Interview de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à "RTL" le 26 août 2015, sur la baisse des impôts pour un certain nombre de ménages et le maintien pour le gouvernement de l'objectif de réduction des dépenses publiques.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
7 h 48 ! Olivier MAZEROLLE, vous recevez le ministre des Finances et des Comptes publics Michel SAPIN.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui ! Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Quel impôt et qui sera concerné par la baisse annoncée par le président de la République ?
MICHEL SAPIN
On annonce une baisse - qui est une bonne chose - et immédiatement vous voulez savoir dans le texte…
OLIVIER MAZEROLLE
Ah ! Oui.
MICHEL SAPIN
C'est normal, c'est à la fois votre curiosité et celle de vos auditeurs.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais surtout on imagine que vous avec un plan, ça n'a pas été dit comme ça au débotté.
MICHEL SAPIN
Il y aura donc une baisse d'impôt pour les Français, pas tous les Français, mais en particulier les Français les plus modestes qui ont supporté très fortement les hausses d'impôts – qu'elles soient d'ailleurs décidées par le précédent gouvernement, le précédent président de la République, ou par celui-ci - pour de bonnes ou de mauvaises raisons, mais pour de bonnes raisons parce qu'il fallait, nous, lutter contre des déficits qui étaient trop élevés. Donc il faut maintenant progressivement, au fur et à mesure, en fonction des possibilités des budgets, qui doivent par ailleurs être avec des déficits qui baissent, il faut rendre progressivement aux Français une part des efforts qu'ils ont faits.
OLIVIER MAZEROLLE
Via l'impôt sur le revenu ?
MICHEL SAPIN
L'impôt sur le revenu est certainement celui qui a fait le plus mal au cours de ces dernières années, avec des évolutions sur le montant de ces impôts, parfois à partir de réformes qui paraissent très techniques. Mais moi j'ai en tête quelque chose, Nicolas SARKOZY a décidé il y a longtemps la suppression de ce qu'on appelle la demi-part des veuves, c'est-à-dire que lorsque vous êtes veuve vous aviez un avantage fiscal d'une demi-part – vous augmentiez votre quotient d'une demi-part – et cette suppression elle s'est faite sur plusieurs années, la dernière fois que ça a eu un effet ça devait être en 2014, en 214. Ca, ça été payé par qui ? Pas par madame BETTENCOURT, excusez-moi, ça été payé par des femmes et des hommes très, très…
OLIVIER MAZEROLLE
Donc ça sera des mesures techniques de ce genre plutôt qu'une mesure globale…
MICHEL SAPIN
Je pense…
OLIVIER MAZEROLLE
Généralisée ?
MICHEL SAPIN
Non ! Nous travaillons sur le sujet, le président de la République fera les arbitrages qui seront nécessaires et avec le Premier ministre nous travaillerons aux modalités, mais je pense que la question de l'impôt sur le revenu est aujourd'hui la question principale pour les Français.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors certains paieront moins mais qui paieront plus ?
MICHEL SAPIN
Non ! Ca c'est une très mauvaise, pardon de le dire comme ça, c'est un très mauvais raisonnement, ce n'est pas parce que vous baissez pour les uns que vous allez augmenter pour les autres. Pour quelle raison ? Parce que nous faisons par ailleurs des économies, parce que nous compensons les baisses d'impôts – donc de recettes – par des baisses de dé »penses dans le contexte actuel. Cela aussi est peut être une évolution des choses ! Mais nos priorités elles sont simples, il y a des priorités budgétaires : la sécurité, que ce soit la Défense au sens projection à l'extérieur ou que ce soit les forces de sécurité à l'intérieur ; c'est l'éducation, parce que nous nous avons une force en France c‘est notre jeunesse, nous avons une démographie qui est une démographie très positive, nous gagnons si je puis dire des enfants tous les enfants, ce n'est pas la même chose en Allemagne, ce n'est pas la même chose dans d'autres pays ; et puis nous devons continuer à baisser nos déficits, parce qu'on ne peut pas vivre avec des déficits seraient toujours en augmentation…
OLIVIER MAZEROLLE
Alors justement…
MICHEL SAPIN
Et donc, à partir de là, il n'y a qu'une seule solution c'est de maîtriser les dépenses, de diminuer les dépenses, c'est ce que nous allons continuer à faire l'année prochaine en 2016…
OLIVIER MAZEROLLE
Mais justement est-ce que vous allez pouvoir…
MICHEL SAPIN
Et qui permettra de financer cette nouvelle baisse d'impôts.
OLIVIER MAZEROLLE
Est-ce que vous allez pouvoir les diminuer suffisamment pour compenser ces baisses d'impôts.
MICHEL SAPIN
La réponse est oui !
OLIVIER MAZEROLLE
Ah bon !
MICHEL SAPIN
Donc la réponse est nous le ferons…
OLIVIER MAZEROLLE
Ah bon !
MICHEL SAPIN
Eh bien oui !
