Déclarations de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur l'élargissement de l'UE et sur les interrogations portant sur les valeurs de l'Europe, ses frontières, l'Europe des citoyens et la coopération judiciaire, la place de l'Union sur la scène internationale et la gouvernance de l'Europe, Dijon le 19 et Paris le 22 octobre 2001.

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Circonstance : Ouverture du débat sur l'avenir de l'Europe dans le cadre du Forum régional Bourgogne, à Dijon le 19 octobre 2001-clôture du débat sur l'avenir de l'Europe dans le cadre du Forum régional Ile de France, à Paris le 22 octobre 2001

Texte intégral

Déclaration à Dijon le 19 octobre :
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Préfet,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir de revenir à Dijon pour l'ouverture de ce forum régional. C'est en effet dans la capitale bourguignonne que j'ai lancé le 9 mai dernier, lors de la Journée de l'Europe, le grand débat sur l'avenir de l'Europe qui nous rassemble aujourd'hui. Le dispositif venait d'être mis en place, quelques jours auparavant, par le président de la République et le Premier ministre, à la suite du Conseil européen de Nice.
J'exprime tout d'abord ma gratitude à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet François Lépine pour faire de cette journée un succès. Je salue aussi la présence de Françoise Crouigneau, membre du groupe de personnalités désigné pour présenter aux autorités françaises la synthèse du débat avant le Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain.
Votre programme très complet permettra, j'en suis certain, de bien appréhender la construction européenne dans ses multiples aspects, d'une manière très parlante pour nos concitoyens.
Pour laisser le maximum de place à la discussion, avec l'animation, comme d'habitude éclairée, d'Alexandre Adler, je me limiterai à quelques réflexions pour souligner la portée de notre réflexion.
Ce débat n'est pas le premier sur l'Europe - vous vous souvenez de la querelle de la CED dans les années 50 ou de la difficile ratification du Traité de Maastricht en 1992 - et il ne sera pas le dernier - car il est dans la nature de la construction européenne d'être évolutive. Mais pour la première fois, nos concitoyens peuvent être associés à la préparation d'un nouveau traité qui sera peut-être, en tout cas je l'espère, de portée constitutionnelle. Tel est l'objet du rendez-vous fixé, en 2004, pour décider des réformes dont l'Europe a besoin.
Mais ce débat a aussi une portée exceptionnelle, compte tenu du contexte dans lequel il se situe. Je pense en effet que les évolutions actuelles sont, pour l'Europe future, de formidables révélateurs de ses forces et de ses promesses, mais aussi des incertitudes et des faiblesses qu'il convient de corriger.
La première évolution est représentée par le grand élargissement, incarné aujourd'hui par la présence parmi nous de Petr Janyska, ambassadeur de la République tchèque, que je salue chaleureusement. L'élargissement est un devoir historique et une formidable chance pour l'Europe, j'en suis très intimement convaincu. Mais cette perspective impose une interrogation profonde sur le contenu et le fonctionnement de l'Union européenne à 20, 25 ou 30 Etats membres. Combinée avec des progrès sans précédent depuis 50 ans, dont l'euro est le signe le plus spectaculaire, cette situation crée ce que j'appellerai un moment d'Europe paradoxal : une construction européenne très avancée, très prégnante, mais qui reste encore - ou, peut-être, plus que jamais - une idée abstraite, un processus complexe dont le sens n'est pas toujours clairement perçu. S'y ajoute, en toile de fond, le phénomène de la mondialisation qui inquiète beaucoup de nos concitoyens et contribue sans à brouiller les repères.
Serons-nous capables, à nouveau, de résoudre l'équation de l'élargissement et de l'approfondissement ? Cette question, lancinante depuis le début et tout au long de l'aventure européenne, se pose aujourd'hui avec une intensité inégalée.
La difficulté est d'autant plus grande que l'Union européenne est engagée dans une séquence très dense : 2002, avec l'arrivée de l'euro ; 2003, avec sans doute les premières adhésions ; 2004, avec les élections au Parlement européen et la désignation d'une nouvelle Commission, ainsi que le rendez-vous institutionnel que j'évoquais à l'instant.
En définitive, ce grand débat se résume en une question de nature en quelque sorte existentielle : que voulons-nous faire ensemble, nous les Européens ?
