Texte intégral
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je me réjouis de vous retrouver après cette période de congés d'été, dont vous avez, je l'espère, pu profiter les uns et les autres.
Vous le savez, il n'y a pas vraiment de " vacances dans le domaine de la santé ", car les malades, hospitalisés ou non, continuent d'avoir besoin d'un système de soins toujours vigilant, à quelque période de l'année : il n'y a pas de vacances pour la maladie, il n'y a pas de vacances pour les risques en matière de santé, bien au contraire, ces périodes sont souvent l'occasion d'un relâchement des comportements dans bien des domaines.
Vous l'aurez d'ailleurs constaté, cet été a été fertile en alertes diverses, en particulier dans le domaine de la sécurité des produits de santé, et notamment des médicaments.
1° Surveillance de la population : émergence de la syphilis
Avant d'aborder cette question des médicaments, je voudrais souligner l'importance de l'alerte déclenchée par l'Institut de Veille Sanitaire avec la recrudescence de la syphilis.
Toutes les données ont été publiées la semaine dernière dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire.
Cette situation épidémiologique n'est certes pas dramatique, je rappelle qu'il s'agit de 46 cas observés depuis le début de l'année, contre 32 cas pour l'ensemble de l'année dernière. Mais elle constitue un signal d'alerte indiscutable sur le relâchement des comportements de prévention en matière de relations sexuelles. Ce signal est d'ailleurs d'autant plus significatif qu'il est cohérent avec les autres données de surveillance disponible, depuis la recrudescence des cas de gonococcies observée en 1998, et la reprise des contaminations par le VIH signifiée cette année.
L'InVS renforcera dans les prochaines semaines son dispositif de surveillance de la syphilis. Si cela ne suffisait pas, nous pourrions envisager, en concertation avec les associations de malades, de réinscrire la syphilis dans la liste des maladies à déclaration obligatoire. Elle en a été sortie il y a tout juste quelques années.
Ces données nous imposent en tous cas d'accroître les efforts de prévention et la mobilisation des professionnels de santé, tout à la fois sur le problème de la syphilis et sur celui des nouvelles infections à VIH.
J'adresserai une circulaire ces jours-ci aux DRASS et aux DDASS pour leur préciser les conditions de mise en place de la stratégie actualisée de prévention de l'infection VIH/SIDA élaborée en concertation avec l'ensemble des associations concernées. Notre plan national fixe des priorités ciblées sur les groupes les plus exposés. Il s'agit en particulier des homosexuels masculins (c'est dans ce groupe que l'on note surtout la recrudescence de la syphilis) mais aussi chez les populations migrantes, chez les usagers de drogues I.V., et dans les départements d'Amérique. Je me rendrai prochainement en Guyane et j'aurai l'occasion de faire le point sur ce sujet là bas.
Notre stratégie vis-à-vis de tous les groupes concernés demeure l'amélioration de l'accès au dépistage et le renforcement de l'usage du préservatif. Dans ce schéma, je souhaite que nous renforcions la mobilisation des associations et celle des professionnels, et que la ré-allocation des moyens tienne compte des données épidémiologiques actuelles. Les actions de prévention doivent intégrer l'ensemble des risques de MST comme nous le soulignent les nouvelles données relatives à la syphilis.
Nous rappelons également aux médecins les éléments du diagnostic, et du traitement de la syphilis, car beaucoup d'entre eux n'ont aucune expérience de cette maladie qui avait presque disparu ces dernières années.
2° Pharmacovigilance et risques liés aux médicaments.
Nous avons été surtout mobilisés cet été par les alertes concernant les médicaments.
Je voudrais revenir un instant sur la question de la cérivastatine, ce médicament utilisé dans le traitement des hypercholestérolémies et qui était commercialisé par le laboratoire Bayer (Staltor), mais aussi Fournier (Cholstat). Les données de pharmacovigilance qui nous ont été communiquées à l'échelon mondial montrent qu'il y a eu plus de 1100 cas de rhabdomyolyses, dont moins de la moitié lorsque la cérivastatine était associée au gemfibrosil, autre anticholesterolémiant. Parmi l'ensemble de ces cas il y a 53 décès, dont 20 lors de l'association des 2 médicaments. Ces cas sont à rapprocher du nombre des personnes traitées, estimé à plus de 6 millions dans le monde.
Cet événement vient surtout souligner plusieurs problèmes importants :
*tout d'abord il n'y a pas de prescription médicale sans risque. Je dois rappeler que cet effet de la cérivastatine était connu et qu'il figurait dans l'autorisation de mise sur le marché en France, justifiant des précautions d'emploi et une surveillance médicale précise. Il nous faut mettre en face des complications observées les bénéfices engendrés, notamment par réduction de la mortalité liée aux complications athéromateuses prévenues par les traitements des hyperlipémies. La maîtrise de ce risque se fait au prix d'un autre risque, celui de la iatrogénie médicamenteuse. Nous sommes toujours confrontés à cette balance entre deux risques, malgré les progrès des techniques et produits qui visent à améliorer ce rapport en faveur d'une meilleure tolérance des thérapeutiques.
