Interview de M. Manuel Valls, Premier ministre, à Europe 1, sur les attentats de Bruxelles du 22 mars, la nécessité d'une mobilisation européenne face au terrorisme de l'Etat islamiste, l'extradition du terroriste présumé Salah Abdeslam, la réforme constitutionnelle et la sécurisation des futurs grands événements sportifs (Euro de foot 2016 et Tour de France).

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Manuel VALLS, bienvenue, Monsieur le Premier ministre, bonjour !
MANUEL VALLS
Bonjour !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être en direct sur Europe 1 dans un moment aussi dramatique et toute l'Europe est inquiète. Ce matin, on le voit, elle cherche à se protéger, peut-être à réagir. Est-ce que nous allons vivre longtemps dans un tel climat de terreur et de peur ?
MANUEL VALLS
Nous allons vivre longtemps avec cette menace terroriste. Le président de la République, le ministre de l'Intérieur, moi-même nous ne cessons de le dire, pas pour faire peur à nos compatriotes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous ne cherchez pas à vous alarmer ?
MANUEL VALLS
Pas pour faire peur aux Européens, non, pour dire tout simplement qu'il faut être lucide, mobilisé face à cette menace, face au terrorisme. C'est une guerre que le terrorisme nous a déclarée, pas seulement à la France, pas seulement à l'Europe mais à des valeurs universelles, au monde. Le terrorisme frappe le Levant, en Syrie, en Irak, en Egypte, en Israël, il frappe en Afrique de l'Ouest, il frappe aussi en Europe et donc c'est le monde entier qui doit réagir face à ce terrorisme, c'est ce que nous faisons.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est ce que l'on doit comprendre quand vous dites « nous sommes en guerre » mais en guerre contre l'Etat islamique ? Parce que le terrorisme, c'est l'Etat islamique, c'est les islamistes radicaux ? Qu'est-ce qu'ils veulent ? Est-ce qu'on sait ce qu'ils veulent quand ils nous combattent ?
MANUEL VALLS
L'Etat islamique, Daesh ou AL-QAIDA, ses succursales en Afrique, comme AQMI nous font la guerre, organisent depuis la Syrie des actes de guerre, en Europe nous l'avons bien vu à Paris en 2015 et malheureusement encore hier en Belgique à Bruxelles, ils nous font la guerre mais nous devons aussi être capables de réagir face à l'extension de l'islamisme radical, au salafisme qui se propage dans un certain nombre de nos quartiers, qui pervertit une partie de notre jeunesse, donc là, c'est un combat de longue haleine, j'ai déjà eu l'occasion de dire …
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A l'intérieur, à l'extérieur.
MANUEL VALLS
A l'intérieur, à l'extérieur. J'avais déjà parlé en 2012 d'un « ennemi extérieur et d'un ennemi intérieur », c'est une guerre de longue haleine, c'est même, il faut le dire à nos concitoyens une affaire d'une génération parce que quand on a des milliers d'individus qui se sont radicalisés qui épousent les thèses salafistes, qui au fond refusent le modèle de société qui est le nôtre fait de tolérance, de laïcité, d'égalité entre les femmes et les hommes, la démocratie, qui peuvent propager un moment cette idéologie de mort, ça veut dire que c'est en effet un combat de très longue haleine avec les armes de l'état de droit, de la liberté mais avec une très grande détermination.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites « ça va durer, c'est une génération », à la fin d'une guerre, il y a un vainqueur, un vaincu, comment ça va se terminer ? Qui gagnera le moment où il faudra gagner en utilisant tous les moyens ?
MANUEL VALLS
Votre question est intéressante parce que précisément, ce n'est pas une guerre comme les autres, ce n'est pas une guerre comme celle que nous avons connue au XXe siècle, ça n'est même pas le type de terrorisme que nous avons connu en Europe ou au Proche et Moyen-Orient dans les années 70 ou 80 ; c'est une autre guerre parce que le terrorisme, ce terrorisme, l'Etat islamique veut nous détruire, veut détruire des hommes, des femmes, nous l'avons vu, veut détruire ce que nous sommes, notre mode de vie, les attaques à Paris comme à Bruxelles, s'attaquent tout simplement de manière anonyme à ce que nous sommes, à des gens qui sont à des terrasses de café, qui prennent l'avion, qui prennent le métro et c'est pour cela qu'il faut réagir encore une fois en mobilisant tous les moyens, ce que nous faisons, il n'y a pas de risque zéro mais il faut continuer cette mobilisation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y a une vigilance dans les écoles, devant les écoles, les transports, les métros, les gares, tous les endroits où il faut protéger les citoyens ; qui a commis les attentats d'hier à Bruxelles ? Est-ce qu'on le sait ? Est-ce que les auteurs font partie du reste du réseau des attentats de Paris ?
MANUEL VALLS
D'abord, nous n'avons jamais connu une telle menace terroriste à un tel niveau et Bernard CAZENEUVE, le ministre de l'Intérieur, rappelait hier à juste titre que sans doute la menace aujourd'hui est équivalente et peut-être même encore plus élevée que celle que nous connaissions avant le 13 novembre à Paris.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous avez des preuves, vous avez des signes que, ici dans toute l'Europe et ici en France, il y a cette menace qui croît plus que le 13 novembre ? Vous vous rendez compte !
