Texte intégral
Interview avec "Times of Malta" :
Q - Quelle est la politique de la France à l'égard de la dimension méditerranéenne du processus en cours d'élargissement de l'Union européenne ?
R - Treize pays sont actuellement candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Les négociations ont été engagées - à l'exception de la Turquie - avec douze d'entre eux, au nombre desquels Malte et Chypre. En France, nous nous réjouissons évidemment de la présence, dans ce groupe, de deux pays méditerranéens avec lesquels nous partageons une histoire commune, un milieu naturel si particulier et le sens d'appartenir à une aire culturelle, dont la spécificité marque profondément nos identités et nos traditions respectives et qui façonne un art de vivre que beaucoup nous envient. Tous ces éléments combinés créent les conditions d'une grande proximité.
Pour autant, je ne crois pas qu'il soit possible de parler d'une dimension méditerranéenne de l'élargissement. En effet, l'Union européenne est très attachée à traiter tous les pays candidats sur un pied d'égalité et à juger de la candidature de chacun, au vu des progrès réalisés dans la reprise et la mise en oeuvre effective de l'acquis communautaire. Il s'agit du principe de différenciation, sur lequel reposent les négociations d'adhésion et dont le respect conditionne le succès de l'élargissement.
Q - L'élargissement est-il une priorité de la politique européenne de la France ?
R - A Göteborg, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union ont estimé que l'élargissement était un processus irréversible. La France en est, depuis longtemps, totalement convaincue. C'est la raison pour laquelle nous avons consacré tant d'énergie, lorsque nous assurions la présidence du Conseil des ministres, au second semestre 2000, à le préparer.
Nous y sommes parvenus, grâce au Traité de Nice, qui prévoit, pour la première fois par anticipation, les réformes nécessaires à l'accueil de nouveaux Etats membres dans l'Union européenne et qui règle les questions laissées en suspens à Amsterdam. C'est également à Nice, en décembre 2000, qu'a été adoptée la "feuille de route", qui définit la méthode et le calendrier pour achever rapidement les négociations d'adhésion avec les pays candidats.
La France a donc montré, de manière très concrète, qu'elle considérait l'élargissement comme une priorité absolue.
Q - L'Union européenne est-elle prête à accueillir de nouveaux Etats membres ?
R - C'est avec le Traité de Nice que l'Union européenne s'est préparée à l'élargissement.
Il convient désormais de faire en sorte que ce Traité entre en vigueur, dans les meilleurs délais. Dans cette perspective, les Etats membres ont décidé unanimement, après le référendum irlandais, de poursuivre leurs procédures de ratification et d'exclure toute renégociation. En ce qui nous concerne, nous les avons conduites, au niveau parlementaire, en juin dernier. Le moment venu, les autorités de Dublin nous feront part des moyens qui leur permettront de surmonter la difficulté qu'elles ont rencontrée. Nous sommes tout à fait prêts à les y aider.
Q - Les suites des attaques contre les Etats Unis auront-elles des conséquences sur le processus d'élargissement ?
R - Les attentats de New York et de Washington ont frappé de stupeur tous les Européens, qui se sont sentis atteints, dans leur chair et dans leurs valeurs, par une barbarie d'une telle ampleur. L'Europe est aujourd'hui engagée, aux côtés des Américains, dans une lutte légitime contre le terrorisme, qui n'est pas un combat contre l'Islam ou contre les musulmans.
Certaines craintes ont pu se faire jour, dans les pays candidats, que cette priorité puisse retarder les négociations d'adhésion. Je crois, au contraire, que les événements de ces dernières semaines ont encore renforcé l'importance qui s'attache à l'élargissement et à l'approfondissement de l'Union européenne. Une Europe élargie et plus intégrée, une Europe "réunifiée" en somme, sera en effet une Europe plus forte, mieux à même de faire face à une menace globale et de peser pour l'émergence d'un ordre mondial plus équitable.
En revanche, il est probable que l'Union exercera une vigilance accrue sur certains chapitres de la négociation d'adhésion. Je songe notamment à la reprise de l'acquis dans les domaines de la Justice et des Affaires intérieures, à la lutte contre le crime organisé, le blanchiment d'argent ou le terrorisme. Je suis sûr que les pays candidats, qui sont entièrement solidaires du combat engagé par la communauté internationale, le comprennent très bien et en tireront les conséquences.