*Il nous faut bien sûr tout faire pour réduire cette iatrogénie, et c'est précisément le rôle de la pharmacovigilance de suivre le devenir des médicaments, afin de compléter les connaissances acquises lors des études réalisées avant l'autorisation de la mise sur le marché. Dans ce contexte la coordination européenne a plutôt bien fonctionné, puisque, en juillet dernier, à l'issue d'une alerte venant de l'agence espagnole, l'évaluation du risque a conduit l'AFSSAPS et les autres agences européennes à renforcer la surveillance, à contre-indiquer l'association des statines avec le gemfibrozil, et à demander au laboratoire Bayer d'adresser aux prescripteurs une information et une mise en garde.
*Enfin, il faut souligner le besoin de transparence dans tous les domaines de la sécurité sanitaire . Cette transparence est la clé également de la confiance sans laquelle il n'y a pas de médecine de qualité. J'ai eu l'occasion de m'exprimer largement sur ce sujet, et tout récemment à l'occasion de la présentation en conseil des ministres de la loi " droit des malades et qualité du système de santé ".
A ce titre, les informations relatives à la pharmacovigilance doivent faire l'objet de la plus grande transparence, et nous ne pouvons tolérer aucun manquement à ces règles, tout particulièrement de la part des laboratoires qui produisent ces médicaments.
*Le rapport que j'ai demandé à l'AFSSAPS sur ce sujet permettra sans doute d'améliorer encore le système. Des bonnes pratiques de pharmacovigilance doivent être opposables aux laboratoires.
Quelques mots sur d'autres situations qui doivent nous inciter à une grande vigilance dans la prescription médicamenteuse.
Ainsi avons nous été alerté cet été par l'hypothèse d'un risque accru d'événements cardio-vasculaires lors de l'utilisation de certains anti-inflammatoires comme le Vioxx ou le Celebrex : cela provient du fait que cette classe d'anti-inflammatoires n'a pas d'effet anti aggrégant plaquettaire (qui constitue un facteur de prévention des thromboses ) contrairement à l'aspirine ou à d'autres anti-inflammatoires.
Cette particularité doit être présente à l'esprit des prescripteurs chez les patients présentant des risques cardio-vasculaires ; cela a été rappelé par un communiqué de l'AFFSSAPS.
Nous renforçons également la surveillance des conséquences des antiretroviraux prescrits chez les femmes enceintes séropositives pour le VIH.
Le problème n'est pas tout à fait nouveau puisque dés janvier 1999 les pédiatres ont été informés par courrier des atteintes mitochondriales possibles des nouveau-nés de ces mères séropositives traitées pendant la grossesse. (atteinte neurologique visible ou non à la naissance).
En mars 2001, 9 nouveaux cas de cette pathologie ont été identifiés, ainsi que des anomalies à l'IRM cérébrale. Une nouvelle expertise de ces anomalies neurologiques, la semaine dernière, n'a pas pu incriminer de façon évidente le rôle des antirétroviraux ; dans ces conditions, la surveillance demeure très attentive, mais aucune modification de l'usage de ces médicaments ne s'impose immédiatement, étant donné le bénéfice apporté par le traitement pour la prévention de la transmission materno-ftale du VIH.
Tous ces faits illustrent combien, derrière la collecte des données indispensables, l'interprétation peut être difficile, que la responsabilité du produit est à rechercher toujours, mais qu'elle n'est pas toujours simple à mettre en évidence. Enfin, bien sûr, l'analyse bénéfice/risque rigoureuse doit permettre la bonne prise de décision, c'est à dire qu'il faut que nous soyons en mesure d'analyser les conséquences possibles du retrait d'un produit et d'informer de manière claire et efficace les professionnels et malades concernés ; c'est pourquoi je ne peux que redire ici combien je trouve regrettable les prises de décisions brutales, unilatérales, et non concertées avec les agences de sécurité sanitaires et avec les services en charge des politiques de santé.
Face aux risques iatrogènes de toute prise en charge médicale, la loi " droit des malades et qualité du système de santé " qui vient en discussion au Parlement constitue une réponse attendue et nécessaire face à l'aléa thérapeutique.
Désormais, qu'il y ait faute thérapeutique ou pas, les préjudices graves subis par les malades seront pris en compte, indemnisés si nécessaire.