MANUEL VALLS
Nous savons que Daesh, que l'Etat islamique mobilise un certain nombre de ses groupes d'individus qui viennent depuis la Syrie, qui ont passé les frontières, cela avait été démontré après les attentats du 13 novembre, organisent des commandos pour frapper en Europe parce qu'encore une fois, il n'y a pas que la France qui est visée par ces attentats. Et nous n'avons jamais fait autant, je veux le dire, pour protéger les Français en termes de moyens pour la police, la gendarmerie, les forces armées, les services de renseignement pour mobiliser, pour protéger, pour nous donner aussi les moyens technologiques dans lendemain du renseignement, et il faut continuer bien sûr cette mobilisation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais hier, c'était une cellule clandestine qui avait déjà programmé ces crimes ?
MANUEL VALLS
L'enquête va sans doute le démontrer, je ne peux pas à ce stade faire le moindre commentaire …
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y a une tendance, une indication ?
MANUEL VALLS
Non, je ne veux pas donner à ce stade …
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'on sait si c'est une vengeance après l'arrestation de Salah ABDESLAM ?
MANUEL VALLS
Je n'en sais rien, il y a évidemment des coïncidences qui sont frappantes mais à ce stade, je veux faire en sorte que le commentaire politique ne vienne pas gêner le travail de l'enquête et en l'occurrence, de nos amis belges.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre, deux frères, Khalid et Brahim EL-BAKRAOUI ont été identifiés à l'instant par les services de police en Belgique comme les kamikazes de l'aéroport de Bruxelles, on sait qu'il y en avait trois, il y a un suspect qui est en fuite et les deux sont connus parait-il des services de police comme des grands bandits. Est-ce que ce sont des Français ? Est-ce qu'on sait si ce sont des Français ?
MANUEL VALLS
Je veux uniquement rappeler qu'à ce jour, plus d'une trentaine de personnes ont été identifiées comme liées aux attentats de Paris, 11 sont décédées, 12 sont sous les verrous, d'autres sont recherchées. Certaines figuraient-elles parmi les attentats de Bruxelles ? Nous le verrons, l'enquête en fera la démonstration.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc en France, il y avait plus de 30 qui ont attaqué pour le Bataclan le 13 novembre ? Donc ce sont des groupes importants de 30 à 40 ?
MANUEL VALLS
Ces attentats …
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En l'occurrence …
MANUEL VALLS
…organisés depuis la Syrie, planifiés depuis la Syrie avec une base, c'est évident, à la fois en Belgique mais bien sûr aussi en France, programmée au moment des attentats pour les attentats du 13 novembre, est-ce que ce sont les mêmes équipes ? Laissons encore une fois les services de police judiciaire et la justice faire toute la lumière sur ce qui s'est passé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre, avec la crise des migrants, il est désormais prouvé que des jihadistes sont rentrés en Grèce, ont traversé toute l'Europe et y sont un peu partout. Avant de mourir, ABAOUD aurait même confié le chiffre d'une centaine. Est-ce qu'il est vrai qu'il y en a 40 qui sont identifiés, 20 localisés et on se demande où est le reste ?
MANUEL VALLS
Nous faisons face à un pseudo Etat, proto-Etat, Etat islamique particulièrement organisé, avec des moyens, avec des individus qui peuvent agir de manière solitaire pour semer la panique et nous l'avons vu avec ce qui s'est passé par exemple à Marseille, cet enseignant juif qui a été attaqué à coups de couteau et puis, il peut y avoir des commandos, des groupes particulièrement organisés, c'est ce qui s'est passé à Paris, à Saint-Denis, incontestablement hier à Bruxelles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, on voit bien qu'ils agissent en nombre.
MANUEL VALLS
Ils sont en nombre, c'est pour cela que la menace devant laquelle nous sommes est d'une ampleur inégalée et c'est pour cela que les moyens et la réponse que nous devons apporter au niveau français, au niveau national comme au niveau européen doit être à la hauteur de cette menace, d'où cette mobilisation encore une fois sans précédent et dans la durée parce que les moyens que les Etats européens mais pas seulement et la France en particulier les moyens que nous devons mettre pour notre sécurité, pour soutenir les forces de police, de gendarmerie, nos forces armées, le renseignement sont des moyens dans la durée qu'il faudra conforter quelle que soit la majorité, quel que soit le gouvernement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut réveiller et secouer toute l'Europe, mais je prends par exemple deux, trois cas. Vous-même et Bernard CAZENEUVE vous réclamez avec insistance que les députés européens adoptent, enfin, au bout de 5 ans, le fichier des passagers européens, et ce sont la gauche – vous l'avez dit vous-même – les écologistes, les libéraux et l'extrême droite, qui n'en veulent pas. Est-ce que de ce fait ils ne se rendent pas complices des terroristes ? Il faut dire les vérités.
MANUEL VALLS
Non, il faut être responsable surtout.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien eux, qu'ils le soient.
MANUEL VALLS
Il faut regarder avec beaucoup de lucidité cette menace dont nous parlons depuis plusieurs minutes. Il y a bien sûr urgence à adopter le PNR européen, parce que c'est un fichier de données qui permet de suivre le déplacement des passagers aériens, et le Parlement européen a trop tardé à adopter ce texte, il doit l'examiner et le voter en avril, il est temps, il faut aller vite, personne ne…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous demandez à la gauche européenne de le voter…
MANUEL VALLS
Mais de prendre pleinement ses responsabilités…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Enfin.
