Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, à "RTL" le 13 novembre 2014, sur la politique fiscale à l'horizon 2015.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le gouvernement a adopté hier en Conseil des ministres une loi de finance rectificative pour 2014 et parmi beaucoup de dispositions figure la possibilité laissée aux communes, François LENGLET vient d'en parler, d'augmenter de 20 % la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Avant de parler du fond, écoutons le président de la République jeudi dernier qui sur TF1 et RTL disait ceci.
FRANÇOIS HOLLANDE, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
A partir de l'année prochaine, il n'y aura pas d'impôt supplémentaire sur qui que ce soit.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est faux !
CHRISTIAN ECKERT
On n'est pas l'année prochaine, tout ce qui a été déjà annoncé et cette disposition était en vigueur contrairement à ce qui a été dit…
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle n'était pas en vigueur puisque vous présentiez le projet de loi hier…
CHRISTIAN ECKERT
En tout cas elle était dans l'air, elle avait été annoncée, vous avez raison, elle était annoncée bien avant l'intervention du président de la République…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc en 2015, des impôts, des taxes vont augmenter.
CHRISTIAN ECKERT
Ce n'est pas une nouvelle taxe, vous l'avez dit, et contrairement à ce qui a été dit, ce n'est pas issue d'imagination créative de Bercy, c'est une demande d'un certain nombre de territoires, parce que nul ne peut nier que dans certains territoires, Paris par exemple mais c'est le cas aussi dans certaines zones touristiques, les populations « autochtones » ont du mal à se loger parce que les résidences secondaires occupent la plupart… enfin beaucoup de logements qui pourraient servir de logements d'habitation, ce qui augmente les prix. On a tous en mémoire des situations en Savoie ou ailleurs, où vous avez des travailleurs saisonniers qui ne trouvent pas à se loger parc que les résidences secondaires, très souvent occupées très peu de temps dans l'année, occupent si j'ose dire et captent l'ensemble du marché. C'est le cas aussi dans certaines îles, on a vu beaucoup de demandes de ce type. Donc probablement que la disposition pourrait être retravaillée par des Parlementaires, on n'est pas encore à la fin de la discussion parlementaire, mais vous l'avez signalé aussi ce n'est pas une mesure pour renflouer le budget de l'Etat, c'est une mesure qui a été demandée par des communes et qui va alimenter le budget de certaines communes et uniquement celles qui le décideront.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui devrait peut-être rapporter 150 millions mais comme l'a dit François, qui sera difficile à collecter qu'elle ne rapportera pas grand-chose…
CHRISTIAN ECKERT
Si tout est mis en oeuvre, ça pourrait faire 150 millions ou 140 je crois même exactement, mais les communes qui ne souhaiteront pas appliquer cette majoration de la taxe d'habitation, une simple délibération suffira.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais le débat n'est pas technique en fait ce matin Christian ECKERT si vous le permettez, il est politique, un débat d'image, à quoi sert la parole présidentielle si les taxes et les impôts continuent d'augmenter ? On a l'impression que vous n'en finissez pas d'augmenter les impôts.
CHRISTIAN ECKERT
Non mais la parole présidentielle elle tient compte d'une réalité, la réalité c'est qu'on a trouvé un déficit qui était de l'ordre de 150 milliards, qu'il est aujourd'hui de l'ordre de 75 ou 80 milliards…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne l'avez pas trouvé, on le savait tous qu'il était comme ça, vous ne l'avez pas découvert quand même.
CHRISTIAN ECKERT
N'empêche qu'on en a hérité…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ca, c'est autre chose. Vous le saviez quand même avant d'arriver au pouvoir.
CHRISTIAN ECKERT
…et que pour obtenir rapidement des résultats, il a fallu effectivement passer par un certain nombre de hausses d'impôts, c'est ce que nous avons pratiqué et nous avons toujours dit que nous pratiquerons aujourd'hui plus d'économies que de hausses d'impôts, c'est ce que nous faisons dans les textes actuellement en discussion au Parlement, 21 milliards au total pour l'ensemble de la dépense publique, dès 2015 c'est bien entendu la façon pour nous maintenant de continuer à réduire les déficits à rythme ralenti d'ailleurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et l'année prochaine, dans le budget de l'année prochaine il n'y aura aucune augmentation de rien, de quoi que ce soit ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, on ne peut pas graver dans le marbre une situation qui dépend d'un contexte international…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous voyez…
CHRISTIAN ECKERT
…que nous ne maîtrisons pas. Qui avait prévu il y a 6 – 8 mois une aussi faible inflation en Europe ? Tous les prévisionnistes qui aujourd'hui vous prévoient la croissance avec deux ans d'avance, aucun d'entre eux n'avait anticipé une aussi faible inflation. Ca a quelques avantages en termes de maitrise des prix mais ça beaucoup d'inconvénients y compris pour faire des économies.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc le président de la République a été imprudent la semaine dernière.