3° sécurité transfusionnelle
En matière de sécurité transfusionnelle, je voudrais souligner que la mise en uvre du dépistage génomique viral, qui avait suscité quelque controverse en raison du coût relativement élevé de la mesure, mise en uvre depuis deux mois pour le VIH et le VHC, a déjà porté ses fruits puisque dés la première semaine un cas de porteur du VHC était détecté grâce à ce nouveau test.
Nous avons également été confrontés aux décisions Nord américaines (USA et Canada) de renforcer les critères d'exclusion aux donneurs de sang qui auraient séjourné plus de 3 mois au Royaume Uni ou en France.
Ces mesures ont été adoptées alors qu'aucune nouvelle information, positive sur ce risque de transmission de la MCJ par les produits sanguins ne modifie l'évaluation actuelle de ce risque. Ces mesures sont dites prises dans le cadre du principe de précaution, en attente de la disponibilité d'un test qui permettrait de détecter les donneurs potentiellement dangereux.
Ces éléments ne modifient pas les décisions prises en France dans ce domaine et basées sur des rapports d'experts remis à l'AFSSAPS en février et décembre 2000.
4° sécurité alimentaire
La sécurité alimentaire constitue un autre sujet de préoccupation croissante des français.
Plusieurs questions se sont posées à ce sujet récemment.
Tout d'abord la question des pesticides a été soulevée à l'occasion d'un rapport européen sur la teneur de ces produits chimiques dans les aliments. Au vu de ce rapport, il existe des taux trop élevés sur différents fruits et légumes : choux-fleurs , melons et surtout poivrons ont été concernés.
Il faut certainement que nous mesurions mieux les conséquences de ces contaminations et que nous nous efforcions de réduire l'usage et la diffusion des pesticides. C'est pourquoi, avec les ministères de l'agriculture et de la consommation, nous avons saisi l'AFSSA pour préciser, vis-à-vis de ces risques alimentaires, quelles sont les normes admissibles, notamment pour des expositions chroniques et de longue durée. L'évaluation précise de ces normes de toxicité constitue un enjeu très important de notre sécurité sanitaire dans le champ de l'environnement ; la suppression de certains pesticides doit s'accompagner d'une évaluation précise des conséquences de l'utilisation de pesticides de remplacement.
La question des OGM rejoint ces préoccupations. Vous avez vu l'ampleur de la polémique à leur sujet. Comme pour l'ensemble de ces questions de sécurité, il nous faut travailler dans la plus grande transparence.
Nous avons saisi début juillet l'AFSSA pour une évaluation du risque lié à la présence d'un faible taux d'OGM dans des semences conventionnelles.
Dans son avis rendu fin juillet, l'AFSSA estime que le risque lié à cette exposition est extrêmement faible, et que les résultats disponibles ne suggèrent pas un risque pour la santé publique. Elle rappelle à ce sujet que dans les pays où ces produits (maïs OGM ) sont largement consommés, il n'a pas été observé de toxicité chronique.
De même, la commission du génie biomoléculaire (CGB) n'a pas estimé qu'il y avait un risque pour l'environnement.
Reste qu'il faudra, là encore, au vu de ces constats, trouver des critères d'évaluation de la tolérance en Santé publique ; de beaux débats en perspective sans doute ! A ce sujet de nouveaux débats citoyens seront organisés. Dans ce cadre, l'AFSSA organisera en décembre prochain un colloque sur " OGM et alimentation : comment évaluer les risques pour la santé ?".
Nous devons intensifier nos recherches sur les conséquences en Santé Publique, et j'ai demandé que des ressources dans le cadre du Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) soient consacrées au soutien et à l'encouragement des travaux sur ces risques.
Dans tous les cas l'information du consommateur doit rester notre règle absolue de fonctionnement, et je me réjouis des travaux sur la réglementation européenne en matière de traçabilité et d'étiquetage.
Enfin vous l'avez sans doute vu, le risque de Ciguatera, consommation de poisson contaminé par des toxines, qui se rencontre plus volontiers sous les latitudes tropicales, a été signalée en région parisienne, probablement lié à l'importation de denrées alimentaires, l'enquête est en cours.
5° la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Dans le domaine de la sécurité alimentaire, vous avez pu noter que les mesures de précaution concernant la liste des MRS ovins et caprins ont été étendues cet été.
En ce qui concerne les mesures de sécurité sanitaire dans le champ des produits de santé je ne reviens pas sur les mesures concernant les pinces à biopsie à usage unique, mesure entrée en vigueur ces jours-ci.
Sur le plan de la surveillance de la population, il se pourrait que nous ayons un 4ème cas de variant ; comme je vous avais dit la dernière fois que nous ne manquerions pas de vous tenir informé à ce sujet, je signale ce cas, bien que le diagnostic ne soit pas encore confirmé. Il ne s'agit encore que d'un cas probable.