MANUEL VALLS
Et d'accompagner l'action des gouvernements et de la Commission. Il y a aussi urgence à renforcer le contrôle des frontières extérieures de l'Union, ce sont les propositions françaises depuis des mois. Il y a enfin urgence à ce que plus personne ne puisse passer avec des faux papiers, là aussi, parce que nous savons que Daesh a volé de grandes quantités de passeports en Syrie, cela suppose que les fichiers soient parfaitement vérifiés, recoupés. Là aussi la France a pris ses responsabilités et fait des propositions. Donc, il faut avancer, pas uniquement sur le PNR, mais sur l'ensemble des moyens pour lutter contre le terrorisme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous continuerez à surveiller les imams dits salafistes ? Par exemple on nous dit qu'il y a un prédicateur salafiste actuellement à Auch dans le Gers, est-ce que vous l'expulsez ? Au moins, en voilà un en tout cas.
MANUEL VALLS
Dans cette guerre qu'on nous mène, la France n'a jamais fait le choix de la guerre, la guerre s'est imposée à elle, par la violence inouïe de ceux qui nous frappent, et qui ne reculent devant rien, mais aussi à travers un discours de haine, je l'évoquais il y a un instant. Donc, il faut, là aussi, mener une action très forte contre tous ceux qui prônent ce discours de haine. C'est vrai sur Internet, c'est vrai dans un certain nombre de lieux de culte, et ceux qui prônent, qui portent ce discours de haine, doivent être poursuivis par la justice, condamnés, et ceux qui ne sont pas Français doivent être expulsés. Nous avons depuis 2012…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il le sera celui-là ?
MANUEL VALLS
Depuis 2012 nous avons expulsé une quarantaine de ces prédicateurs de haine, donc il faut poursuivre ce travail, il n'y a pas de place en France, et dans la République, pour ce discours de haine. De même que nous mobilisons la société contre l'antisémitisme et le racisme, il faut la mobiliser contre ces discours, c'est de la responsabilité de l'Etat, de la société, et je l'ai dit aussi devant les représentants de l'Islam de France lundi matin au ministère de l'Intérieur, c'est aussi de la responsabilité de tous les musulmans de France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On voit l'ampleur du problème. A midi vous serez à Bruxelles, Manuel VALLS, vous irez peut-être sur les lieux des attentats qui ont meurtri la Belgique, qu'est-ce que vous allez dire aux Belges, qui sont si proches de nous ?
MANUEL VALLS
Je vais dire d'abord bien sûr toute ma solidarité, totale, pleine et entière, à ce peuple ami, cousin, frère, tellement de choses nous rattachent à la Belgique, et donc je leur dirai pour amitié et mon affection. Leur dire que nos pensées vont vers eux. Vous savez, ils ont une belle devise, « l'union vers la force, c'est la devise de la Belgique », donc c'est une devise…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais elle ne le montre pas toujours.
MANUEL VALLS
Oui, mais vous, les Belges ont été déjà frappés par les attentats…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La Belgique, voyons les problèmes…
MANUEL VALLS
Je veux rappeler l'attentat aussi du musée juif de Bruxelles, ils ont eux-mêmes déjoué, grâce à l'action de leurs services de justice et de police, des attentats. Ils font face, comme nous, à une situation très difficile, et à ce défi du terrorisme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais la Belgique dépend du renseignement français, parce qu'elle n'en n'avait pas elle-même assez développé. Pourquoi pendant tant d'années on n'a pas découvert à Molenbeek, où on a laissé faire et développé, un foyer communautariste et islamiste, pourquoi ?
MANUEL VALLS
Mais moi je ne veux pas donner des leçons à nos amis Belges. Nous aussi, en France, nous avons des quartiers qui sont sous l'emprise, à la fois des trafiquants de drogue et des réseaux islamistes et salafistes, et nous luttons…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça vous le rappelez à Michel SAPIN qui a dit hier, et ça a un peu choqué les Belges, qu'on avait laissé faire avec une forme de naïveté. Mais est-ce que ce n'est pas lui qui avait raison ? On a fermé les yeux.
MANUEL VALLS
On a fermé les yeux, mais partout en Europe, et aussi en France, sur la progression des idées extrémistes, du salafisme, des quartiers qui, à travers ce mélange de trafics de drogue et d'islamisme radical, ont perverti – je reprends ce mot – une partie de la jeunesse. Mais c'est cette action que nous devons mener, et moi je ne suis pas là pour donner des leçons aux Belges qui sont, je crois, pleinement conscients…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc Michel SAPIN a eu tort, il a eu tort, il est allé trop vite ?
MANUEL VALLS
Faisons attention, dans ces moments-là, nous devons tout faire pour faire la démonstration que les Européens, que les gouvernements européens, mais que les peuples européens – je suis sur la radio Europe 1…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on a un sentiment européen ici.
MANUEL VALLS
C'est un sentiment européen. L'Europe existe, l'Europe elle est là, elle a été attaquée parce que c'est l'Europe, donc la réponse elle doit être européenne. Aujourd'hui la Belgique et la France sont plus que jamais unies face au terrorisme, mais j'aurai l'occasion de le dire, et à Jean-Claude JUNCKER, le président de la Commission européenne, et bien sûr à Charles MICHEL le Premier ministre belge.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Que vous rencontrez également dans la matinée.
