Déclaration de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, à Paris le 8 décembre 2015, sur les défis à relever par l'entreprise pour une meilleure compétitivité.

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Circonstance : Congrès "Financium 2015" (Congrès national des directeurs financiers et directeurs de contrôle de gestion), à Paris le 8 décembre 2015

Texte intégral

Bonjour à toutes et tous,
Je suis ravi d'être parmi vous ce matin.
Vous l'avez dit, nos concitoyens aspirent à beaucoup de changements et le pays n'est pas si difficile que cela à réformer. Il suffit d'expliquer les réformes que l'on veut conduire ; il suffit de vraiment les vouloir, d'entraîner nos concitoyens et d'aller jusqu'au bout. Au fond, rien de beaucoup plus compliqué que ce que vous faites au quotidien dans vos entreprises mais on s'était habitué en quelque sorte à une forme de langueur, où dire les choses relevait d'une audace absolument inconcevable, essayer de les faire une forme d'inconvenance à laquelle on ne pouvait se ranger et finalement le quotidien reprenait ses droits. Or, ce n'est plus possible, parce que la situation dans laquelle se trouve notre pays – que vous connaissez et que vous venez d'évoquer en quelques mots – elle nous impose de faire face aux mutations qui sont en train de le transformer. Et ce sont ces mutations qui font qu'aujourd'hui le statu quo auquel on avait pu s'habituer n'est plus une option possible, que le changement que vous appelez de vos voeux et que beaucoup de nos concitoyens appellent de leurs voeux n'est pas une nécessité qui s'imposerait de l'extérieur, ou qui dépendrait du bon vouloir de l'un ou de l'autre, mais c'est en fait l'ensemble de défis qui nous sont livrés pour pouvoir faire face à ce monde qui change. Ces changements sont de plusieurs ordres, d'abord politiques, économiques, et moraux presque : ce sont ceux que notre pays traverse et dont les événements des dernières semaines ont rappelé la dureté. Il y a une réponse de court terme – nous sommes en train de la porter et ce court terme peut-être durera-t-il –, c'est ce qui relève de la sécurité intérieure et extérieure du pays et des actions politiques, diplomatiques et militaires. Mais il y a aussi une réponse qui prendra plus de temps et qui, elle, sera économique, sociale, politique, pour partie morale : celle qui consiste à regarder les défis de notre société telle qu'elle est en elle-même. Parce que nous sommes une société où depuis trente ans, être jeune ici signifie avoir une chance sur cinq d'être durablement au chômage. Parce que nous sommes une société où depuis trop d'années, lorsqu'on a un prénom à consonance arabe, réputé d'origine musulmane – je reprends les termes de l'étude récemment sortie par l'Institut Montaigne – on a quatre fois moins de chances d'avoir un entretien d'embauche, et presque trois fois moins de chance lorsqu'on a un prénom à consonance juive que lorsqu'on a un prénom plus « classique. »
Donc nous sommes une société qui a ses fermetures, qui a ses plafonds de verre, dans laquelle on n'avance pas assez vite lorsqu'on est à la tête d'une entreprise, mais dans laquelle on peut parfois avoir le sentiment de ne plus avancer du tout lorsqu'on est dans certains confins du territoire, dans certains confins des représentations sociales, alors même qu'on a l'énergie pour faire, la volonté de faire et cet esprit tenace qui consiste à vouloir avancer.
Donc oui, nous avons des défis au sein même de notre société, de ce qu'est notre pays, si nous voulons le relever. Et comme vous voyez, ils ne sont pas qu'économiques. Et puis, le défi, c'est aussi celui des mutations, du grand changement auquel vous allez réfléchir durant ces deux jours, et ce grand changement se traduit par une transformation en profondeur de nos usages, de notre façon d'innover, de notre façon d'entreprendre. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un environnement parfaitement mondialisé aujourd'hui. Ce n'est pas une réalité neuve pour vous mais elle est, je dirais, encore plus forte et vivace aujourd'hui qu'hier, encore plus rapide. Parce qu'à la mondialisation du porte-conteneur a succédé la mondialisation des nouvelles technologies de l'information et donc cette mondialisation, elle est quasi parfaite, quasi immédiate et elle a progressivement abattu des barrières, des barrières d'usage, des barrières d'accès à certains marchés mais aussi des barrières sectorielles.
