Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur les journées du patrimoine, notamment dans la région Rhône-Alpes, et le rôle des associtions dans la conservation du patrimoine, Villeurbanne le 6 septembre 2001.

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Circonstance : Présentation publique du guide "Passion Patrimoine - 101 associations du patrimoine en Rhône-Alpes", à l'usine hydroélectrique du Cusset (Villeurbanne) le 6 septembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Député-maire de Villeurbanne,
Monsieur le Président du Conseil général du Rhône,
Madame la Vice-Présidente du Conseil régional de Rhône-Alpes,
Monsieur le Délégué régional d'Electricité de France,
Monsieur le Président-Directeur général d'Hebdo Editions,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations du patrimoine,
Mesdames, Messieurs,
Passion Patrimoine : le titre est explicite, c'est la réalisation d'un projet passionnant que nous célébrons aujourd'hui.
Passionnant, le sujet lui-même, si peu abordé jusqu'à cette année du centenaire de la grande loi du 1er juillet 1901. La dynamique créée par cette célébration nationale a en effet révélé de considérables lacunes dans l'historiographie de la vie associative dans notre pays ; cela vaut notamment pour les associations du patrimoine et je forme le vu que, dans les mois et les années qui viennent, des chercheurs et des étudiants se saisissent de ce sujet pour améliorer nos connaissances en la matière.
Passionnant aussi, le parcours que l'ouvrage autorise, à travers une région aussi vaste et variée que Rhône-Alpes, à travers aussi des époques différentes - j'ai noté que la plus ancienne de vos académies datait de 1606 (trente ans avant l'Académie française !) et que la plus récente association mentionnée avait été créée au début de cette année -, à travers encore des types de patrimoine divers - des vestiges préhistoriques ou gallo-romains au patrimoine culinaire ou à l'architecture du XXe siècle -, à travers enfin, pour les associations, des modes d'action multiples - la recherche, la restauration, l'animation, la mise en valeur, l'édition, les activités pédagogiques etc.
Passionnante enfin, la dynamique qui a présidé à la mise en uvre d'un tel projet, puisque - on le mesure pleinement aujourd'hui - ce ne sont pas moins de vingt-cinq partenaires qui ont permis qu'une belle idée devienne un ouvrage d'encre et de papier diffusé à plus de cent cinquante mille exemplaires.
Vingt-cinq partenaires, dont je dois, après d'autres, souligner l'étonnante diversité puisqu'à des collectivités publiques différentes et de tailles diverses sont venues s'ajouter des entreprises publiques et privées, des mutuelles, des fédérations professionnelles, des fondations, etc. ; bref, tout se passe un peu comme si, à travers la réalisation d'un projet de cette envergure, c'est l'ensemble des forces vives de Rhône-Alpes qui avaient souhaité réunir leurs efforts afin de rendre hommage aux associations du patrimoine.
C'est bien sûr pour le secrétaire d'Etat au Patrimoine et à la Décentralisation culturelle une grande satisfaction que de voir ainsi une région se mobiliser, grâce à ses élus, à ses décideurs, à ses médias, afin de faire connaître au plus grand nombre de ses habitants la richesse et la variété des associations du patrimoine présentes sur le territoire régional, et ce, à l'occasion d'une manifestation comme les Journées européennes du patrimoine.
Avant d'en venir au sujet lui-même, je ferai du reste deux remarques. Je veux d'abord souligner la place qu'occupent désormais dans notre pays ces Journées européennes du patrimoine. J'étais hier avec Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, pour présenter le programme national de cette manifestation : sait-on assez que seront proposées, les 15 et 16 septembre prochains, plus de 15.000 animations ? C'est dire qu'il n'est vraisemblablement pas un canton de France qui ne comptera sur son territoire au moins un site ouvert au cours de ces deux jours !
Au-delà du nombre d'édifices participant à l'opération, la publication que nous célébrons aujourd'hui témoigne d'une autre facette de ces Journées : leur capacité à fédérer des énergies et des ressources afin de faire aboutir des projets qui, sans cet événement, rencontreraient, sans nul doute, bien plus de difficultés.
Je relève ensuite - en m'en félicitant - l'esprit de partenariat qui a visiblement présidé, de sa conception à sa diffusion, à la réalisation de cet ouvrage : je crois que c'est une bonne démarche, celle qui consiste à rassembler autour d'un même projet la capacité de nos services à réunir et traiter l'information, et le savoir-faire d'un groupe de presse et d'édition pour produire et diffuser une publication.
Permettez-moi de revenir sur quelques enseignements qui, à mes yeux, se dégagent de la lecture de cet ouvrage. Un constat d'abord, bien avant 1901, et naturellement tout au long du vingtième siècle, nombreux ont été, en Rhône-Alpes comme ailleurs, les hommes et les femmes qui, sans autre mandat que le commandement de leur conscience, ont pris fait et cause pour tel ou tel édifice, se sont passionnés pour l'héritage que le passé leur avait légué, en un mot ont inventé leur patrimoine.
Qu'on les appelle " académies " ou " sociétés savantes ", ces groupements ont eu jadis d'autant plus de mérite que leur action s'est très longtemps développée sans que la puissance publique, à quelque niveau que ce soit, manifeste un intérêt quelconque à l'égard des vestiges anciens.