MANUEL VALLS
Aujourd'hui, vous savez, c'est la liberté de la démocratie qui est remise en cause.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On vient d'apprendre que les deux frères, dont on a parlé tout à l'heure, EL BAKRAOUI, étaient en liaison avec Salah ABDESLAM, on va avoir au fur et à mesure, sans doute, beaucoup plus de précisions, mais au stade actuel des procédures, Monsieur le Premier ministre, Salah ABDESLAM, est-ce qu'il sera extradé, vous le demandez, est-ce qu'il sera remis à la France et quand ?
MANUEL VALLS
C'est ce que nous attendons, et j'ai confiance dans le travail que la justice belge et la justice française…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous le voulez vite ?
MANUEL VALLS
Vous savez, les procédures permettent que ça se fasse dans les 3 mois qui viennent, mais laissons la procédure… les procédures judiciaires permettent en effet cette remise que nous attendons, c'est important. C'est important pour comprendre ce qui s'est passé à Paris, et c'est important pour les familles des victimes, pour les victimes, pour les blessés, qui doivent, aujourd'hui je pense à elles, qui depuis vendredi avec bien sûr l'interpellation, l'arrestation de ABDESLAM et de ses complices, et encore davantage avec ce qui s'est passé à Bruxelles, voient, je n'en doute pas un seul instant, de nouveau les images, la terreur qu'ils ont connu le 13 novembre, de nouveau s'imposer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, mais ils ont tous besoin de son procès ici.
MANUEL VALLS
Bien sûr, c'est très important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il sera donc jugé en France. A quel moment sera-t-il déchu de la nationalité française, lui ?
MANUEL VALLS
Il est français, il n'a qu'une seule nationalité, donc il ne peut être déchu de la nationalité française, si le juge prononce cette déchéance, mais d'abord il faut une révision de la Constitution pour cela.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En 2050, que feront vos successeurs, Manuel VALLS, quand Salah ABDESLAM pourra sortir de prison à l'âge de 50 ans, qu'est-ce qu'on en fera ?
MANUEL VALLS
Je ne peux pas me projeter moi, demain, parce que, d'abord, il faut qu'il y ait un procès, il faut qu'il y ait une condamnation, et cette condamnation elle sera forcément lourde. Il faut sans doute, d'ailleurs, que ces condamnations soient encore plus lourdes. Nous agissons…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez dit hier, à une demande de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, qui proposait pour les auteurs d'actes terroristes la perpétuité effective et irrévocable, vous lui avez dit « pourquoi pas non. »
MANUEL VALLS
Moi je suis prêt à examiner avec le Parlement, avec la majorité, l'opposition, le garde des Sceaux, nous avons déjà durci un certain nombre de dispositifs, agir contre le terrorisme c'est agir sur tous les paramètres, le paramètre policier, celui de la justice pour la condamnation, mais aussi des actes symboliques. Est-ce qu'un Français, qui tue d'autres Français, qui s'en prend à ses compatriotes, qui s'en prend à nos valeurs, à notre mode de vie, peut rester Français ? Ma réponse est non, et je suis convaincu que c'est aussi celle des Français. C'est pour ça que j'ai…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous pensez que vous arriverez à un compromis sur la révision constitutionnelle avec le Sénat puisque vous, et surtout le président de la République, vous allez recevoir Gérard LARCHER, Claude BARTOLONE, pour essayer d'avancer ?
MANUEL VALLS
3/5e des députés. Pourquoi 3/5e ? Parce que les 3/5e sont…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais vous pensez que vous les aurez ?
MANUEL VALLS
Les 3/5e sont nécessaires pour modifier la Constitution. Il faut une modification de la Constitution pour déchoir de sa nationalité un Français qui n'est que Français, qui n'a pas une autre nationalité, je le dis pour vos auditeurs. 3/5e des députés, de droite et de gauche, se sont déjà mis d'accord.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous y arriverez ?
MANUEL VALLS
Comment… mais, je me mets à la place d'un de nos auditeurs, un Français, qui pense que cette mesure est, sur le plan symbolique, particulièrement utile, parce que nous devons nous protéger. Qu'est-ce qui s'est passé à 2015 ? Nous nous sommes tous rendu compte, enfin nous nous sommes tous posé cette belle question, qu'est-ce que c'est être Français ? C'est appartenir à des valeurs, on n'est pas Français en fonction…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je suis sûr que vous le direz aux auditeurs tout à l'heure.
MANUEL VALLS
Oui, mais on n'est pas Français en fonction de la couleur de sa peau, de son origine, de son lieu de naissance, on est Français parce qu'on partage des valeurs. Et ce Français qui nous écoutent va dire « mais, les responsables politiques ne peuvent même pas se mettre d'accord là-dessus, alors qu'à l'Assemblée nationale ils l'ont déjà votée », eh bien moi j'espère que le Sénat votera aussi cette mesure, il faut que chacun assume ses responsabilités face au terrorisme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La vraie question aussi, dans les semaines qui viennent…
THOMAS SOTTO
Rapidement, car les auditeurs s'impatientent Jean-Pierre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'Euro 2016 du foot prévu au mois de juin, est-ce qu'il peut avoir lieu, en France, dans ces conditions de menaces, et deuxièmement est-ce que vous demandez, vous demanderez la prolongation de l'état d'urgence ?
