Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission spéciale,
Mesdames et Messieurs les membres de la commission mixte paritaire,
Mesdames et Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Me voici à nouveau devant vous après qu'en mai dernier, vous ayez adopté en nouvelle lecture le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte que j'avais eu l'honneur de défendre dans cet hémicycle et que votre Assemblée a enrichi de très nombreux apports.
J'avais tenu, à l'issue de ce vote, à saluer le remarquable travail accompli par la représentation nationale et la qualité du débat démocratique auquel, sur tous les bancs, l'examen de ce texte avait donné lieu.
Le Sénat, lors de sa nouvelle lecture, a d'ailleurs confirmé nombre des améliorations que vous avez apportées à un texte dont, je m'en réjouis, les orientations majeures sont confortées par l'une et l'autre Chambre.
Ce travail de co-constrution législative s'est concrètement traduit par, 5 034 amendements examinés en séance publique, et 970 amendements adoptés, au cours de 150 heures de débat, précédés de plusieurs centaines d'heures de travaux en commission.
Nous aurons, durant la discussion, l'occasion de revenir de manière approfondie sur les derniers ajouts du Sénat que vous allez examiner aujourd'hui, avec le souci, j'en suis convaincue, de doter notre pays d'une loi ambitieuse et mobilisatrice qui sera la plus avancée d'Europe (et à vrai dire du monde) car la plus complète.
Une loi qui vise à faire de la France la nation de l'excellence environnementale, un moteur de la construction de l'Europe de l'énergie, une puissance écologique donnant chez elle l'exemple de ce qu'elle préconise à l'échelle mondiale pour le Sommet de Paris Climat.
Les enjeux écologiques poussent à construire des convergences qui excèdent les frontières partisanes et vous savez combien j'ai à coeur, tout en respectant des différences de point de vue parfaitement légitimes, de toujours rechercher des solutions d'équilibre qui permettent d'avancer au service de l'intérêt général.
Je sais que nous sommes ici toutes et tous convaincus de la nécessité de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et de bâtir un nouveau modèle énergétique français qui nous permette de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de développer des filières d'avenir, de créer des activités nouvelles et des emplois durables, à commencer par ces 100.000 emplois dont la croissance verte est porteuse à court terme dans le bâtiment avec les chantiers de rénovation et dans tous les secteurs de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables, des mobilités propres et de l'économie circulaire.
Je ne vais pas aujourd'hui détailler une nouvelle fois devant vous, qui les connaissez fort bien, les grands enjeux de ce projet de loi, les objectifs à la fois volontaristes et pragmatiques qu'il fixe à court et plus long terme en matière de réduction de notre consommation énergétique finale et de nos émissions de gaz à effet de serre.
Je ne reviendrai pas non plus sur les dispositions de ses différents titres pour accélérer le grand chantier de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments (source de création d'emplois dans un secteur fragilisé, de pouvoir d'achat pour les ménages et d'économies pour les budgets des collectivités publiques), pour développer toute la gamme des mobilités propres (qui nous permettent de préparer l'après-pétrole mais aussi d'améliorer la qualité de l'air et de mieux protéger la santé), pour lutter contre tous les gaspillages et prendre le tournant de l'économie circulaire, pour développer ces énergies vertes qui, de l'éolien au solaire (de plus en plus compétitif), de l'hydroélectricité à la biomasse, de la géothermie aux énergies marines, constituent pour tous nos territoires autant de ressources à valoriser et pour les outre-mer la clef de l'autonomie énergétique.
Modernisation du régime des concessions hydrauliques, renforcement de la sûreté nucléaire, simplification des procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité sans en rabattre sur les exigences environnementales, clarification des méthodes de construction des tarifs réglementés, nouveaux instruments de programmation et de pilotage avec, en particulier, les budgets carbone, la stratégie bas carbone et la programmation pluri-annuelle de l'énergie, renforcement du rôle des territoires et des citoyens, lutte contre la précarité énergétique : autant de raisons et de façons d'agir plus efficacement ensemble.
Toutes ces dimensions du texte qui vous est soumis ainsi que la reconnaissance des spécificités et des atouts des outre-mer (qui peuvent devenir des territoires d'avant-garde de la transition énergétique), tout cela, donc, et aussi l'obligation de presser le pas, nous en avons débattu et nous allons y revenir pour donner à la mutation énergétique de la France le socle le plus solide, l'horizon le plus clair, le cadre le plus stable et les moyens les plus opérationnels.
