Texte intégral
G. Morin Le chef des députés socialistes que vous êtes a vécu une séance calme, hier, à l'Assemblée. On s'attendait à des remous, notamment avec cette affaire de l'immunité concernant le Président de la République. Finalement, les choses sont calmes. Chaque parti veut que cela rentre dans l'ordre, que ce soit le cessez-le-feu ?
- "Les députés socialistes souhaitent que l'Assemblée nationale, notamment lors des Questions d'actualité, soit un lieu de débat politique et non pas le lieu où on entretient une sorte de feuilleton judiciaire. L'Assemblée nationale n'est pas un prétoire. La justice fait son travail doit faire son travail en toute indépendance, comme l'a rappelé E. Guigou, sans que le politique intervienne dans le déroulement des instructions. C'est d'ailleurs la pratique depuis 1997, ce n'était pas le cas avant. On se souvient des interventions de M. Toubon. Donc, laissons la justice faire son travail et nous, débattons des questions qui intéressent les Français."
Pourtant, la semaine dernière, d'après un sondage, les Français demandaient des informations au Président de la République sur cette affaire de la cassette Méry. Il y a une attente.
- "Sans doute, mais je dirais que la question est posée au Président de la République, pas à l'Assemblée nationale. D'autre part, c'est un dossier complexe, multiple, qui évidemment met en cause un principal parti de l'opposition mais qui relève de la justice. Donc on n'a pas à évoquer ces dossiers en permanence dans l'hémicycle."
Donc, pas forcément des poursuites parce que ce n'est pas permis par la Constitution. Mais vous dites que si le Président s'exprimait, ce serait bien ?
- "C'est sa décision, je n'ai pas de conseil à donner. En ce qui me concerne, je dirais que J. Chirac est Président de la République, on doit respecter sa fonction. Mais il est aussi le principal leader de l'opposition, je le combats politiquement et sur ses options, sur ses projets ou l'absence de ses projets. C'est cela le débat politique. Si on veut intéresser les Français, il ne faut pas descendre toujours vers le bas. Il faut au contraire parler des questions économiques, sociales et internationales."
Il y a une autre question en suspens qui a été effacée ou reportée, c'est l'affaire du calendrier électoral. Faut-il d'abord élire un Président de la République avant d'élire les députés ? Certains ont dit : faisons cela en 2002. C'est trop tôt pour en parler ?
- "Les élections présidentielles ou législatives - on verra dans quel ordre - c'est en 2002. Nous sommes en octobre 2000 et nous avons quand même beaucoup d'autres choses à faire. Nous sortons d'un débat sur les institutions, avec un référendum qu'on peut dire quand même raté parce que 70 % d'abstentions, c'est un signe. Donc, je ne crois pas que les Français soient en attente d'un nouveau débat institutionnel. Si on n'a pas compris cela, décidément, c'est qu'on est vraiment sourd ou aveugle."
Cette discussion sur le calendrier peut revenir dans un an?
- "On verra cela le moment venu. Pour l'instant, il n'y a aucune raison de changer les dates. La législature est de cinq ans. Elle doit aller jusqu'au bout."
Pour finir sur ce chapitre des élections-dissolution, il y a cette proposition d'A. Madelin d'aller plus vite devant les électeurs, c'est-à-dire de dissoudre l'Assemblée nationale. Cela vous paraît aberrant ?
- "La France n'est pas en crise. La France est une démocratie vivante avec comme toujours des moments de passions. Il n'y a pas de raison de changer les dates et en particulier de raccourcir les échéances. Laissons les uns et les autres aller jusqu'au bout de leur mandat. Il y a suffisamment à faire au service du pays."
Vous dites que la France n'est pas en crise. On a quand même vu que le moral des Français en a pris un coup depuis quelque temps, malgré les bons indicateurs notamment pour la croissance par rapport à l'inflation. N'y a-t-il pas de risques pour l'avenir ? Des nuages s'amoncellent ?
- "C'est une vraie question. Nous avons remis la France en mouvement. La croissance est revenue et on voit les conséquences : c'est le recul du chômage. Mais il faut surtout consolider cette situation, c'est important. Et donc la manière dont le politique va se comporter, s'exprimer, a aussi des conséquences sur le moral des Français. Ne nous laissons pas aller à nos petits jeux politiciens mais travaillons sur les questions importantes et notamment celle que vous venez d'évoquer : consolider la croissance et faire reculer le chômage. Et puis aussi, peut-être reparler d'un meilleur partage des fruits de la croissance. On va y venir avec le budget, on commence."
