Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Bonjour.
PATRICK COHEN
Qu'avez-vous ressenti d'abord, hier à l'Assemblée nationale, lors de cette séance pas comme les autres ?
BERNARD CAZENEUVE
Une immense émotion.
PATRICK COHEN
Et vous avez eu votre part d'applaudissements aussi, Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais une immense émotion parce que c'est la première fois depuis très très longtemps, depuis, me dit-on, 1918, que l'on voit l'Assemblée nationale réunie dans la totalité de ses composantes, politiques, chantant « la Marseillaise » avec la volonté, incarnée par la représentation nationale, d'être ensemble, unie, dans un combat, dans une épreuve, pour dire aux terroristes qu'ils ne gagneront pas cette bataille. Il y avait beaucoup de force dans le discours du Premier ministre, une considérable émotion, il y avait beaucoup de dignité dans le comportement des parlementaires, et compte tenu de ce que nous avons vécu au cours de la dernière semaine, collectivement, et plus particulièrement ceux qui ont été en charge de neutraliser les terroristes, il y avait une immense émotion, et je crois que c'est l'une des émotions les plus intenses que le Premier ministre, moi-même, avons pu ressentir dans nos vies.
PATRICK COHEN
On a vu, dans l'hémicycle, d'une certaine façon, la gauche de la gauche, qui vous avait accablé après le drame de Sivens, réconciliée avec le ministre de l'Intérieur, et dimanche dernier les Français, réconciliés avec leur police ?
BERNARD CAZENEUVE
Pour moi ça c'est quelque chose très beau, parce que comme ministre de l'Intérieur je sais la part que prennent les forces de police dans le pays pour assurer la protection des Français. Bien avant cette tragédie j'ai vu les policiers et les gendarmes de France sur bien des sujets, où ils exposaient leur vie, être dans le respect des valeurs de la République, dans la volonté quotidienne, constante, de protéger les Français. Et je dois dire que dans les échanges que nous avons eus avec tous les groupes de l'Assemblée nationale, et vous faites référence au groupe écologiste, au groupe communiste, les échanges ont été de haute qualité, et je tiens à leur adresser, du fond du coeur, mes remerciements pour les propos qu'ils ont pu avoir, pour les réflexions qu'ils ont déployées. Et je veux leur dire, comme à tous les autres d'ailleurs, que dans le cadre de l'élaboration des mesures souhaitées par le Premier ministre, et dont il m'a confié pour partie l'élaboration, j'entends continuer à travailler de façon très étroite avec eux tous.
PATRICK COHEN
C'est un climat qui, dans le pays, au sein des forces politiques, va durer, qui peut durer, Bernard CAZENEUVE ?
BERNARD CAZENEUVE
Sur ce sujet, je le souhaite, le combat contre le terrorisme implique de la force, de la détermination, de la fermeté. Le combat contre le terrorisme implique, le Premier ministre l'a rappelé hier, que l'on trouve systématiquement l'équilibre, qui est celui de notre démocratie, entre la nécessité d'assurer la sécurité des Français, et d'assurer les libertés publiques. Il n'y a pas d'incompatibilité entre la protection des libertés publiques et plus d'efficacité, et pour cela il faut du consensus politique. La politique, bien entendu, dans la confrontation des points de vue, en démocratie, doit continuer à pouvoir se déployer, il y a bien des sujets, sur l'économie, sur les relations internationales, sur lesquels nous pouvons débattre, mais sur cette question-là, vraiment, comme l'a fait le Premier ministre hier, le président de la République inlassablement au cours des derniers jours, il faut de l'unité nationale, du rassemblement, de la force. Et dans le travail qui est le nôtre, nous allons continuer à essayer de faire en sorte que ce climat demeure.
PATRICK COHEN
On va essayer de regarder précisément ce que vous pourriez décider dans les prochains jours et les prochains mois. Contre le terrorisme Manuel VALLS a annoncé des mesures exceptionnelles, qui ne seront pas, a-t-il dit, des mesures d'exception. Est-ce que les Français doivent tout de même s'attendre à vivre dans un Etat un peu plus policier ?
BERNARD CAZENEUVE
Les Français doivent s'attendre à être protégés avec des mesures puissantes, et qui ne seront pas des mesures attentatoires aux libertés. De quoi s'agit-il ? Nous avons en réalité besoin d'agir sur trois domaines. D'abord nous avons besoin de doter nos forces, services de renseignement, forces de police et de gendarmerie, des moyens d'une intervention efficace.
