Interview de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à RMC/BFM TV le 4 juin 2015, sur le projet d'extension du site de Roland Garros, la préparation de la conférence de Paris sur le climat et la mise en oeuvre du nouveau dispositif de certification des véhicules les moins polluants au moyen de pastilles de couleur.

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Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes en direct du Muséum d'histoires naturelles depuis ce matin sur RMC, RMC DECOUVERTES et maintenant sur BFM TV avec notre invitée Ségolène ROYAL, Ségolène ROYAL, bonjour.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous connaissez bien ce lieu ?
SEGOLENE ROYAL
Oui ! Oui, oui, qui est un lieu magnifique, un lieu magique, un lieu à la fois scientifique et, en même temps, ouvert au grand public. Donc c'est vrai l'expression de ce dont nous avons besoin comme espace pour que tous les citoyens se saisissent des questions environnementales en accédant à la connaissance scientifique, et c'est ça qui est extraordinaire d'avoir réussi l'excellence scientifique et en même l'excellence démocratique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Nous sommes dans la galerie…
SEGOLENE ROYAL
La grande galerie ! Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette grande galerie qui est magique, comme une serre, comme une immense serre…
SEGOLENE ROYAL
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tiens ! A propos de serre, une question. Je sais que vous êtes en colère, je sens que vous êtes en colère, Ségolène ROYAL, pourquoi ? Eh bien parce que le Premier ministre a donné l'autorisation à l'extension de Roland Garros sur les serres d'Auteuil…
SEGOLENE ROYAL
Oui ! En colère, non, je suis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si ! Non, vous n'êtes pas d'accord avec ça ?
SEGOLENE ROYAL
Je fais mon… Vous savez il y a longtemps que j'ai appris à maîtriser mes, comment dirais-je, mes sentiments personnels pour essayer de défendre l'intérêt général. Qu'est-ce que c'est qu'une ministre de l'Environnement, du Développement durable ? C'est une ministre, ce n'est pas facile d'ailleurs, qui lutte contre toutes les formes de lobby ou de voracité financière qui veulent s'approprier des espaces qui appartiennent à tous les Français pour rentabiliser encore plus leurs activités - ça vaut pour tous les projets – et ma conviction profonde c'est que l'on peut aménager le pays tout en protégeant des espaces naturels remarquables qui appartiennent à tous les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est une décision que vous regrettez, franchement ?
SEGOLENE ROYAL
Je suis membre du gouvernement, donc je ne vais pas faire de polémique, le Premier ministre a le droit – il est Premier ministre – il a le droit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous vous inclinez ?
SEGOLENE ROYAL
Il a le droit de décider ce qu'il souhaite décider. J'ai fait valoir bien évidemment les arguments que je veux défendre, c'est-à-dire à partir du moment où il y a une solution alternative qui respecte le bien commun des Français – et notamment ce jardin botanique des serres d'Auteuil - il y avait d'autres solutions, donc la vraie question c'est la Fédération Française de Tennis qui n'a pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voracité, voracité financière ?
SEGOLENE ROYAL
Qui n'a pas voulu - je viens de m'exprimer, je ne vais pas en rajouter...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Non.
SEGOLENE ROYAL
Qui n'a pas voulu examiner sérieusement le projet alternatif. Maintenant nous sommes en démocratie, en état de droit – heureusement – donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous vous inclinez devant la décision du Premier ministre…
SEGOLENE ROYAL
Non ! Non, pas du tout, pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment pas du tout ?