Ce budget que vous allez discuter dans les jours qui viennent ne décourage-t-il pas les classes moyennes qui ne sont pas tellement favorisées ?
- "On a vraiment un gros travail d'explication à faire parce que justement, concernant les baisses d'impôts, les catégories qui sont les plus concernées ce sont à la fois les classes moyennes - à travers l'impôt sur le revenu - mais aussi les classes les plus modestes, par la diminution voire la suppression de la CSG pour les salariés qui sont payés au Smic et un peu plus que le Smic. D'ailleurs, les députés socialistes ont proposé d'aller à 1,4 fois le Smic. Cela donnera pour ces salariés très modestes quasiment un 13ème mois de Smic, lorsque cette mesure sera en application. Donc, ce n'est pas rien! Je crois que c'est important que ceux qui vivent du revenu de leur travail se sentent encouragés plus que ceux qui vivent du seul revenu de leur capital."
Les hauts revenus vont voir leurs tranches d'imposition maximum abaissée et cela va énerver les communistes en particulier, voire certains socialistes. Vous vous attendez à un débat houleux ?
- "Houleux ! Nous avons un groupe qui est très vivant. Avec nos 255 députés, nous avons déjà débattu de cette question. Et nous avons l'intention de déposer un amendement, non pas pour remettre en cause les propositions du Gouvernement, mais pour les améliorer en particulier sur un point : supprimer certains privilèges fiscaux qui existent, et qui bénéficient à ceux qui ont les plus hauts revenus et qui bénéficient aussi de revenus de dividendes. Ce qu'on veut, c'est encourager le travail et les revenus du travail."
La France est donc toujours gouvernée à gauche ?
- "Je pense que les Français sont en attente de plus d'égalité, de plus d'équité aussi dans le partage des fruits de la croissance. Je pense que c'est le devoir de la gauche de l'entendre et d'agir de sorte que les Français se sentent concernés, sans additionner toutes les mesures catégorielles qui ne font pas une politique. Nous avons une politique cohérente, un cap de la croissance et du recul du chômage a été fixé - ce qu'il ne faut surtout pas oublier, parce qu'il y a encore 2,3 millions de chômeurs en France. C'est beaucoup trop, on le sait bien."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 20 décembre 2000)
- "Les députés socialistes souhaitent que l'Assemblée nationale, notamment lors des Questions d'actualité, soit un lieu de débat politique et non pas le lieu où on entretient une sorte de feuilleton judiciaire. L'Assemblée nationale n'est pas un prétoire. La justice fait son travail doit faire son travail en toute indépendance, comme l'a rappelé E. Guigou, sans que le politique intervienne dans le déroulement des instructions. C'est d'ailleurs la pratique depuis 1997, ce n'était pas le cas avant. On se souvient des interventions de M. Toubon. Donc, laissons la justice faire son travail et nous, débattons des questions qui intéressent les Français."
Pourtant, la semaine dernière, d'après un sondage, les Français demandaient des informations au Président de la République sur cette affaire de la cassette Méry. Il y a une attente.
- "Sans doute, mais je dirais que la question est posée au Président de la République, pas à l'Assemblée nationale. D'autre part, c'est un dossier complexe, multiple, qui évidemment met en cause un principal parti de l'opposition mais qui relève de la justice. Donc on n'a pas à évoquer ces dossiers en permanence dans l'hémicycle."
Donc, pas forcément des poursuites parce que ce n'est pas permis par la Constitution. Mais vous dites que si le Président s'exprimait, ce serait bien ?
- "C'est sa décision, je n'ai pas de conseil à donner. En ce qui me concerne, je dirais que J. Chirac est Président de la République, on doit respecter sa fonction. Mais il est aussi le principal leader de l'opposition, je le combats politiquement et sur ses options, sur ses projets ou l'absence de ses projets. C'est cela le débat politique. Si on veut intéresser les Français, il ne faut pas descendre toujours vers le bas. Il faut au contraire parler des questions économiques, sociales et internationales."
Il y a une autre question en suspens qui a été effacée ou reportée, c'est l'affaire du calendrier électoral. Faut-il d'abord élire un Président de la République avant d'élire les députés ? Certains ont dit : faisons cela en 2002. C'est trop tôt pour en parler ?