PATRICK COHEN
Qui ne sont pas à la hauteur aujourd'hui ?
BERNARD CAZENEUVE
Elles ne sont pas à la hauteur parce que des postes ont été supprimés, nous en avons recréés, notamment au sein de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, 432 postes sont programmés, plus de 140 ont déjà été recrutés, 140 le seront en 2015, mais si l'on veut faire face à cette menace protéiforme, avec un nombre de personnes, de plus en plus nombreuses, qui partent sur le terrain des opérations terroristes, des cellules qui sont des cellules dormantes, il faut des moyens.
PATRICK COHEN
Et former pour lutter contre l'islamisme radical !
BERNARD CAZENEUVE
Mais bien entendu, donc il faut que nous ayons des compétences, d'ingénieurs, de linguistes, qui soient mobilisées, et d'autres encore, ça c'est une priorité. Deuxièmement et puis il faut aussi des moyens technologiques. Moi j'avais fait des propositions, il y a de ça quelques semaines simplement, au Premier ministre, sur la modernisation de nos systèmes d'information, nos infrastructures, nos applications informatiques, c'est déterminant, nous avons aussi besoin de cela.
PATRICK COHEN
Donc plus de moyens pour le renseignement intérieur.
BERNARD CAZENEUVE
Deuxièmement, il faut des évolutions juridiques. Si l'on veut pouvoir, dans le respect des libertés publiques, mieux contrôler ceux qui peuvent représenter un risque, il faut qu'un certain nombre de conditions soient réunies, mais davantage d'informations partagées entre renseignements pénitentiaires, renseignements, émanant du ministère de l'Intérieur, entre justice et ministère de l'Intérieur, il faut pouvoir suivre tous ceux qui ont été impliqués dans des activités terroristes, et durablement
PATRICK COHEN
Par un fichier spécifique.
BERNARD CAZENEUVE
Exactement, c'est l'idée de la création d'un fichier spécifique à l'instar de ce qui se passe pour les délinquants auteurs de crimes sexuels. Il faut que nous soyons en situation, aussi, de coopérer de façon plus étroite encore avec les services de renseignement étrangers avec lesquels nous avons besoin de partager des informations. Nous avons besoin, aussi, sur le plan juridique, de voir des outils européens évoluer, je relance ici, comme l'a fait le Premier ministre à l'Assemblée nationale, comme je l'ai fait au Sénat, un appel au Parlement européen pour qu'il débloque le dossier PNR, en contrepartie de quoi nous pourrions prendre des mesures de protection des données, plus puissantes, parce qu'il faut toujours respecter cet équilibre. Il faut aussi que nous ayons une réflexion sur Schengen, une application plus souple du Code Schengen dans le cadre de la réglementation Schengen existante, et puis une évolution du Code Schengen pour pouvoir procéder, dans les aéroports notamment, à des contrôles plus systématiques pour un certain nombre de provenances.
PATRICK COHEN
Bernard CAZENEUVE, quand vous parlez d'évolutions juridiques, est-ce que ça veut dire qu'on pourrait lever un petit peu la tutelle judiciaire sur certaines opérations policières ? On a entendu, depuis quelques jours, des policiers se plaindre des contraintes juridiques qui pèsent sur eux, y compris dans les enquêtes antiterroristes, Bernard SQUARCINI, qui dirigeait le Renseignement intérieur sous le quinquennat de Nicolas SARKOZY, disait hier dans Le Figaro qu'il y avait des obstacles juridiques qui se dressaient devant certaines enquêtes, il pensait notamment à la question de la CNCIS qui contrôle les écoutes téléphoniques.
BERNARD CAZENEUVE
Non mais, la CNCIS, il faut être juste sur l'activité de la CNCIS. La CNCIS émet un avis, cet avis ne lie pas le gouvernement, mais le gouvernement peut passer outre les avis de la CNCIS, c'est le droit. Il est vrai que lorsque le gouvernement passe trop souvent outre les avis de la CNCIS, cela peut poser des problèmes, dans un Etat de droit. Donc il faut, autour de ce fichier, dont a parlé le Premier ministre, et qui concerne spécifiquement ceux qui ont été impliqués dans des activités terroristes, que nous puissions procéder à des interceptions de sécurité plus longues, plus nombreuses, plus systématiques, en donnant à la CNCIS la possibilité de contrôler les conditions dans lesquelles nous le faisons. Il y a tout un dispositif à bâtir, c'est ce sur quoi je suis mobilisé, depuis maintenant plusieurs jours, avec la nécessité d'aller vite, de le faire dans le consensus républicain, et de le faire dans le respect de ce qu'est l'Etat de droit, comme le Premier ministre et le président de la République l'ont dit hier.