MANUEL VALLS
Nous verrons sur l'état d'urgence, et on voit bien qu'il est utile, à travers ses mesures d'assignations à résidence, de perquisitions administratives.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est ça, le foot et le tour de France ?
MANUEL VALLS
Mais, les grands événements sportifs, les grands événements culturels, les grands événements populaires, ils sont indispensables, pour montrer que nous sommes un peuple libre, debout, que nous n'avons pas peur, que nous savons que nous faisons face à une menace terroriste. Donc, oui, l'Euro de foot 2016, comme le tour de France, comme d'autres grandes manifestations, auront lieu, et le ministre de l'Intérieur, évidemment, avec l'ensemble des forces de sécurité, veillera et veille à la sécurité de nos compatriotes à l'occasion de cette belle et utile manifestation sportive.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ma dernière remarque. Tous les Français vous observent, vous le tandem HOLLANDE/ VALLS, quels sont les effets de ce que nous vivons sur les relations entre vous et le président de la République ?
MANUEL VALLS
Nous faisons face non seulement à une menace terrible, mais à un moment historique indéniable, et depuis notamment janvier 2015. C'est ensemble, mais avec le ministre de l'Intérieur aussi, que nous faisons face, mais avec la certitude que nous sommes un grand pays, que les Français doivent être fiers de ce que nous sommes capables de faire ensemble, de notre réaction face au terrorisme. Je vis, moi, avec cette angoisse, depuis 2012, depuis que nous avons découvert, analysé, les premières filières syro-irakiennes, ces Français ils étaient une poignée en juillet 2012, aujourd'hui ils sont plus de 2000 concernés par ces filières, et je sais que c'est le combat d'une vie, et je le disais, d'une génération, pour notre pays. Et cette détermination, c'est celle du président de la République et la mienne, elle est intacte, et évidemment elle fait de nous un bloc.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Manuel VALLS. Vous restez avec nous puisqu'à présent vous allez répondre aux questions des auditeurs d'Europe 1 qui vous interrogent en appelant tout de suite le 39.21 ou en tweetant avec le #e1matin. A tout de suite.
THOMAS SOTTO
La parole aux auditeurs d'Europe 1 à présent avec vous Manuel VALLS et le premier d'entre eux, c'est Clément qui nous appelle de Berzieux dans le Tarn, il a 30 ans il est chauffeur routier, bonjour Clément !
CLEMENT
Bonjour à vous.
THOMAS SOTTO
Posez votre question au Premier ministre.
CLEMENT
Bonjour Monsieur VALLS. Je voudrais savoir suite à l'arrestation de Salah ABDESLAM et par la suite qui a été extradé en France, je voudrais savoir si la France n'a pas de crainte à avoir par rapport au fait de son extradition et d'éventuelles représailles par la suite ?
MANUEL VALLS
Bonjour Clément. Salah ABDESLAM a fait connaitre son refus d'être remis à la France, c'est son droit mais cela ne change rien heureusement. Il ne lui appartient pas à lui de décider de son sort et c'est à la justice belge en concertation avec la justice française d'en décider, je fais, je le disais à l'instant à Jean-Pierre ELKABBACH, confiance à tous ces magistrats qui travaillent en très étroite collaboration depuis des mois et qui ont fait la preuve de leur efficacité, ils connaissent le besoin légitime de la justice, de la vérité pour les victimes et leurs proches comme pour l'ensemble de la communauté nationale. Nous avons déjà été attaqués, nous subissons cette menace, la France, les pays européens, donc nous savons que de toute façon, nous sommes avec d'autres pays européens une des cibles du terrorisme. C'est pour cela que nous combattons avec beaucoup de détermination et je pense que nous n'avons rien à craindre dans le sens où la justice, la réparation pour les victimes sont indispensables.
THOMAS SOTTO
Le 19 novembre à l'Assemblée, Manuel VALLS, vous n'excluiez pas le risque d'une attaque chimique et bactériologique. Est-ce qu'aujourd'hui, vous maintenez que cette menace existe en France ?
MANUEL VALLS
Moi, je considère que face à ce terrorisme qui agit avec une violence une cruauté, une barbarie absolue, il ne faut rien exclure. Nous savons qu'en Syrie, cette organisation terroriste comme d'ailleurs le régime syrien a pu utiliser un certain nombre de ce type …
THOMAS SOTTO
Mais c'est une crainte ou vous avez des informations ?
MANUEL VALLS
C'est une crainte, face à la menace terroriste à ce type de menace terroriste, il ne faut jamais rien exclure.
THOMAS SOTTO
Nous sommes avec Doriane à présent qui nous appelle d'Epinay-sur-Orge dans l'Essonne, Doriane a 36 ans, elle est commerciale. Bonjour Doriane !
DORIANE
Bonjour !
THOMAS SOTTO
Posez votre question.
DORIANE
Je suis commerciale et le but de mon travail, c'est d'aller dans les collèges et les lycées pour aller en cuisine et il y a quinze jours, je suis allée dans une cuisine, je suis passée par l'arrière, enfin par la porte arrière, tout était grand ouvert, c'était un grand lycée parisien qui, je crois, fait partie des lycées …
THOMAS SOTTO
Qui ont été menacés, oui.
DORIANE
Voilà, c'est ça et en fait, voilà, je …surprend que encore aujourd'hui à Paris en plein état d'urgence, on puisse rentrer dans un lycée un peu comme on en a envie.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'il y a un problème de sécurité ? Est-ce qu'il faut renforcer encore la sécurité dans les établissements scolaires notamment ?