- "Les élections présidentielles ou législatives - on verra dans quel ordre - c'est en 2002. Nous sommes en octobre 2000 et nous avons quand même beaucoup d'autres choses à faire. Nous sortons d'un débat sur les institutions, avec un référendum qu'on peut dire quand même raté parce que 70 % d'abstentions, c'est un signe. Donc, je ne crois pas que les Français soient en attente d'un nouveau débat institutionnel. Si on n'a pas compris cela, décidément, c'est qu'on est vraiment sourd ou aveugle."
Cette discussion sur le calendrier peut revenir dans un an?
- "On verra cela le moment venu. Pour l'instant, il n'y a aucune raison de changer les dates. La législature est de cinq ans. Elle doit aller jusqu'au bout."
Pour finir sur ce chapitre des élections-dissolution, il y a cette proposition d'A. Madelin d'aller plus vite devant les électeurs, c'est-à-dire de dissoudre l'Assemblée nationale. Cela vous paraît aberrant ?
- "La France n'est pas en crise. La France est une démocratie vivante avec comme toujours des moments de passions. Il n'y a pas de raison de changer les dates et en particulier de raccourcir les échéances. Laissons les uns et les autres aller jusqu'au bout de leur mandat. Il y a suffisamment à faire au service du pays."
Vous dites que la France n'est pas en crise. On a quand même vu que le moral des Français en a pris un coup depuis quelque temps, malgré les bons indicateurs notamment pour la croissance par rapport à l'inflation. N'y a-t-il pas de risques pour l'avenir ? Des nuages s'amoncellent ?
- "C'est une vraie question. Nous avons remis la France en mouvement. La croissance est revenue et on voit les conséquences : c'est le recul du chômage. Mais il faut surtout consolider cette situation, c'est important. Et donc la manière dont le politique va se comporter, s'exprimer, a aussi des conséquences sur le moral des Français. Ne nous laissons pas aller à nos petits jeux politiciens mais travaillons sur les questions importantes et notamment celle que vous venez d'évoquer : consolider la croissance et faire reculer le chômage. Et puis aussi, peut-être reparler d'un meilleur partage des fruits de la croissance. On va y venir avec le budget, on commence."
Ce budget que vous allez discuter dans les jours qui viennent ne décourage-t-il pas les classes moyennes qui ne sont pas tellement favorisées ?
- "On a vraiment un gros travail d'explication à faire parce que justement, concernant les baisses d'impôts, les catégories qui sont les plus concernées ce sont à la fois les classes moyennes - à travers l'impôt sur le revenu - mais aussi les classes les plus modestes, par la diminution voire la suppression de la CSG pour les salariés qui sont payés au Smic et un peu plus que le Smic. D'ailleurs, les députés socialistes ont proposé d'aller à 1,4 fois le Smic. Cela donnera pour ces salariés très modestes quasiment un 13ème mois de Smic, lorsque cette mesure sera en application. Donc, ce n'est pas rien! Je crois que c'est important que ceux qui vivent du revenu de leur travail se sentent encouragés plus que ceux qui vivent du seul revenu de leur capital."
Les hauts revenus vont voir leurs tranches d'imposition maximum abaissée et cela va énerver les communistes en particulier, voire certains socialistes. Vous vous attendez à un débat houleux ?
- "Houleux ! Nous avons un groupe qui est très vivant. Avec nos 255 députés, nous avons déjà débattu de cette question. Et nous avons l'intention de déposer un amendement, non pas pour remettre en cause les propositions du Gouvernement, mais pour les améliorer en particulier sur un point : supprimer certains privilèges fiscaux qui existent, et qui bénéficient à ceux qui ont les plus hauts revenus et qui bénéficient aussi de revenus de dividendes. Ce qu'on veut, c'est encourager le travail et les revenus du travail."
La France est donc toujours gouvernée à gauche ?
- "Je pense que les Français sont en attente de plus d'égalité, de plus d'équité aussi dans le partage des fruits de la croissance. Je pense que c'est le devoir de la gauche de l'entendre et d'agir de sorte que les Français se sentent concernés, sans additionner toutes les mesures catégorielles qui ne font pas une politique. Nous avons une politique cohérente, un cap de la croissance et du recul du chômage a été fixé - ce qu'il ne faut surtout pas oublier, parce qu'il y a encore 2,3 millions de chômeurs en France. C'est beaucoup trop, on le sait bien."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 20 décembre 2000)