Texte intégral
Madame la Maire de Paris, Chère Anne Hidalgo,
Monsieur le Président d'Élus contre le Sida, Cher Jean Luc Romero,
Mesdames, Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je suis très heureuse de l'invitation qui m'a été faite par Jean-Luc Romero, que je le salue chaleureusement. Depuis 1995, ELCS permet que la lutte contre le sida reste une priorité des politiques de santé publique et mobilise tous les élus à s'investir dans ce combat. Il était important pour moi d'être parmi vous aujourd'hui pour m'associer à votre démarche et témoigner de l'importance de votre association.
Il est peu de sujet où la parole politique s'avance avec plus de gravité, d'humilité et de circonspection. Avant d'être un virus, le sida est une maladie intime, qui confronte les sujets qui en sont atteint à l'expérience la plus douloureuse, la plus traumatique et la plus tragique qui soit.
Lorsque le diagnostic est annoncé au patient, sa vie bascule et son existence comme celle de ses proches se trouve bouleversée. La maladie qui touche les personnes séropositives est une épreuve individuelle et collective, personnelle et familiale, physique et psychologique.
En plus de l'affaiblissement, de l'angoisse, c'est hélas souvent à la solitude et au rejet que les personnes atteintes du sida sont le plus souvent confrontées.
L'action de la France en matière de lutte contre le sida a depuis plus de vingt ans fait d'indéniables progrès et je tiens à saluer la mobilisation de tous : celle des médecins, celle des professionnels, celle des associations, et bien évidemment celle des élus.
Beaucoup de chemin a été parcouru, mais celui qui reste est immense. Aujourd'hui encore en France, on compte plus de 6.000 nouveaux cas d'infection par le VIH chaque année. Près de 150.000 personnes sont séropositives et près de 40.000 à 50.000 personnes sont infectées par le virus sans le savoir et donc sans suivre de traitement.
Les chiffres du sida ne diminuent plus depuis 2007, tel que l'a révélé le rapport annuel de l'Institut national de Veille Sanitaire. Cette inquiétude, vous le savez, est plus grande encore dans nos Outremer où les taux de contaminations sont particulièrement élevés, notamment en Guadeloupe et en Guyane, où ils s'avèrent deux à trois fois plus importants qu'en Ile de France, alors que cette région est elle-même la plus touchée de l'Hexagone. L'Ile de France abrite aussi une forte communauté antillaise.
La lutte contre le sida est un enjeu majeur pour la France et pour ses territoires d'Outre-mer. Toutes personnes confondues, les départements d'Outre-mer représentent 8% des personnes ayant découverts leur séropositivité. On ne peut rester indifférent devant cette tragédie du quotidien. C'est une cause à laquelle le gouvernement doit se consacrer entièrement. Ce n'est pas une décision à prendre, c'est un devoir à accomplir. Jean-Luc Romero rappelle souvent cette phrase du professeur Rozenbaum, que je me permets de reprendre à mon tour : « Le sida se soigne aussi par la politique. »
Lutter contre ce fléau, empêcher qu'il se propage, prendre soin des personnes touchées, c'est refuser la fatalité, et c'est uvrer au service de la vie. C'est faire cause commune pour venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin, c'est rendre notre société plus humaine, plus juste et plus solidaire. La lutte contre le VIH doit transcender les clivages politiques. Ce n'est pas une lutte idéologique. C'est une lutte pour la vie-même. Si le terme de communauté nationale a bien un sens, c'est celui d'affronter ensemble les maux qui touchent les plus fragiles d'entre nous. En son fondement, à quoi d'autre sert la politique ? La Caraïbe est la deuxième région au monde la plus concernée par le VIH/sida. Les départements français d'Amérique sont hélas les régions de France les plus touchées par l'infection.