Mais une autre grande évolution, celle-là brutale et inattendue, détermine aussi le contexte actuel. Vous l'avez compris, je veux évoquer les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Cette date funeste crée, sans doute, une nouvelle donne géopolitique, même s'il n'est pas possible, aujourd'hui, de mesurer l'ampleur de l'onde de choc.
Mais, je suis profondément convaincu, en revanche, que ces événements nous ramènent au cur du sujet qui nous rassemble. Aucune de nos interrogations, aucune de vos interrogations n'est dépassée ou dénaturée, toutes demeurent, je dirais même qu'elles trouvent une acuité sans précédent :
- celles sur les valeurs de l'Europe, son identité. Car notre réaction de solidarité avec les Etats-Unis n'est pas qu'affective. Elle découle naturellement d'une certaine vision de l'Europe, incarnée notamment dans la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice.
- les interrogations sur les frontières de l'Union européenne. La portée géostratégique de l'enjeu de l'élargissement apparaît clairement. Alors que l'Union est en voie de s'installer dans ses frontières ultimes, dessinées par le cercle des pays candidats d'Europe centrale et orientale, on perçoit la vertu stabilisatrice de l'inclusion dans l'espace de l'Union, et aussi l'importance de ses relations avec les grands ensembles, pour nous d'intérêt stratégique, que sont la Russie, mais aussi le monde méditerranéen.
- celles portant sur ce que j'appelle l'Europe des citoyens. Car l'Europe acquiert sa légitimité aux yeux de ses peuples en s'appuyant sur des valeurs communes, mais aussi en étant capable de répondre aux aspirations concrètes de chacun. Là aussi, les suites des événements du 11 septembre mettent en lumière cette dimension interne, quotidienne et concrète de la construction européenne. Les exemples ne manquent pas, avec en particulier la nouvelle et forte impulsion donnée à la construction d'une Europe de la Justice et des Affaires intérieures, pour lutter plus efficacement contre le terrorisme, avec notamment l'idée d'instituer un mandat d'amener européen. N'oublions pas, lorsque l'on évoque l'Europe concrète, aussi l'euro et ses effets positifs, tant un environnement économique stable est indispensable au maintien de la confiance, c'est-à-dire à la croissance et à l'emploi. L'euro a clairement aujourd'hui un effet réducteur d'incertitude.
- les interrogations, encore, sur la place de l'Union européenne sur la scène internationale. Le contexte actuel exige impérativement de renforcer les mécanismes de la Politique étrangère et de Sécurité commune, de rendre opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense. Ces initiatives s'inscrivent dans un mouvement de montée en puissance de l'Union européenne sur la scène internationale, par exemple dans les Balkans, au Moyen-Orient ou dans le cadre des grandes négociations multilatérales, à l'ONU ou à l'Organisation mondiale du commerce.
En définitive, ces événements valident notre approche d'une Europe-puissance, capable de peser sur les affaires du monde, pour défendre la justice et la démocratie, promouvoir la paix et le développement, dans le cadre d'une mondialisation régulée.
- interrogations, enfin, bien sûr, sur le mode de fonctionnement de l'Union européenne, c'est-à-dire les aspects institutionnels. J'invite toujours à ce que ces questions soient abordées d'une manière parlante pour nos concitoyens, et non en posant des questions abstraites ou théologiques. Dans nos réflexions, nous devons en permanence garder à l'esprit le double impératif de légitimité et d'efficacité. Pour que, simplement, nos concitoyens se reconnaissent, enfin, dans une Union qui marche, aux pouvoirs bien identifiés.
Ainsi, l'Union européenne est aujourd'hui au pied du mur. L'épreuve de vérité sur l'Europe politique est devant nous, sans aucun doute plus rapidement que prévu. Nous sommes de plain-pied dans le débat sur l'avenir de l'Europe, habités par l'urgence et la nécessité.
Il ne m'est malheureusement pas possible de rester longtemps avec vous mais soyez assurés que je prendrai connaissance avec intérêt des résultats de vos travaux.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 octobre 2001)
Monsieur le Président,
Madame la Présidente,
Monsieur le Commissaire,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un très grand plaisir d'être parmi vous, cet après-midi, pour la clôture de ce forum qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe.