Ce que je voudrais vous redire aujourd'hui, c'est que le mouvement est lancé, comme en témoignent les actions qui accompagnent, préfigurent et vont faciliter la mise en oeuvre de la loi que vous allez contribuer à finaliser.
Ces actions administrent la preuve du possible et témoignent d'un potentiel de mobilisation formidablement encourageant autour de projets qui font sens pour la vie de chacun et pour l'avenir du pays.
Quelle meilleure preuve que la transition énergétique est en marche que les Territoires à énergie positive qui ont répondu très nombreux à l'appel à projets lancé par le Ministère de l'Ecologie ?
528 collectivités locales ont exprimé leur volonté de s'engager, de réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments et les émissions de gaz à effet de serre de leurs transports, de privilégier une gestion durable des déchets, de développer les énergies renouvelables, de préserver la biodiversité, de miser sur l'éducation à l'environnement et sur la participation citoyenne.
Ce midi, j'ai signé 100 nouvelles conventions. Ainsi, 209 conventions auront ainsi été signées au cours du débat parlementaire, au bénéfice de 150 territoires, qui rassemblent une population de 16 millions d'habitants.
Ces premières conventions portent sur des actions concrètes, auxquelles l'Etat apporte près de 50 millions d'euros de subventions, grâce au fonds de transition énergétique.
Au total, les lauréats vont recevoir une aide financière de 500.000 euros par territoire, versée par la Caisse des Dépôts, susceptible d'être portée à 2 millions d'euros en fonction de la qualité des projets et de leur contribution effective aux objectifs inscrits dans le projet de loi.
Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement permettant de préfinancer le fonds de transition énergétique, pour accélérer et mettre en oeuvre sans attendre la loi de finances. Il est important que vous puissiez le reprendre au cours de cette lecture définitive.
Le projet de loi va permettre de faire émerger de nouveaux secteurs d'activité. Plusieurs dispositions obligent à de nouveaux comportements, incitent à l'usage de nouveaux produits.
Elles vont inciter les entreprises à conquérir de nouveaux marchés :
* Le marché des véhicules électriques,
Avec le crédit d'impôt « transition énergétique » de 30%, qui s'applique aussi aux dépenses engagées pour l'acquisition d'un système de recharge des véhicules électriques.
Avec le déploiement progressif et, à terme, massif des bornes de recharge.
Avec les objectifs de renouvellement des flottes par des véhicules propres.
Avec la mise en place du bonus écologique porté à 10.000 euros pour le remplacement d'un vieux véhicule diésel par une voiture électrique (qui a déjà permis de doubler le nombre des immatriculations de véhicules électriques, avec un record de 2338 immatriculations en juin 2015).
* Le marché des sacs biodégradables et compostables créé par l'interdiction aux caisses, à partir du 1er janvier 2016, des sacs plastiques non réutilisables.
* Le marché des services énergétiques pour mieux consommer et économiser l'énergie : rénovation thermique des logements et des bâtiments, stockage de l'énergie, efficacité énergétique active, compteurs intelligents, effacements de consommation... autant de produits et de services, qui permettront aussi de faire baisser les factures
* Le marché des réseaux électriques intelligents
un appel à projets a été lancé, pour accompagner le déploiement sur les territoires, et pour créer des vitrines technologiques.
En lien direct avec le Titre 5 consacré à la montée en puissance des énergies renouvelables, je voudrais mentionner les dernières initiatives prises et les premiers résultats engrangés.
La part prise par les énergies renouvelables atteint désormais près de 20% de notre consommation électrique. Elle dépasse pour la première fois la production thermique d'origine fossile, hors hydraulique.
Il reste bien du chemin à parcourir mais l'éolien et le photovoltaïque repartent à la hausse, les projets se multiplient et c'est, pour la transition énergétique, une excellente nouvelle.
Les appels à projets lancés par le Ministère de l'Ecologie portent leurs fruits, que ce soit pour les hydroliennes fluviales, pour les installations photovoltaïques de grande, moyenne et petite puissance pour les installations solaires destinées aux outre-mer et à la Corse (qui allient technologies innovantes de stockage et solutions d'autoconsommation dans une perspective d'autonomie énergétique).
Dans le cadre du soutien apporté aux démonstrateurs d'énergies marines, l'hydrolienne expérimentale Sabella D10, l'une des machines les plus puissantes du monde, a été baptisée en avril dernier et le suivi de ses impacts environnementaux fait l'objet d'un protocole rigoureux avec le Parc naturel marin d'Iroise.