Sur ce sujet, il me semble important d'évoquer les espoirs thérapeutiques soulevés par le Pr S. Prusiner.
Comme vous le savez son équipe a publié à la mi-août dans une revue de haut niveau scientifique des résultats préliminaires de travaux de recherche conduits in vitro.
Deux molécules, la quinacrine et la chlorpromazine, qui sont de vieilles molécules connues de très longue date, seraient capables d'éliminer la protéine prion pathologique dans des cultures cellulaires de souris expérimentalement infectées.
Compte tenu des conséquences majeures possibles d'un tel espoir thérapeutique, j'ai demandé à l'Inserm d'étudier la mise en place dans les meilleurs délais d'un essai thérapeutique en France, en concertation avec des équipes européennes. Cet essai sera conduit par le Dr Alpérovitch.
Dés à présent l'AFSSAPS a pris les dispositions nécessaires pour que les médecins puissent proposer ce produit aux malades à titre compassionnel. Ces malades seront suivis bien entendu avec un protocole extrêmement strict. A ce jour une quinzaine de personnes en bénéficient. Il me semble toutefois essentiel d'insister sur la fragilité des données aujourd'hui disponibles concernant l'efficacité réelle de cette prescription dans le traitement de la MCJ.
6° infections nosocomiales
Vous le savez, le décret et la circulaire relatifs au signalement des infections nosocomiales ont été diffusés cet été. Un exemplaire de ces textes, qui ont été mis en ligne sur le site internet du ministère dès le 31 juillet, vous est donné dans le dossier de presse. Ces textes organisent le circuit de l'information concernant ces infections au sein des établissements de santé et caractérisent les infections qui doivent être portées à la connaissance des autorités sanitaires.
Le principe de l'information des patients est affirmé à cette occasion.
Ces dispositions anticipent ainsi les principes du projet de loi que j'ai présenté en Conseil des Ministres la semaine dernière qui érigera le droit à l'information des patients en principe législatif. Les associations de patients ont d'ailleurs été consultées lors de l'élaboration de ces textes.
7° qualité hospitalière
La recherche de la qualité, indissociable de la sécurité, est depuis des années l'objectif clé de l'organisation des soins, notamment des établissements de santé. C'est un vecteur essentiel de la politique que je conduis.
Des informations en la matière sont en notre possession, en nombre considérable. Elles guident nos réflexions et conditionnent les axes de nos efforts. Elles ne sont cependant pas encore accessibles à tous dans des formes compréhensibles, et classifiées selon des critères utiles au grand public comme aux personnes malades.
Or, vous le savez, chaque jour qui passe, la connaissance de la qualité et de la sécurité des soins est davantage un élément déterminant du choix des usagers.
Rendre accessible à tous ces informations, dans des conditions de facilité, d'impartialité et de rigueur nous revient. Il y va de notre responsabilité.
Je souhaite, pour coordonner ce travail, installer un observatoire de la qualité hospitalière. Cet observatoire aura pour mission de proposer des critères susceptibles de rendre compte de la qualité des services dispensés par les établissements de santé afin de permettre le recueil, l'analyse, et la mise à disposition du grand public d'informations claires, fiables, et cohérentes avec les caractéristiques de ces établissements.
Ce travail s'appuiera, bien sûr, sur les travaux d'experts et les contributions de l'ensemble des organismes déjà concernés par l'activité et la qualité hospitalière, tels l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES), la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES), la mission PMSI, l'Agence Technique de l'Information Hospitalière (ATIH), les différentes agences de sécurité sanitaire et associera les professionnels de santé et les représentants des usagers.
Voici donc quelques-uns uns des points que je voulais évoquer avec vous.
Il y aurait bien d'autres sujets, comme le saturnisme (nous avons diffusé en direction des médecins le document de sensibilisation à la démarche de dépistage ), les rejets radio-actifs des établissements de santé.
La tenue de ces réunions bimestrielles témoigne du fait que tous ces thèmes de sécurité sanitaire et de santé publique constituent des sujets de préoccupation quotidienne de notre société. Aussi, le rôle des pouvoirs publics est essentiel, et il repose largement sur l'implication et la compétence des professionnels de santé publique tels les médecins inspecteurs. Pourtant ce métier reste mal connu. C'est pourquoi je lancerai dès cette semaine une campagne d'information pour le recrutement de médecins inspecteurs de santé publique.
Maintenant, je vous invite à ouvrir la discussion, avec tous les spécialistes de ces questions de sécurité sanitaire et de santé publique qui sont là, et à leur poser toutes les questions que vous souhaitez, sur les sujets que nous avons évoqués ou sur tout autre sujet.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 13 septembre 2001)
Je me réjouis de vous retrouver après cette période de congés d'été, dont vous avez, je l'espère, pu profiter les uns et les autres.