Je souhaite d'abord remercier vivement toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du président du Conseil régional, Jean-Paul Huchon, et du préfet d'Ile de France, Jean-Pierre Duport, pour faire de cette journée un succès. Elle constitue le point d'orgue d'une série de forums départementaux auxquels j'ai participé autant que mon emploi du temps me le permettait. L'Ile-de-France apporte ainsi à cet exercice une contribution à sa mesure, avec ce programme passionnant, intitulé "gouvernance et Europe", et autant d'éminents intervenants.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner que vous ne parlerez pas en l'air. Un groupe de personnalités a été désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse de notre débat national, dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain. Les chefs d'Etat ou de gouvernement devront alors préciser comment ce débat s'organisera et se poursuivra à partir de 2002, en vue d'aboutir à une refonte de l'architecture européenne, en 2004, dans le cadre d'un traité constitutionnel. Le président de ce groupe, Guy Braibant, et un de ses membres, Françoise Crouigneau, ont participé activement à vos travaux et les intégreront évidemment dans cette synthèse.
Vous avez très judicieusement concentré vos réflexions sur le thème de la gouvernance. Il me semble en effet parfaitement correspondre aux interrogations centrales qui orientent notre réflexion : quelle Europe voulons nous faire ensemble ? Comment l'Union future, celle du grand élargissement, pourra-t-elle fonctionner avec légitimité et efficacité ? Mais ce thème traduit aussi, en creux, le problème majeur auquel nous nous heurtons, celui de la perception du système communautaire, ou plutôt de son manque de lisibilité pour nos peuples.
De toutes les enquêtes d'opinion, je retiens par-dessus tout la demande d'une construction européenne réellement gouvernée. Reconnaissons que la perception dominante est celle d'une Europe en pilotage automatique, où la volonté politique abdiquerait devant la force de la routine administrative et d'automatismes incontrôlés. Cette situation est d'autant moins supportable que la construction européenne est maintenant parfaitement intégrée dans l'horizon de nos concitoyens. A une très large majorité, ils sont bien conscients qu'elle est l'échelon pertinent de réponse aux défis actuels de la mondialisation. Notre réaction aux terribles attentats aux Etats-Unis en est la dernière illustration, sans doute la plus éloquente.
Raison de plus pour essayer de répondre à l'attente de nos peuples qui peuvent de moins en moins admettre que l'Europe se laisse porter vers l'avenir ou soit cet "animal sans tête" dont parlait Jacques Delors.
D'où le thème, aujourd'hui au premier plan, de la gouvernance.
Derrière cette expression quelque peu anglo-saxonne se cache une problématique centrale pour l'avenir de l'Union européenne.
Ce thème a été mis en avant par M. Prodi, au début du mandat de la Commission européenne qu'il préside. Un Livre blanc sur ce thème a d'ailleurs été adopté en juillet dernier par le collège des Commissaires. Vous en avez parlé.
Il serait réducteur de voir dans cette initiative le simple désir, qui par ailleurs existe, de réagir après la crise de la Commission Santer ou de donner des gages au Parlement européen. Il s'agit là en effet d'un problème crucial pour l'avenir de l'Europe qui est lié au grand débat en cours. En effet, cette thématique fondamentale est, à mon sens, au nud de deux problématiques :
- il y a, d'un côté, celle du fonctionnement. Comment mettre en place un système efficace, favorisant la décision, assurant la transparence, la responsabilité - accountability, en anglais -, et le contrôle, compatible avec une Europe élargie, comment articuler différents niveaux de décision - communautaire, national, local -, telles sont quelques-unes des questions qui se posent alors.
- il y a, de l'autre, celle de la représentation. En effet, tout système institutionnel est fondamentalement porteur de représentation politique. La tâche est particulièrement ardue car, à ce qu'il est convenu d'appeler la crise de la représentation politique dans les Etats membres, s'ajoute la complexité d'un système communautaire difficilement comparable aux systèmes nationaux.
Face au principe élémentaire de séparation des pouvoirs, connu et clairement perçu par nos peuples, le système communautaire présente des organismes hybrides et ambivalents, avec par exemple un Conseil des ministres à la fois principal législateur communautaire mais aussi exécutif, pouvoir qu'il partage avec la Commission.