C'est d'ailleurs un fait bien connu que la naissance, l'essor et l'extension de la notion de patrimoine doivent beaucoup au monde associatif : Arcisse de Caumont - dont nous célébrons cette année le bicentenaire de la naissance - n'a-t-il pas fondé la Société des antiquaires de Normandie une dizaine d'années avant que Guizot ne crée le poste d'inspecteur des monuments historiques, bientôt confié, comme on sait, à Prosper Mérimée ? Et, dans les années 1930, la reconnaissance du patrimoine rural, celle - depuis les années 1960 - du patrimoine industriel, seraient-elles advenues dans les mêmes conditions si des associations ne s'étaient pas mobilisées pour recenser, inventorier, alerter, voire acquérir, sauvegarder, lutter parfois pour la conservation ou la restauration de certains éléments marquants de ces patrimoines ?
Ce rôle majeur des associations dans le passé, on le mesure en parcourant Passion Patrimoine, à la lecture de quelques notices concernant les plus anciennes associations présentées. Mais alors, maintenant que les pouvoirs publics ont pris la mesure de l'héritage, que des services spécialisés sont en place sur tout le territoire, qu'à la suite de l'Etat des collectivités ont recruté des professionnels pour dresser l'inventaire du patrimoine, le protéger, le restaurer, n'est-on pas en droit de s'interroger sur la place des associations dans un tel dispositif ?
Là encore, Passion Patrimoine apporte d'éloquents éléments de réponse, à travers de nombreux exemples qui témoignent du rôle irremplaçable qu'ont aujourd'hui les associations dans la révélation du patrimoine local, dans la construction de la mémoire d'un territoire, la sensibilisation du public - de tous les publics -, le développement des outils de valorisation, la mise en place d'animations etc.
C'est aujourd'hui un fait avéré que les associations - parce qu'elles se situent, en quelque sorte, à l'interface des pouvoirs publics et de la population - sont souvent les mieux placées pour faire partager au plus grand nombre les objets hérités du passé et faire en sorte qu'ils prennent toute leur place dans la société contemporaine. On sait bien en effet que la constitution du patrimoine suppose la conjonction de trois facteurs :
- la reconnaissance de l'intérêt patrimonial d'un " objet " par la communauté scientifique ;
- la légitimation de cet intérêt patrimonial par les pouvoirs publics (à l'exemple de la protection juridique qu'institua en France la loi de 1913 sur les " monuments historiques ") ;
- l'appropriation de ce même patrimoine par le corps social ou, à tout le moins, par une partie de celui-ci.
En d'autres termes, quel que soit l'intérêt intrinsèque d'un objet patrimonial pour les experts ou la puissance publique, il ne devient pleinement " patrimoine " que si, au-delà de cette connaissance scientifique ou de cette légitimation juridique, la population - par groupes spécifiques ou dans sa totalité - s'approprie cet héritage et l'intègre à son environnement contemporain.
Or, on le ressent fortement à la lecture de Passion Patrimoine, les associations du patrimoine constituent précisément le relais privilégié pour assurer cette médiation entre des lieux porteurs de mémoire et l'ensemble des citoyens.
C'est donc un hommage particulièrement bienvenu que rend cet ouvrage aux dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui, dans cette région, uvrent au sein de plusieurs centaines d'associations pour inscrire pleinement le patrimoine au cur des dynamiques sociales contemporaines comme au cur des projets de développement du territoire.
Cet hommage est d'autant plus heureux que cette publication - dont je soulignais tout à l'heure le tirage exceptionnel - s'inscrit dans une dynamique régionale particulièrement forte en cette année du centenaire de la loi de 1901.
Je voudrais simplement rappeler pour mémoire que, lors des Journées européennes du patrimoine des 15 et 16 septembre prochains, plus de deux cent cinquante lieux de la région déclineront le thème national Patrimoine et Associations, dont une trentaine de " kiosques des associations du patrimoine " répartis dans les huit départements ; rappeler aussi qu'à l'initiative commune de la DRAC Rhône-Alpes et de l'Association lyonnaise pour la promotion de l'archéologie en Rhône-Alpes (l'ALPARA), un autre outil vient de voir le jour, qui propose sur l'internet l'accès à une base de données recensant quelque quatre cents associations du patrimoine de la région ; signaler enfin que - fruit d'une collaboration étroite entre la DRAC, le Conseil régional et la fédération régionale Patrimoine rhônalpin - une rencontre sur ce même thème Patrimoine et Associations se tiendra le 18 décembre prochain à la Préfecture du Rhône.
A toutes celles et à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont pris part à l'organisation de ces animations, à la préparation ou à la réalisation de ces projets, je voudrais donc dire ma gratitude et les féliciter de leur engagement au service du patrimoine. Aujourd'hui particulièrement, ma reconnaissance et mes félicitations vont à l'ensemble des partenaires de ce beau projet et d'abord, bien sûr, à ses artisans, notamment à vous, Monsieur le Président-Directeur général, et à vous, monsieur le rédacteur en chef, qui avez non sans audace engagé vos forces dans un projet aussi ambitieux.
Ensemble, avec les associations du patrimoine - les cent une présentes dans la publication comme toutes les autres - vous contribuez à faire que notre héritage commun aide à construire une société où les valeurs de solidarité, de respect des différences, de citoyenneté aient leur place, une société enfin où trouve à s'épanouir une authentique démocratie culturelle.
Je vous remercie.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 7 septembre 2001)