Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les mesures du Gouvernement en faveur du commerce, notamment les simplifications administratives et fiscales, l'aide à la création d'emplois dans ce secteur et l'amélioration de la compétitivité et de l'investissement, Paris le 4 novembre 1997.

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Circonstance : Clotûre des 8èmes assises nationales du commerce, Paris le 4 novembre 1997

Texte intégral

Vous m'avez invité à clôturer les travaux des 8èmes Assises Nationales du Commerce. Je tiens à vous en remercier. C'est avec un réel plaisir
que je m'adresse, à travers vous, à l'ensemble du monde du commerce dont vous êtes ici les représentants.
Par vos activités, vos implantations et les emplois que vous représentez, vous occupez une place essentielle dans l'économie du pays. Vous incarnez aux yeux de tous actifs, retraités ou sans emploi, quel que soit leur niveau de revenu - le lien vivant entre l'offre et la demande, sous toutes ses formes et sur l'ensemble du territoire.
Vous jouez donc un rôle essentiel dans notre économie et même dans notre société. Aujourd'hui, notre économie est saine. Elle est porteuse d'un fort potentiel de croissance - estimé à 3 % -, pour l'année prochaine.
Mais n'oublions pas que la forte hausse des prélèvements à laquelle les ménages ont été soumis entre 1995 et juin 1997 a freiné la consommation par la ponction du revenu disponible et par le climat d'incertitude qu'elle a provoqués.
Pour inverser cette tendance, nous avons voulu d'abord redonner du pouvoir d'achat aux Français et rééquilibrer les prélèvements, dans un sens favorable à l'activité.
Tel est le sens de la hausse du SMIC, du quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, du basculement des cotisations salariales d'assurance maladie sur la CSG qui procurera à la très grande majorité des actifs une augmentation de pouvoir d'achat.
Nous avons voulu ensuite lutter contre le chômage, tout faire pour développer l'emploi par des actions nouvelles et ambitieuses.
Cette démarche est indispensable, non seulement pour restaurer la confiance de nos concitoyens dans l'action publique, mais aussi pour préserver la cohésion sociale sans laquelle nous ne pouvons espérer de développement économique.
Beaucoup d'entrepreneurs se sont déjà mobilisés pour créer des emplois dans leur entreprise ou dans leur périphérie. Le commerce a fait preuve d'un grand dynamisme. Il le montre encore aujourd'hui avec le lancement d'ACTION COMMERCIALE EMPLOI, qui utilise les nouvelles technologies de l'information pour rendre plus fluide le marché du travail dans le secteur de la vente.
Les très petites entreprises qui créent des emplois peuvent faire plus si elles sont encouragées. L'idée d'un statut unique du premier salarié qui a été mise en avant lors de la conférence sur l'emploi, les salaires et le temps de travail, pourrait les décider à embaucher. Il y a dans le commerce,près de 50 % des entreprises qui ne comptent pas de salariés : c'est un gisement d'emplois important.
Il faut aussi réduire les charges qui pèsent sur l'activité. Cette démarche, engagée en ce qui concerne les cotisations salariales d'assurance maladie, doit être étendue aux cotisations patronales.
J'observe également que de nombreuses entreprises ont déjà commencé à réduire le temps de travail pour préserver des emplois, réorganiser la production, améliorer la qualité et développer les services.
La réduction du temps de travail que nous envisageons doit être adaptée à la situation de chaque entreprise, tout en répondant aux attentes des salariés. Je connais la situation harassante du commerçant, seul ou avec son épouse, qui ne compte pas son temps, mais aussi celle du salarié employé à temps partiel de la grande distribution.
J'ai déjà indiqué que la réduction du temps de travail serait inappropriée, si elle altérait la compétitivité des entreprises.
Elle serait tout aussi injustifiée si la rémunération des salariés devait baisser, compte tenu du tassement du pouvoir d'achat enregistré ces dernières années. Mais je sais que la réussite de cette démarche repose sur une progression maîtrisée des salaires.
L'état a décidé de faciliter les négociations en apportant une aide à toutes les entreprises engagées dans la réduction du temps de travail. Cette aide sera de 9000 F par salarié en 1998, pour une baisse de 10 % du temps de travail, avec un accroissement des effectifs de 6 %. Elle sera majorée pour les entreprises qui iront au delà.