Je viens de désigner 4 zones propice pour l'éolien flottant, au large de la Bretagne, de la région PACA et de la région Languedoc-Roussillon. Un appel à projets sera lancé avant la fin du mois, Pour y installer les premières fermes pilotes. Financé par le programme des investissements d'avenir et par des tarifs de rachat de l'électricité produite, il permettra de lancer une nouvelle filière d'avenir prometteuse.
J'ai aussi saisi la commission de régulation de l'énergie, pour lancer un nouvel appel d'offres sur la production d'électricité à partir de biomasse. Il permettra de développer des projets de petite taille, a fort rendement énergétique et bien adaptés à la ressource locale en biomasse.
Avec le Ministre de l'agriculture, j'ai relancé la filière du solaire thermique, par un appel à projet DYNAMIC Bois. Il permettra de mieux optimiser la biomasse issue de l'exploitation forestière et de maximiser la séquestration du carbone par les arbres.
Il y a là un enjeu climatique et économique de la première importance. Notre pays pourra valoriser les savoir-faire français, à l'occasion du cadre du Sommet Paris Climat.
Le texte qui vous est soumis inscrit pour la première fois dans notre droit positif l'économie circulaire qui fait des déchets des uns les matières premières des autres. Il fixe, en matière de recyclage, des objectifs précis par catégorie de déchets et par secteur d'activité.
Ce Titre 4 a fait, dès le mois de juillet 2014, l'objet de plusieurs plans d'action. L'appel à projets pour des « Territoires zéro déchet, zéro gaspillage » a rencontré un vif succès : 293 collectivités réparties dans toutes les régions et rassemblant plus de 7,5 millions d'habitants s'engagent d'ores et déjà dans une démarche volontaire et participative de lutte contre les gaspillages et déchets.
Les plus ambitieuses visent une réduction de plus de 10% de leurs déchets (conforme aux objectifs du projet de loi), ce qui correspond à plus de 240.000 tonnes évitées et 43 millions d'euros d'économies par an, et de recyclage. Les 58 projets lauréats, dans l'Hexagone et dans les outre-mer, sont les plus aboutis et bénéficient d'un accompagnement du Ministère de l'Ecologie, via l'Ademe, qui leur apporte son expertise technique, son soutien financier pour l'animation de leur démarche et l'accès à des aides bonifiées à l'investissement.
Ces projets exemplaires témoignent de la créativité et de la réactivité des territoires dès lors que le cap est clairement fixé et que des moyens facilement accessibles sont mis en place.
Voilà qui est d'excellent augure pour que la loi sur la transition énergétique aide à généraliser dans tout le pays cette économie circulaire qui a vocation à remplacer la vieille économie linéaire en même temps que l'éco-conception des produits devra remplacer leur obsolescence programmée dont le texte qui vous est soumis donne une définition précise que le débat parlementaire a permis de renforcer.
Comme j'en avais pris l'engagement devant vous, j'ai tenu à lancer sans tarder, en concertation avec toutes les parties prenantes et les représentants des secteurs concernés, l'élaboration des textes d'application relatifs aux dispositions inscrites dans le projet de loi.
Le projet de loi prévoit plus de cent décrets d'application, et comporte près de 45 ordonnances. Au mois de juillet, 18 décrets ainsi que les ordonnances correspondant à 27 habilitations sont en cours d'élaboration ou de finalisation.
Cela concerne notamment :
* Le développement des transports propres :
Les projets de décrets relatifs au déploiement de véhicules à faibles émissions dans les flottes publiques, des loueurs et des taxis seront mis en consultation à l'été, pour une saisine du Conseil d'Etat à l'automne. La publication de ces décrets interviendra à la fin de l'année
* La lutte contre les gaspillages et la promotion de l'économie circulaire.
Les premiers textes ont été débattus au Conseil National des déchets en mai et juillet dernier pour :
- limiter l'usage des sacs plastiques ;
- mettre en oeuvre la reprise des déchets du BTP par les distributeurs professionnels de matériaux ;
- obliger les professionnels à trier les déchets qu'ils produisent ;
- obliger les opérateurs de traitement de déchets d'équipements électriques et électroniques à contractualiser avec un éco-organisme.
Les projets de décrets relatifs à ces sujets seront présentés pour une saisine du Conseil d'Etat dès la promulgation de la loi.
* Favoriser les énergies renouvelables
Le projet de décret d'application relatif au complément de rémunération pour les énergies renouvelables sera présenté en juillet pour une publication avant la fin de l'année. Le texte relatif à la procédure d'appel d'offre pour l'injection du biométhane dans le réseau de gaz est finalisé pour une saisine du Conseil d'Etat
Le décret fixant les budgets carbone et validant la stratégie nationale bas carbone (SNBC) sera publié en novembre 2015.