Lorsque l'on innove, lorsque l'on produit aujourd'hui dans l'industrie, on fait aussi du service. Lorsqu'on fait de la génomique, de plus en plus, on fait du big data, de l'objet connecté. Lorsque l'on innove dans la biologie, on a besoin des sciences nucléaires de plus en plus, des nouvelles technologies, des neurosciences et de l'intelligence que fournit également la transformation des usages liée à cet Internet. Et tous ces changements non seulement vont plus vite, sont au premier jour presque à chaque fois déjà mondiaux mais en plus, ils viennent perturber, raviner des pans entiers de nos économies en venant menacer des qualifications jusqu'ici établies, en venant bousculer des acteurs que nous pensions invincibles, en venant nous conduire à repenser des secteurs entiers de notre activité.
L'Etat lui-même en tant qu'actionnaire le sait, qui il y a quelques années encore avait cette belle Poste dans les mains : elle prend heureusement ce tournant du numérique, mais est-ce que le plan stratégique de la Poste peut encore être de seulement distribuer du courrier ? De moins en moins. Le modèle est en train d'être repensé et La Poste est devenue en quelques années une banque de proximité, un acteur décisif de la Silver Economie, et un acteur de plus en plus privilégié des sociétés d'assurances parce qu'il a joué sur son avantage comparatif. Et combien de secteurs – dont vous êtes – sont en train de repenser en profondeur leur action, leur positionnement stratégique, parce que cette transformation est là qui vient tout bousculer ?
Nous avons tout pour réussir dans cette transformation : le pays est solide ; les infrastructures sont fortes ; les compétences nombreuses ; et nous avons un système de Sécurité sociale qui fait que nous devrions prendre le maximum de risques. Et en même temps, nous avons tous les anticorps pour l'empêcher parce que les acteurs en présence détestent ce qui advient, parce qu'on vient les menacer sur leur terrain de jeu, parce qu'on vient les contester dans leur légitimité, et parce que nous avons collectivement trop installé l'idée que réussir demain, ce serait en quelque sorte répliquer les modèles de réussite d'hier. Et je ne suis pas persuadé d'avoir besoin de vous convaincre ce matin mais je le dis avec force : la nostalgie n'est pas le meilleur moyen de dessiner notre futur. Ce monde qui advient, il aura d'autres formes, il a déjà d'autres formes : des pans entiers de notre économie vont être transformés, peut-être tomber ; d'autres vont se créer, que nous ne connaissons sans doute pas et que je ne m'aventurerai pas ici à décrire. On en voit certains poindre : la mobilité se transforme en profondeur, elle devient plus une solution qui est apportée à un individu qui venait d'un point A à point B plutôt que la simple production de voitures ou de trains ou que sais-je ; l'énergie va progressivement se transformer, ce n'est plus le défi qui consiste à apporter un électron jusqu'au pied du domicile mais à donner la capacité à chacun de réguler son environnement, de consommer moins, mieux et d'avoir là aussi une solution énergétique. Et donc tout ça se transforme, qui est à la fois beaucoup plus déconcentré, qui repose sur l'intelligence de chacun, mais qui suppose que nous transformions notre capacité collective à nous organiser.
D'abord il faut avoir plus de rapidité, et pour ce faire, il faut que nous puissions innover plus vite, plus fort ; c'est pourquoi le prochain texte, la stratégie que je suis en train de préparer sur les nouvelles opportunités économiques aura pour but de permettre – dans tous les secteurs où cela est nécessaire – d'accélérer, de simplifier la capacité à innover, à créer de nouvelles activités, à les financer également plus facilement et je vais y revenir.