SEGOLENE ROYAL
Je veux dire je suis dans la discipline gouvernementale, c'est une chose, mais nous sommes dans un état de droit et dans un état démocratique – et heureusement – je crois que les associations qui défendent farouchement aussi l'environnement des Français vont utiliser les moyens de droit pour essayer de faire respecter les grands principes, à la fois les grands principes constitutionnels - parce que le respect de la Constitution et le principe de précaution sont inscrits dans la Constitution – et les grands principes démocratiques et de droit de tout un chacun de vouloir protéger les espaces naturels. Mais vous voyez c'est une vision globale, d'intérêt général et d'application d'un nombre de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui apparemment n'est pas préservé à vos yeux ! On va parler de ces vignettes, ces pastilles, on va parler évidemment de la conférence de Paris, on va parler de tout ce que vous avez engagé. Gilles BOEUF ! Juste quelques mots sur ces serres d'Auteuil, Gilles que représentent-elles - vous êtes au milieu de tous les animaux de cette grande galerie - que représentent ces serres ?
GILLES BOEUF, PRESIDENT DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE
Moi j'apprends l'information à l'instant et je ne comprends pas ! L'image est très mauvaise pour la Fédération Française de Tennis, puisqu'on pouvait faire autrement. J'étais à Roland Garros lundi, j'écoutais les messages un peu partout : « il faut vivre différemment », « il faut mieux faire », je ne vois pas du tout pourquoi il a été choisie justement cette solution d'aller détruire des serres plus que centenaires pour agrandir Roland Garros, alors qu'on pouvait faire différemment, donc moi je ne comprends pas non plus ; et moi je ne suis pas un écologiste, je suis un écologue, ces serres avaient une histoire, elles représentent quelque chose, et je ne comprends pas du tout comment on va aller à leurs dépens agrandir Roland Garros alors qu'on pouvait le faire différemment. Mais c'est vrai que dans les messages divers et variés que l'on passe en ce moment, pour moi… je suis affligé et puis c'est triste je trouve aussi qu'une telle décision ait été prise, mais je ne comprends pas le projet qui consistait justement à aller s'étendre aux dépens de ces serres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà ! Gilles BOEUF qui est le président du Muséum d'histoire naturelle, qui a donné son avis librement, c'est comme ça que ça se passe ici. La conférence de Paris fin novembre début décembre, qui conduit côté français, qui pilote, c'est Laurent FABIUS ou c'est vous, parce qu'on a l'impression - on ne sait plus - qui est le patron ?
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est la France toute entière qui est engagée ! Il y a le président de la République d'abord, qui est très engagé, puisque c'est lui qui a proposé que la France soit le pays hôte de la conférence sur le climat - vous savez ça ne se bousculait pas au portillon si j'ose dire - aucun autre pays… Pourquoi ? Parce qu'il y avait eu l'échec de Copenhague, il y a le semi-échec de Lima - c'est très difficile – et c'est lui qui a eu cette idée d'accueillir la conférence sur le climat ; ensuite, je vois bien à quoi vous faites allusion, on cherche à nous opposer les uns aux autres, ce n'est absolument pas, nous constituons une équipe de France dynamique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Mais il faut mettre nos egos de côté », ce n'est pas moi qui le dit, c'est Annick GIRARDIN qui est secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie après une intervention que vous avez faite dans le journal Le Monde…
SEGOLENE ROYAL
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Après cette interview, qui a fait du bruit d'ailleurs ?
SEGOLENE ROYAL
Monsieur BOURDIN, vous me connaissez, j'essaie modestement de parler avec honnêteté et efficacité quand je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas une question d'ego, on est bien d'accord ?
SEGOLENE ROYAL
Oh ! Franchement l'avenir de la planète pour les générations futures, oui individuellement nous comptons pour peu de choses par rapport aux enjeux considérables dont vous venez de débattre d'ailleurs avec Gilles BOEUF, par rapport à la gravité de la situation. Vous savez lorsque nous entendons des Etats insulaires pour lesquels c'est une question de vie et de mort que de réussir la lutte contre le réchauffement climatique, je suis moi-même vous le savez à a tête d'une région, Poitou-Charentes, qui a subi la tempête Xynthia avec des gens qui sont morts dans cette tempête, je pense que les petites polémiques dérisoires n'ont aucun sens…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'ai une question…
SEGOLENE ROYAL
N'ont aucun sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dépassons les polémiques, il y a cette conférence de Paris Ségolène ROYAL, est-ce que nous devons attendre, nous attendre, à un accord universel et contraignant sur le changement climatique ?