Q - Quel jugement portez-vous sur la candidature de Malte et l'état d'avancement de ses négociations d'adhésion avec l'Union européenne ?
R - Avec 17 chapitres provisoirement clos sur 29, la candidature de Malte avance à un rythme soutenu, pour un pays avec lequel il n'a été décidé d'ouvrir des négociations qu'au Conseil européen d'Helsinki, en décembre 1999. Tout porte à croire, qu'en poursuivant ses efforts, Malte sera en mesure de confirmer son rattrapage et de faire partie des premiers pays candidats à achever leurs négociations avec l'Union européenne.
Q - Malte est le seul pays candidat où il n'existe pas de consensus politique sur la question de l'adhésion à l'Union européenne. Qu'en pensez-vous ?
R - La participation à l'aventure européenne fait l'objet, partout sur notre continent, de débats internes plus ou moins difficiles, en fonction des circonstances. En France, qui est pourtant un Etat fondateur, le référendum de 1992 en vue de la ratification du Traité de Maastricht n'avait abouti à un vote favorable qu'à une très courte majorité de 51%. D'une manière générale, les responsables politiques ont beaucoup de difficultés à expliquer à leurs concitoyens les avantages de l'intégration européenne, qui manque de lisibilité. C'est d'ailleurs pour cette raison que les chefs d'Etat et de gouvernement ont ressenti, à Nice, la nécessité de lancer un grand débat sur l'avenir de la construction européenne. Nous souhaitons que les pays candidats y prennent toute leur part.
Il n'en reste pas moins que les gouvernements démocratiquement élus incarnent, en Europe, la légitimité. En présentant la candidature de Malte, votre gouvernement a engagé votre pays tout entier et pris ses responsabilités à l'égard du peuple maltais. L'Union européenne et la France n'ont pas à entrer dans d'autres considérations, sauf à s'ingérer dans vos affaires intérieures. Autant vous dire que je ne viens pas à Malte dans cette intention.
Q - Malte a déjà décidé, fin 1996, de suspendre sa candidature à l'Union européenne, pour la réactiver, fin 1998. Que se passera-t-il si un nouveau gouvernement travailliste décidait à nouveau de retirer la candidature maltaise ?
R - Je vous renvoie à ma réponse à la question précédente. La décision d'un gouvernement démocratiquement élu est la seule dont l'Union européenne et ses Etats membres puissent tenir compte. Je suis sûr qu'aucun gouvernement ne prendrait une décision aussi grave, sans être sûr qu'elle correspond bien à la volonté du peuple. En tant que démocrate, je suis fondamentalement attaché au respect de la volonté populaire.
Q - Le Parti travailliste propose un arrangement spécial avec l'Union européenne qui se distingue de l'adhésion. Sa politique consiste à vouloir créer la "Suisse de la Méditerranée". Quelle est votre opinion ?
R - Comme vous le savez, les autorités fédérales sont, depuis longtemps, convaincues de l'importance pour la Suisse de rejoindre l'Union européenne, mais n'ont à ce stade pas réussi à vaincre les préventions du peuple helvétique. Les milieux économiques en Suisse sont aussi largement favorables à l'adhésion.
Je comprends parfaitement l'attrait que peut exercer la prospérité et la qualité de vie pour lesquelles la Suisse est connue. Dans un monde globalisé comme le nôtre, je me demande cependant si une certaine forme d'isolement est la manière la plus efficace de conserver durablement ces atouts. Les défis, auxquels la planète est aujourd'hui confrontée, me semblent exiger des réponses collectives.
L'Europe a su montrer que l'union faisait la force. Je pense notamment à l'euro qui, depuis son introduction, amortit considérablement, pour les pays qui l'ont adopté, les chocs extérieurs.
Q - Quels sont, d'après vous, les principaux défis que Malte doit relever, dans ses négociations d'adhésion ? Pensez-vous que les demandes de Malte puissent être satisfaites ?
R - La spécificité de la candidature de Malte tient avant tout à l'insularité de son territoire, ainsi qu'à sa petite taille.