Le ministère des Outre-mer, quel que soit le ministre en exercice, est régulièrement intervenu au cours des dernières années, notamment dans l'élaboration du volet outre-mer du plan national français de lutte contre le VIH/SIDA/IST 2010-2014 qui s'appuie sur les recommandations des experts du Conseil national du sida pour la Guyane et pour les Antilles. Le Ministère des Outre-mer participe au financement du plan de lutte contre le VIH outre-mer. Ces crédits sont particulièrement nécessaires aux associations qui mettent en uvre les actions de terrain. Le ministère s'est impliqué dans la mise en uvre du plan national, en particulier sur la prévention de la maladie et sur la recherche. Aux côtés du directeur général de la Santé, le ministère a financé des programmes innovants d'études ou de soutien aux associations locales. La lutte contre le VIH s'articule pour les outre-mer autour de six axes principaux : la prévention, le dépistage, la prise en charge des malades et la lutte contre les discriminations, la recherche et la coopération sanitaire. Il est indispensable que ce combat aux Antilles soit mené en adaptant les actions aux caractéristiques et aux modes de vie des populations concernées. Celles-ci doivent être par ailleurs pleinement intégrées dans les stratégies régionales de santé. La lutte contre les discriminations et le renforcement de l'égalité pour l'accès aux droits, à la prévention et aux soins guident aussi particulièrement notre action. Nous nous sommes donnés pour objectif la réduction de moitié, d'ici la fin du quinquennat de l'incidence des infections par le VIH dans les Antilles-Guyane et de la diminution de moitié également de la proportion de personnes découvrant leur séropositivité au stade sida.
La nécessité du port du préservatif pour se protéger du virus n'est pas encore, au regard des enquêtes, suffisamment intégrée dans les DOM, le dépistage fréquent n'est pas encore entré dans les murs. Ces états de fait contribuent à la diffusion de la maladie. La transmission du VIH aux Antilles/Guyane est par ailleurs à dominante hétérosexuelle et il faut le répéter à nos concitoyens. Des messages de prévention clairs et ciblés doivent être dirigés en direction de la population hétérosexuelle.
La prévention sanitaire doit toujours être adossée à une éthique de la responsabilité. La prévention et l'information sanitaire, ce n'est pas confondre prévention et prédication, ce n'est pas non plus employé un discours de la culpabilité qui infantilise toujours plus qu'il ne responsabilise. C'est au contraire s'adresser à des sujets humains, plutôt que de viser des cibles ou des conduites anonymes. C'est la raison pour laquelle l'action de santé, si elle nécessite non seulement une vaste diffusion de l'information à l'intention des publics, doit toujours veiller à cheminer de pair avec une adresse spécifique à chaque individu. Notre conception de la prévention sanitaire doit continuer de se soutenir d'une proposition éthique qui rappelle à tous, hommes et femmes, parents, adolescents, que leur santé est la leur, qu'ils en sont tout autant les dépositaires que les garants. Ainsi pourrons nous nous attaquer, ensemble et de plain-pied, aux comportements à risques comme aux déterminations aliénantes qui les génèrent.
Mais pour agir au mieux contre ce fléau, il est également important que cette maladie qui reste encore taboue, voir indicible puisse sortir de la honte, de l'ignorance et de la suspicion dont elle est particulièrement frappées dans les territoires ultramarins. Ceux qui souffrent dans leur corps ne doivent pas en plus souffrir du regard des autres. On connaît malheureusement, dans l'esprit des hommes, le lien ancestral entre la maladie et le mal moral, entre la souffrance et la faute. Le travail de la civilisation doit non seulement permettre que le progrès scientifique enraye ce fléau, mais aussi que le progrès politique et moral ne rejette pas ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. Le combat doit être non seulement épidémiologique, mais également sociétal.
Le sida reste une maladie inavouable, et ce tout particulièrement dans nos Outre-mer. Dire sa séropositivité reste très difficile. En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, plus de la moitié des personnes contaminées gardent le secret vis-à-vis de leur proche. Lorsque l'on est fragilisé, il est indispensable que l'on soit soutenu, il est inconcevable que l'on soit isolé. Il nous faut lutter contre les discriminations à l'encontre des personnes séropositives, dans l'emploi, dans la vie quotidienne, et dans les mentalités en général.