Les décrets permettant de mettre en oeuvre le chèque énergie feront l'objet d'une saisine du Conseil d'Etat dès promulgation de la loi. Ce chèque énergie permettra d'aider les ménages disposant de revenus modestes à payer leur facture. Il sera mis en place en 2016, avec dans un premier temps une phase expérimentale avant la généralisation.
En évoquant devant vous quelques unes des actions que j'ai tenu à mettre en place pour commencer à traduire dans les faits les axes du projet de loi sur lequel vous vous penchez à nouveau, je n'ai, au fond, voulu illustrer et souligner que ceci (que, j'en suis sûre, vous constatez vous aussi dans les territoires dont vous êtes les élus) : le mouvement de la transition énergétique monte en puissance.
Multiforme, il est fort d'acteurs motivés, de citoyens conscients des enjeux et prêts à participer, d'élus imaginatifs et décidés à agir, d'associations expertes et activement impliquées, d'entreprises grandes et petites qui font, de plus en plus nombreuses, le choix de la croissance verte, comme l'ont montré le Business Summit organisé à Paris en mai dernier et le Sommet des territoires organisé à Lyon au début de ce mois.
Ce mouvement est fort de mobilisations convergentes qui préfigurent l'élan que vous allez rendre possible dans la France entière.
Nous voilà donc sur le point d'aboutir en mettant sur des rails solides une transition ambitieuse qui réconcilie l'économie et l'écologie, qui lie étroitement ensemble le local et le global, le progrès environnemental et le progrès social, la question énergétique et la question démocratique, le temps présent et les temps à venir.
La France a soif d'une nouvelle frontière et d'un nouvel espoir. On dit que les portes de l'avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser. Notre commune responsabilité, c'est d'en réunir aujourd'hui tous les moyens, pour réussir cette belle et pacifique révolution de la croissance verte.
Permettez-moi, pour conclure, d'évoquer la Conférence internationale des scientifiques du monde entier qui s'est tenue à l'initiative de deux grands climatologues français, Jean Jouzel, vice-président du GIEC, qui en préside le Haut Comité, et Hervé Le Treut, membre de l'Académie des sciences, qui en préside le Comité d'organisation.
Cette rencontre de haut niveau a réuni durant 4 jours plus de 2000 chercheurs de toutes les disciplines, venus d'une centaine de pays, autour de la question du dérèglement climatique. C'est l'un des événements majeurs de la préparation du Sommet de Paris. C'est aussi, pour l'action législative de la France, un puissant encouragement.
Leur message est un message d'action car tous leurs travaux le prouvent : le temps presse. C'est un message qui demande aux gouvernements de prendre leurs responsabilités et à tous les acteurs, publics et privés, de se mobiliser.
Ces scientifiques insistent pour que le tournant vers une économie décarbonée ne soit pas vu comme une contrainte à subir mais comme une chance à saisir : une chance d'innover, une chance de faire reculer la pauvreté et la précarité, la chance d'une nouvelle prospérité pour chaque pays.
Raymond Aubrac, grand résistant, disait ceci : « au fond l'Humanité n'arrive à prendre en compte le long terme qu'après un peu intense ».
En matière climatique, la peur commence à être là. Mais la peur ne suffira pas. Car si nous attendons qu'elle se répande partout, les deux degrés de réchauffement climatique seront dépassés et nous ne pourrons plus faire face aux catastrophes.
Nous devons trouver d'autres ressorts que la peur pour gagner la bataille de l'action, car comme le disait Bergson : « nous devons agir en Homme de pensée et penser en Homme d'action ».
Les ressorts, nous les avons :
- la créativité et l'inventivité humaine
- la soif de dignité
Oui, l'Humanité peut trouver en elle-même une source de dignité nouvelle. Et une source de fierté.
Fierté d'un patrimoine commun. Fierté d'une oeuvre collective à accomplir et de s'en donner les moyens.
Nous espérons qu'à la COP21 de décembre, l'Humanité s'offrira un moment de fierté et de dépassement comme nous l'avons ressenti au cours de nos débats. Cette loi et les actions qui l'accompagnent représentent la contribution de la France à notre débat planétaire, tout en servant l'emploi et le bien-être de nos concitoyens.