Cette situation ne présente pas que des inconvénients pour les négociations. Ainsi, à la différence des autres candidats d'Europe centrale et orientale, Malte pourra bénéficier, dès son adhésion, de la libre circulation des personnes. De même, certaines demandes de périodes transitoires, dans le domaine de l'environnement, pourront être examinées d'autant plus facilement, qu'elles ne sont pas susceptibles de créer de distorsions de concurrence au sein du marché unique. Il n'y a donc pas de risque de "dumping environnemental".
Sur d'autres sujets, je ne doute pas qu'une solution pourra être trouvée aux préoccupations maltaises, dans le respect de l'acquis communautaire. Nous sommes tout à fait disposés à faire preuve d'ouverture. De son côté, Malte devra tenir compte de la sensibilité particulière de certains dossiers. Je songe notamment à ceux relatifs à la Justice et aux Affaires intérieures, que j'ai déjà évoqués, aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires ou à la sécurité maritime qui, dans le contexte des attentats aux Etats Unis, de la crise de l'ESB et des naufrages à répétition de navires vétustes sur les côtes européennes, sont tous d'une actualité très présente pour les Etats membres et leur opinion publique.
Q - Dans les sondages réguliers auxquels procède la Commission européenne dans les Etats membres, il apparaît toujours que le peuple français n'est pas très favorable à l'adhésion de Malte. Qu'en pensez-vous ?
R - Dans le cadre de la phase nationale du débat sur l'avenir de l'Union, la France a décidé d'organiser des forums, dans chacune de ses vingt six régions. Chargé par le président de la République et le Premier ministre de les animer, j'ai eu l'occasion, depuis le début du mois de juillet, d'écouter mes concitoyens. A ce stade, j'ai l'impression que les Français sont favorables à l'élargissement, même s'ils craignent parfois les risques de dilution ou la remise en cause de tel ou tel avantage qu'ils retirent des politiques communes. Il appartient aux responsables politiques de poursuivre leurs efforts d'explication et de rendre compatibles l'élargissement de l'Union et son approfondissement. Je m'y emploie avec détermination.
Q - Comment la France et Malte pourraient renforcer leurs relations et leur coopération, pas seulement sur les affaires relatives à l'Union européenne, mais aussi dans les domaines de la culture, de l'éducation et des aspects qui leur sont liés ?
R - Dans la perspective de l'adhésion de Malte à l'Union européenne, nos relations culturelles bilatérales sont marquées par une expansion notable.
Ainsi, l'apprentissage du français à l'école et à l'université attire un nombre croissant de jeunes, qui peuvent tirer bénéfice de toute une série d'instruments destinés à la promotion de notre langue à Malte. Les élèves du secondaire peuvent ainsi mettre à profit le centre de ressources du Centre franco-maltais. Une convention lie le gouvernement français à l'Université, où a été créée pour les étudiants qui souhaitent parler français "la petite auberge de France". L'Alliance française, fondée en 1959, est un vecteur privilégié de notre politique.
Nos efforts se déploient également dans le domaine de la coopération administrative, qui se traduit par des actions de formation, notamment sous la forme de bourses ou de séminaires animés par des experts français, ainsi que par des invitations de fonctionnaires maltais à découvrir telle ou telle facette de notre administration publique.
Enfin, en matière culturelle, nous essayons de répondre aux attentes du public maltais, grâce à l'Alliance française et à des événements ponctuels de qualité, adaptés à ses exigences.
Mais, il convient aussi de ne pas oublier que la France est le premier partenaire commercial de Malte en Europe et que nos échanges sont en progression constante, ces dernières années. En revanche, les investissements français restent insuffisants et doivent donc être renforcés. Le mouvement de privatisation en cours ou à venir offrent des opportunités pour les investisseurs français, dans des secteurs tels que le traitement des déchets et des eaux usées, la gestion du port et de l'aéroport, l'avitaillement pétrolier, la modernisation du réseau électrique ou l'informatisation de l'administration maltaise. J'espère que ma visite contribuera à sensibiliser les entreprises françaises à l'intérêt de renforcer leur présence à Malte, ainsi qu'à convaincre votre pays de la qualité de notre contribution à votre économie..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)
Q - Quelle est la politique de la France à l'égard de la dimension méditerranéenne du processus en cours d'élargissement de l'Union européenne ?