Pour les personnes porteuses du VIH la discrimination a de nombreuses facettes. Elle est due à la séropositivité, mais elle peut provenir également de la condition sociale. Les forts taux d'immigration viennent parfois accentuer encore ces phénomènes de discriminations. Pour lutter contre les discriminations et améliorer l'intégration des personnes vivant avec le VIH, il faut continuer à uvrer pour favoriser les prises en charge précoces et continues et d'améliorer les conditions d'hébergement et de logement. L'accès ou le maintien dans l'emploi et l'insertion professionnelle des personnes atteintes constituent également une priorité. Cependant, la mise en uvre d'actions permettant de lutter contre les discriminations et de mieux intégrer les personnes vivant avec le VIH dans la société doit reposer sur les associations qui ont la meilleure connaissance de la population concernée et qui peuvent assurer des actions très ciblées. Ces associations sont encore insuffisamment structurées aux Antilles. Il est donc très important qu'elles puissent être soutenues financièrement et c'est ce que nous nous employons à faire avec les Agences régionales de santé. À tous les âges, ces actions conjointes d'information, de prvention et de déconstruction des préjugés doivent être menées. Il nous faut désormais faire preuve d'une détermination plus grande pour voir notre lutte aboutir. Les réunions d'associations et d'élus sont un instrument important cette réussite. Dans cette même perspective, il faut agir en direction du grand public en renforçant le champ de la prévention et de l'information. Des agoras citoyennes doivent pouvoir voir le jour en prélude des États généraux du sida. Il est important que ces évènements soient relayés par des campagnes de communications, portées par des personnalités du monde de la culture, et permettent d'impacter le plus grand nombre de personnes afin d'installer la question du VIH dans l'opinion et le débat public. Je souhaite qu'une formation spécifique soit organisée en direction des assistants sociaux et de tous les professionnels en charge d'un suivi social afin qu'ils puissent au mieux prendre en charge les personnes séropositives, répondre aux questions, mais également combattre le déni de la maladie, la stigmatisation et la marginalisation.
La jeunesse est une population particulièrement exposée au virus et il est important que celle-ci soit également mieux informée et mieux éduquée à la santé. Une politique ambitieuse d'éducation à la vie affective et sexuelle au sein du monde scolaire doit être menée. Faire progresser la connaissance, permettre au dialogue de s'ouvrir chez les jeunes sur cette question est indispensable pour construire une véritable politique citoyenne qui aborde concrètement et sans faux semblant, la maladie, les risques de transmission, mais également la question du respect de l'Autre, de l'orientation sexuelle et des discriminations qui sévissent avec une force particulière. Dans cette perspective, je souhaite que soit créée une structure fixe de prévention et d'information pour les 13-25 ans, dans chaque DOM, qui permettra d'accueillir les jeunes. Ces structures pourraient prendre pour modèle le Cybercrips, qui existe déjà en Ile de France. Nous savons également que, dans les Outre-mer, le sida est lié aux facteurs économiques et sociaux. Des moyens d'accès aux outils de prévention doivent être mis en place. Il faut que puisse être mis à disposition dans les lieux publics, et notamment les lieux publics fréquentés par les plus jeunes, des préservatifs afin que le coût financier ne soit jamais un obstacle à la protection. Il faut également qu'en direction des populations les plus exposées, soit mis en place des opérations ciblées de dépistage rapide, notamment, quand cela est possible, via des unités mobiles, afin de prendre en charge le plus rapidement possible les personnes contaminées et d'endiguer les risques de contamination.
Lutter ensemble contre le sida, prendre soin des personnes touchées et empêchée que d'autres ne soient contaminées, permettre aux personnes séropositives de conserver leur place au sein de notre société et d'y trouver du soutien, c'est uvrer pour la vie. C'est travailler à faire reculer la peur, les souffrances, les inégalités. C'est rendre notre société plus humaine, plus juste et plus solidaire. La solidarité nationale, c'est l'exercice en acte de la fraternité.
La solidarité de l'ensemble de la communauté nationale avec les personnes atteintes du sida est une obligation de chacun vis-à-vis d'autrui. Elle est la condition de la dignité de tous, et la condition pour que nous partagions un monde commun.
Notre pays doit continuer à faire de la recherche, de la prévention et de la prise en charge du sida une mission privilégiée. Ce n'est pas une prérogative qui l'honore. C'est une mission qui lui incombe. Ce n'est rien moins que de contribuer à l'effort de la civilisation, pour que les forces de la vie l'emportent sur les forces de la mort.