Nous avons en particulier besoin d'ouvrir l'accès aux données et à des données d'intérêt général, car c'est la clé pour créer de nouveaux secteurs d'activité et accompagner une mutation plus rapide des pans entiers de notre économie.
Ensuite, il faut donner plus d'adaptabilité, plus de flexibilité. Comme je le disais, des qualifications entières sont en train d'être attaquées par le numérique. C'est un défi pour notre système qui va devoir mieux former, pour accompagner celles et ceux qui faisaient des tâches mécaniques et répétitives à programmer un robot ou un logiciel, ou à en contrôler le travail. Et en même temps des tâches à plus haute valeur ajoutée, plus inventives, souvent moins pénibles sont en train de se déployer, et des métiers moins qualifiés sont aussi en train de se créer.
Sur chacun de ses pans, nous devons donner à notre système de production une adaptabilité plus grande. D'abord en donnant plus de place à la négociation au sein de l'entreprise et puis de la branche. Ensuite en donnant la possibilité aux secteurs les plus en pointe d'attirer les talents avec beaucoup plus de facilité – grâce à plus d'expérimentations, plus d'innovations, plus de souplesse –, et nous avons commencé à répondre à ce défi en adaptant le cadre fiscal et social des bons de souscription pour créateurs d'entreprise et des actions gratuites. Mais il faut continuer ce travail parce que la bataille des talents sera décisive.
Et puis l'un des défis, c'est aussi de créer davantage d'emplois peu qualifiés partout où c'est possible. Car par une forme d'aversion étrange, nous avons résisté à ce changement, comme si dans notre pays il était préférable de n'avoir aucune option possible entre les minima sociaux – que je n'ai vu personne poursuivre avec enthousiasme – et un contrat à durée indéterminée, fermé malheureusement pour tant de jeunes et tant de nos concitoyens peu qualifiés. Mais il y a un espace, un entre-deux qui est aussi une façon d'entrer dans le monde du travail, pour ensuite avoir la mobilité qui convient dans l'entreprise ou en dehors de l'entreprise. Alors il faut créer davantage de ces emplois peu qualifiés dans notre économie et pour ce faire, j'ai souhaité qu'on puisse revoir en profondeur les règles trop lourdes qui pèsent parfois sur ces professions, qu'on puisse regarder le sujet des qualifications et des métiers qui se pose légitimement, et également le parcours de croissance des entrepreneurs individuels, qui sont une voie d'accès dans la croissance.
Alors dans cette grande transformation qui, comme vous le voyez, suppose plus de capacité à innover, plus de rapidité, une capacité à se battre dans la compétition mondiale, presqu'au premier jour, et en même temps plus d'adaptabilité qui va avec les sécurités que propose notre système, dans cette grande transformation vous jouez également un rôle absolument central.
Vous jouez un rôle central, d'abord parce que la clé de réussite de cette transformation économique, elle se trouve dans la capacité à financer différemment notre économie. Pourquoi ? Nous avons une économie qui, par trop, est encore financée sur le mode d'une économie de rattrapage. Les chiffres sont là pour le montrer ; notre économie se finance encore beaucoup par dette avec un système qui fonctionne assez bien. Nous avons des banques fortes, sur un modèle de banque universelle que, je dois dire, beaucoup nous envient, qui ont été moins victimes de la crise que d'autres parce que plus solides. Alors nous finançons bien en dette notre économie, mais notre financement en capital est défaillant pour plusieurs raisons. Je n'ai pas besoin, là non plus, de vous convaincre que notre système a quelques spécificités qui font que nous n'avons pas de fonds de pension. Nous avons un autre système du financement de nos retraites par répartition. Mais, alors même que les Français ont une épargne conséquente, elle est mal orientée. Elle est mal orientée d'abord parce qu'il y a une préférence collective pour l'immobilier – je ne fais pas partie de celles et ceux qui ont une fascination pour une France de propriétaires : ça n'est pas la meilleure allocation des actifs et ça n'est pas le meilleur accompagnement pour cette France qui se transforme, parce qu'il faut de la mobilité géographique sur le territoire. Ensuite elle est massivement investie dans l'assurance-vie, laquelle a été victime ces dernières années de plusieurs régulations qui ont en quelque sorte chassé l'épargne de nos concitoyens du financement de l'économie vers le financement de la dette. Et tout le défi qui est le nôtre aujourd'hui, c'est de retrouver les voies de financement d'une économie de la disruption, celle que justement je décrivais il y a un instant, qui a besoin de plus de fonds propres, de plus de capital. Et pour cela, il y a une palette d'outils que nous devons mettre en place pour précisément répondre à ces besoins.