SEGOLENE ROYAL
La réponse est oui bien évidemment !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura un accord contraignant ?
SEGOLENE ROYAL
Je le pense ! Je le pense. Parce que ce que je sens c'est qu'aujourd'hui plus aucun pays ne voudra prendre la responsabilité à la face du monde de tenir en échec un accord qui, je le répète, est une question maintenant de vie ou de mort pour certains Etats insulaires et pour d'autres Etats d'ailleurs, regardez ce qui vient de se passer en Inde avec la canicule, il vient d'y avoir 2.000 morts à cause de la vague de canicule en Inde, si vous pensez que cela nous permet d'attendre, de ne pas être exigeant, de ne pas dire qu'il faut aller plus vite – et c'est ce que j'ai fait et j'ai eu raison de le faire et s'il faut le refaire je le redirai – parce que ce n'est pas après un échec qu'il faut dire : « Ah ! Mais si on avait su, on aurait fait autrement ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites les chefs d'Etat et de Gouvernement doivent intervenir pour faire avancer un peu plus vite les choses, les discussions ?
SEGOLENE ROYAL
Mais bien sûr !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous lancez un cri d'alerte quand même ?
SEGOLENE ROYAL
Je lance un cri d'alerte ! Et vous ne croyez pas… et c'est mon rôle aussi de ministre du Développement durable de lancer un cri d'alerte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi ? Parce qu'on ne va pas assez vite ? Parce que les chefs d'Etat et de Gouvernement ne sont pas assez mobilisés ?
SEGOLENE ROYAL
Parce que c'est trop lent ! Tout le monde le sait, tout le monde le voit. Parce qu'il y a encore une incertitude sur le point de savoir… d'ailleurs si vous posez cette question c'est qu'il y a encore une incertitude, or tout le monde est très engagé, les chefs d'Etat et de Gouvernement, regardez Angela MERKEL vient de s'engager, Barack OBAMA s'est engagé, les grands pays du monde comme l'Inde et la Chine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en 2009 aussi les pays riches s'étaient engagés !
SEGOLENE ROYAL
Mais vous avez raison ! Et donc ça veut dire que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En 2009 à verser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 aux pays du Sud, à Copenhague.
SEGOLENE ROYAL
A Copenhague ! Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et où est cet argent ?
SEGOLENE ROYAL
Il n'est pas encore sur la table mais ça va dans la…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui !
SEGOLENE ROYAL
Et c'est pour ça en effet que j'ai dit qu'il fallait accélérer les choses et que tant Laurent FABIUS, que le président de la République, tout le monde dans cette équipe de France tire dans la même direction pour qu'il y ait des échanges. Il y a prochainement la réunion du G7, au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement cette question du financement va être posée. Pourquoi est-ce qu'elle est importante la question du financement ? Parce que les pays les plus pauvres ou les plus vulnérables, qui nous entendent nous pays développés, qui nous sommes développés grâce aux énergies fossiles, donc qui avons ét à l'origine de la question du dérèglement climatique, lorsqu'ils nous entendent dire : « Eh bien vous aussi vous devez faire attention, vous aussi vous ne devez pas polluer la planète » alors que parfois la moitié, voire les trois quart de leur population n'ont même pas accès à l'énergie, ils se disent : « mais donnez-nous les moyens de développer par exemple les technologies d'énergie solaire » et c'est que, si on donne aux pays qui sont sous les latitudes les plus chaudes, donc qui ont le soleil - et ça fait des années d'ailleurs que je dis cette question, vous savez j'étais déjà il y a 23 ans au sommet de la Terre à Rio, j'étais ministre de l'Environnement à l'époque, donc je peux mesurer ce qui n'a pas bougé et ce qui a bougé – ce qui a bougé c'est la prise de conscience, ce qui n'a pas bougé c'est les transferts de technologies, parce que déjà il y a 23 ans je disais : « mais donnons à l'Afrique par exemple les moyens de développer l'énergie solaire pour éviter la déforestation qui conduit à des conséquences dramatiques, l'assèchement des sols qui conduit à des conséquences dramatiques » et, si nous donnons des technologies d'énergie solaire, nous avons du potentiel pour développer les pays les plus pauvres et donc pour contribuer aussi à la paix dans le monde, parce que c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr !
SEGOLENE ROYAL
Ce sont les inégalités de développement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des millions de déplacés pour des raisons climatiques.
SEGOLENE ROYAL
Des millions de déplacés climatiques, les conflits autour de l'accès à l'eau potable qui aujourd'hui expliquent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ségolène ROYAL ! Ségolène ROYAL…
SEGOLENE ROYAL
Pardon ! Expliquent les conflits les plus urgents et les plus criants, et donc travailler sur la lutte contre le réchauffement climatique c'est aussi travailler pour la sécurité et c'est aussi travailler pour l'humanité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! 25 % de la population française, un quart des Français, sont encore réfractaires à ces questions environnementales - et d'ailleurs ça progresse – parce que les difficultés économiques, les difficultés du quotidien prennent le pas sur ces questions environnementales, ras-le-bol des citoyens vis-à-vis des injonctions et des discours des responsables politiques, vous le sentez bien ? Vous sentez bien que votre parole est moins écoutée actuellement, vous le savez ?
SEGOLENE ROYAL
J'essaie moi de voir toujours l'aspect positif des choses pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
SEGOLENE ROYAL
Attendez ! Pour pouvoir s'appuyer sur ce socle positif, de pouvoir continuer à progresser. Vous venez de dire 25 % des Français ne s'intéressent à l'écologie, ça fait 75 % qui s'y intéressent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais ça reprogresse...
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est énorme !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça remonte les réfractaires…
SEGOLENE ROYAL
75 % des Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le nombre de réfractaires.
SEGOLENE ROYAL
Eh bien à moi et à nous de les convaincre qu'il y a une réconciliation possible entre le développement économique et l'écologie, parce que les Français sont d'‘abord prioritairement – et ils ont raison – préoccupés par la question de l'emploi, du pouvoir d'achat, du bien-être, de l'éducation de leurs enfants, de l'avenir des familles… et donc , si je leur explique que la croissance verte résout à la fois les problèmes de l'écologie et en même temps les problèmes de l'économie, à ce moment-là ils vont s'intéresser à la question écologique, et c'est pour ça que je fais voter la loi sur la transition écologique pour la croissance verte parce qu'il y a 100.00 emplois à la clé dans les entreprises qui vont investir dans la performance énergétique des bâtiments, dans les énergies renouvelables, dans la protection de la nature et tout l'ingénierie de la nature...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, Ségolène ROYAL, vous dites que l'écologie…
SEGOLENE ROYAL
Ce sont des nouveaux emplois et des nouveaux métiers dont il faut se saisir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites l'écologie ne doit pas être punitive…
SEGOLENE ROYAL
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la raison pour laquelle vous avez proposé vos vignettes de différentes couleurs, vos pastilles de différentes couleurs, permettant d'identifier les véhicules selon leurs émissions polluantes, on est bien d'accord ; les deux roues, les camions sont concernés aussi, on est bien d'accord Ségolène ROYAL…
SEGOLENE ROYAL
Oui ! Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas obligatoires, pourquoi pas obligatoires ?
SEGOLENE ROYAL
Parce que dans un premier temps je veux effectivement de l'écologie positive ! Pourquoi ? Parce que c'est beaucoup plus puissant une action de tout un peuple qui s'engage positivement, en se disant, dans la citoyenneté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais personne ne va les acheter ces pastilles…
SEGOLENE ROYAL
Mais si ! Pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au début gratuites, ensuite cinq euros ?
SEGOLENE ROYAL
Si ! Pourquoi ? Pourquoi, parce que des avantages vont pouvoir être donnés à ceux qui ont des voitures non polluantes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ?