R - Treize pays sont actuellement candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Les négociations ont été engagées - à l'exception de la Turquie - avec douze d'entre eux, au nombre desquels Malte et Chypre. En France, nous nous réjouissons évidemment de la présence, dans ce groupe, de deux pays méditerranéens avec lesquels nous partageons une histoire commune, un milieu naturel si particulier et le sens d'appartenir à une aire culturelle, dont la spécificité marque profondément nos identités et nos traditions respectives et qui façonne un art de vivre que beaucoup nous envient. Tous ces éléments combinés créent les conditions d'une grande proximité.
Pour autant, je ne crois pas qu'il soit possible de parler d'une dimension méditerranéenne de l'élargissement. En effet, l'Union européenne est très attachée à traiter tous les pays candidats sur un pied d'égalité et à juger de la candidature de chacun, au vu des progrès réalisés dans la reprise et la mise en oeuvre effective de l'acquis communautaire. Il s'agit du principe de différenciation, sur lequel reposent les négociations d'adhésion et dont le respect conditionne le succès de l'élargissement.
Q - L'élargissement est-il une priorité de la politique européenne de la France ?
R - A Göteborg, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union ont estimé que l'élargissement était un processus irréversible. La France en est, depuis longtemps, totalement convaincue. C'est la raison pour laquelle nous avons consacré tant d'énergie, lorsque nous assurions la présidence du Conseil des ministres, au second semestre 2000, à le préparer.
Nous y sommes parvenus, grâce au Traité de Nice, qui prévoit, pour la première fois par anticipation, les réformes nécessaires à l'accueil de nouveaux Etats membres dans l'Union européenne et qui règle les questions laissées en suspens à Amsterdam. C'est également à Nice, en décembre 2000, qu'a été adoptée la "feuille de route", qui définit la méthode et le calendrier pour achever rapidement les négociations d'adhésion avec les pays candidats.
La France a donc montré, de manière très concrète, qu'elle considérait l'élargissement comme une priorité absolue.
Q - L'Union européenne est-elle prête à accueillir de nouveaux Etats membres ?
R - C'est avec le Traité de Nice que l'Union européenne s'est préparée à l'élargissement.
Il convient désormais de faire en sorte que ce Traité entre en vigueur, dans les meilleurs délais. Dans cette perspective, les Etats membres ont décidé unanimement, après le référendum irlandais, de poursuivre leurs procédures de ratification et d'exclure toute renégociation. En ce qui nous concerne, nous les avons conduites, au niveau parlementaire, en juin dernier. Le moment venu, les autorités de Dublin nous feront part des moyens qui leur permettront de surmonter la difficulté qu'elles ont rencontrée. Nous sommes tout à fait prêts à les y aider.
Q - Les suites des attaques contre les Etats Unis auront-elles des conséquences sur le processus d'élargissement ?
R - Les attentats de New York et de Washington ont frappé de stupeur tous les Européens, qui se sont sentis atteints, dans leur chair et dans leurs valeurs, par une barbarie d'une telle ampleur. L'Europe est aujourd'hui engagée, aux côtés des Américains, dans une lutte légitime contre le terrorisme, qui n'est pas un combat contre l'Islam ou contre les musulmans.
Certaines craintes ont pu se faire jour, dans les pays candidats, que cette priorité puisse retarder les négociations d'adhésion. Je crois, au contraire, que les événements de ces dernières semaines ont encore renforcé l'importance qui s'attache à l'élargissement et à l'approfondissement de l'Union européenne. Une Europe élargie et plus intégrée, une Europe "réunifiée" en somme, sera en effet une Europe plus forte, mieux à même de faire face à une menace globale et de peser pour l'émergence d'un ordre mondial plus équitable.
En revanche, il est probable que l'Union exercera une vigilance accrue sur certains chapitres de la négociation d'adhésion. Je songe notamment à la reprise de l'acquis dans les domaines de la Justice et des Affaires intérieures, à la lutte contre le crime organisé, le blanchiment d'argent ou le terrorisme. Je suis sûr que les pays candidats, qui sont entièrement solidaires du combat engagé par la communauté internationale, le comprennent très bien et en tireront les conséquences.