D'abord, en désintermédiant davantage nos financements : c'est une nécessité et ça n'enlève en rien à l'hommage que je rendais il y a un instant à nos grandes banques. D'abord en développant le crowdfunding, ce que nous avons fait en donnant un cadre réglementaire et législatif à celui-ci – le crowdfunding entre personnes privées et entre personnes morales, où nous avons véritablement construit un cadre permettant de sécuriser les différentes parties prenantes, est une opportunité supplémentaire de financement pour certaines de vos entreprises, et il permet ce lien direct que j'évoquais il y a un instant.
Ensuite, en finalisant cette réforme que je souhaitais conduire il y a quelques mois, qui ouvre aux entreprises la possibilité de se prêter entre elles. Le crédit interentreprises est une bonne réforme qui accompagne la transformation de ce monde qui va plus vite. Et donc nous avons voulu pouvoir ouvrir le crédit interentreprises avec des règles, en particulier en le limitant à une même filière, mais en ouvrant ce qui était jusqu'alors une forme de monopole des banques. Le décret est prêt, nous y avons travaillé ces derniers mois et il vous sera soumis dans les prochains jours pour consultation. C'est le point décisif pour finaliser cette réforme importante, il définira le montant pouvant être prêté ainsi que les couples prêteurs-emprunteurs autorisés. Et donc c'est dans ce décret que nous définirons la durée maximum et que nous qualifierons ce que j'ai appelé il y a un instant une « filière », au terme de la loi. Et j'attends véritablement sur ce décret vos réactions, vos commentaires, vos remarques pour que nous puissions utilement finaliser cette réforme. Je crois que c'est véritablement une opportunité, en particulier pour les entreprises les plus petites qui sont aussi parfois les plus fragiles.
Au-delà, pour améliorer le financement en fonds propres de notre économie, et compte tenu même des rigidités que j'évoquais il y a un instant, j'ai souhaité qu'on puisse modifier le statut prudentiel en créant un statut prudentiel ad hoc pour les organismes gérant les contrats collectifs de retraite supplémentaire d'entreprise.
C'est une exception qui nous est permise par la législation communautaire, qui évitera que l'ensemble de ces régimes de retraite ne soit soumis aux règles de Solvabilité II. C'est une mesure qui nous permet d'utiliser différemment et, donc, en finançant mieux notre économie, les quelques 130 milliards d'euros qui sont concernés. Et donc tout en respectant, évidemment, les règles du bon conseil et de la bonne allocation d'actifs en fonction du profil de celles et ceux qui souscriront et abonderont ces régimes de retraite supplémentaire, nous pourrons financer beaucoup mieux notre économie et participer à ce changement que j'évoquais.
Votre responsabilité dans ce contexte, c'est d'oser inciter la gouvernance de vos entreprises à ouvrir leur capital, à diversifier leurs actionnaires, parce que c'est en quelque sorte la contrepartie de ce mouvement que je suis en train d'évoquer. Et là aussi, il y a des outils multiples à votre disposition et c'est un des éléments de ce changement.