Je vous remercie.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 novembre 2014
Monsieur le Président d'Élus contre le Sida, Cher Jean Luc Romero,
Mesdames, Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je suis très heureuse de l'invitation qui m'a été faite par Jean-Luc Romero, que je le salue chaleureusement. Depuis 1995, ELCS permet que la lutte contre le sida reste une priorité des politiques de santé publique et mobilise tous les élus à s'investir dans ce combat. Il était important pour moi d'être parmi vous aujourd'hui pour m'associer à votre démarche et témoigner de l'importance de votre association.
Il est peu de sujet où la parole politique s'avance avec plus de gravité, d'humilité et de circonspection. Avant d'être un virus, le sida est une maladie intime, qui confronte les sujets qui en sont atteint à l'expérience la plus douloureuse, la plus traumatique et la plus tragique qui soit.
Lorsque le diagnostic est annoncé au patient, sa vie bascule et son existence comme celle de ses proches se trouve bouleversée. La maladie qui touche les personnes séropositives est une épreuve individuelle et collective, personnelle et familiale, physique et psychologique.
En plus de l'affaiblissement, de l'angoisse, c'est hélas souvent à la solitude et au rejet que les personnes atteintes du sida sont le plus souvent confrontées.
L'action de la France en matière de lutte contre le sida a depuis plus de vingt ans fait d'indéniables progrès et je tiens à saluer la mobilisation de tous : celle des médecins, celle des professionnels, celle des associations, et bien évidemment celle des élus.
Beaucoup de chemin a été parcouru, mais celui qui reste est immense. Aujourd'hui encore en France, on compte plus de 6.000 nouveaux cas d'infection par le VIH chaque année. Près de 150.000 personnes sont séropositives et près de 40.000 à 50.000 personnes sont infectées par le virus sans le savoir et donc sans suivre de traitement.
Les chiffres du sida ne diminuent plus depuis 2007, tel que l'a révélé le rapport annuel de l'Institut national de Veille Sanitaire. Cette inquiétude, vous le savez, est plus grande encore dans nos Outremer où les taux de contaminations sont particulièrement élevés, notamment en Guadeloupe et en Guyane, où ils s'avèrent deux à trois fois plus importants qu'en Ile de France, alors que cette région est elle-même la plus touchée de l'Hexagone. L'Ile de France abrite aussi une forte communauté antillaise.
La lutte contre le sida est un enjeu majeur pour la France et pour ses territoires d'Outre-mer. Toutes personnes confondues, les départements d'Outre-mer représentent 8% des personnes ayant découverts leur séropositivité. On ne peut rester indifférent devant cette tragédie du quotidien. C'est une cause à laquelle le gouvernement doit se consacrer entièrement. Ce n'est pas une décision à prendre, c'est un devoir à accomplir. Jean-Luc Romero rappelle souvent cette phrase du professeur Rozenbaum, que je me permets de reprendre à mon tour : « Le sida se soigne aussi par la politique. »
Lutter contre ce fléau, empêcher qu'il se propage, prendre soin des personnes touchées, c'est refuser la fatalité, et c'est uvrer au service de la vie. C'est faire cause commune pour venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin, c'est rendre notre société plus humaine, plus juste et plus solidaire. La lutte contre le VIH doit transcender les clivages politiques. Ce n'est pas une lutte idéologique. C'est une lutte pour la vie-même. Si le terme de communauté nationale a bien un sens, c'est celui d'affronter ensemble les maux qui touchent les plus fragiles d'entre nous. En son fondement, à quoi d'autre sert la politique ? La Caraïbe est la deuxième région au monde la plus concernée par le VIH/sida. Les départements français d'Amérique sont hélas les régions de France les plus touchées par l'infection.