Pour cet état d'esprit et ce travail de qualité, soyez remerciés.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 24 juillet 2015
Monsieur le Président de la commission spéciale,
Mesdames et Messieurs les membres de la commission mixte paritaire,
Mesdames et Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Me voici à nouveau devant vous après qu'en mai dernier, vous ayez adopté en nouvelle lecture le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte que j'avais eu l'honneur de défendre dans cet hémicycle et que votre Assemblée a enrichi de très nombreux apports.
J'avais tenu, à l'issue de ce vote, à saluer le remarquable travail accompli par la représentation nationale et la qualité du débat démocratique auquel, sur tous les bancs, l'examen de ce texte avait donné lieu.
Le Sénat, lors de sa nouvelle lecture, a d'ailleurs confirmé nombre des améliorations que vous avez apportées à un texte dont, je m'en réjouis, les orientations majeures sont confortées par l'une et l'autre Chambre.
Ce travail de co-constrution législative s'est concrètement traduit par, 5 034 amendements examinés en séance publique, et 970 amendements adoptés, au cours de 150 heures de débat, précédés de plusieurs centaines d'heures de travaux en commission.
Nous aurons, durant la discussion, l'occasion de revenir de manière approfondie sur les derniers ajouts du Sénat que vous allez examiner aujourd'hui, avec le souci, j'en suis convaincue, de doter notre pays d'une loi ambitieuse et mobilisatrice qui sera la plus avancée d'Europe (et à vrai dire du monde) car la plus complète.
Une loi qui vise à faire de la France la nation de l'excellence environnementale, un moteur de la construction de l'Europe de l'énergie, une puissance écologique donnant chez elle l'exemple de ce qu'elle préconise à l'échelle mondiale pour le Sommet de Paris Climat.
Les enjeux écologiques poussent à construire des convergences qui excèdent les frontières partisanes et vous savez combien j'ai à coeur, tout en respectant des différences de point de vue parfaitement légitimes, de toujours rechercher des solutions d'équilibre qui permettent d'avancer au service de l'intérêt général.
Je sais que nous sommes ici toutes et tous convaincus de la nécessité de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et de bâtir un nouveau modèle énergétique français qui nous permette de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de développer des filières d'avenir, de créer des activités nouvelles et des emplois durables, à commencer par ces 100.000 emplois dont la croissance verte est porteuse à court terme dans le bâtiment avec les chantiers de rénovation et dans tous les secteurs de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables, des mobilités propres et de l'économie circulaire.
Je ne vais pas aujourd'hui détailler une nouvelle fois devant vous, qui les connaissez fort bien, les grands enjeux de ce projet de loi, les objectifs à la fois volontaristes et pragmatiques qu'il fixe à court et plus long terme en matière de réduction de notre consommation énergétique finale et de nos émissions de gaz à effet de serre.
Je ne reviendrai pas non plus sur les dispositions de ses différents titres pour accélérer le grand chantier de la rénovation énergétique des logements et des bâtiments (source de création d'emplois dans un secteur fragilisé, de pouvoir d'achat pour les ménages et d'économies pour les budgets des collectivités publiques), pour développer toute la gamme des mobilités propres (qui nous permettent de préparer l'après-pétrole mais aussi d'améliorer la qualité de l'air et de mieux protéger la santé), pour lutter contre tous les gaspillages et prendre le tournant de l'économie circulaire, pour développer ces énergies vertes qui, de l'éolien au solaire (de plus en plus compétitif), de l'hydroélectricité à la biomasse, de la géothermie aux énergies marines, constituent pour tous nos territoires autant de ressources à valoriser et pour les outre-mer la clef de l'autonomie énergétique.
Modernisation du régime des concessions hydrauliques, renforcement de la sûreté nucléaire, simplification des procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité sans en rabattre sur les exigences environnementales, clarification des méthodes de construction des tarifs réglementés, nouveaux instruments de programmation et de pilotage avec, en particulier, les budgets carbone, la stratégie bas carbone et la programmation pluri-annuelle de l'énergie, renforcement du rôle des territoires et des citoyens, lutte contre la précarité énergétique : autant de raisons et de façons d'agir plus efficacement ensemble.
Toutes ces dimensions du texte qui vous est soumis ainsi que la reconnaissance des spécificités et des atouts des outre-mer (qui peuvent devenir des territoires d'avant-garde de la transition énergétique), tout cela, donc, et aussi l'obligation de presser le pas, nous en avons débattu et nous allons y revenir pour donner à la mutation énergétique de la France le socle le plus solide, l'horizon le plus clair, le cadre le plus stable et les moyens les plus opérationnels.