PATRICK COHEN
Pour la surveillance d'Internet, qu'est-ce qu'il est possible de faire de plus ?
BERNARD CAZENEUVE
Sur la surveillance d'Internet, souvenez-vous du débat que nous avons eu, Patrick COHEN, lorsque j'ai présenté mon texte de loi, on parlait des interceptions de sécurité. J'avais proposé dans mon texte de loi de faire passer de 10 à 30 jours la durée de conservation des interceptions de sécurité pour pouvoir procéder à leur analyse dans le détail, parce qu'on a des interceptions en langues complexes, ce qui implique la mobilisation de compétences multiples, linguistiques et autres, et à ce moment-là je n'ai pas trouvé d'accord avec le Parlement pour le faire. Il y avait l'interrogation de savoir si la durée de ces interceptions, de conservation de ces interceptions, ne posait pas problème. Aujourd'hui on se rend compte que nous étions quand même dans la lucidité lorsque je proposais cela. Lorsqu'il y a eu le débat sur Internet, blocage administratif des sites, déréférencement, on a eu des débats sans fin à l'Assemblée nationale, il y a eu des prises de position médiatique sur le thème « le ministre veut inventer le meilleur des mondes »
PATRICK COHEN
Donc vous allez revenir à la charge.
BERNARD CAZENEUVE
Nous l'avons fait, la loi a été adoptée, les décrets d'application de ces dispositions concernant le blocage administratif des sites et le déréférencement des sites seront adoptés au début du mois de février, donc dans 1 mois la totalité de ces dispositions sont en vigueur. Il faut aller plus loin, mais aller plus loin dans une sensibilisation des grands opérateurs Internet. Ce qui m'a frappé dimanche dernier à Paris, à l'occasion de la réunion des ministres de l'Intérieur, c'est la volonté de tous les ministres de l'Intérieur, y compris les ministres américains, qui ont toujours eu une position assez ouverte sur ces sujets-là, de faire en sorte que nous ayons un contact étroit avec Twitter, Google, et autres opérateurs, Facebook, pour dire « attention, là il y a un problème particulier, il faut vous mobiliser avec nous. » Il y a un travail de sensibilisation considérable à faire. Je me rendrai d'ailleurs prochainement aux Etats-Unis pour rencontrer mes homologues et pour rencontrer aussi ces grands opérateurs d'Internet, afin de les sensibiliser.
PATRICK COHEN
Je vous pose la même question qu'à François FILLON hier. Est-ce qu'il est raisonnable aujourd'hui, pour un responsable public français, de promettre ou de laisser croire à un risque zéro en matière d'attentats terroristes ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, Patrick COHEN, je ne l'ai jamais fait. Le Premier ministre, le président de la République, moi-même, nous n'avons cessé de dire, avant même que ces attentats se produisent, que le risque était réel, et que nous étions en alerte maximale. Je n'ai cessé de dire que 100 % de précautions ne font pas le risque zéro, mais que zéro précaution c'est 100 % de risques. Donc je redis ça à votre antenne, je l'ai dit inlassablement, il faut que les Français sachent la vérité, on la leur doit, et en même temps il faut qu'ils sachent que nous sommes dans une mobilisation maximale, face à un risque majeur, qui mobilise toutes les administrations européennes face à un terrorisme aujourd'hui en libre accès pour des raisons qui tiennent notamment à la numérisation de la société.
PATRICK COHEN
Vous avez lu Charlie ce matin ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, oui, bien sûr.
PATRICK COHEN
Bien sûr, le ministre de l'Intérieur est toujours le premier informé, le premier à lire les journaux.
BERNARD CAZENEUVE
Ça vous étonne ? Non, j'ai lu les articles, parfois même critiques, j'ai retrouvé la liberté de ton, et j'ai retrouvé aussi une grande espérance dans cette impertinence qu'est celle de Charlie Hebdo, c'est ce que je qualifierais ce matin d'impertinence tendre.Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 janvier 2015
Bonjour Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Bonjour.