Vous le savez, il n'y a pas vraiment de " vacances dans le domaine de la santé ", car les malades, hospitalisés ou non, continuent d'avoir besoin d'un système de soins toujours vigilant, à quelque période de l'année : il n'y a pas de vacances pour la maladie, il n'y a pas de vacances pour les risques en matière de santé, bien au contraire, ces périodes sont souvent l'occasion d'un relâchement des comportements dans bien des domaines.
Vous l'aurez d'ailleurs constaté, cet été a été fertile en alertes diverses, en particulier dans le domaine de la sécurité des produits de santé, et notamment des médicaments.
1° Surveillance de la population : émergence de la syphilis
Avant d'aborder cette question des médicaments, je voudrais souligner l'importance de l'alerte déclenchée par l'Institut de Veille Sanitaire avec la recrudescence de la syphilis.
Toutes les données ont été publiées la semaine dernière dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire.
Cette situation épidémiologique n'est certes pas dramatique, je rappelle qu'il s'agit de 46 cas observés depuis le début de l'année, contre 32 cas pour l'ensemble de l'année dernière. Mais elle constitue un signal d'alerte indiscutable sur le relâchement des comportements de prévention en matière de relations sexuelles. Ce signal est d'ailleurs d'autant plus significatif qu'il est cohérent avec les autres données de surveillance disponible, depuis la recrudescence des cas de gonococcies observée en 1998, et la reprise des contaminations par le VIH signifiée cette année.
L'InVS renforcera dans les prochaines semaines son dispositif de surveillance de la syphilis. Si cela ne suffisait pas, nous pourrions envisager, en concertation avec les associations de malades, de réinscrire la syphilis dans la liste des maladies à déclaration obligatoire. Elle en a été sortie il y a tout juste quelques années.
Ces données nous imposent en tous cas d'accroître les efforts de prévention et la mobilisation des professionnels de santé, tout à la fois sur le problème de la syphilis et sur celui des nouvelles infections à VIH.
J'adresserai une circulaire ces jours-ci aux DRASS et aux DDASS pour leur préciser les conditions de mise en place de la stratégie actualisée de prévention de l'infection VIH/SIDA élaborée en concertation avec l'ensemble des associations concernées. Notre plan national fixe des priorités ciblées sur les groupes les plus exposés. Il s'agit en particulier des homosexuels masculins (c'est dans ce groupe que l'on note surtout la recrudescence de la syphilis) mais aussi chez les populations migrantes, chez les usagers de drogues I.V., et dans les départements d'Amérique. Je me rendrai prochainement en Guyane et j'aurai l'occasion de faire le point sur ce sujet là bas.
Notre stratégie vis-à-vis de tous les groupes concernés demeure l'amélioration de l'accès au dépistage et le renforcement de l'usage du préservatif. Dans ce schéma, je souhaite que nous renforcions la mobilisation des associations et celle des professionnels, et que la ré-allocation des moyens tienne compte des données épidémiologiques actuelles. Les actions de prévention doivent intégrer l'ensemble des risques de MST comme nous le soulignent les nouvelles données relatives à la syphilis.
Nous rappelons également aux médecins les éléments du diagnostic, et du traitement de la syphilis, car beaucoup d'entre eux n'ont aucune expérience de cette maladie qui avait presque disparu ces dernières années.
2° Pharmacovigilance et risques liés aux médicaments.
Nous avons été surtout mobilisés cet été par les alertes concernant les médicaments.
Je voudrais revenir un instant sur la question de la cérivastatine, ce médicament utilisé dans le traitement des hypercholestérolémies et qui était commercialisé par le laboratoire Bayer (Staltor), mais aussi Fournier (Cholstat). Les données de pharmacovigilance qui nous ont été communiquées à l'échelon mondial montrent qu'il y a eu plus de 1100 cas de rhabdomyolyses, dont moins de la moitié lorsque la cérivastatine était associée au gemfibrosil, autre anticholesterolémiant. Parmi l'ensemble de ces cas il y a 53 décès, dont 20 lors de l'association des 2 médicaments. Ces cas sont à rapprocher du nombre des personnes traitées, estimé à plus de 6 millions dans le monde.
Cet événement vient surtout souligner plusieurs problèmes importants :
*tout d'abord il n'y a pas de prescription médicale sans risque. Je dois rappeler que cet effet de la cérivastatine était connu et qu'il figurait dans l'autorisation de mise sur le marché en France, justifiant des précautions d'emploi et une surveillance médicale précise. Il nous faut mettre en face des complications observées les bénéfices engendrés, notamment par réduction de la mortalité liée aux complications athéromateuses prévenues par les traitements des hyperlipémies. La maîtrise de ce risque se fait au prix d'un autre risque, celui de la iatrogénie médicamenteuse. Nous sommes toujours confrontés à cette balance entre deux risques, malgré les progrès des techniques et produits qui visent à améliorer ce rapport en faveur d'une meilleure tolérance des thérapeutiques.