Ce que je voudrais vous redire aujourd'hui, c'est que le mouvement est lancé, comme en témoignent les actions qui accompagnent, préfigurent et vont faciliter la mise en oeuvre de la loi que vous allez contribuer à finaliser.
Ces actions administrent la preuve du possible et témoignent d'un potentiel de mobilisation formidablement encourageant autour de projets qui font sens pour la vie de chacun et pour l'avenir du pays.
Quelle meilleure preuve que la transition énergétique est en marche que les Territoires à énergie positive qui ont répondu très nombreux à l'appel à projets lancé par le Ministère de l'Ecologie ?
528 collectivités locales ont exprimé leur volonté de s'engager, de réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments et les émissions de gaz à effet de serre de leurs transports, de privilégier une gestion durable des déchets, de développer les énergies renouvelables, de préserver la biodiversité, de miser sur l'éducation à l'environnement et sur la participation citoyenne.
Ce midi, j'ai signé 100 nouvelles conventions. Ainsi, 209 conventions auront ainsi été signées au cours du débat parlementaire, au bénéfice de 150 territoires, qui rassemblent une population de 16 millions d'habitants.
Ces premières conventions portent sur des actions concrètes, auxquelles l'Etat apporte près de 50 millions d'euros de subventions, grâce au fonds de transition énergétique.
Au total, les lauréats vont recevoir une aide financière de 500.000 euros par territoire, versée par la Caisse des Dépôts, susceptible d'être portée à 2 millions d'euros en fonction de la qualité des projets et de leur contribution effective aux objectifs inscrits dans le projet de loi.
Le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement permettant de préfinancer le fonds de transition énergétique, pour accélérer et mettre en oeuvre sans attendre la loi de finances. Il est important que vous puissiez le reprendre au cours de cette lecture définitive.
Le projet de loi va permettre de faire émerger de nouveaux secteurs d'activité. Plusieurs dispositions obligent à de nouveaux comportements, incitent à l'usage de nouveaux produits.
Elles vont inciter les entreprises à conquérir de nouveaux marchés :
* Le marché des véhicules électriques,
Avec le crédit d'impôt « transition énergétique » de 30%, qui s'applique aussi aux dépenses engagées pour l'acquisition d'un système de recharge des véhicules électriques.
Avec le déploiement progressif et, à terme, massif des bornes de recharge.
Avec les objectifs de renouvellement des flottes par des véhicules propres.
Avec la mise en place du bonus écologique porté à 10.000 euros pour le remplacement d'un vieux véhicule diésel par une voiture électrique (qui a déjà permis de doubler le nombre des immatriculations de véhicules électriques, avec un record de 2338 immatriculations en juin 2015).
* Le marché des sacs biodégradables et compostables créé par l'interdiction aux caisses, à partir du 1er janvier 2016, des sacs plastiques non réutilisables.
* Le marché des services énergétiques pour mieux consommer et économiser l'énergie : rénovation thermique des logements et des bâtiments, stockage de l'énergie, efficacité énergétique active, compteurs intelligents, effacements de consommation... autant de produits et de services, qui permettront aussi de faire baisser les factures
* Le marché des réseaux électriques intelligents
un appel à projets a été lancé, pour accompagner le déploiement sur les territoires, et pour créer des vitrines technologiques.
En lien direct avec le Titre 5 consacré à la montée en puissance des énergies renouvelables, je voudrais mentionner les dernières initiatives prises et les premiers résultats engrangés.
La part prise par les énergies renouvelables atteint désormais près de 20% de notre consommation électrique. Elle dépasse pour la première fois la production thermique d'origine fossile, hors hydraulique.
Il reste bien du chemin à parcourir mais l'éolien et le photovoltaïque repartent à la hausse, les projets se multiplient et c'est, pour la transition énergétique, une excellente nouvelle.
Les appels à projets lancés par le Ministère de l'Ecologie portent leurs fruits, que ce soit pour les hydroliennes fluviales, pour les installations photovoltaïques de grande, moyenne et petite puissance pour les installations solaires destinées aux outre-mer et à la Corse (qui allient technologies innovantes de stockage et solutions d'autoconsommation dans une perspective d'autonomie énergétique).
Dans le cadre du soutien apporté aux démonstrateurs d'énergies marines, l'hydrolienne expérimentale Sabella D10, l'une des machines les plus puissantes du monde, a été baptisée en avril dernier et le suivi de ses impacts environnementaux fait l'objet d'un protocole rigoureux avec le Parc naturel marin d'Iroise.
