permet d'enrichir la croissance à l'emploi. On ne l'a pas dit parce que je n'ai pas voulu - évidemment - multiplier les chiffres. Mais le budget de 1997 c'est à nouveau quinze milliards de baisse des charges et des impôts sur les entreprises. Et ceci permettra d'amplifier le mouvement dont je parlais tout à l'heure. Donc notre première arme, c'est ce budget 1997 qui est un bon budget et qui va nous permettre d'accompagner et d'amplifier cette croissance qui revient.
Notre deuxième arme, c'est l'arme de la monnaie unique. Je crois que c'est une arme pour l'économie française et pour la société française demain. D'abord elle a conquis sa crédibilité. Personne, il y a deux ans n'y croyait. Aujourd'hui "les marchés" comme on dit entre guillemets, les banquiers, les économistes, les chefs d'entreprise sont convaincus que la monnaie unique va se faire et ils s'y préparent. Et je suis sûr que cette monnaie unique, ce sera une sorte de "Big Bang" économique pour l'Europe et pour la France à deux conditions - qui je le reconnais aujourd'hui devant vous ne sont pas entièrement remplies.
La première de ces conditions c'est qu'à l'intérieur du marché unique que constitue désormais l'Union européenne il y ait des règles du jeu entre ceux qui utiliseront l'euro et ceux qui garderont pour un temps leur monnaie nationale. Parce que l'absence de règle du jeu et la pratique de ce que l'on appelle les dévaluations compétitives ne sera plus, alors, supportable. Et vous savez tous les efforts que la France déploie pour arriver à créer ce système de règles du jeu entre ceux qui seront dedans et ceux qui n'y seront pas encore. Des progrès importants ont été faits en ce sens récemment à Dublin.
La deuxième condition - plus difficile encore à réunir - c'est que ce futur euro qui va exister dans les années qui viennent ait, vis-à-vis des autres grandes monnaies du monde - le yen et le dollar pour l'essentiel - une parité qui corresponde à la réalité des économies et que nous mettions donc un terme - ce ne sera pas facile - à ce phénomène de sous-évaluation chronique du dollar qui pénalise notre industrie et nos entreprises en général. Et là-dessus il y a encore beaucoup de progrès à faire.
Voilà deux des armes qu'il nous faut utiliser dans ce qui est une vraie bataille, j'en ai bien conscience, pour l'emploi et contre le chômage, l'arme du budget, l'arme de la monnaie unique. Mais il faut aussi un supplément d'arme à tout ça, si je puis dire. Il faut que nous mobilisions davantage les acteurs concernés et à commencer par la mobilisation contre le chômage. Nous faisons tout ce que nous pouvons, nous pouvoirs publics, vous majorité, nous Gouvernement et on va continuer, mais ça ne suffira pas si les autres ne s'y mettent pas. Et les autres, c'est qui ? C'est tout le monde. D'abord les collectivités territoriales qui ont un rôle à jouer. J'ai lancé des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes qui se sont mis en place. C'est une bonne idée, il faut aller plus loin.
J'avais rêvé un temps - mais je renonce rarement à mes rêves, donc j'y reviendrai - que les maires soient des sortes de chefs de guerre contre le chômage dans leur commune, à condition de pouvoir catalyser l'ensemble des aides, parce que c'est eux qui ont la meilleure appréhension, la plus quotidienne, la plus concrète, la plus humaine du phénomène du chômage. Et puis il faut aussi que les entreprises s'y mettent. Dans mon rêve, l'autre jour j'ai cru approcher de la réalité. Je recevais un chef d'entreprise qui me disait : "Moi, j'ai embauché 3 000 jeunes dans mon entreprise - c'était une grosse entreprise - et j'en suis très satisfait parce que ça me coûte beaucoup moins cher que je ne le pensais, ils sont formidables. Ils travaillent, ils se défoncent, ils sont productifs et au bout de deux ans j'en embauche ou j'en fais embaucher autour de moi plus de 80 % parce qu'ils sont bons". Et il me disait : "Imaginons que les cent premières entreprises françaises fassent pareil : 3 000 multipliés par 100, vous voyez". Il faut absolument que dans les six mois qui viennent nous concrétisions l'objectif que nous nous étions fixé à la fin de l'année dernière, plus de 300 000 jeunes en entreprise, dans le circuit de l'insertion pour eux d'abord et puis pour changer le moral des Français. Et j'adresse aujourd'hui un appel solennel à nos entreprises pour qu'elles nous aident à faire cela. Nous avons besoin d'elles ; c'est leur intérêt, c'est l'intérêt de la France.