MANUEL VALLS
Il y a 77 000 établissements scolaires, et donc il faut le dire, nous ne pouvons pas avoir devant chaque établissement scolaire plusieurs policiers ou gendarmes. En même temps, les patrouilles de la police, de la gendarmerie, de l'armée de terre, nous permettent de quadriller le territoire, pas seulement Paris, mais toutes les grandes villes, pas seulement les grandes villes, tout le territoire. Il faut cette présence, cette vigilance, il faut que les responsables des établissements publics ou privés, des entreprises soient évidemment vigilants. Moi, j'en appelle tout simplement à cette vigilance, à cette responsabilité face à cette menace.
THOMAS SOTTO
Mais l'Etat est au maximum de ce qu'il peut faire pour la sécurité des établissements scolaires ?
MANUEL VALLS
Mais il faut bien se rendre compte de la mobilisation qui est la nôtre, les forces de sécurité, je veux leur rendre hommage, doivent lutter contre la délinquance au quotidien, assurer la sécurité des Français, gérer les grandes manifestations, traiter le défi migratoire, bien sûr répondre à la menace terroriste et ce sont ces policiers, ces gendarmes, ces policiers municipaux, nos forces armées qui sont pleinement mobilisées et depuis 2012 et nous continuions à le faire, nous augmentons les effectifs de la police et de la gendarmerie et à la fin du quinquennat de François HOLLANDE, ce seront 9 000 postes de plus de policiers, de gendarmes qui auront été créés alors que 13 000 avaient été supprimés dans les années précédentes, donc ça veut dire que nous avons pris pleinement la mesure des moyens humains, techniques, technologiques mais aussi pour protéger nos policiers et nos gendarmes, pour avoir des équipements, des voitures, des armes, des gilets pare-balles qui soient à la hauteur encore une fois de l'attaque de ces criminels.
THOMAS SOTTO
La sécurité qui inquiète nos auditeurs, on va à Gradignan en Gironde avec Pascal qui a 42 ans et qui est agent technique. Bonjour Pascal.
PASCAL
Oui bonjour, bonjour Monsieur VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Le Premier ministre vous écoute.
PASCAL
Donc voilà dans dix jours, je participe au marathon de Paris comme 50 000 autres personnes et plus de cent nationalités représentées quand même. Alors comment pouvez-vous assurer la sécurité de tous ces coureurs qui vont parcourir 42 kilomètres dans les rues de la capitale, donc on sera des cibles faciles ?
MANUEL VALLS
Pascal, si je vous suis, il faudrait à ce moment-là qu'il n'y ait plus aucune manifestation dans Paris ; je vous rappelle que nous sommes dans l'état d'urgence mais parce que nous sommes aussi un pays de liberté, il y a des manifestations et des manifestations dans la rue pour protester contre tel ou tel texte du gouvernement, des manifestations d'étudiants, de lycéens, de salariés et c'est normal et c'est une force d'ailleurs pour notre démocratie. Il ya de grandes manifestations sportives, dans des stades, dans des salles et à l'extérieur également, il y a quelques jours, il y avait aussi un semi-marathon sur Paris. Au contraire, c'est la vie qui est là la plus belle des réponses face à cette idéologie de mort. Ce que je peux vous assurer en revanche, Pascal, c'est que tous les moyens sont déployés publics, discrets, les moyens de renseignement pour assurer la sécurité de nos compatriotes, de nos sportifs, de nos concitoyens. Encore une fois, il n'y a pas de risque zéro, nous le voyons bien face à des individus déterminés à mourir, à mourir eux-mêmes en tuant.
THOMAS SOTTO
Ça veut dire qu'il peut se passer à l'aéroport d'Orly demain ce qui s'est passé à l'aéroport de Bruxelles hier ?
MANUEL VALLS
Je ne peux pas répondre à ce type de question, vous vous rendez compte, je peux uniquement vous dire que nous mettons tous les moyens pour assurer la sécurité, c'est vrai dans les aéroports, c'est vrai dans les gares, ce sont des moyens de vidéo-protection, ce sont des moyens que l'on voit, en uniforme, ce sont aussi des moyens beaucoup plus discrets, les services de sécurité, les services privés aussi qui sont particulièrement mobilisés, c'est le cas à Orly, à Roissy mais sur toutes les plateformes aéroportuaires de notre pays, chacun est mobilisé. Ce matin à Toulouse, il y avait une alerte parce qu'on a découvert un colis, eh bien on prend les précautions nécessaires. Donc c'est une violence de tous les instants que nous devons exercer et que les Français aussi doivent exercer mais encore une fois, la réponse à cette idéologie de mort, à l'islamisme radical, c'est la vie et c'est pouvoir, oui, courir dans Paris parce que Paris a été attaqué, parce que Paris aujourd'hui porte le couleurs de la Belgique endeuillée et que nous devons être capables de nous rassembler et de vivre pour faire face, encore une fois, à cette menace terroriste.