Le ministère des Outre-mer, quel que soit le ministre en exercice, est régulièrement intervenu au cours des dernières années, notamment dans l'élaboration du volet outre-mer du plan national français de lutte contre le VIH/SIDA/IST 2010-2014 qui s'appuie sur les recommandations des experts du Conseil national du sida pour la Guyane et pour les Antilles. Le Ministère des Outre-mer participe au financement du plan de lutte contre le VIH outre-mer. Ces crédits sont particulièrement nécessaires aux associations qui mettent en uvre les actions de terrain. Le ministère s'est impliqué dans la mise en uvre du plan national, en particulier sur la prévention de la maladie et sur la recherche. Aux côtés du directeur général de la Santé, le ministère a financé des programmes innovants d'études ou de soutien aux associations locales. La lutte contre le VIH s'articule pour les outre-mer autour de six axes principaux : la prévention, le dépistage, la prise en charge des malades et la lutte contre les discriminations, la recherche et la coopération sanitaire. Il est indispensable que ce combat aux Antilles soit mené en adaptant les actions aux caractéristiques et aux modes de vie des populations concernées. Celles-ci doivent être par ailleurs pleinement intégrées dans les stratégies régionales de santé. La lutte contre les discriminations et le renforcement de l'égalité pour l'accès aux droits, à la prévention et aux soins guident aussi particulièrement notre action. Nous nous sommes donnés pour objectif la réduction de moitié, d'ici la fin du quinquennat de l'incidence des infections par le VIH dans les Antilles-Guyane et de la diminution de moitié également de la proportion de personnes découvrant leur séropositivité au stade sida.
La nécessité du port du préservatif pour se protéger du virus n'est pas encore, au regard des enquêtes, suffisamment intégrée dans les DOM, le dépistage fréquent n'est pas encore entré dans les murs. Ces états de fait contribuent à la diffusion de la maladie. La transmission du VIH aux Antilles/Guyane est par ailleurs à dominante hétérosexuelle et il faut le répéter à nos concitoyens. Des messages de prévention clairs et ciblés doivent être dirigés en direction de la population hétérosexuelle.
La prévention sanitaire doit toujours être adossée à une éthique de la responsabilité. La prévention et l'information sanitaire, ce n'est pas confondre prévention et prédication, ce n'est pas non plus employé un discours de la culpabilité qui infantilise toujours plus qu'il ne responsabilise. C'est au contraire s'adresser à des sujets humains, plutôt que de viser des cibles ou des conduites anonymes. C'est la raison pour laquelle l'action de santé, si elle nécessite non seulement une vaste diffusion de l'information à l'intention des publics, doit toujours veiller à cheminer de pair avec une adresse spécifique à chaque individu. Notre conception de la prévention sanitaire doit continuer de se soutenir d'une proposition éthique qui rappelle à tous, hommes et femmes, parents, adolescents, que leur santé est la leur, qu'ils en sont tout autant les dépositaires que les garants. Ainsi pourrons nous nous attaquer, ensemble et de plain-pied, aux comportements à risques comme aux déterminations aliénantes qui les génèrent.
Mais pour agir au mieux contre ce fléau, il est également important que cette maladie qui reste encore taboue, voir indicible puisse sortir de la honte, de l'ignorance et de la suspicion dont elle est particulièrement frappées dans les territoires ultramarins. Ceux qui souffrent dans leur corps ne doivent pas en plus souffrir du regard des autres. On connaît malheureusement, dans l'esprit des hommes, le lien ancestral entre la maladie et le mal moral, entre la souffrance et la faute. Le travail de la civilisation doit non seulement permettre que le progrès scientifique enraye ce fléau, mais aussi que le progrès politique et moral ne rejette pas ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. Le combat doit être non seulement épidémiologique, mais également sociétal.
Le sida reste une maladie inavouable, et ce tout particulièrement dans nos Outre-mer. Dire sa séropositivité reste très difficile. En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, plus de la moitié des personnes contaminées gardent le secret vis-à-vis de leur proche. Lorsque l'on est fragilisé, il est indispensable que l'on soit soutenu, il est inconcevable que l'on soit isolé. Il nous faut lutter contre les discriminations à l'encontre des personnes séropositives, dans l'emploi, dans la vie quotidienne, et dans les mentalités en général.