Q - Quel jugement portez-vous sur la candidature de Malte et l'état d'avancement de ses négociations d'adhésion avec l'Union européenne ?
R - Avec 17 chapitres provisoirement clos sur 29, la candidature de Malte avance à un rythme soutenu, pour un pays avec lequel il n'a été décidé d'ouvrir des négociations qu'au Conseil européen d'Helsinki, en décembre 1999. Tout porte à croire, qu'en poursuivant ses efforts, Malte sera en mesure de confirmer son rattrapage et de faire partie des premiers pays candidats à achever leurs négociations avec l'Union européenne.
Q - Malte est le seul pays candidat où il n'existe pas de consensus politique sur la question de l'adhésion à l'Union européenne. Qu'en pensez-vous ?
R - La participation à l'aventure européenne fait l'objet, partout sur notre continent, de débats internes plus ou moins difficiles, en fonction des circonstances. En France, qui est pourtant un Etat fondateur, le référendum de 1992 en vue de la ratification du Traité de Maastricht n'avait abouti à un vote favorable qu'à une très courte majorité de 51%. D'une manière générale, les responsables politiques ont beaucoup de difficultés à expliquer à leurs concitoyens les avantages de l'intégration européenne, qui manque de lisibilité. C'est d'ailleurs pour cette raison que les chefs d'Etat et de gouvernement ont ressenti, à Nice, la nécessité de lancer un grand débat sur l'avenir de la construction européenne. Nous souhaitons que les pays candidats y prennent toute leur part.
Il n'en reste pas moins que les gouvernements démocratiquement élus incarnent, en Europe, la légitimité. En présentant la candidature de Malte, votre gouvernement a engagé votre pays tout entier et pris ses responsabilités à l'égard du peuple maltais. L'Union européenne et la France n'ont pas à entrer dans d'autres considérations, sauf à s'ingérer dans vos affaires intérieures. Autant vous dire que je ne viens pas à Malte dans cette intention.
Q - Malte a déjà décidé, fin 1996, de suspendre sa candidature à l'Union européenne, pour la réactiver, fin 1998. Que se passera-t-il si un nouveau gouvernement travailliste décidait à nouveau de retirer la candidature maltaise ?
R - Je vous renvoie à ma réponse à la question précédente. La décision d'un gouvernement démocratiquement élu est la seule dont l'Union européenne et ses Etats membres puissent tenir compte. Je suis sûr qu'aucun gouvernement ne prendrait une décision aussi grave, sans être sûr qu'elle correspond bien à la volonté du peuple. En tant que démocrate, je suis fondamentalement attaché au respect de la volonté populaire.
Q - Le Parti travailliste propose un arrangement spécial avec l'Union européenne qui se distingue de l'adhésion. Sa politique consiste à vouloir créer la "Suisse de la Méditerranée". Quelle est votre opinion ?
R - Comme vous le savez, les autorités fédérales sont, depuis longtemps, convaincues de l'importance pour la Suisse de rejoindre l'Union européenne, mais n'ont à ce stade pas réussi à vaincre les préventions du peuple helvétique. Les milieux économiques en Suisse sont aussi largement favorables à l'adhésion.
Je comprends parfaitement l'attrait que peut exercer la prospérité et la qualité de vie pour lesquelles la Suisse est connue. Dans un monde globalisé comme le nôtre, je me demande cependant si une certaine forme d'isolement est la manière la plus efficace de conserver durablement ces atouts. Les défis, auxquels la planète est aujourd'hui confrontée, me semblent exiger des réponses collectives.
L'Europe a su montrer que l'union faisait la force. Je pense notamment à l'euro qui, depuis son introduction, amortit considérablement, pour les pays qui l'ont adopté, les chocs extérieurs.
Q - Quels sont, d'après vous, les principaux défis que Malte doit relever, dans ses négociations d'adhésion ? Pensez-vous que les demandes de Malte puissent être satisfaites ?
R - La spécificité de la candidature de Malte tient avant tout à l'insularité de son territoire, ainsi qu'à sa petite taille.