THOMAS SOTTO
Beaucoup de questions sur l'Euro 2016 que vous avez évoqué tout à l'heure, un tweet d'Isabelle VICENTE qui nous demande et qui vous demande « peut-on vraiment maintenir l'Euro 2016 à tout prix ?  et là je vous rajoute une question que vous posait Dany COHN-BENDIT juste avant 8 heures sur Europe 1 : il duit « puisqu'on est en guerre, c'est le mot que vous avez réutilisé ce matin et hier à l'Assemblée, comment peut-on organiser l'Euro en état de guerre ? »
MANUEL VALLS
Mais ne jouons pas sur les mots ; on nous fait la guerre, ce sont des actes de guerre, enfin ! Il suffit encore de se souvenir de ce qui s'est passé à Paris en janvier et en novembre et puis, chacun a en tête et nous le voyons encore défiler les images terribles d'hier à Bruxelles ! Mais c'est une guerre qui n'a rien à voir avec ce que nous avons connu au XXe siècle, enfin je parle de ce qui se passe en Europe parce qu'en Syrie et en Irak, c'est une vraie guerre que les populations subissent.
THOMAS SOTTO
Vous avez dit tout à l'heure que l'Euro serait maintenu mais les fans zones qui réuniront 10 000, 50 000, parfois 100 000 personnes seront-elles maintenues coûte que coûte ?
MANUEL VALLS
Oui, hier il y a eu une réunion entre le ministre de l'Intérieur, les élus, Alain JUPPE d'ailleurs qui comme maire de Bordeaux préside l'association des élus, des villes qui préparent qui vont accueillir les matchs de l'Euro, c'est quand même extraordinaire, on dit parfois qu'il ne faut pas utiliser ce mot « guerre » et maintenant, on voudrait presque au fond interdire ou faire en sorte qu'il n'y ait pas l'Euro ! Non, ça serait une défaite, ça serait donner une victoire aux terroristes, il faut ces manifestations sportives. Evidemment la condition, c'est qu'elle puisse se tenir dans les meilleures conditions. Je me permets de rappeler à Dany COHN-BENDIT que nous avons accueilli à la fin de l'année la COP21 avec non seulement des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernement mais aussi des milliers de personnes qui étaient là qui étaient présentes. Nous avons fait la démonstration non seulement du succès politique de la COP21 mais nous étions capables, la France, d'accueillir de grandes manifestations et nous allons continuer à faire cette démonstration. Moi, je crois en la capacité de la France à faire face à tous ces défis. Moi, je suis fier d'être Français, je suis fier d'être chef de ce gouvernement qui est capable d'assurer ainsi malgré toutes les difficultés le niveau de menace, la sécurité de mes compatriotes à l'occasion de ces grandes manifestations même s'il faut être prudent et mobilisé.
THOMAS SOTTO
Arnaud nous appelle de Vigneux-sur-Seine dans l'Essonne, il a 39 ans, il est commerçant, bonjour Arnaud.
ARNAUD
Bonjour Monsieur SOTTO ; bonjour Monsieur le Premier ministre.
MANUEL VALLS
Bonjour Arnaud, heureux de reparler de nouveau avec quelqu'un de l'Essonne, mon département !
ARNAUD
Tout à fait. Voilà, écoutez, moi je vous appelle parce que j'ai deux questions.
La première, qu'allez-vous faire concernant les mosquées qui sont en voie de radicalisation, déjà radicalisées ? Et second plan, qu'allez-vous faire s'il vous plait pour dénoncer les amalgames qui risquent de se faire dans la tête des Français malheureusement concernant nos amis musulmans qui sont avant tout des Français ?
MANUEL VALLS
Deux questions importantes. Il faut poursuivre la lutte contre ce message qui est celui d'un islamisme radical qui dévoie la réalité de l'Islam et qui se propage en prison et qui se propage dans un certain nombre de lieux de culte, donc il faut les fermer et nous l'avons déjà fait, je pense notamment à la mosquée de Lagny, nous avons pris une décision au conseil des ministres et nous poursuivrons cette action contre les prédicateurs de la haine mais aussi dans les lieux où ces discours se tiennent …
THOMAS SOTTO
Hier, le député Frédéric LEFEBVRE demandait la « fermeture immédiate de 70 salles de prière en France aux mains des salafistes ». Je cite son tweet.
MANUEL VALLS
Oui mais nous devons agir dans l'état de droit à travers des enquêtes, de manière sérieuse parce que rien ne serait pire que de se précipiter, de faire n'importe quoi. Là nous donnerions plutôt des armes à nos adversaires. Donc nous continuons cette action menée de manière sérieuse implacable en même temps. L'autre question, elle est très importante.
THOMAS SOTTO
D'où les amalgames.
MANUEL VALLS
C'est sur les amalgames. Nous avons lancé lundi, d'ailleurs, une très grande campagne, campagne choc, pour dénoncer les actes racistes, antisémites, antimusulmans, pour là aussi mobiliser la société française. Nous avons réuni avec Bernard CAZENEUVE, lundi, les représentants de, les instances de l'Islam de France, il y a un débat au sein de l'Islam, pas uniquement en France, mais dans le monde, car ceux qui tuent aujourd'hui le font au nom de l'Islam, donc c'est aux musulmans, avec notre soutien, de bien démontrer la différence qu'il y a entre l'immense majorité de ceux qui pratiquent l'Islam, en France et dans le monde. Je veux rappeler d'ailleurs que les musulmans sont les premières victimes du terrorisme, en Afrique, au Proche ou au Moyen-Orient, en Asie, et c'est cette poignée d'assassins qui pervertit le message de cette religion qui se veut un message de paix et de tolérance. Mais, il appartient aussi, à l'Islam, avec notre soutien, en France, de faire la démonstration, pleine et entière, que l'Islam est compatible avec la démocratie, ce que je crois, avec la laïcité, ce que je crois, avec l'égalité entre les femmes et les hommes, donc c'est un combat politique, théologique, idéologique même, si j'emploie des mots un peu compliqués, que nous devons mener. Et ce combat il est très important pour mettre fin à ces amalgames, mais il y a une responsabilité, aussi, pour l'Islam de France, de se doter de tous les moyens pour faire reculer cette idéologie, et notamment il faut combattre, avec beaucoup de détermination, le salafisme qui s'est étendu, en France, en Europe, et qui est à la source de cet islamisme radical.