OLIVIER MAZEROLLE
Mais où allez-vous trouver les milliards supplémentaires ?
MICHEL SAPIN
Mais nous avons déjà travaillé sur le sujet, vous avez certainement en tête un programme, on ne fait pas ça du jour au lendemain, ce n'est pas un soir on s'endort en disant : « il faut que je fasse tant d'économies » et le lendemain on se réveille. 50 milliards d'économies en trois ans…
OLIVIER MAZEROLLE
Oui ! D'accord, mais là…
MICHEL SAPIN
50 milliards d'économies en trois ans…
OLIVIER MAZEROLLE
Là le président de la République vous assigne la tâche de trouver des milliards de plus.
MICHEL SAPIN
A l'intérieur de ces 50 milliards d'économies, ce n'est pas deux milliards de plus, à l'intérieur de ces 10 milliards d'économies nous allons permettre le financement de cela. Est-ce que je peux prendre un exemple ? Nous parlons, vous m'interrogez sur les baisses d'impôts de l'année prochaine, est-ce que vous savez qu'en ce moment même, en ce moment même, neuf millions…
OLIVIER MAZEROLLE
Oui ! Ah ça oui.
MICHEL SAPIN
Ah oui ! Ah ça oui.
OLIVIER MAZEROLLE
C'est acquis ! Voilà.
MICHEL SAPIN
Pour quelle somme ?
OLIVIER MAZEROLLE
Mais vous savez…
MICHEL SAPIN
Pour quelle somme, monsieur MAZEROLLE ? Pour plus de trois milliards ! Donc en 2015, maintenant, à l'instant même, nous avons financé, nous avons financé par des diminutions de dépenses une diminution d'impôts…
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord !
MICHEL SAPIN
De plus de trois milliards.
OLIVIER MAZEROLLE
La baisse en 2016 ça sera de l'ordre de trois milliards également ?
MICHEL SAPIN
Nous regarderons ça, nous verrons, nous ferons tous les calculs nécessaires. Parce que, par ailleurs, je ne dévierai pas de ce que j'appelle le sérieux budgétaire et le sérieux budgétaire, c'est…
OLIVIER MAZEROLLE
Justement !
MICHEL SAPIN
1) de continuer à diminuer ces déficits et 2) d'atteindre les objectifs qu'on se fixe, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors justement on ne croit pas beaucoup à toutes ces promesses de baisse d'impôts, pour une raison simple, c'est que mercredi dernier vous ministre en charge des Finances depuis 2012 vous dites : « pour les baisses d'impôts il est urgent d'attendre, on verra ça mi-2016 où en est » et le lendemain matin le président de la République dit : « au contraire, il est urgent d'accélérer ».
MICHEL SAPIN
D'abord, il ne l'a pas du tout dit comme ça, il a dit : « effectivement l'année prochaine il faut continuer…
OLIVIER MAZEROLLE
Mais il y a une contradiction entre vous deux ?
MICHEL SAPIN
Non ! Il n'y en a pas.
OLIVIER MAZEROLLE
Comment ?
MICHEL SAPIN
Et puis vous pourrez toujours la chercher, vous ne la trouverez pas. Donc…
OLIVIER MAZEROLLE
Vous dites une chose un jour, le lendemain il dit le contraire.
MICHEL SAPIN
Mais monsieur MAZEROLLE, monsieur MAZEROLLE, est-ce que je peux vous reprendre sur un point ? Vous dites : « on ne croit pas dans les baisses d'impôts » mais qu'est-ce qui se passe en ce moment même ?
OLIVIER MAZEROLLE
Non ! Mais je parle de la promesse…
MICHEL SAPIN
Tatata ! Et vous croyez à celle de cette année, l'année dernière quelqu'un d'autre - vous ou un autre – disait : « je ne crois as dans vos baisses d'impôts », les baisses d'impôts que nous avons programmées l'année dernière, à la fin de l'année dernière, elles sont là aujourd'hui, elles sont sur les feuilles, les avis d'imposition, il y a neuf millions de ménages qui en ce moment voient baisser leurs impôts sur le revenu ou même se voient exonérer de tout paiement de l'impôt sur le revenu. C'est très important ! Y compris dans la capacité à nourrir la croissance et l'activité économique ça fait dire au fond, au bout du compte, l'emploi, parce qu'il y a là en cette rentrée, dans cette rentrée de 2015, un surcroit de pouvoir d'achat par rapport à ce à quoi pouvaient s'attendre les Français - et c'est une très bonne chose – donc ce que nous avons fait…
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord ! D'accord.
MICHEL SAPIN
Ce que nous avons tenu pour 2015 nous le ferons et nous le tiendrons pour 2016, c'est ça la continuité dans l'action.
OLIVIER MAZEROLLE
Baisse d'impôts sur le revenu, vous ne reprendrez pas d'une main ce que vous nous donnez de l'autre ?
MICHEL SAPIN
Eh bien ça aussi c'est un… on entend ça à chaque fois.