PATRICK COHEN
Qu'avez-vous ressenti d'abord, hier à l'Assemblée nationale, lors de cette séance pas comme les autres ?
BERNARD CAZENEUVE
Une immense émotion.
PATRICK COHEN
Et vous avez eu votre part d'applaudissements aussi, Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais une immense émotion parce que c'est la première fois depuis très très longtemps, depuis, me dit-on, 1918, que l'on voit l'Assemblée nationale réunie dans la totalité de ses composantes, politiques, chantant « la Marseillaise » avec la volonté, incarnée par la représentation nationale, d'être ensemble, unie, dans un combat, dans une épreuve, pour dire aux terroristes qu'ils ne gagneront pas cette bataille. Il y avait beaucoup de force dans le discours du Premier ministre, une considérable émotion, il y avait beaucoup de dignité dans le comportement des parlementaires, et compte tenu de ce que nous avons vécu au cours de la dernière semaine, collectivement, et plus particulièrement ceux qui ont été en charge de neutraliser les terroristes, il y avait une immense émotion, et je crois que c'est l'une des émotions les plus intenses que le Premier ministre, moi-même, avons pu ressentir dans nos vies.
PATRICK COHEN
On a vu, dans l'hémicycle, d'une certaine façon, la gauche de la gauche, qui vous avait accablé après le drame de Sivens, réconciliée avec le ministre de l'Intérieur, et dimanche dernier les Français, réconciliés avec leur police ?
BERNARD CAZENEUVE
Pour moi ça c'est quelque chose très beau, parce que comme ministre de l'Intérieur je sais la part que prennent les forces de police dans le pays pour assurer la protection des Français. Bien avant cette tragédie j'ai vu les policiers et les gendarmes de France sur bien des sujets, où ils exposaient leur vie, être dans le respect des valeurs de la République, dans la volonté quotidienne, constante, de protéger les Français. Et je dois dire que dans les échanges que nous avons eus avec tous les groupes de l'Assemblée nationale, et vous faites référence au groupe écologiste, au groupe communiste, les échanges ont été de haute qualité, et je tiens à leur adresser, du fond du coeur, mes remerciements pour les propos qu'ils ont pu avoir, pour les réflexions qu'ils ont déployées. Et je veux leur dire, comme à tous les autres d'ailleurs, que dans le cadre de l'élaboration des mesures souhaitées par le Premier ministre, et dont il m'a confié pour partie l'élaboration, j'entends continuer à travailler de façon très étroite avec eux tous.
PATRICK COHEN
C'est un climat qui, dans le pays, au sein des forces politiques, va durer, qui peut durer, Bernard CAZENEUVE ?
BERNARD CAZENEUVE
Sur ce sujet, je le souhaite, le combat contre le terrorisme implique de la force, de la détermination, de la fermeté. Le combat contre le terrorisme implique, le Premier ministre l'a rappelé hier, que l'on trouve systématiquement l'équilibre, qui est celui de notre démocratie, entre la nécessité d'assurer la sécurité des Français, et d'assurer les libertés publiques. Il n'y a pas d'incompatibilité entre la protection des libertés publiques et plus d'efficacité, et pour cela il faut du consensus politique. La politique, bien entendu, dans la confrontation des points de vue, en démocratie, doit continuer à pouvoir se déployer, il y a bien des sujets, sur l'économie, sur les relations internationales, sur lesquels nous pouvons débattre, mais sur cette question-là, vraiment, comme l'a fait le Premier ministre hier, le président de la République inlassablement au cours des derniers jours, il faut de l'unité nationale, du rassemblement, de la force. Et dans le travail qui est le nôtre, nous allons continuer à essayer de faire en sorte que ce climat demeure.
PATRICK COHEN
On va essayer de regarder précisément ce que vous pourriez décider dans les prochains jours et les prochains mois. Contre le terrorisme Manuel VALLS a annoncé des mesures exceptionnelles, qui ne seront pas, a-t-il dit, des mesures d'exception. Est-ce que les Français doivent tout de même s'attendre à vivre dans un Etat un peu plus policier ?
BERNARD CAZENEUVE
Les Français doivent s'attendre à être protégés avec des mesures puissantes, et qui ne seront pas des mesures attentatoires aux libertés. De quoi s'agit-il ? Nous avons en réalité besoin d'agir sur trois domaines. D'abord nous avons besoin de doter nos forces, services de renseignement, forces de police et de gendarmerie, des moyens d'une intervention efficace.