Je viens de désigner 4 zones propice pour l'éolien flottant, au large de la Bretagne, de la région PACA et de la région Languedoc-Roussillon. Un appel à projets sera lancé avant la fin du mois, Pour y installer les premières fermes pilotes. Financé par le programme des investissements d'avenir et par des tarifs de rachat de l'électricité produite, il permettra de lancer une nouvelle filière d'avenir prometteuse.
J'ai aussi saisi la commission de régulation de l'énergie, pour lancer un nouvel appel d'offres sur la production d'électricité à partir de biomasse. Il permettra de développer des projets de petite taille, a fort rendement énergétique et bien adaptés à la ressource locale en biomasse.
Avec le Ministre de l'agriculture, j'ai relancé la filière du solaire thermique, par un appel à projet DYNAMIC Bois. Il permettra de mieux optimiser la biomasse issue de l'exploitation forestière et de maximiser la séquestration du carbone par les arbres.
Il y a là un enjeu climatique et économique de la première importance. Notre pays pourra valoriser les savoir-faire français, à l'occasion du cadre du Sommet Paris Climat.
Le texte qui vous est soumis inscrit pour la première fois dans notre droit positif l'économie circulaire qui fait des déchets des uns les matières premières des autres. Il fixe, en matière de recyclage, des objectifs précis par catégorie de déchets et par secteur d'activité.
Ce Titre 4 a fait, dès le mois de juillet 2014, l'objet de plusieurs plans d'action. L'appel à projets pour des « Territoires zéro déchet, zéro gaspillage » a rencontré un vif succès : 293 collectivités réparties dans toutes les régions et rassemblant plus de 7,5 millions d'habitants s'engagent d'ores et déjà dans une démarche volontaire et participative de lutte contre les gaspillages et déchets.
Les plus ambitieuses visent une réduction de plus de 10% de leurs déchets (conforme aux objectifs du projet de loi), ce qui correspond à plus de 240.000 tonnes évitées et 43 millions d'euros d'économies par an, et de recyclage. Les 58 projets lauréats, dans l'Hexagone et dans les outre-mer, sont les plus aboutis et bénéficient d'un accompagnement du Ministère de l'Ecologie, via l'Ademe, qui leur apporte son expertise technique, son soutien financier pour l'animation de leur démarche et l'accès à des aides bonifiées à l'investissement.
Ces projets exemplaires témoignent de la créativité et de la réactivité des territoires dès lors que le cap est clairement fixé et que des moyens facilement accessibles sont mis en place.
Voilà qui est d'excellent augure pour que la loi sur la transition énergétique aide à généraliser dans tout le pays cette économie circulaire qui a vocation à remplacer la vieille économie linéaire en même temps que l'éco-conception des produits devra remplacer leur obsolescence programmée dont le texte qui vous est soumis donne une définition précise que le débat parlementaire a permis de renforcer.
Comme j'en avais pris l'engagement devant vous, j'ai tenu à lancer sans tarder, en concertation avec toutes les parties prenantes et les représentants des secteurs concernés, l'élaboration des textes d'application relatifs aux dispositions inscrites dans le projet de loi.
Le projet de loi prévoit plus de cent décrets d'application, et comporte près de 45 ordonnances. Au mois de juillet, 18 décrets ainsi que les ordonnances correspondant à 27 habilitations sont en cours d'élaboration ou de finalisation.
Cela concerne notamment :
* Le développement des transports propres :
Les projets de décrets relatifs au déploiement de véhicules à faibles émissions dans les flottes publiques, des loueurs et des taxis seront mis en consultation à l'été, pour une saisine du Conseil d'Etat à l'automne. La publication de ces décrets interviendra à la fin de l'année
* La lutte contre les gaspillages et la promotion de l'économie circulaire.
Les premiers textes ont été débattus au Conseil National des déchets en mai et juillet dernier pour :
- limiter l'usage des sacs plastiques ;
- mettre en oeuvre la reprise des déchets du BTP par les distributeurs professionnels de matériaux ;
- obliger les professionnels à trier les déchets qu'ils produisent ;
- obliger les opérateurs de traitement de déchets d'équipements électriques et électroniques à contractualiser avec un éco-organisme.
Les projets de décrets relatifs à ces sujets seront présentés pour une saisine du Conseil d'Etat dès la promulgation de la loi.
* Favoriser les énergies renouvelables
Le projet de décret d'application relatif au complément de rémunération pour les énergies renouvelables sera présenté en juillet pour une publication avant la fin de l'année. Le texte relatif à la procédure d'appel d'offre pour l'injection du biométhane dans le réseau de gaz est finalisé pour une saisine du Conseil d'Etat
Le décret fixant les budgets carbone et validant la stratégie nationale bas carbone (SNBC) sera publié en novembre 2015.
