Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur l'Etat et ses valeurs, le débat sur la régulation et la dérégulation, le développement, la construction européenne et la distinction entre politique étrangère et politique intérieure, Paris, le 6 octobre 2001.

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Circonstance : Réunion du Conseil national du PS, à Paris, le 6 octobre 2001

Texte intégral

Le débat qui s'est ouvert sur le texte préparé par Martine Aubry et par l'équipe internationale autour d'Henri Nallet est essentiel au regard de notre identité et déterminant par rapport aux échéances de 2002.
Ce débat intervient dans un contexte, celui de l'attentat du 11 septembre.
Cet attentat est un acte de rupture par rapport au monde tel que nous pouvions l'appréhender mais, en même temps, les problèmes n'ont pas changé après le 11, ni dans leur dimension, ni dans leurs difficultés.
À cet égard, nous devons regarder la continuité et la cohérence de notre travail.
Henri NALLET a eu raison d'évoquer les travaux antérieurs du Parti : ceux de 1996 sur la mondialisation et ceux de 1999 à l'occasion des élections européennes.
Cela nous oblige sans doute à avancer d'autres propositions, mais aussi à regarder avec fierté l'analyse que nous avions su produire et qui n'a pas perdu de son actualité.
La conclusion des événements du 11 septembre, c'est la réaffirmation du politique et le retour de l'Etat.
Fameuse découverte pour ceux qui l'ont contestée, à savoir essentiellement les libéraux, mais aussi un certain nombre de mouvements qui pensaient, à eux seuls, être capables se substituer à l'Etat comme à la politique.
Aussi, nous devons à la fois regarder ce qui se produit dans la société, et notamment en termes de contestation de la mondialisation, mais aussi affirmer clairement que s'il n'y a pas une traduction politique et une action menée au travers des Etats et des Institutions, alors le souffle est évidemment trop court.
Ce retour de la politique, cette affirmation de l'Etat portent sur deux valeurs essentielles.
La première valeur c'est la démocratie. C'est la démocratie qui a été engagée dans le conflit, qui est aujourd'hui en cours. La démocratie, pas simplement dans les Pays du Nord, la démocratie dans les pays du Sud, c'est là que le combat est aujourd'hui le plus intense.
Ce que ne veulent pas les Fondamentalistes d'où qu'ils viennent, c'est le principe de l'égalité, c'est le principe de la liberté.
À partir de là, nous devons non pas protéger nos démocraties mais affirmer, comme valeur universelle, la démocratie et les Droits de l'Homme et de la Femme.
Deuxième principe qui s'est trouvé là aussi mis à jour, c'est la laïcité.
La laïcité est un vecteur d'intégration dans nos sociétés, mais constitue aussi un vecteur d'actions internationales. Elle n'est pas simplement l'invention française d'un mode de vie ; elle incarne la capacité que nous pouvons avoir dans le monde à respecter toutes les religions mais à ne pas confondre religion et politique.
Nous avons bien fixé l'enjeu tout au long de la matinée. Hubert Védrine l'a évoqué et d'autres ont repris cette idée et notamment Henri Weber et Henri Emmanuelli. C'est le débat entre régulation et dérégulation. Il y a un clivage clair, un clivage qui s'est établi depuis longtemps.
Il y a d'un côté ceux qui militent pour une régulation, pas simplement dans le domaine économique ou financier, mais aussi sur le terrain judiciaire, politique, de l'environnement et ceux qui considèrent que réguler c'est entraver, et que c'est la règle qui pénalise l'activité humaine.
Ce débat-là, régulation et dérégulation, c'est un débat à la fois interne, dans notre propre pays, et externe, à travers la confrontation que nous devons engager par rapport aux libéraux.
Ce qui doit compter pour nous, ce sont les 4 objectifs suivants :
Premier objectif : la réaffirmation de l'ONU et du système ONU sur l'activité internationale c'est-à-dire la capacité que nous avons à faire le droit, à l'échelle internationale.
Deuxième objectif : la régulation de l'économie mais pas simplement à travers des mécanismes fiscaux. Il faudra aller dans ce sens, j'y reviendrai, mais aussi à travers l'ensemble de l'économie financière. À cet égard, il faut avoir comme mots d'ordre : la fin des centres off shores, des paradis fiscaux et des trafics de toute nature.
Troisième objectif : le développement : C'était le sens de notre journée de travail avec l'ensemble de l'Internationale Socialiste du 5 octobre 2001 préparée par Régis Passérieux. Ce que nous ont dit les ONG c'est qu'elles ne veulent plus entendre parler d'allégement de la dette, mais d'annulation de la dette. Ce n'est pas simplement un changement de nature par rapport à une politique de développement.
Quatrième objectif : c'est l'Europe politique et l'Europe sociale. Si nous ne voulons pas être seuls, la France ne doit pas être seule. Il nous faut donc nouer des alliances. La première de ces alliances, c'est à l'intérieur du système Européen. La seconde alliance, c'est avec le Sud. Si nous ne sommes pas capables, Français, Européens, de nouer véritablement une relation avec le Sud, alors ne nous plaignons pas que les Etats-Unis d'Amérique continueront à avancer vers l'unipolarité. Beaucoup dépend de nous si nous voulons donner à ce monde une organisation différente.
J'en termine par ces quelques mots pour vous dire que la distinction entre politique étrangère et politique intérieure n'a pu grand sens aujourd'hui. Il n'y avait pas besoin d'attendre des événements comme ceux du 11 septembre pour en prendre conscience. En conséquence, le débat politique que nous devons engager pour les élections de 2002 est un débat qui sera complet, global, mondial, où nous ferons, à la fois, des propositions de politique intérieure et de politique étrangère sans vraiment savoir où passe la limite.
Les questions internationales sont des questions domestiques. Ceux qui ne l'avaient pas compris à travers la lutte contre l'insécurité en découvrent, hélas, la brutalité.
Ceux qui n'avaient jamais imaginé ou qui ne voulaient pas imaginer que les conflits dans le monde pouvaient avoir des résonances ici en découvrent aussi l'impact et l'influence.
Si nous voulons aussi nous adresser à tous ceux qui vivent ainsi, il faut leur parler des conflits qui les mobilisent, des thèmes qui les unissent, des valeurs qui les rassemblent.
J'en termine pour vous dire que nous devrons le faire à travers des propositions fondées sur un travail collectif, sur le dialogue avec les organisations non gouvernementales aussi avec le mouvement citoyen.
Nous devons le faire aussi en sachant que tout ce que nous avancerons sera de nature à faire clivage, car beaucoup de ce que nous allons proposer, dans ce projet, n'est pas la position traditionnelle de la France, et encore moins, du Quai d'Orsay. Qu'Hubert Védrine me pardonne, ce n'est pas la position que chaque gouvernement, avec plus ou moins de force, avançait depuis des décennies.
C'est une autre politique pour un autre monde. C'est un point essentiel.
Je vous appelle, chers camarades, à mener ce combat sur les questions internationales avec une force et une mobilisation comme nous n'en avons jamais eu jusqu'à présent .
Ceux qui parleront de l'essentiel c'est-à-dire de l'international, de la paix, du développement des inégalités, des maladies dans l'environnement, seront les mieux placés pour l'échéance de 2000, car là se situent les vraies questions.
(Source http://www.parti-socialiste.gouv.fr, le 15 octobre 2001)