*Il nous faut bien sûr tout faire pour réduire cette iatrogénie, et c'est précisément le rôle de la pharmacovigilance de suivre le devenir des médicaments, afin de compléter les connaissances acquises lors des études réalisées avant l'autorisation de la mise sur le marché. Dans ce contexte la coordination européenne a plutôt bien fonctionné, puisque, en juillet dernier, à l'issue d'une alerte venant de l'agence espagnole, l'évaluation du risque a conduit l'AFSSAPS et les autres agences européennes à renforcer la surveillance, à contre-indiquer l'association des statines avec le gemfibrozil, et à demander au laboratoire Bayer d'adresser aux prescripteurs une information et une mise en garde.
*Enfin, il faut souligner le besoin de transparence dans tous les domaines de la sécurité sanitaire . Cette transparence est la clé également de la confiance sans laquelle il n'y a pas de médecine de qualité. J'ai eu l'occasion de m'exprimer largement sur ce sujet, et tout récemment à l'occasion de la présentation en conseil des ministres de la loi " droit des malades et qualité du système de santé ".
A ce titre, les informations relatives à la pharmacovigilance doivent faire l'objet de la plus grande transparence, et nous ne pouvons tolérer aucun manquement à ces règles, tout particulièrement de la part des laboratoires qui produisent ces médicaments.
*Le rapport que j'ai demandé à l'AFSSAPS sur ce sujet permettra sans doute d'améliorer encore le système. Des bonnes pratiques de pharmacovigilance doivent être opposables aux laboratoires.
Quelques mots sur d'autres situations qui doivent nous inciter à une grande vigilance dans la prescription médicamenteuse.
Ainsi avons nous été alerté cet été par l'hypothèse d'un risque accru d'événements cardio-vasculaires lors de l'utilisation de certains anti-inflammatoires comme le Vioxx ou le Celebrex : cela provient du fait que cette classe d'anti-inflammatoires n'a pas d'effet anti aggrégant plaquettaire (qui constitue un facteur de prévention des thromboses ) contrairement à l'aspirine ou à d'autres anti-inflammatoires.
Cette particularité doit être présente à l'esprit des prescripteurs chez les patients présentant des risques cardio-vasculaires ; cela a été rappelé par un communiqué de l'AFFSSAPS.
Nous renforçons également la surveillance des conséquences des antiretroviraux prescrits chez les femmes enceintes séropositives pour le VIH.
Le problème n'est pas tout à fait nouveau puisque dés janvier 1999 les pédiatres ont été informés par courrier des atteintes mitochondriales possibles des nouveau-nés de ces mères séropositives traitées pendant la grossesse. (atteinte neurologique visible ou non à la naissance).
En mars 2001, 9 nouveaux cas de cette pathologie ont été identifiés, ainsi que des anomalies à l'IRM cérébrale. Une nouvelle expertise de ces anomalies neurologiques, la semaine dernière, n'a pas pu incriminer de façon évidente le rôle des antirétroviraux ; dans ces conditions, la surveillance demeure très attentive, mais aucune modification de l'usage de ces médicaments ne s'impose immédiatement, étant donné le bénéfice apporté par le traitement pour la prévention de la transmission materno-ftale du VIH.
Tous ces faits illustrent combien, derrière la collecte des données indispensables, l'interprétation peut être difficile, que la responsabilité du produit est à rechercher toujours, mais qu'elle n'est pas toujours simple à mettre en évidence. Enfin, bien sûr, l'analyse bénéfice/risque rigoureuse doit permettre la bonne prise de décision, c'est à dire qu'il faut que nous soyons en mesure d'analyser les conséquences possibles du retrait d'un produit et d'informer de manière claire et efficace les professionnels et malades concernés ; c'est pourquoi je ne peux que redire ici combien je trouve regrettable les prises de décisions brutales, unilatérales, et non concertées avec les agences de sécurité sanitaires et avec les services en charge des politiques de santé.
Face aux risques iatrogènes de toute prise en charge médicale, la loi " droit des malades et qualité du système de santé " qui vient en discussion au Parlement constitue une réponse attendue et nécessaire face à l'aléa thérapeutique.
Désormais, qu'il y ait faute thérapeutique ou pas, les préjudices graves subis par les malades seront pris en compte, indemnisés si nécessaire.
