Texte intégral
À l'aube de cette nouvelle mandature, ouverte en mars dernier, le Syndicat reste mobilisé sur de nombreuses questions d'actualité : le renouvellement démographique, le recrutement, l'attractivité des métiers, la décentralisation Dans ce cadre, Interface a rencontré Michel Sapin, ministre de la Fonction publique, qui s'exprime sur les principales préoccupations du Syndicat et expose sa vision de la fonction publique territoriale pour les six années à venir.
INTERFACE : La conception restrictive de la fonction publique, dans une grande partie des pays européens, au bénéfice des statuts de droit privé, n'inquiète-t-elle pas le ministre de la Fonction publique que vous êtes ?
Michel Sapin : Chaque pays a sa propre conception de la fonction publique, marquée par des histoires, des cultures, des visions de l'État différentes. J'y vois une richesse plus qu'une menace.
En France, notre fonction publique de carrière est fondée sur les principes d'égalité et de neutralité du service public ; d'autres pays ont fait des choix différents : il n'y a pas par exemple, de principe de neutralité du service public aux États-Unis, où règne le système des dépouilles (" spoil system "). Je n'en reste pas moins persuadé que le rôle d'un fonctionnaire est de servir l'État et les autorités élues à la tête des collectivités locales, en dehors de toute position partisane.
INTERFACE : Le renouvellement important des fonctionnaires annoncé dans les quinze ans à venir est-il une occasion pour une refondation de notre fonction publique ?
Michel Sapin : Les trois fonctions publiques vont effectivement connaître, dans les 10 à 15 ans qui viennent, un important renouvellement. Il nous faut d'abord connaître de façon précise les départs ; nous y travaillons avec les ministères. S'agissant de la fonction publique territoriale, l'étude récemment publiée par le Centre National de la Fonction Publique Territoriale et par la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales a mesuré avec une grande précision ce renouvellement.
Il nous faut aussi anticiper les missions futures des services publics pour être en mesure de former dès aujourd'hui, puis de recruter les compétences dont l'État aura besoin demain et après-demain. Il nous faut enfin programmer les recrutements sur une base pluriannuelle. Plutôt que d'une refondation, il s'agit là d'une adaptation permanente des emplois, des métiers et des compétences aux missions exercées. L'observatoire de l'emploi public, que j'ai installé l'année dernière, a notamment cet objectif.
INTERFACE : Dans un contexte de croissance économique, les collectivités locales ont-elles les moyens d'attirer les jeunes diplômés, du fait, notamment, des lourdeurs du recrutement ? Ne faut-il pas ouvrir plus largement le concours sur titre, y compris dans la filière administrative ?
Michel Sapin : Les métiers des collectivités locales sont particulièrement attractifs à mon sens pour les jeunes diplômés car la variété des missions, la multiplicité des acteurs, la rapidité avec laquelle se concrétisent les projets, la capacité d'action collective, le développement important des technologies de la communication donnent de l'action publique locale une image dynamique et créative. En outre, l'apport décisif des fonctionnaires territoriaux à la mise en place de la décentralisation depuis 1982 conforte leur rôle auprès des élus et leur reconnaissance par les citoyens.
Pour autant, le contexte démographique que nous connaissons et que nous allons connaître durablement va nous conduire à adapter les procédures de recrutement. C'est pourquoi la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de la précarité et à la modernisation du recrutement permet la généralisation à tous les corps ou cadres d'emplois des concours sur titres et des concours dits de " 3ème voie ", qui ouvrent la possibilité à des personnes disposant d'une expérience professionnelle ou élective d'accéder à la fonction publique. Plus largement, il conviendra d'appliquer à la fonction publique territoriale le principe de validation des acquis professionnels qui permet de valider une expérience professionnelle en substitution d'un diplôme pour l'admission à concourir.
INTERFACE : Le Premier ministre a retenu la fonction publique territoriale parmi les priorités de la deuxième étape de la décentralisation. Envisagez-vous de poursuivre le renforcement de l'unité des trois fonctions publiques, alors même que les élus réclament une plus grande souplesse de gestion ? Le dossier de l'assouplissement des seuils démographiques sera-t-il abordé ?