Pour les personnes porteuses du VIH la discrimination a de nombreuses facettes. Elle est due à la séropositivité, mais elle peut provenir également de la condition sociale. Les forts taux d'immigration viennent parfois accentuer encore ces phénomènes de discriminations. Pour lutter contre les discriminations et améliorer l'intégration des personnes vivant avec le VIH, il faut continuer à uvrer pour favoriser les prises en charge précoces et continues et d'améliorer les conditions d'hébergement et de logement. L'accès ou le maintien dans l'emploi et l'insertion professionnelle des personnes atteintes constituent également une priorité. Cependant, la mise en uvre d'actions permettant de lutter contre les discriminations et de mieux intégrer les personnes vivant avec le VIH dans la société doit reposer sur les associations qui ont la meilleure connaissance de la population concernée et qui peuvent assurer des actions très ciblées. Ces associations sont encore insuffisamment structurées aux Antilles. Il est donc très important qu'elles puissent être soutenues financièrement et c'est ce que nous nous employons à faire avec les Agences régionales de santé. À tous les âges, ces actions conjointes d'information, de prvention et de déconstruction des préjugés doivent être menées. Il nous faut désormais faire preuve d'une détermination plus grande pour voir notre lutte aboutir. Les réunions d'associations et d'élus sont un instrument important cette réussite. Dans cette même perspective, il faut agir en direction du grand public en renforçant le champ de la prévention et de l'information. Des agoras citoyennes doivent pouvoir voir le jour en prélude des États généraux du sida. Il est important que ces évènements soient relayés par des campagnes de communications, portées par des personnalités du monde de la culture, et permettent d'impacter le plus grand nombre de personnes afin d'installer la question du VIH dans l'opinion et le débat public. Je souhaite qu'une formation spécifique soit organisée en direction des assistants sociaux et de tous les professionnels en charge d'un suivi social afin qu'ils puissent au mieux prendre en charge les personnes séropositives, répondre aux questions, mais également combattre le déni de la maladie, la stigmatisation et la marginalisation.
La jeunesse est une population particulièrement exposée au virus et il est important que celle-ci soit également mieux informée et mieux éduquée à la santé. Une politique ambitieuse d'éducation à la vie affective et sexuelle au sein du monde scolaire doit être menée. Faire progresser la connaissance, permettre au dialogue de s'ouvrir chez les jeunes sur cette question est indispensable pour construire une véritable politique citoyenne qui aborde concrètement et sans faux semblant, la maladie, les risques de transmission, mais également la question du respect de l'Autre, de l'orientation sexuelle et des discriminations qui sévissent avec une force particulière. Dans cette perspective, je souhaite que soit créée une structure fixe de prévention et d'information pour les 13-25 ans, dans chaque DOM, qui permettra d'accueillir les jeunes. Ces structures pourraient prendre pour modèle le Cybercrips, qui existe déjà en Ile de France. Nous savons également que, dans les Outre-mer, le sida est lié aux facteurs économiques et sociaux. Des moyens d'accès aux outils de prévention doivent être mis en place. Il faut que puisse être mis à disposition dans les lieux publics, et notamment les lieux publics fréquentés par les plus jeunes, des préservatifs afin que le coût financier ne soit jamais un obstacle à la protection. Il faut également qu'en direction des populations les plus exposées, soit mis en place des opérations ciblées de dépistage rapide, notamment, quand cela est possible, via des unités mobiles, afin de prendre en charge le plus rapidement possible les personnes contaminées et d'endiguer les risques de contamination.
Lutter ensemble contre le sida, prendre soin des personnes touchées et empêchée que d'autres ne soient contaminées, permettre aux personnes séropositives de conserver leur place au sein de notre société et d'y trouver du soutien, c'est uvrer pour la vie. C'est travailler à faire reculer la peur, les souffrances, les inégalités. C'est rendre notre société plus humaine, plus juste et plus solidaire. La solidarité nationale, c'est l'exercice en acte de la fraternité.
La solidarité de l'ensemble de la communauté nationale avec les personnes atteintes du sida est une obligation de chacun vis-à-vis d'autrui. Elle est la condition de la dignité de tous, et la condition pour que nous partagions un monde commun.
Notre pays doit continuer à faire de la recherche, de la prévention et de la prise en charge du sida une mission privilégiée. Ce n'est pas une prérogative qui l'honore. C'est une mission qui lui incombe. Ce n'est rien moins que de contribuer à l'effort de la civilisation, pour que les forces de la vie l'emportent sur les forces de la mort.
Je vous remercie.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 novembre 2014