Cette situation ne présente pas que des inconvénients pour les négociations. Ainsi, à la différence des autres candidats d'Europe centrale et orientale, Malte pourra bénéficier, dès son adhésion, de la libre circulation des personnes. De même, certaines demandes de périodes transitoires, dans le domaine de l'environnement, pourront être examinées d'autant plus facilement, qu'elles ne sont pas susceptibles de créer de distorsions de concurrence au sein du marché unique. Il n'y a donc pas de risque de "dumping environnemental".
Sur d'autres sujets, je ne doute pas qu'une solution pourra être trouvée aux préoccupations maltaises, dans le respect de l'acquis communautaire. Nous sommes tout à fait disposés à faire preuve d'ouverture. De son côté, Malte devra tenir compte de la sensibilité particulière de certains dossiers. Je songe notamment à ceux relatifs à la Justice et aux Affaires intérieures, que j'ai déjà évoqués, aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires ou à la sécurité maritime qui, dans le contexte des attentats aux Etats Unis, de la crise de l'ESB et des naufrages à répétition de navires vétustes sur les côtes européennes, sont tous d'une actualité très présente pour les Etats membres et leur opinion publique.
Q - Dans les sondages réguliers auxquels procède la Commission européenne dans les Etats membres, il apparaît toujours que le peuple français n'est pas très favorable à l'adhésion de Malte. Qu'en pensez-vous ?
R - Dans le cadre de la phase nationale du débat sur l'avenir de l'Union, la France a décidé d'organiser des forums, dans chacune de ses vingt six régions. Chargé par le président de la République et le Premier ministre de les animer, j'ai eu l'occasion, depuis le début du mois de juillet, d'écouter mes concitoyens. A ce stade, j'ai l'impression que les Français sont favorables à l'élargissement, même s'ils craignent parfois les risques de dilution ou la remise en cause de tel ou tel avantage qu'ils retirent des politiques communes. Il appartient aux responsables politiques de poursuivre leurs efforts d'explication et de rendre compatibles l'élargissement de l'Union et son approfondissement. Je m'y emploie avec détermination.
Q - Comment la France et Malte pourraient renforcer leurs relations et leur coopération, pas seulement sur les affaires relatives à l'Union européenne, mais aussi dans les domaines de la culture, de l'éducation et des aspects qui leur sont liés ?
R - Dans la perspective de l'adhésion de Malte à l'Union européenne, nos relations culturelles bilatérales sont marquées par une expansion notable.
Ainsi, l'apprentissage du français à l'école et à l'université attire un nombre croissant de jeunes, qui peuvent tirer bénéfice de toute une série d'instruments destinés à la promotion de notre langue à Malte. Les élèves du secondaire peuvent ainsi mettre à profit le centre de ressources du Centre franco-maltais. Une convention lie le gouvernement français à l'Université, où a été créée pour les étudiants qui souhaitent parler français "la petite auberge de France". L'Alliance française, fondée en 1959, est un vecteur privilégié de notre politique.
Nos efforts se déploient également dans le domaine de la coopération administrative, qui se traduit par des actions de formation, notamment sous la forme de bourses ou de séminaires animés par des experts français, ainsi que par des invitations de fonctionnaires maltais à découvrir telle ou telle facette de notre administration publique.
Enfin, en matière culturelle, nous essayons de répondre aux attentes du public maltais, grâce à l'Alliance française et à des événements ponctuels de qualité, adaptés à ses exigences.
Mais, il convient aussi de ne pas oublier que la France est le premier partenaire commercial de Malte en Europe et que nos échanges sont en progression constante, ces dernières années. En revanche, les investissements français restent insuffisants et doivent donc être renforcés. Le mouvement de privatisation en cours ou à venir offrent des opportunités pour les investisseurs français, dans des secteurs tels que le traitement des déchets et des eaux usées, la gestion du port et de l'aéroport, l'avitaillement pétrolier, la modernisation du réseau électrique ou l'informatisation de l'administration maltaise. J'espère que ma visite contribuera à sensibiliser les entreprises françaises à l'intérêt de renforcer leur présence à Malte, ainsi qu'à convaincre votre pays de la qualité de notre contribution à votre économie..
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)