Mobiliser contre le chômage et puis aussi mobiliser contre le doute. Cette espèce de virus - je ne sais pas comment il faut appeler ça médicalement parlant - qui s'est emparé du corps social en France. La question pour la France elle est très simple ; la question pour les Français elle est très simple. Est-ce qu'on va rester dans la course ou est-ce qu'on va se mettre hors-jeu ? C'est ça qui est en cause aujourd'hui. Eh bien l'ambition que nous devons proposer à nos compatriotes, c'est de rester dans la course, c'est-à-dire de rester le moteur de la construction européenne. Ne laissons pas briser aujourd'hui le rêve européen, au moment où le but approche.
Et les risques sont grands. Nous avons tous voulu la Grande Europe. Elle va se faire ! Elle ne peut fonctionner que si, dans le même temps, il y a des forces de cohésion supplémentaires.
D'où le sens de la monnaie unique qui n'est pas simplement une question pour gouverneurs des banques centrales ; qui est d'abord, et avant tout, un projet politique, un projet de cohésion et d'amitiés entre la France et l'Allemagne, un projet pour l'Europe, un projet de dynamisation de la construction européenne. Mais enfin, au moment où le monde entier s'organise, au moment où les Etats-Unis d'Amérique font l'ALENA, au moment où l'Amérique-du-Sud fait le MERCOSUR, au moment où l'Asie fait l'ASEAN, nous, nous laisserions l'Europe se séparer ? Je crois qu'il y a là une responsabilité historique - et je n'hésite pas à le dire, pour nous, gaullistes, parce que nous avons été au bon moment, 58 et quelques autres, toujours, au créneau sur cette enjeu de la construction européenne. Alors voilà aussi ce sur quoi il faut mobiliser. Il y va du rayonnement de la France et il y va de la prospérité des Françaises et des Français. Je vous le répète : l'euro, sa parité, quelques décimales ici ou là, laissons ça à nous mêmes et aux techniciens. Nous, notre rôle c'est de faire sentir qu'il s'agit d'une ambition, d'un projet politique, d'un projet de grandeur et de rayonnement pour la France et de prospérité pour les Français.
Voilà, mes chers compagnons la politique que je vous proposerai de conduire ensemble, avec quelques autres réformes importantes à poursuivre ou à lancer : nous n'avons pas épuisé le sujet de l'immigration - et je vous ferai des propositions précises et rapides. Nous n'avons pas épuisé, peut-être pas encore vraiment ouvert la question de la Justice, de la place du juge dans la société française, de l'équilibre à rechercher entre la nécessaire protection des libertés individuelles et la nécessaire autorité de l'Etat dans les sociétés complexes comme les nôtres. Et puis il faudra ouvrir aussi - et je le ferai, parce qu'on me l'a demandé et puis parce que c'est utile - le débat sur la modernisation de la vie publique. Tout ça, je vous en parlerai plus longuement mercredi prochain. Mais dès aujourd'hui, puisque nous sommes ici avec nos amis de l'UDF, entre compagnons, je voudrais vous dire ce que j'attends. Vous êtes en droit d'attendre beaucoup de moi. J'essaye de donner beaucoup ! Permettez moi quelques instants de vous demander à mon tour.
Ce dont j'ai besoin, maintenant, si je vous ai convaincu, ce n'est pas d'un bulletin de vote dans un scrutin parlementaire qui s'appelle 49-1, donné du bout des doigts, à contrecoeur. Je ne vous demande pas naturellement non plus, en sens inverse, un soutien inconditionnel. Nous n'avons jamais été des godillots, contrairement à une fausse réputation. Alors je reconnais le droit à la différence - est-ce qu'il faut dire le droit à la différence. Beaucoup revendiquent le droit à la différence. Peut-être, je veux bien. Pourquoi nous vouloir si différents les uns des autres ? Si on essayait de se ressembler, de se rapprocher, du moins un peu plus. Mais le droit à l'initiative, le droit à la proposition, le droit à l'amendement et même le droit à la critique, bien sûr ! Alors qu'est-ce que je vous demande ? Je vous demande une adhésion sincère et franche de l'esprit mais aussi du coeur au projet que j'essaye de définir avec vous et qui doit nous réunir. Et sachez le bien, les Français ne s'y tromperont pas. Ils nous feront confiance s'ils voient et s'ils croient que nous nous faisons confiance les uns les autres et que nous pratiquons ces vertus rares en politique mais essentielles que sont la cohésion, la persévérance et l'enthousiasme.
Tout cela, nous le devons à J. Chirac qui a besoin d'un Gouvernement et d'une majorité unis pour accomplir sa mission. Nous le devons à la France qui ne doit pas rechuter dans le socialisme, mais poursuivre son rétablissement pour s'épanouir dans la justice et dans la solidarité.Je vous connais toutes et tous depuis longtemps. Vous me connaissez. Je suis sûr de votre réponse et je vous en dis ma gratitude.