SEGOLENE ROYAL
Par exemple le stationnement gratuit, la possibilité d'utiliser les couloirs de bus dans certaines conditions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire en fonction de la pastille…
SEGOLENE ROYAL
La possibilité de rouler en cas de pic de pollution, la possibilité de rouler dans les zones de circulation restreinte et d'autres avantages…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous voulez dire par là que, si j'ai une pastille, si j'ai la meilleure couleur, 1, 1 ou 2…
SEGOLENE ROYAL
1 ou 2, ça dépend…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je pourrais stationner gratuitement ?
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est déjà le cas pour les voitures électriques, la plupart des villes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! La voiture électrique, mais les autres aussi ?
SEGOLENE ROYAL
Eh bien ce sera aux villes de décider en fonction de la pollution. Moi ce que je mets en place ce sont des outils dont les maires des grandes villes polluées, il y en a 34, qui ont été répertoriées par l'Union européenne, qui ont mis ces villes en demeure de faire des actions pour lutter contre la pollution parce que la pollution de l'air est un enjeu de santé publique considérable, avec toutes les affections respiratoires qui vont avec, notamment sur les enfants, sur les seniors – et pas seulement – tout le monde maintenant a sa santé polluée, est, comment dirais-je, impactée par la question de la pollution de l'air. C'est une grande préoccupation pour les Français et donc il faut agir, donc pour agir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc chaque ville décidera, chaque ville décidera ce qu'elle fait de ces vignettes ?
SEGOLENE ROYAL
Voilà ! Voilà, et c'est pour ça que j'ai lancé un appel à projet sur les villes respirables en cinq ans qui va inciter les villes à accélérer, à construire une autre civilisation de la ville et du déplacement en ville, et en particulier l'idée c'est de sortir du diesel polluant en cinq ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Anne HIDALGO, elle, elle va adopter vos pastilles, mais elle dit déjà : « moi je conserverai la circulation alternée, pastilles ou pas ».
SEGOLENE ROYAL
Ce n'est pas vrai ! Elle n'a pas du tout dit ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Eh bien elle a dit ça ce matin sur RTL…
SEGOLENE ROYAL
Pas du tout ! Elle a dit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle vient de le dire ! Pardon, je l'ai sous les yeux : « j'adopterai le système des pastilles de Ségolène ROYAL…
SEGOLENE ROYAL
Voilà !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je conserverai la circulation alternée ».
SEGOLENE ROYAL
Oui ! Mais parce que dans un premier temps toutes les voitures ne vont pas être équipées des certificats d'identification du seuil de pollution.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
SEGOLENE ROYAL
Mais dans un deuxième temps, lorsque toutes les voitures auront le certificat de seuil de pollution, en cas de pic de circulation seules les voitures qui ne polluent pas pourront circuler. Voyez ! Donc, c'est beaucoup plus efficace que de choisir les voitures en fonction du numéro de la plaque d'immatriculation et donc ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La circulation alternée c'est quoi, c'est ça ?
SEGOLENE ROYAL
Eh bien ça sera en fonction de la propreté des véhicules. Il va y avoir une articulation entre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de discours commun-là, je veux dire, entre la ville de Paris par exemple qui est quand même la Capitale de ce pays et vous, pourquoi ?
SEGOLENE ROYAL
Mais pourquoi cherchez-vous des polémiques là où il n'y en a pas ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Mais je ne cherche pas la polémique.
SEGOLENE ROYAL
Au contraire, les villes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vois que vous avez des discours un peu différents.