Financer davantage notre économie, c'est une nécessité parce que le capital est au coeur de la bataille de cette transformation. Celles et ceux qui gagnent sont celles et ceux qui accèderont beaucoup plus massivement au capital pour leurs projets. Et donc vous le voyez bien, nous devons adapter la structure de financement de notre économie pour faire face à ce défi et aller encore plus loin que ce que je suis en train d'esquisser. Mais de l'autre côté, il faut aussi que nos entreprises s'ouvrent de manière croissante aux fonds propres, au capital tiers, sans crainte excessive de la dilution, parce que ces ouvertures c'est souvent également l'accès à de nouveaux marchés, l'accès à de nouveaux talents, l'accès à une gouvernance qui apporte toujours à l'entreprise et qui est nécessaire à sa transformation.
Enfin, cette transformation, elle est possible si on rétablit davantage de confiance dans notre économie et si on améliore les relations entre les entreprises. Et c'est sur ce mot que je souhaiterais terminer cette intervention. Parce qu'au coeur de cette économie qui se transforme, de cette grande mutation, il y a aussi le quotidien plus prosaïque qui est le nôtre, à toutes et tous. Et quand la défiance s'installe dans l'économie, on peut essayer d'innover plus vite, on peut essayer de financer mieux en capital, on peut essayer d'attirer les talents, on est souvent empêtré dans le quotidien et parfois tué par ce dernier. C'est la réalité encore trop criante du financement de notre économie et, en particulier des relations interentreprises.
Je veux ici dire un mot des délais de paiement. Il y a encore dans notre pays trop d'excès en la matière : presque 15 milliards d'euros sont ainsi déplacés des bilans de certaines entreprises vers d'autres, en quelque sorte de celles qui profitent du système aux dépends de celles qui en sont victimes. C'est énorme. Et il y a chaque année près de 15 000 défaillances qui sont liées précisément à ces délais de paiement excessifs.
La loi de modernisation de l'économie avait fixé des délais : 60 jours en moyenne, 45 jours – vous le savez – pour d'autres actes. Et depuis trois ans, nous ne cessons de dépasser encore davantage ce délai de paiement : 13,6 jours en moyenne cette année.
Les premières victimes sont les plus petits, évidemment. C'est la plupart des 15 000 défaillances d'entreprises que j'évoquais. Ou bien les entreprises qui sont dans les situations les plus à risque, celles qui ont des vrais défis et qui sont donc très dépendantes d'une trésorerie déjà tendue, et vous le savez bien. Parfois, lorsqu'on est en train de repartir sur le fond même de l'activité, lorsqu'on est en train de prendre des risques pour investir ou conquérir de nouveaux marchés, un délai de paiement excessif peut être fatal. Et donc oui, les délais de paiement excessifs c'est une lèpre pour notre économie. Parce qu'elle vient ronger l'économie là où elle repart, bien souvent, là où elle est en fragilité parce qu'elle se transforme, le tout sans aucune justification macro ou micro économique, si ce n'est le mauvais comportement.
C'est pourquoi j'ai souhaité que nous renforcions le dispositif en place. D'abord en engageant l'Etat dans une politique plus volontariste : nous avons baissé à 30 jours nos engagements en matière de délais de paiement, et nous les baisserons à 20 jours d'ici 2017. J'ai souhaité ensuite que les entreprises publiques qui étaient exclues du champ de la loi de modernisation de l'économie soient intégrées dans cette dernière et donc qu'elles soient aussi l'objet des contrôles de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes. C'est le cas depuis le 6 août dernier.
J'ai souhaité réactiver l'Observatoire des délais de paiement, qui rendra au printemps prochain son nouveau rapport, en y incluant chaque ministère, chaque payeur public. Et je consacrerais le premier trimestre de l'année prochaine à améliorer les pratiques, avec l'ensemble des autres payeurs publics que le gouvernement, c'est-à-dire essentiellement les collectivités territoriales et les hôpitaux.