Pour prendre l'exemple national, je ne suis pas persuadé que nos concitoyens connaissent la Constitution, mais ils savent ce que fait le président de la République, ce que fait le Premier ministre. Il devrait en être de même dans le système communautaire pour que les peuples soient capables d'identifier les pouvoirs, s'y reconnaissent.
Parallèlement à l'exigence de démocratie, le débat sur la gouvernance part aussi du constat de l'évolution des pouvoirs, que je caractériserai en deux points :
- à côté des autorités politiques et publiques, une grande variété d'acteurs joue un rôle de plus en plus important : les collectivités décentralisées, notamment les régions, les acteurs économiques et sociaux, les organisations non gouvernementales.
- d'où la nécessité d'une approche globale. Il s'agit non seulement d'articuler les interventions de ces différents pôles de pouvoir d'une manière conforme à l'intérêt collectif, mais aussi de combiner, voire de réconcilier, la politique, l'économique et le social, à travers de nouvelles formes de régulation.
Ainsi, sous ce concept de gouvernance, partenariat, coordination, négociation, interaction, sont autant de maître-mots pour définir une bonne pratique. Autre caractéristique de cette articulation des pouvoirs, la structure en réseau complète, voire même se substitue, à la structure classique, pyramidale.
Une fois fait cet effort de clarification, comment intégrer cette notion dans le débat actuel sur l'avenir de l'Europe ? N'oublions pas en effet que nous nous situons dans un exercice qui se veut opérationnel.
Il me semble d'abord essentiel d'éviter deux écueils :
- celui de l'approche mécaniste : le souci de la démocratie ne saurait se réduire à l'objectif de transparence ou se résumer à un bras de fer entre les institutions, qu'elles soient communautaires, nationales ou infra-étatiques. De même, le souci de l'efficacité ne saurait induire une fuite en avant par un démembrement des outils publics, réputés plus lourds à manier, une dilution ou une privatisation de la décision, une dépossession de la responsabilité politique. C'est par exemple tout le débat sur le rôle d'agences européennes de régulation et sur ce que l'on appelle la corégulation. Pour illustrer mes propos sous un autre angle, j'évoquerai aussi les débats récurrents, dans les affaires européennes, sur la frontière entre les questions dites politiques et celles techniques, entre ce qui est supposé être fondamental et ce qui serait secondaire. On retrouve ce problème, sous ses différentes dimensions, dans les réflexions sur la réorganisation des traités, la répartition des compétences et la comitologie. A chaque fois, il me semble essentiel de ne pas perdre de vue que bonne pratique ne signifie pas nécessairement bonne politique.
- celui de l'approche mimétique : j'évoquais à l'instant les difficultés à comprendre ce système communautaire si particulier. La tentation est donc grande, pour certains, de plaquer des schémas nationaux pour dessiner l'Union future. Il faut y voir à la fois un souci de pédagogie, mais aussi et surtout une ambition politique ; celle de faire l'Europe à sa propre image. C'est ce que j'appellerai la "dérive nationalomorphique". C'est ainsi que certaines propositions allemandes ont consisté à transformer le Conseil des ministres en deuxième chambre, inspirée du Bundesrat. Reconnaissons aussi, nous Français, que nous n'échappons pas à ce travers, comme l'illustre la vision, chez certains, d'une République européenne, la France de la Vème République réincarnée en quelque sorte dans l'Union européenne.
Sous ces précautions, je suis convaincu que cette question de la gouvernance peut et doit constituer un apport majeur dans l'exercice actuel : celui de nous montrer que le processus en cours, à mes yeux une refondation, ne doit pas se limiter à la réforme des traités. La tentation est en effet grande de concentrer l'attention et l'énergie sur les enjeux en apparence les plus spectaculaires, avec en apogée, pour certains, une Constitution ou un traité constitutionnel, en faisant l'impasse sur les initiatives possibles qui ne nécessitent pas une révision des traités. Ce champ est immense et riche de potentialités mais aussi très ardu tant il concerne les Etats membres dans leur substance, ainsi qu'une multitude d'acteurs.