CHRISTIAN ECKERT
Non, le président de la République il a donné un cap…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et un cap dont vous dites ça dépend de la situation de l'année prochaine.
CHRISTIAN ECKERT
Pour atteindre un cap, vous savez parfois il faut tirer quelques bords.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, vous êtes audacieux ce matin Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, il y a eu je crois la Route du Rhum il n'y a pas longtemps…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, oui absolument et vous pensez qu'en contredisant le président comme vous le faites, vous pourrez arriver à bon port ?
CHRISTIAN ECKERT
Ce n'est pas une contradiction, le cap c'est de réduire les déficits et de ne pas casser la croissance…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous dites : s'il y a besoin, on augmentera les impôts.
CHRISTIAN ECKERT
Quelques aménagements d'un certain nombre de dispositions, tout le monde a oublié quand même que dans la loi de finance pour l'année prochaine, les impôts sur le revenu baisse de trois milliards, de plus de trois milliards, ça concerne plus de neuf millions de foyers fiscaux. Aujourd'hui vous évoquez une majoration, une majoration si elles le souhaitent, dans des communes très limitées pour des raisons que j'évoquais tout à l'heure, mais vous oubliez de dire que l'impôt sur le revenu va baisser de trois milliards pour neuf millions de foyers fiscaux. Je pense que c'est ça qui est essentiel, c'est ça le cap.
JEAN-MICHEL APHATIE
On se demande aussi s'il n'y a pas un peu d'hypocrisie dans le discours politique, un universitaire spécialiste de ces questions, Philippe DESSERTINE écrit ceci hier dans Le Figaro : la dotation de l'Etat aux collectivités locales diminuera l'année prochaine, ce accompagné de transferts de dépenses et donc la seule solution pour les élus ce sera d'augmenter la fiscalité locale. Donc l'Etat peut-être n'augmentera plus les impôts, mais vous déléguez ça à ceux qui sur le terrain auront besoin d'argent.
CHRISTIAN ECKERT
Non, vous évoquez un sujet important, les dépenses des collectivités locales elles ont augmenté de plus de 3 % par an sur les dernières années, malgré déjà des amorces de plafonnement ou de baisses des dotations de l'Etat. Dans la dépense publique, ce dont nous sommes comptables, y compris par rapport à nos partenaires européens, il y a la dépense des collectivités locales qui, nous dit la Constitution, s'administre librement dans le cadre défini par la loi, c'est l'expression de l'article en question dans la Constitution et les dépenses des collectivités territoriales, notamment les dépenses de fonctionnement sont des dépenses qui ont connu une inflation considérable. Tout le monde le reconnait, gauche, droite le reconnait, les citoyens le disent, il y a là des sources d'économies et nous voulons pousser les collectivités locales à faire des économies de fonctionnement, effectivement en baissant les dotations qui représentent un gros quart de leurs recettes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous parleriez ce matin Christian ECKERT ou vous conviendriez de ce phénomène qui a été qualifié il y a quelques mois de ras-le-bol fiscal ?
CHRISTIAN ECKERT
Il y a une sensibilité en tout cas fiscal qui est très forte…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ras-le-bol ?
CHRISTIAN ECKERT
Une sensibilité très forte qui provoque parfois un peu d'irrationalité, je crois qu'il faut regarder les choses calmement et sereinement. Quand on dit par exemple que le secteur bancaire peut être mis à contribution parce que le mécanisme européen de cotisation a un fonds de sécurisation et de résolution entrainerait si on ne le rendait pas déductible, pardon d'être un peu technique…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui on ne comprend pas trop là.
CHRISTIAN ECKERT
…une perte d'impôt sur les sociétés pour les banques, je crois qu'on touche là à des questions de justice qui portent sur plusieurs centaines de millions d'euros.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, donc on regardera si les impôts augmenteront ou pas l'année prochaine, vous avez dit que ce n'est pas impossible.
CHRISTIAN ECKERT
L'impôt sur le revenu je répète qu'il va baisser de plus de trois milliards et ça, vous avez tendance un petit peu à le gommer et à l'oublier.
JEAN-MICHEL APHATIE
Christian ECKERT qui a exprimé son désaccord avec bonhomie ce matin, était l'invité de RTL.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 novembre 2014