THOMAS SOTTO
On reste dans la thématique avec une question de Karim qui nous appelle d'Hem dans le Nord, il a 47 ans, Karim, il est agent territorial. Bonjour Karim.
KARIM
Bonjour. Bonjour Monsieur VALLS.
MANUEL VALLS
Bonjour Karim.
KARIM
Moi je pense qu'il y a une contradiction dans vos propos sur le combat du terrorisme, parce que vous m'avez choqué, vous et le président de la République, quand vous avez donné la légion d'honneur au roi d'Arabie Saoudite qui, on le sait, subventionne le terrorisme. Et ça, franchement, moi j'ai été choqué, et beaucoup de familles victimes ont aussi été choquées, parce qu'on sait que l'Arabie Saoudite elle a à voir dans ses relations avec les réseaux terroristes au Moyen-Orient. Voilà, c'est ça ma question, elle est toute simple.
MANUEL VALLS
L'Arabie Saoudite est aussi victime du terrorisme, et je veux rappeler les attentats terribles qui ont eu lieu à la Mecque, aussi, ou dans d'autres sites, donc le gouvernement, l'Etat d'Arabie Saoudite, combat, avec nous, le terrorisme. Nous avons toujours, et j'ai toujours dit, quelles pouvaient être les ambigüités qui existent parfois dans un certain nombre de pays du Golfe, il faut que ces ambigüités soient levées. Nous nous sommes particulièrement clairs…
THOMAS SOTTO
Elles ne sont pas complètement levées sur l'Arabie Saoudite aujourd'hui, les ambigüités.
MANUEL VALLS
Mais il faut me démontrer, alors, quels sont les réseaux terroristes qui seraient financés par le gouvernement saoudien, d'Arabie Saoudite. Ce n'est pas le cas. Nous luttons ensemble contre le terrorisme, et donc il n'y a pas de contradiction. C'est, encore une fois, un combat que nous devons mener tous ensemble, sans la moindre ambiguïté.
THOMAS SOTTO
L'Arabie Saoudite qui condamne les opposants politiques, qui les lapide, qui les décapite, qui les laisse sécher au soleil ensuite, est-ce que ça mérite la légion d'honneur Manuel VALLS ?
MANUEL VALLS
Mais c'est un autre débat.
THOMAS SOTTO
Pas complètement.
MANUEL VALLS
Non, mais, nous avons, avec l'Arabie Saoudite, un partenariat stratégique, et nous l'assumons, ça ne veut pas dire que nous approuvons, évidemment, ce qui se passe en Arabie Saoudite, et la nature du régime.
THOMAS SOTTO
La légion d'honneur c'est l'honneur de la France, c'est le pays des droits de l'Homme.
MANUEL VALLS
Quand nous recevons le président iranien, nous savons aussi ce qui se passe en Iran, et pourtant la France, c'est sa force, c'est la force de sa diplomatie, est capable de parler à tous les pays. Vous savez, dans ce Proche et Moyen-Orient, qui est en guerre, et marqué aussi par la confrontation séculaire entre les chiites et les sunnites, la France se doit de parler avec tout le monde et de permettre le rapprochement et le dialogue, entre notamment l'Iran et l'Arabie Saoudite. Nous avons un partenariat stratégique avec l'Arabie Saoudite, ça ne nous empêche pas d'être, bien sûr, clairs, nets. Et j'ai déjà eu l'occasion de dire combien le wahhabisme, il y a déjà plusieurs années, avait là aussi changé la face d'un Islam modéré en Asie ou en Afrique. C'est pour ça que les auditeurs posent, et qui sont passionnantes, vont nous concerner, pas uniquement là, parce qu'il y a eu ces attentats, mais sans doute pendant plusieurs années, parce que c'est, encore une fois, un sursaut, un combat, que nous devons mener au niveau national, et je pense beaucoup – international, pardon – je pense beaucoup à l'Afrique qui est confrontée aussi à ces phénomènes et bien sûr au terrorisme.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Manuel VALLS d'être venu sur Europe 1 ce matin.
MANUEL VALLS
Merci à vous.
THOMAS SOTTO
Une dernière question rapidement concernant le nombre de Français blessés dans les attentats de Bruxelles hier, les derniers dont on dispose c'est 8 Français dont 3 grièvement ?
MANUEL VALLS
Oui, 8 Français, mais je suis prudent, je suis en Belgique tout à l'heure donc j'aurai plus d'éléments, le quai d'Orsay à travers sa cellule suit ça très attentivement, il y a 8 de nos compatriotes qui sont blessés, 2 gravement, et nous avons évidemment, pour l'un d'entre eux, beaucoup d'inquiétude.
THOMAS SOTTO
Merci Manuel VALLS d'être venu ce matin sur Europe 1
source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2016