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, tous les maires des grandes villes attendaient impatiemment la question de l'identification des véhicules pour pouvoir prendre la décision par exemple de faire des zones à circulation restreinte, que e viens de créer dans la loi de transition énergétique, donc il faut bien identifier les voitures qui sont propres, premièrement ; et deuxièmement, pour les gens qui se disent : « Oui ! Mais nous on a une voiture polluante, on n'a pas les moyens d'acheter ne voiture propre » je rappelle qu'il y a une prime de 10.000 euros, aucun gouvernement au monde – vous m'entendez – aucun gouvernement au monde n'a pris une décision financière aussi importante pour encourager les Français à acheter des voitures propres, il y a aujourd'hui une prime de 10.000 euros pour mettre à la casse une voiture, une vieille voiture diesel polluante et pour acheter une véhicule électrique ; et il faut aussi orienter les achats vers les voitures hybrides rechargeables, les voitures à essence hybrides rechargeables et les véhicules électriques, pour que demain nos villes soient respirables….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là, on est bien d'accord.
SEGOLENE ROYAL
Et que bien évidemment les transports collectifs donnent l'exemple, c'est-à-dire les bus et les taxis qui soient aussi des véhicules électriques et des véhicules…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Paris, il faudrait donner l'exemple aussi.
SEGOLENE ROYAL
Voilà !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Paris et ailleurs.
SEGOLENE ROYAL
Ça c'est important aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ségolène ROYAL, AREVA, EDF va devenir actionnaire majoritaire de l'activité « réacteurs » si j'ai bien compris, enfin EDF oui et l'Etat, l'Etat qui va recapitaliser, on est bien d'accord ?
SEGOLENE ROYAL
Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
A quelle hauteur ?
SEGOLENE ROYAL
Les discussions sont en cours, les choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux milliards ?
SEGOLENE ROYAL
Puisqu'il y a eu un délai d'un mois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois milliards ?
SEGOLENE ROYAL
Et il y a eu… d'abord de quoi s'agit-il ? Il s'agit de restructurer notre filière nucléaire, de continuer à avoir une filière qui soit un champion français du nucléaire et de l'énergie - car je vous rappelle également qu'EDF et AREVA investissent aussi dans les énergies renouvelables – donc, il y a deux objectifs dans cette restructuration : c'est d'abord restructurer financièrement un secteur qui en effet a été fragilisé parce qu'après….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous confirmez, l'Etat va recapitaliser ?
SEGOLENE ROYAL
Oui ! Bien sûr, oui, ça été…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A quelle hauteur ?
SEGOLENE ROYAL
Je termine juste pour que les auditeurs me comprennent !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Terminez ! Vous allez me répondre après.
SEGOLENE ROYAL
Après la catastrophe de Fukushima il y a eu beaucoup moins de commandes dans le nucléaire, donc cette filière a été en difficulté, la France a fait le choix de maintenir une filière nucléaire et d'autres pays également - comme la Chine par exemple qui construit cinq réacteurs tous les ans – donc la technologie française est bien positionnée si elle garde l'exportation, donc cette entreprise maintenant elle est restructurée à la fois pour régler les problèmes financiers, pour être à l'offensive sur les exportations et pour être à l'offensive sur la transition énergétique, c'est-à-dire que nos grands énergéticiens s‘investissent aussi dans le renouvelable puisque dans les années qui viennent il va y avoir mille fois plus d'investissements dans le renouvelable que dans le nucléaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Il est temps. Mais…
SEGOLENE ROYAL
Donc, ce sont des enjeux considérables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord ! Alors les enjeux sont considérables, donc l'Etat met les moyens, combien ?
SEGOLENE ROYAL
Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui dans la mesure où les deux entreprises continuent à discuter entre EDF, AREVA et l'Etat actionnaire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'Etat ! Bien sûr.
SEGOLENE ROYAL
Bien évidemment pour stabiliser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais plusieurs milliards d'euros ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut faire l'inventaire de l'ensemble des besoins, des autres ressources financières qui peuvent être mobilisées et, ensuite, les choses seront stabilisées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui va payer la Finlande, l'EPR en Finlande, les milliards d'euros-là ? Combien de milliards d'euros déjà : dépassement… les Finlandais ne sont pas contents, vous le savez ?
SEGOLENE ROYAL
C'est un milliard d'euros !e dépassement !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un milliard d'euros, donc c'est l'Etat qui va payer ?
