Déclaration de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur la situation des établissements pénitentiaires des Outre-mer, à Paris le 8 juillet 2014.

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Circonstance : Remise par le ministre de la Justice du rapport du groupe de travail sur les problématiques pénitentiaires en Outre-Mer, à Paris le 8 juillet 2014

Texte intégral

Madame la Garde des Sceaux, chère Christiane Taubira,
Mesdames, Messieurs les parlementaires, membres du groupe de travail,
Mesdames, Messieurs les directeurs de l'administration centrale,
Mesdames, Messieurs,
La remise du rapport sur les problématiques des établissements pénitentiaires d'Outre-mer, commandée par la Garde des Sceaux en septembre dernier, constitue un enjeu majeur pour nos territoires ultra-marins. Je tiens à saluer et à remercier tous les membres du groupe de travail pour la tâche qu'ils ont accomplie. Votre rapport permet d'identifier les difficultés rencontrées dans chaque territoire, d'aborder les problématiques globales qui touchent les établissements pénitentiaires d'Outre-mer et d'entrevoir les réponses appropriées à y apporter. La prison, si elle constitue un lieu de sanction pour celles et ceux qui ont enfreint les lois du vivre-ensemble, doit permettre aux détenus d'exécuter leur peine dans la dignité. Ce souci est non seulement un devoir, mais également une condition nécessaire pour que les détenus puissent, une fois leur peine acquittée, réintégrer de plain-pied la communauté de tous les citoyens.
Les établissements pénitentiaires des Outre-mer rencontrent trois types de difficultés majeures : celle de la surpopulation carcérale, celle de la dégradation des locaux et celle des violences à répétition entre les détenus. Ces difficultés, nous le savons, s'exaspèrent et se renforcent les unes les autres.
L'étroitesse et l'insularité de nos territoires ultramarins accentuent encore ces difficultés. Nos territoires ne disposent pas des établissements nécessaires à une prise en charge digne de ce nom et les établissements pénitentiaires sont le plus souvent de taille trop réduite pour permettre d'organiser des activités culturelles et sportives nécessaires à la vie des détenus. C'est dans cette perspective que Christiane Taubira a confié à un groupe de travail, composé des hauts fonctionnaires de nos administrations respectives et de parlementaires des territoires d'Outre-mer, la réflexion sur les problématiques que rencontrent nos prisons et le soin d'élaborer des solutions adéquates. La qualité et la précision du rapport rendu doit nous permettre d'offrir des réponses opérationnelles à des enjeux qui concernent l'ensemble de la société. La population carcérale, l'activité et la réinsertion des détenus, leur santé, comme l'immobilier pénitentiaire ont été au cœur de la réflexion entreprise. Aux Antilles, à Mayotte, en Polynésie française comme en Nouvelle-Calédonie, nos prisons font face à une surpopulation préoccupante. Les priorités préconisées par le rapport permettront de répondre à ces difficultés, en accroissant notamment le parc pénitentiaire. L'extension, la réhabilitation ou la reconstruction de la maison d'arrêt de Basse-Terre et du centre pénitentiaire de Baie-Mahault en Guadeloupe, comme la construction d'un établissement modulaire à Saint-Martin doivent permettre d'améliorer la condition des détenus, de rétablir le lien avec les familles et de désengorger les établissements. Je pense aussi à la création d'un centre de semi-liberté à Fort-de-France ou au Lamentin, ainsi qu'à la possible construction d'un nouveau centre pénitentiaire de 200 places en Martinique. En Polynésie, la restructuration de la maison d'arrêt de Faa'a devra permettre la mise en place de quartier « mineurs » et « femmes », dans l'attente de la livraison du centre de détention de Papéari début 2017. En Nouvelle-Calédonie, la rénovation du Camp-Est et la construction d'un centre de courte peine à Koné vont également dans la bonne direction. Toutes ces perspectives sont importantes pour tous nos territoires ultramarins.
Nous connaissons galement la nécessité de renforcer le suivi des détenus en milieu ouvert. Les peines alternatives, comme l'accompagnement à la sortie de prison, sont des leviers importants de réinsertion pour les détenus. Et la réinsertion est le meilleur moyen d'empêcher que les anciens dtenus ne récidivent. Dans cette même perspective, il nous faut renforcer le suivi en milieu ouvert. Aujourd'hui encore, dans nos Outre-mer, la couverture des services d'insertion et de probation reste insuffisante. Les propositions faites dans le rapport doivent permettre d'y remédier. Il est un autre sujet qui doit retenir toute notre attention et auquel nous devons répondre de façon impérative : celui de la délinquance des mineurs. Dans les Outre-mer, à Mayotte et en Guyane plus spécifiquement, la situation est préoccupante et doit mobiliser toute notre détermination. L'extrême jeunesse de la population, la très forte présence de mineurs isolés, la grande violence des infractions commises conjugués à une réponse pénale bien inférieure à celle qui a cours dans l'Hexagone génèrent une insécurité grandissante pour nos concitoyens. Nous nous devons de répondre à cette insécurité, qui est au fondement de la liberté de chacun. Dans cette perspective, le rapport souligne non seulement la nécessité de construire un centre éducatif fermé à Mayotte, mais également de permettre aux juges de disposer d'un panel de réponse plus adapté.
Nous ne verrons que des avantages à ce que les juges disposent d'un éventail de réponses plus vastes à côté de l'emprisonnement ou du simple suivi éducatif pour permettre aux juges le prononcé de peines adaptées à la situation de ces jeunes, et ce, si nous voulons être plus efficaces dans le traitement et le suivi de la délinquance. Le milieu carcéral doit permettre aux jeunes en rupture de banc de se réintégrer progressivement au sein de notre société. Il faut pour cela que l'éducation y tienne un rôle plus décisif qu'aujourd'hui – d'autant que l'illettrisme frappe plus d'un tiers des détenus dans les Outre-mer. Un travail en direction du milieu enseignant et du secteur associatif est à construire. L'action doit se concentrer sur le repérage de l'illettrisme et le recrutement de personnel pour l'encadrement. Le travail et la formation professionnelle sont des clés de la réinsertion pour les détenus et des conditions sine qua non pour endiguer efficacement la délinquance. En 2012, le taux de formation professionnelle des détenus n'était que de 20 %. Ce chiffre est largement insuffisant. Les difficultés économiques des territoires ultra-marins ne rendent évidemment pas la situation facile. Mais des projets d'envergure, comme l'atelier métallerie et la ferme photovoltaïque mis en place à La Réunion, qui permettent une politique de formation et de réinsertion, vont dans le bon sens. Ces projets doivent être salués, et inspirer d'autres initiatives.
Je tiens à saluer une nouvelle fois le travail accompli, les échanges fructueux entre les parlementaires, différentes directions de la Chancellerie et mes services. Le statut des prisons en Outre-mer est un sujet qui concerne l'ensemble de la communauté nationale et de la communauté politique. Nous ne pouvons continuer à détourner le regard des conditions des détenus. Une peine de prison n'est une peine juste et efficace que si elle est purgée dans la dignité. L'esprit de solidarité qui commande la politique gouvernementale ne saurait s'arrêter au seuil de nos institutions pénitentiaires. Le rapport doit désormais nous permettre de mener une politique pénitentiaire digne de notre ambition nationale. Merci à vous.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 29 mai 2015