C'est pourquoi, je me limiterai à quelques exemples, en soulignant que c'est la volonté politique qui est par-dessus tout déterminante pour avancer sur cette voie. A mon sens, l'inspiration majeure doit être de renforcer le système communautaire, cette combinaison unique et subtile entre le jeu des Etats membres et celui des institutions communautaires, qui nous a donné la PAC, l'Acte unique, l'Union économique et monétaire. Tel est bien l'esprit des signataires de l'appel "Réveillons l'Europe". Je me suis très souvent exprimé pour souligner la nécessité de rehausser politiquement les trois composantes du triangle constitutionnel. Vous connaissez mes idées pour défendre quelques réformes à la fois simples, compréhensibles du grand public et essentielles car susceptibles de restaurer enfin le système communautaire. Un certain nombre d'initiatives ont été prises pour alléger les instances du Conseil, décloisonner et préserver son unité, améliorer la gestion de la Commission, redéfinir ses missions, mieux évaluer ses politiques.
Je pense aussi à l'amélioration du fonctionnement du Conseil Affaires générales (CAG), où siègent les ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes. Il doit retrouver sa fonction centrale de coordination des travaux de l'Union et de filtre pour assurer la préparation du Conseil européen et faire en sorte qu'il conserve son rôle d'impulsion politique. On pourrait imaginer de le scinder entre deux instances, avec, d'un côté, un Conseil avec les ministres des Affaires étrangères, traitant des questions de politique étrangère et de sécurité commune, et, de l'autre, un Conseil réunissant ceux des Affaires européennes pour traiter des questions communautaires.
Cet exemple montre bien qu'une grande partie des solutions pour l'Union réside dans les Etats membres. Il y a cette idée de Jacques Delors, évoqué par Lionel Jospin dans son discours de mai dernier sur l'avenir de l'Europe, de rattacher ces ministres des Affaires européennes aux chefs de gouvernements, pour déblayer l'agenda avec la Commission. Ils auraient ainsi une double fonction de coordination interne et externe.
Car, plus généralement, il importe aussi de renforcer l'emprise de l'Europe dans l'appareil national. Les disciplines européennes peuvent être porteuses de meilleure gouvernance, comme l'illustrent les efforts d'assainissement budgétaire pour satisfaire aux critères de Maastricht et la modernisation portée par l'Europe dans de multiples domaines. Mais elles doivent aussi s'appliquer de manière raisonnable sans dogmatisme aucun. Je pense, notamment, à la nécessité de bien prendre en compte le rôle des services économiques d'intérêt général, élément clef de compétitivité et de cohésion sociale, donc partie intégrante de la gouvernance que nous cherchons à promouvoir.
Tout cela me conforte dans l'idée qu'il faut raisonner aussi en termes d'articulation des compétences et non de délimitation. Vous le vivez au quotidien en mettant en uvre la politique de la ville : le développement économique, les déplacements urbains, l'intercommunalité, le fonctionnement des services publics, la lutte contre l'exclusion, l'intégration des différentes communautés impose une combinaison d'interventions communautaires, nationales, locales.
Enfin, je mentionnerai le rôle de la société civile, dont l'apport est croissant dans le contexte actuel. Nous le voyons bien dans l'exercice en cours et les formules qui se préparent pour Laeken, avec notamment la mise en place d'une Convention travaillant en prise sur la société civile. Dans le même esprit, le Livre blanc de la Commission est soumis à consultation jusqu'en mars 2002. Là aussi, un certain nombre de disciplines s'imposeront d'autant qu'une véritable démocratie participative renforce la démocratie traditionnelle, de nature représentative.
L'ampleur de la tâche montre clairement, si besoin était, que le débat ne saurait se clore ou se conclure aujourd'hui. Au-delà de l'échéance du prochain Conseil européen, notre ambition est bien de laisser s'épanouir le débat sur l'Europe - notre avenir - pour contribuer à créer ce véritable espace démocratique européen dont nous avons besoin. L'Union doit avoir l'ambition d'être un laboratoire de la gouvernance, comprise dans toute sa portée politique, c'est-à-dire son inspiration démocratique, qui va évidemment bien au-delà de la bonne gestion. Et montrer une fois encore que le génie communautaire permet de défier les lois de l'arithmétique en démontrant que 2+2 égale 5 dans la construction européenne./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2001)