3° sécurité transfusionnelle
En matière de sécurité transfusionnelle, je voudrais souligner que la mise en uvre du dépistage génomique viral, qui avait suscité quelque controverse en raison du coût relativement élevé de la mesure, mise en uvre depuis deux mois pour le VIH et le VHC, a déjà porté ses fruits puisque dés la première semaine un cas de porteur du VHC était détecté grâce à ce nouveau test.
Nous avons également été confrontés aux décisions Nord américaines (USA et Canada) de renforcer les critères d'exclusion aux donneurs de sang qui auraient séjourné plus de 3 mois au Royaume Uni ou en France.
Ces mesures ont été adoptées alors qu'aucune nouvelle information, positive sur ce risque de transmission de la MCJ par les produits sanguins ne modifie l'évaluation actuelle de ce risque. Ces mesures sont dites prises dans le cadre du principe de précaution, en attente de la disponibilité d'un test qui permettrait de détecter les donneurs potentiellement dangereux.
Ces éléments ne modifient pas les décisions prises en France dans ce domaine et basées sur des rapports d'experts remis à l'AFSSAPS en février et décembre 2000.
4° sécurité alimentaire
La sécurité alimentaire constitue un autre sujet de préoccupation croissante des français.
Plusieurs questions se sont posées à ce sujet récemment.
Tout d'abord la question des pesticides a été soulevée à l'occasion d'un rapport européen sur la teneur de ces produits chimiques dans les aliments. Au vu de ce rapport, il existe des taux trop élevés sur différents fruits et légumes : choux-fleurs , melons et surtout poivrons ont été concernés.
Il faut certainement que nous mesurions mieux les conséquences de ces contaminations et que nous nous efforcions de réduire l'usage et la diffusion des pesticides. C'est pourquoi, avec les ministères de l'agriculture et de la consommation, nous avons saisi l'AFSSA pour préciser, vis-à-vis de ces risques alimentaires, quelles sont les normes admissibles, notamment pour des expositions chroniques et de longue durée. L'évaluation précise de ces normes de toxicité constitue un enjeu très important de notre sécurité sanitaire dans le champ de l'environnement ; la suppression de certains pesticides doit s'accompagner d'une évaluation précise des conséquences de l'utilisation de pesticides de remplacement.
La question des OGM rejoint ces préoccupations. Vous avez vu l'ampleur de la polémique à leur sujet. Comme pour l'ensemble de ces questions de sécurité, il nous faut travailler dans la plus grande transparence.
Nous avons saisi début juillet l'AFSSA pour une évaluation du risque lié à la présence d'un faible taux d'OGM dans des semences conventionnelles.
Dans son avis rendu fin juillet, l'AFSSA estime que le risque lié à cette exposition est extrêmement faible, et que les résultats disponibles ne suggèrent pas un risque pour la santé publique. Elle rappelle à ce sujet que dans les pays où ces produits (maïs OGM ) sont largement consommés, il n'a pas été observé de toxicité chronique.
De même, la commission du génie biomoléculaire (CGB) n'a pas estimé qu'il y avait un risque pour l'environnement.
Reste qu'il faudra, là encore, au vu de ces constats, trouver des critères d'évaluation de la tolérance en Santé publique ; de beaux débats en perspective sans doute ! A ce sujet de nouveaux débats citoyens seront organisés. Dans ce cadre, l'AFSSA organisera en décembre prochain un colloque sur " OGM et alimentation : comment évaluer les risques pour la santé ?".
Nous devons intensifier nos recherches sur les conséquences en Santé Publique, et j'ai demandé que des ressources dans le cadre du Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) soient consacrées au soutien et à l'encouragement des travaux sur ces risques.
Dans tous les cas l'information du consommateur doit rester notre règle absolue de fonctionnement, et je me réjouis des travaux sur la réglementation européenne en matière de traçabilité et d'étiquetage.
Enfin vous l'avez sans doute vu, le risque de Ciguatera, consommation de poisson contaminé par des toxines, qui se rencontre plus volontiers sous les latitudes tropicales, a été signalée en région parisienne, probablement lié à l'importation de denrées alimentaires, l'enquête est en cours.
5° la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Dans le domaine de la sécurité alimentaire, vous avez pu noter que les mesures de précaution concernant la liste des MRS ovins et caprins ont été étendues cet été.
En ce qui concerne les mesures de sécurité sanitaire dans le champ des produits de santé je ne reviens pas sur les mesures concernant les pinces à biopsie à usage unique, mesure entrée en vigueur ces jours-ci.
Sur le plan de la surveillance de la population, il se pourrait que nous ayons un 4ème cas de variant ; comme je vous avais dit la dernière fois que nous ne manquerions pas de vous tenir informé à ce sujet, je signale ce cas, bien que le diagnostic ne soit pas encore confirmé. Il ne s'agit encore que d'un cas probable.