Et puis au-delà j'ai souhaité qu'on puisse renforcer les sanctions. Nous l'avons déjà fait à travers la loi consommation, nous irons plus loin encore. Par des textes financiers au début de l'année prochaine, nous accroitrons le plafond des sanctions qui passera de 375 000 euros à 2 millions d'euros. Et les sanctions seront désormais publiées. J'ai d'ailleurs rendu publiques, il y a une dizaine de jours, les cinq principales sanctions. C'est une pratique qui n'est pas courante dans notre système, mais elle ne doit pas avoir un caractère de stigmatisation pour le plaisir. Elle doit mettre de la transparence : le « name and shame » – comme il convient de l'appeler – il a une vertu, c'est que généralement personne n'a envie d'être nommé dans les mauvais élèves, et donc cela mobilise. Parce que la défiance se nourrit du manque de transparence, et parce que la confiance ne se rétablit que si le marché fonctionne correctement, avec des sanctions là où elles doivent se trouver et des règles de transparence pour les acteurs publics et privés, partout.
J'ai commandé à la DGCCRF un programme de contrôle ambitieux. 2300 entreprises ont été contrôlées aujourd'hui, 186 procédures ont été lancées, et 110 sanctions prononcées. Ce travail continuera parce qu'il est essentiel, au quotidien, à cette transformation. Et je crois que nous devons toutes et tous être vigilants pour que ce problème soit progressivement réglé ou en tout cas que ce point de fuite dans notre économie, qui nourrit le manque de confiance, qui décourage les bonnes volontés, ne perdure pas.
Voilà mesdames et messieurs vous l'avez compris, les défis sont multiples. Et je finis par des mesures précises qui relèvent aussi de notre quotidien parce que les défis commencent maintenant.
Il y a encore beaucoup de réformes à conduire, et je crois que nous ferions erreur si nous pensions une seule seconde que face à ce monde qui se transforme, nous n'avons aucune carte à jouer, ou en tout cas qu'une carte de second rang. Je ne partage pas cette idée. Nous ferions aussi fausse route si nous imaginions que face à ce monde qui se transforme, nous pourrions, en jouant seulement sur nos avantages historiques, réussir. Je ne le crois pas une seule seconde.
Mais partout où on laisse celles et ceux qui ont l'énergie, l'envie d'entreprendre, d'innover, d'inventer quelque chose d'autre et de le faire vite, ils y arrivent.
Mon rêve c'est que le CAC40 de demain – et je le dis sans animosité avec celles et ceux qui représentent le CAC40 d'aujourd'hui – change progressivement de visage, pour représenter la vitalité de cette économie de la disruption, parce que cette économie, si nous y prenons part et mon souhait que nous y prenions part à plein, elle viendra perturber les lignes. Elle doit perturber toutes les lignes : celles de la façon de gouverner, celles de la façon de diriger des entreprises, celles aussi qui consistent à s'organiser collectivement. Et nous avons notre carte à jouer.
Nous sommes collectivement les acteurs de cette grande transformation. Si une chose doit être comprise des temps que nous vivons, c'est qu'il ne faut pas simplement regarder le gouvernement, les pouvoirs publics, en pensant qu'ils ont la réponse ; et ils ne sont pas non plus à l'origine de tous les maux, si d'aventure on avait décidé de passer de l'autre côté du cheval. Les pouvoirs publics sont là pour donner un cadre avec transparence et stabilité, pour mener toutes les réformes nécessaires, mais nous sommes collectivement les acteurs de ce changement. Parce que cette transformation, elle s'est profondément déconcentrée, parce qu'elle est dans la main de chacune et de chacun, et à la fin de la journée, à la fin de la partie, la question se posera de savoir qui veut être progressiste et qui veut être conservateur.
Et je finirai sur un bon mot de CHESTERTON, qui n'avait pas connu la grande transformation qui est la nôtre mais qui vivait au coeur de la précédente. Il qualifiait ces deux camps de manière assez simple, et je me retrouve dans ce distinguo : « Les progressistes sont celles et ceux qui ont décidé de continuer à faire des erreurs ; les conservateurs sont celles et ceux qui décident à tout prix de protéger les erreurs d'hier. » Donc continuons à en commettre résolument avec enthousiasme, parce qu'elles permettront peut-être un peu de corriger celles du passé.
Merci pour votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 15 décembre 2015