SEGOLENE ROYAL
Non ! Ce n'est pas comme ça que ça se…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !
SEGOLENE ROYAL
C'est une entreprise, mais c'est une entreprise qui vend, c'est une entreprise qui exporte, c'est une entreprise qui fait des bénéfices, donc c'est un équilibre industriel. Il faut à la fois une stratégie industrielle, une stratégie de transition énergétique et une stratégie à l'exportation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai deux questions à vous poser, Ségolène ROYAL, pour terminer. La première quand même c'est sur l‘emploi chez AREVA, 6.000 postes supprimés dans le monde, c'est bien cela ?
SEGOLENE ROYAL
Là aussi ne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
3 à 4.000 en France…
SEGOLENE ROYAL
Ne faisons pas par respect pour l'entreprise et pour les salariés d'annonce intempestive, puisque le travail de productivité de l'entreprise doit être discuté avec les salariés...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les dépenses seront supprimées, ça été annoncé ?
SEGOLENE ROYAL
On va voir comment ça se passe ! Je ne veux pas, moi, intervenir et parler à la place des chefs d'entreprise. L'Etat est actionnaire, donc l'Etat est vigilant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'Etat est actionnaire !
SEGOLENE ROYAL
Et en fonction de cette restructuration-là les choses seront faites…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pouvez nous dire ce matin qu'il n'y aura pas de poste supprimé ?
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qui a été dit en tout cas par le président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura pas de poste supprimé ?
SEGOLENE ROYAL
Je n'en dirais pas plus, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne voulez pas me répondre surtout.
SEGOLENE ROYAL
Non par respect pour les entreprises, je vous ai dit qu'il y avait un délai d'un mois de mise à plat de l'ensemble des comptes, de mise à plat de l'ensemble des conditions de restructuration de cette filière qui est une filière industrielle très importante pour la France. Vous savez que dans la loi de transition énergétique la production d'électricité à partir du nucléaire sera ramenée de 75 à 50 % …
JEAN-JACQUES BOURDIN
Fessenheim fermée ?
SEGOLENE ROYAL
Fait fera bien… non mais attendez, oui parlons des choses aussi sérieusement, donc ne passons pas comme ça d'un sujet à l'autre. Les auditeurs n'ont même pas le temps de comprendre la fin de la phrase, vous passez déjà à une autre question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non…
SEGOLENE ROYAL
Mais je ne me dérobe pas, j'y réponds malgré tout rassurez-vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais.
SEGOLENE ROYAL
Donc qu'elle était la prochaine réponse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Simplement Fessenheim fermée ?
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qui a été dit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin du quinquennat ?
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qui a été dit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qui est prévu.
SEGOLENE ROYAL
En fonction de l'ouverture…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis j'ai une dernière question. Est-ce que vous avez trouvé très belle cette image sur le perron de l'Elysée où vous vous retrouvez avec François HOLLANDE d'un côté, un couple que vous formez, pourquoi cette image qui a frappé les Français à côté du roi et de la reine d'Espagne ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, les choses sont… vous savez il y a des règles dans une République, voilà donc je suis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez aimé cette image ?
SEGOLENE ROYAL
Ce n'est pas le problème d'aimer ou de ne pas aimer, j'assume mes responsabilités institutionnelles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle était voulue ?
SEGOLENE ROYAL
C'est une responsabilité institutionnelle, de quoi s'agit-il ? Je suis numéro deux du gouvernement, le Premier ministre n'était pas là, le numéro un du gouvernement, monsieur FABIUS n'était pas là et donc on m'a demandé d'assurer cette présence institutionnelle du gouvernement, ce que j'ai fait bien volontiers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous l'avez aimé ?
SEGOLENE ROYAL
Mais je n'ai pas le problème d'aimer ou de ne pas aimer, c'est le problème d'assumer des responsabilités institutionnelles le mieux possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez vu qu'elle a été beaucoup commenté Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Laissons les gens commenter, si ça les amuse, c'est bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien, merci.Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2015