Sur ce sujet, il me semble important d'évoquer les espoirs thérapeutiques soulevés par le Pr S. Prusiner.
Comme vous le savez son équipe a publié à la mi-août dans une revue de haut niveau scientifique des résultats préliminaires de travaux de recherche conduits in vitro.
Deux molécules, la quinacrine et la chlorpromazine, qui sont de vieilles molécules connues de très longue date, seraient capables d'éliminer la protéine prion pathologique dans des cultures cellulaires de souris expérimentalement infectées.
Compte tenu des conséquences majeures possibles d'un tel espoir thérapeutique, j'ai demandé à l'Inserm d'étudier la mise en place dans les meilleurs délais d'un essai thérapeutique en France, en concertation avec des équipes européennes. Cet essai sera conduit par le Dr Alpérovitch.
Dés à présent l'AFSSAPS a pris les dispositions nécessaires pour que les médecins puissent proposer ce produit aux malades à titre compassionnel. Ces malades seront suivis bien entendu avec un protocole extrêmement strict. A ce jour une quinzaine de personnes en bénéficient. Il me semble toutefois essentiel d'insister sur la fragilité des données aujourd'hui disponibles concernant l'efficacité réelle de cette prescription dans le traitement de la MCJ.
6° infections nosocomiales
Vous le savez, le décret et la circulaire relatifs au signalement des infections nosocomiales ont été diffusés cet été. Un exemplaire de ces textes, qui ont été mis en ligne sur le site internet du ministère dès le 31 juillet, vous est donné dans le dossier de presse. Ces textes organisent le circuit de l'information concernant ces infections au sein des établissements de santé et caractérisent les infections qui doivent être portées à la connaissance des autorités sanitaires.
Le principe de l'information des patients est affirmé à cette occasion.
Ces dispositions anticipent ainsi les principes du projet de loi que j'ai présenté en Conseil des Ministres la semaine dernière qui érigera le droit à l'information des patients en principe législatif. Les associations de patients ont d'ailleurs été consultées lors de l'élaboration de ces textes.
7° qualité hospitalière
La recherche de la qualité, indissociable de la sécurité, est depuis des années l'objectif clé de l'organisation des soins, notamment des établissements de santé. C'est un vecteur essentiel de la politique que je conduis.
Des informations en la matière sont en notre possession, en nombre considérable. Elles guident nos réflexions et conditionnent les axes de nos efforts. Elles ne sont cependant pas encore accessibles à tous dans des formes compréhensibles, et classifiées selon des critères utiles au grand public comme aux personnes malades.
Or, vous le savez, chaque jour qui passe, la connaissance de la qualité et de la sécurité des soins est davantage un élément déterminant du choix des usagers.
Rendre accessible à tous ces informations, dans des conditions de facilité, d'impartialité et de rigueur nous revient. Il y va de notre responsabilité.
Je souhaite, pour coordonner ce travail, installer un observatoire de la qualité hospitalière. Cet observatoire aura pour mission de proposer des critères susceptibles de rendre compte de la qualité des services dispensés par les établissements de santé afin de permettre le recueil, l'analyse, et la mise à disposition du grand public d'informations claires, fiables, et cohérentes avec les caractéristiques de ces établissements.
Ce travail s'appuiera, bien sûr, sur les travaux d'experts et les contributions de l'ensemble des organismes déjà concernés par l'activité et la qualité hospitalière, tels l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES), la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES), la mission PMSI, l'Agence Technique de l'Information Hospitalière (ATIH), les différentes agences de sécurité sanitaire et associera les professionnels de santé et les représentants des usagers.
Voici donc quelques-uns uns des points que je voulais évoquer avec vous.
Il y aurait bien d'autres sujets, comme le saturnisme (nous avons diffusé en direction des médecins le document de sensibilisation à la démarche de dépistage ), les rejets radio-actifs des établissements de santé.
La tenue de ces réunions bimestrielles témoigne du fait que tous ces thèmes de sécurité sanitaire et de santé publique constituent des sujets de préoccupation quotidienne de notre société. Aussi, le rôle des pouvoirs publics est essentiel, et il repose largement sur l'implication et la compétence des professionnels de santé publique tels les médecins inspecteurs. Pourtant ce métier reste mal connu. C'est pourquoi je lancerai dès cette semaine une campagne d'information pour le recrutement de médecins inspecteurs de santé publique.
Maintenant, je vous invite à ouvrir la discussion, avec tous les spécialistes de ces questions de sécurité sanitaire et de santé publique qui sont là, et à leur poser toutes les questions que vous souhaitez, sur les sujets que nous avons évoqués ou sur tout autre sujet.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 13 septembre 2001)