Vous le savez, une loi d'orientation et d'incitation fixera la durée légale du travail à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises qui dépassent un certain seuil d'effectif. Le chiffre de 10 salariés a été évoqué. Dans le commerce, 93 % des entreprises n'atteignent pas ce seuil. Il fait néanmoins l'objet d'une réflexion, menée par la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les négociations entre partenaires sociaux commencent. Les discussions avec la ministre de l'emploi et de la solidarité se poursuivront.
Quelles que soient nos différences, nous sommes tous résolus à combattre énergiquement le chômage, plus particulièrement celui qui atteint nos enfants.
Les entreprises se sont déjà engagées dans cette voie, en s'adaptant aux évolutions des marchés et en se modernisant. Elles ont besoin, pour se développer, de conditions propices. Beaucoup reste à faire pour accroître les fonds propres, encourager la création d'emplois.
Plusieurs dispositions, présentées dans le projet de loi de finances pour 1998, portent sur l'investissement dans les PME et sur un crédit d'impôt pour la création d'emploi.
La simplification administrative - serpent de mer de notre vie publique - doit enfin devenir réalité. Le chef d'entreprise doit pouvoir se consacrer à son métier, à ses salariés, à son marché, aux innovations et non consacrer trop de son temps à la paperasserie et aux formalités.
C'est pourquoi, j'ai demandé à Madame Martine AUBRY, à Monsieur Dominique STRAUSS-KAHN et à Madame Marylise LEBRANCHU de me présenter des propositions, en s'appuyant sur le rapport remis par le député Dominique BAERT.
Certains d'entre vous ne manqueront pas d'être dubitatifs quant aux résultats de cette démarche, tant il a été fait de promesses non tenues dans ce domaine. Nous ne vous convaincrons qu'avec des actes et avec des résultats.
Je veux vous assurer que c'est avec détermination et dans la concertation qu'une réforme profonde de l'action publique sera conduite en ce sens dès la fin de l'année.
Madame Marylise LEBRANCHU fera, sur ce sujet, une communication au Conseil des Ministres du 3 décembre prochain. Les travaux d'analyse et d'arbitrage sur les propositions de Monsieur Dominique BAERT sont en cours.
Sans anticiper sur la conclusion de ces travaux, il me semble que, parmi les mesures suggérées qui pourraient concerner le secteur du commerce, sont de nature à être retenus, par exemple, celles qui auraient pour objet :
- d'affranchir les très petits employeurs de tout calcul pour la paie et les cotisations sociales,
- de simplifier encore plus la gestion des emplois occasionnels,
- de rendre le Trésorier Payeur Général, l'interlocuteur unique des PME pour diverses procédures annuelles,
- d'attribuer une même date limite de paiement pour les impôts et les cotisations sociales.
Par la simplification de la création d'entreprises, la volonté d'entreprendre sera encouragée.
Par simplification des formalités sociales, les entrepreneurs qui le peuvent, recruteront plus aisément.
Par la réduction au strict nécessaire les charges statistiques, le fardeau de la bureaucratie sera allégé.
Enfin, le dialogue avec l'administration qui doit être à votre service, doit être amélioré, pour que vous puissiez trouver écoute et assistance auprès de l'Etat.
Mais les conditions de développement des entreprises de commerce relèvent aussi d'autres équilibres qu'il faut, ensemble et avec persévérance, améliorer.
Tout commerce repose naturellement sur le libre prix et la libre concurrence mais aussi sur la loyauté des échanges.
Une mise en concurrence trop rude peut provoquer la disparition d'entreprises. La pression trop brutale sur les prix écorne les résultats des entreprises, sans leur laisser les moyens d'investir, L'absence de visibilité des commandes fragilise les entreprises. Les délais de paiement trop longs, altèrent les situations financières.
Toutes ces situations affaiblissent dangereusement les entreprises sans profiter suffisamment au consommateur.
Certes notre distribution est moderne et beaucoup de pays nous l'envient. Mais cet avantage doit profiter à toutes les entreprises qui y participent.
Des équilibres doivent être trouvés, négociés et préservés, à un moment ou les grands groupes français s'élancent à l'étranger, en procédant à des opérations de concentration parfois spectaculaires.
L'aménagement commercial repose sur une répartition harmonieuse des commerces sur l'ensemble du territoire. Les différentes formes de commerce doivent continuer à cohabiter, en apportant des services spécifiques qui justifient leur activité. Il n'est pas souhaitable que le commerce de proximité et la grande distribution s'opposent, sans profit pour les consommateurs et les salariés.