OLIVIER MAZEROLLE
Eh bien oui ! Eh bien oui.
MICHEL SAPIN
Mais non !
OLIVIER MAZEROLLE
Hier Fleur PELLERIN, qui était chez Marc-Olivier FOGIEL, dit : « moi je veux faire augmenter les taxes sur les Smartphones et les tablettes parce que j'en ai besoin ».
MICHEL SAPIN
C'est une des réflexions, qui n'est pas celle seulement du ministre de la Culture, c'est… mais on ne va pas…
OLIVIER MAZEROLLE
Donc, vous voyez bien, ça augmente par ailleurs.
MICHEL SAPIN
Oui ! Mais sauf qu'aujourd'hui il y a beaucoup de gens qui regardent la télévision autrement que…
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord !
MICHEL SAPIN
Par un système avec une antenne qu'on voit à l'extérieur, etc. Bien ! Donc que les choses évoluent dans l'avenir, pourquoi pas, mais il n'y aura pas me semble-t-il de révolution sur ce point.
OLIVIER MAZEROLLE
Il y aura une baisse des prélèvements obligatoires globaux ?
MICHEL SAPIN
Oui ! Mais je voudrais juste là aussi… prélèvements obligatoires, ça fait un peu lointain, les gens ne comprennent pas très bien, mais prenons ce terme de prélèvements obligatoires puisque c'est vous qui utilisez ce terme de technicien, les prélèvements obligatoires ont beaucoup augmenté en 2010, en 2011, en 2012, en 2013 – vous avez vu il y en a deux pour les uns, deux pour les autres parmi les années que je viens de citer – en 2014 pour la première fois depuis des années et des années les prélèvements obligatoires se sont stabilisés, en 2015 ils sont à la baisse, donc ça veut dire les impôts sont à la baisse et nous continuerons en 2016. C'est légitime ! C'est rendre aux Français une part des efforts qu‘ils ont faits.
OLIVIER MAZEROLLE
La baisse d'impôts c'est pour répondre à ceux qui vous accusent de vous soumettre à une Europe allemande ?
MICHEL SAPIN
Je ne vois pas où serait le…
OLIVIER MAZEROLLE
MELENCHON, MONTEBOURG.
MICHEL SAPIN
Je veux dire en Allemagne ils paient aussi des impôts, en Allemagne ils ont aussi augmenté les impôts à un moment donné, en Allemagne aujourd'hui…
OLIVIER MAZEROLLE
Mais la discipline, vous savez bien ce que ça signifie ?
MICHEL SAPIN
Mais non ! Moi le sérieux ce n'est pas seulement allemand…
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord !
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas simplement production allemande, le sérieux c'est aussi français.
OLIVIER MAZEROLLE
Et quand monsieur VAROUFAKIS dit : « Michel SAPIN était tellement terrorisé par son collègue SCHAÜBLE qu'il ne disait rien lors des négociations sur la Grèce » ?
MICHEL SAPIN
Oui ! Monsieur VAROUFAKIS, moi je ne suis pas de ceux qui racontent les négociations, mais il a mené son pays au bord du gouffre. Il a mené son pays au bord du gouffre par une manière de faire, ou de ne pas faire, qui a mis la Grèce en grand danger, heureusement que la France était là pour faire en sorte du début jusqu'à la fin qu'on puisse accompagner la Grèce pour qu'elle reste dans la zone euro, ce qui était la seule bonne solution pour la Grèce et la seule bonne solution pour le reste de l'Europe et donc pour la France.
OLIVIER MAZEROLLE
On dit que Bercy pourrait, avec monsieur MACRON, piloter une réforme de Code du travail annoncée hier par Manuel VALLS dans une tribune ?
MICHEL SAPIN
En tout cas vous devez je pense parler d'un remaniement ministériel à venir…
OLIVIER MAZEROLLE
Oui !
MICHEL SAPIN
Qui évidemment viendra puisque le ministre du Travail est démissionnaire ? Je ne suis ni président de la République, ni Premier ministre, donc je suis dans l'incapacité totale de faire un commentaire sur ce sujet.
OLIVIER MAZEROLLE
MACRON interdit de séjour à La Rochelle pour cause d'excès de libéralisme ?
MICHEL SAPIN
Non ! Pourquoi ? Chacun vient à La Rochelle s'il a envie de venir à La Rochelle…
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Et j'y serai d'ailleurs.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Michel SAPIN ! Vous oui, mais pas lui.
MICHEL SAPIN
Merci.
YVES CALVI
Il y aura des baisses d'impôts pour les Français les plus modestes, sans hausse d'impôts pour les autres, car nous allons continuer à faire des économies - vient de nous dire le ministre des Finances et des Comptes publics Michel SAPIN – merci à tous les deux. L'entretien est à réécouter et à retrouver sur le site rtl.fr et, si j'ai bien compris, Emmanuel MACRON peut donc aller à La Rochelle même sans invitation.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 août 2015