PATRICK COHEN
Qui ne sont pas à la hauteur aujourd'hui ?
BERNARD CAZENEUVE
Elles ne sont pas à la hauteur parce que des postes ont été supprimés, nous en avons recréés, notamment au sein de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, 432 postes sont programmés, plus de 140 ont déjà été recrutés, 140 le seront en 2015, mais si l'on veut faire face à cette menace protéiforme, avec un nombre de personnes, de plus en plus nombreuses, qui partent sur le terrain des opérations terroristes, des cellules qui sont des cellules dormantes, il faut des moyens.
PATRICK COHEN
Et former pour lutter contre l'islamisme radical !
BERNARD CAZENEUVE
Mais bien entendu, donc il faut que nous ayons des compétences, d'ingénieurs, de linguistes, qui soient mobilisées, et d'autres encore, ça c'est une priorité. Deuxièmement et puis il faut aussi des moyens technologiques. Moi j'avais fait des propositions, il y a de ça quelques semaines simplement, au Premier ministre, sur la modernisation de nos systèmes d'information, nos infrastructures, nos applications informatiques, c'est déterminant, nous avons aussi besoin de cela.
PATRICK COHEN
Donc plus de moyens pour le renseignement intérieur.
BERNARD CAZENEUVE
Deuxièmement, il faut des évolutions juridiques. Si l'on veut pouvoir, dans le respect des libertés publiques, mieux contrôler ceux qui peuvent représenter un risque, il faut qu'un certain nombre de conditions soient réunies, mais davantage d'informations partagées entre renseignements pénitentiaires, renseignements, émanant du ministère de l'Intérieur, entre justice et ministère de l'Intérieur, il faut pouvoir suivre tous ceux qui ont été impliqués dans des activités terroristes, et durablement
PATRICK COHEN
Par un fichier spécifique.
BERNARD CAZENEUVE
Exactement, c'est l'idée de la création d'un fichier spécifique à l'instar de ce qui se passe pour les délinquants auteurs de crimes sexuels. Il faut que nous soyons en situation, aussi, de coopérer de façon plus étroite encore avec les services de renseignement étrangers avec lesquels nous avons besoin de partager des informations. Nous avons besoin, aussi, sur le plan juridique, de voir des outils européens évoluer, je relance ici, comme l'a fait le Premier ministre à l'Assemblée nationale, comme je l'ai fait au Sénat, un appel au Parlement européen pour qu'il débloque le dossier PNR, en contrepartie de quoi nous pourrions prendre des mesures de protection des données, plus puissantes, parce qu'il faut toujours respecter cet équilibre. Il faut aussi que nous ayons une réflexion sur Schengen, une application plus souple du Code Schengen dans le cadre de la réglementation Schengen existante, et puis une évolution du Code Schengen pour pouvoir procéder, dans les aéroports notamment, à des contrôles plus systématiques pour un certain nombre de provenances.
PATRICK COHEN
Bernard CAZENEUVE, quand vous parlez d'évolutions juridiques, est-ce que ça veut dire qu'on pourrait lever un petit peu la tutelle judiciaire sur certaines opérations policières ? On a entendu, depuis quelques jours, des policiers se plaindre des contraintes juridiques qui pèsent sur eux, y compris dans les enquêtes antiterroristes, Bernard SQUARCINI, qui dirigeait le Renseignement intérieur sous le quinquennat de Nicolas SARKOZY, disait hier dans Le Figaro qu'il y avait des obstacles juridiques qui se dressaient devant certaines enquêtes, il pensait notamment à la question de la CNCIS qui contrôle les écoutes téléphoniques.
BERNARD CAZENEUVE
Non mais, la CNCIS, il faut être juste sur l'activité de la CNCIS. La CNCIS émet un avis, cet avis ne lie pas le gouvernement, mais le gouvernement peut passer outre les avis de la CNCIS, c'est le droit. Il est vrai que lorsque le gouvernement passe trop souvent outre les avis de la CNCIS, cela peut poser des problèmes, dans un Etat de droit. Donc il faut, autour de ce fichier, dont a parlé le Premier ministre, et qui concerne spécifiquement ceux qui ont été impliqués dans des activités terroristes, que nous puissions procéder à des interceptions de sécurité plus longues, plus nombreuses, plus systématiques, en donnant à la CNCIS la possibilité de contrôler les conditions dans lesquelles nous le faisons. Il y a tout un dispositif à bâtir, c'est ce sur quoi je suis mobilisé, depuis maintenant plusieurs jours, avec la nécessité d'aller vite, de le faire dans le consensus républicain, et de le faire dans le respect de ce qu'est l'Etat de droit, comme le Premier ministre et le président de la République l'ont dit hier.