L'intérêt conduit à rechercher une saine complémentarité de toutes les formes de commerce dans une concurrence tonique et non écrasante, qui évite la formation de positions dominantes:
C'est pourquoi je n'entends pas modifier le régime d'autorisation d'exploitation, pour la création et l'extension des magasins, sans pour cela empêcher l'ouverture ou la modernisation des grandes surfaces, quand elle est nécessaire. Les engagements sur l'équipement commercial et l'emploi doivent être respectés. Ils seront désormais évalués par un observatoire mis prochainement en place par Madame Marylise LEBRANCHU.
Ceci permettra, conformément à la loi, de dresser, dans une plus grande transparence, un bilan des schémas d'aménagement commerciaux.
Le commerce doit demeurer dans les villes et dans les bourgs un lieu d'animation et de vie. N'oublions jamais qu'en zone rurale il peut être un service public. Je connais bien ces situations en tant qu'élu d'un canton rural.
C'est pour cela que l'Etat soutiendra toutes les initiatives qui seront prises pour adapter en conséquences les équipements commerciaux. Il recherchera, avec les élus et les organisations professionnelles, des formes de multi-activité, compatibles avec les besoins des villages, qui assurent un niveau d'activité suffisant.
Je me suis, récemment, engagé aussi, à promouvoir, dans tous les lieux de vie, une plus grande sécurité pour tous les citoyens. Le commerce a trop longtemps souffert de cette insécurité. J'invite les commerçants à participer, avec les services publics concernés, à toutes les actions conduites localement, pour que nos quartiers et nos centres commerciaux redeviennent plus accueillants et plus surs.
Il me reste enfin à évoquer les deux formidables défis auxquels vous commencez à vous préparer: le commerce électronique et l'introduction de l'Euro.
Les nouvelles technologies de l'information atteignent aujourd'hui le monde du commerce. Des secteurs comme le tourisme, la vente par correspondance, les utilisent déjà avec succès, L'équipement des ménages, encore insuffisant, ralentit l'extension du commerce électronique qui paraît pourtant inexorable.
Malgré les craintes qu'il suscite et que je comprends, le commerce électronique représente aujourd'hui un très grand facteur de croissance. L'offre pourra mieux répondre aux besoins du consommateur, en France mais aussi à l'étranger.
Nous devons tous ensemble . nous préparer à cette modernisation.
Un rapport, demandé à Monsieur LORENTZ, permettra de mesurer l'étendue du changement et ses conséquences. Au vu de ses conclusions,des décisions seront prises en concertation avec les organisations professionnelles pour :
- adapter la formation des commerçants,
- parfaire la sécurité et l'excellence des transactions,
- protéger les consommateurs contre les éventuels abus,
- améliorer l'organisation et la logistique de la distribution.
S'agissant de l'introduction de l'euro, vous avez une responsabilité particulière pour sensibiliser les consommateurs au changement monétaire en les informant, en les conseillant et en les préparant aux équivalences de prix en franc et en euro. Inévitablement il y aura une période de transition que je souhaite, comme vous, la plus courte possible.
Le Comité national de l'euro auquel vos organisations professionnelles participent, présentera, le moment venu, les dispositions qui permettront au commerce de jouer tout son rôle. Il conviendra que toutes les formes de commerce soient également prêtes à assister le consommateur.
Je veux conclure. Le commerce participe au mouvement de reconquête du travail, c'est à dire de reconquête de la confiance. Il mesure ses défis -
le commerce électronique et l'introduction de l'euro -.Il gère ses complémentarités - commerce de proximité et grande distribution, ville,
périphérie et campagne -. Il doit veiller aux relations entre fournisseurs et distributeurs, entre distributeurs et consommateurs. L'Etat remplira ses missions en assurant les équilibres et en facilitant la vie des entreprises. Avec la diminution du chômage, la réduction des charges sociales sera poursuivie pour que les entreprises améliorent encore leur compétitivité et puissent investir.
Je souhaite engager le cercle vertueux du redémarrage de la consommation et de l'investissement. Ensemble, nous pouvons y parvenir.
Le commerce, composante essentielle de l'économie et des relations sociales, apportera, comme il l'a toujours fait, sa contribution à un projet dont il sait l'importance. Les commerçants ont vocation à contribuer de manière déterminante au retour à la confiance dans notre pays.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 juin 2001)