Les décrets permettant de mettre en oeuvre le chèque énergie feront l'objet d'une saisine du Conseil d'Etat dès promulgation de la loi. Ce chèque énergie permettra d'aider les ménages disposant de revenus modestes à payer leur facture. Il sera mis en place en 2016, avec dans un premier temps une phase expérimentale avant la généralisation.
En évoquant devant vous quelques unes des actions que j'ai tenu à mettre en place pour commencer à traduire dans les faits les axes du projet de loi sur lequel vous vous penchez à nouveau, je n'ai, au fond, voulu illustrer et souligner que ceci (que, j'en suis sûre, vous constatez vous aussi dans les territoires dont vous êtes les élus) : le mouvement de la transition énergétique monte en puissance.
Multiforme, il est fort d'acteurs motivés, de citoyens conscients des enjeux et prêts à participer, d'élus imaginatifs et décidés à agir, d'associations expertes et activement impliquées, d'entreprises grandes et petites qui font, de plus en plus nombreuses, le choix de la croissance verte, comme l'ont montré le Business Summit organisé à Paris en mai dernier et le Sommet des territoires organisé à Lyon au début de ce mois.
Ce mouvement est fort de mobilisations convergentes qui préfigurent l'élan que vous allez rendre possible dans la France entière.
Nous voilà donc sur le point d'aboutir en mettant sur des rails solides une transition ambitieuse qui réconcilie l'économie et l'écologie, qui lie étroitement ensemble le local et le global, le progrès environnemental et le progrès social, la question énergétique et la question démocratique, le temps présent et les temps à venir.
La France a soif d'une nouvelle frontière et d'un nouvel espoir. On dit que les portes de l'avenir sont ouvertes à ceux qui savent les pousser. Notre commune responsabilité, c'est d'en réunir aujourd'hui tous les moyens, pour réussir cette belle et pacifique révolution de la croissance verte.
Permettez-moi, pour conclure, d'évoquer la Conférence internationale des scientifiques du monde entier qui s'est tenue à l'initiative de deux grands climatologues français, Jean Jouzel, vice-président du GIEC, qui en préside le Haut Comité, et Hervé Le Treut, membre de l'Académie des sciences, qui en préside le Comité d'organisation.
Cette rencontre de haut niveau a réuni durant 4 jours plus de 2000 chercheurs de toutes les disciplines, venus d'une centaine de pays, autour de la question du dérèglement climatique. C'est l'un des événements majeurs de la préparation du Sommet de Paris. C'est aussi, pour l'action législative de la France, un puissant encouragement.
Leur message est un message d'action car tous leurs travaux le prouvent : le temps presse. C'est un message qui demande aux gouvernements de prendre leurs responsabilités et à tous les acteurs, publics et privés, de se mobiliser.
Ces scientifiques insistent pour que le tournant vers une économie décarbonée ne soit pas vu comme une contrainte à subir mais comme une chance à saisir : une chance d'innover, une chance de faire reculer la pauvreté et la précarité, la chance d'une nouvelle prospérité pour chaque pays.
Raymond Aubrac, grand résistant, disait ceci : « au fond l'Humanité n'arrive à prendre en compte le long terme qu'après un peu intense ».
En matière climatique, la peur commence à être là. Mais la peur ne suffira pas. Car si nous attendons qu'elle se répande partout, les deux degrés de réchauffement climatique seront dépassés et nous ne pourrons plus faire face aux catastrophes.
Nous devons trouver d'autres ressorts que la peur pour gagner la bataille de l'action, car comme le disait Bergson : « nous devons agir en Homme de pensée et penser en Homme d'action ».
Les ressorts, nous les avons :
- la créativité et l'inventivité humaine
- la soif de dignité
Oui, l'Humanité peut trouver en elle-même une source de dignité nouvelle. Et une source de fierté.
Fierté d'un patrimoine commun. Fierté d'une oeuvre collective à accomplir et de s'en donner les moyens.
Nous espérons qu'à la COP21 de décembre, l'Humanité s'offrira un moment de fierté et de dépassement comme nous l'avons ressenti au cours de nos débats. Cette loi et les actions qui l'accompagnent représentent la contribution de la France à notre débat planétaire, tout en servant l'emploi et le bien-être de nos concitoyens.
Pour cet état d'esprit et ce travail de qualité, soyez remerciés.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 24 juillet 2015