PATRICK COHEN
Pour la surveillance d'Internet, qu'est-ce qu'il est possible de faire de plus ?
BERNARD CAZENEUVE
Sur la surveillance d'Internet, souvenez-vous du débat que nous avons eu, Patrick COHEN, lorsque j'ai présenté mon texte de loi, on parlait des interceptions de sécurité. J'avais proposé dans mon texte de loi de faire passer de 10 à 30 jours la durée de conservation des interceptions de sécurité pour pouvoir procéder à leur analyse dans le détail, parce qu'on a des interceptions en langues complexes, ce qui implique la mobilisation de compétences multiples, linguistiques et autres, et à ce moment-là je n'ai pas trouvé d'accord avec le Parlement pour le faire. Il y avait l'interrogation de savoir si la durée de ces interceptions, de conservation de ces interceptions, ne posait pas problème. Aujourd'hui on se rend compte que nous étions quand même dans la lucidité lorsque je proposais cela. Lorsqu'il y a eu le débat sur Internet, blocage administratif des sites, déréférencement, on a eu des débats sans fin à l'Assemblée nationale, il y a eu des prises de position médiatique sur le thème « le ministre veut inventer le meilleur des mondes »
PATRICK COHEN
Donc vous allez revenir à la charge.
BERNARD CAZENEUVE
Nous l'avons fait, la loi a été adoptée, les décrets d'application de ces dispositions concernant le blocage administratif des sites et le déréférencement des sites seront adoptés au début du mois de février, donc dans 1 mois la totalité de ces dispositions sont en vigueur. Il faut aller plus loin, mais aller plus loin dans une sensibilisation des grands opérateurs Internet. Ce qui m'a frappé dimanche dernier à Paris, à l'occasion de la réunion des ministres de l'Intérieur, c'est la volonté de tous les ministres de l'Intérieur, y compris les ministres américains, qui ont toujours eu une position assez ouverte sur ces sujets-là, de faire en sorte que nous ayons un contact étroit avec Twitter, Google, et autres opérateurs, Facebook, pour dire « attention, là il y a un problème particulier, il faut vous mobiliser avec nous. » Il y a un travail de sensibilisation considérable à faire. Je me rendrai d'ailleurs prochainement aux Etats-Unis pour rencontrer mes homologues et pour rencontrer aussi ces grands opérateurs d'Internet, afin de les sensibiliser.
PATRICK COHEN
Je vous pose la même question qu'à François FILLON hier. Est-ce qu'il est raisonnable aujourd'hui, pour un responsable public français, de promettre ou de laisser croire à un risque zéro en matière d'attentats terroristes ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, Patrick COHEN, je ne l'ai jamais fait. Le Premier ministre, le président de la République, moi-même, nous n'avons cessé de dire, avant même que ces attentats se produisent, que le risque était réel, et que nous étions en alerte maximale. Je n'ai cessé de dire que 100 % de précautions ne font pas le risque zéro, mais que zéro précaution c'est 100 % de risques. Donc je redis ça à votre antenne, je l'ai dit inlassablement, il faut que les Français sachent la vérité, on la leur doit, et en même temps il faut qu'ils sachent que nous sommes dans une mobilisation maximale, face à un risque majeur, qui mobilise toutes les administrations européennes face à un terrorisme aujourd'hui en libre accès pour des raisons qui tiennent notamment à la numérisation de la société.
PATRICK COHEN
Vous avez lu Charlie ce matin ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, oui, bien sûr.
PATRICK COHEN
Bien sûr, le ministre de l'Intérieur est toujours le premier informé, le premier à lire les journaux.
BERNARD CAZENEUVE
Ça vous étonne ? Non, j'ai lu les articles, parfois même critiques, j'ai retrouvé la liberté de ton, et j'ai retrouvé aussi une grande espérance dans cette impertinence qu'est celle de Charlie Hebdo, c'est ce que je qualifierais ce matin d'impertinence tendre.Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 janvier 2015