Michel Sapin : Le Premier ministre, lors de la déclaration à l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier a, en effet, posé parmi ses six priorités d'actions pour un nouveau développement de la décentralisation, l'adaptation de la fonction publique territoriale. Il est clair que tout mouvement de décentralisation doit s'accompagner d'une réflexion sur les moyens financiers et humains des collectivités. Plus largement, je crois particulièrement utile que l'année 2001 soit consacrée à une mise en commun, par tous les acteurs - collectivités locales, Centre National de la Fonction Publique Territoriale, syndicats et associations professionnelles - des conditions dans lesquelles la formation des fonctionnaires territoriaux et les modalités de recrutement doivent évoluer pour répondre notamment au défi démographique.
Je suis prêt pour ma part à conduire la réflexion avec l'ensemble de ces partenaires. L'édifice statutaire marqué à la fois par son unité et sa spécificité a su démontrer son adaptabilité : les administrations locales se sont modernisées, les services publics locaux sont généralement appréciés des usagers. Naturellement, des difficultés et des insuffisances sont pointées. Notamment, les seuils démographiques et les quotas que la commission Mauroy sur l'avenir de la décentralisation a évoqués apparaissent comme des contraintes excessives imposées aux employeurs.
Tout cela doit en effet évoluer. Non pas qu'il faille supprimer les règles qui ont leur importance dans une bonne gestion des déroulements de carrière et l'équilibre d'ensemble de la fonction publique territoriale. Mais il faut sans doute simplifier le système et le rendre plus lisible. C'est ainsi que la loi du 3 janvier dernier abaisse à 3 500 habitants le seuil de fonctionnalité pour les communes. De même, j'ai lancé une réforme du statut des secrétaires de mairie permettant à la fois de mieux connaître sur le plan statutaire l'importance des responsabilités exercées et de faciliter une évolution de carrière. Les secrétaires de mairie pourraient ainsi être intégrés dans le cadre d'emploi des attachés.
INTERFACE : À l'aube de cette nouvelle mandature, quelle évolution voyez-vous dans les six prochaines années pour la haute fonction publique territoriale et quel message conséquent adressez-vous aux directeurs généraux et directeurs généraux adjoints ?
Michel Sapin : L'encadrement supérieur des collectivités locales est de qualité comme j'ai eu l'occasion de la vérifier dans mes différentes responsabilités d'élu local. D'ores et déjà, le Gouvernement a su traduire en termes statutaires la reconnaissance des responsabilités des directeurs généraux. La revalorisation des emplois supérieurs des communes qui interviendra par décret dans les prochaines semaines participe de cette volonté.
Au-delà, deux chantiers me semblent prioritaires : La formation et le recrutement des administrateurs territoriaux. L'accroissement du nombre de postes aux concours ainsi que la création d'un cycle de préparation au concours interne adapté aux fonctionnaires territoriaux parachèveraient le dispositif de recrutement mis en uvre par le CNFPT ; il conviendra par ailleurs, en matière de formation initiale, de déterminer plus précisément les conditions de collaboration avec les autres écoles du service public. J'en fais pour ma part une priorité de réflexion en 2001. La mobilité des administrateurs territoriaux, au sein de la fonction publique territoriale, mais aussi vers la fonction publique d'État.
C'est pourquoi je m'emploie à lever systématiquement les obstacles statutaires à la mobilité : le récent décret sur les emplois du SGAR et le très prochain décret sur le décloisonnement des viviers d'accès aux emplois de direction dans les administrations centrales et dans les services déconcentrés de l'État en témoignent.
Cette mobilité accrue entre les fonctions publiques, qu'il nous faut promouvoir par tous les moyens, donnera tout son sens à l'unité de la fonction publique.
(source http://www.snsgdgct.com, le 30 août 2001)
INTERFACE : La conception restrictive de la fonction publique, dans une grande partie des pays européens, au bénéfice des statuts de droit privé, n'inquiète-t-elle pas le ministre de la Fonction publique que vous êtes ?
Michel Sapin : Chaque pays a sa propre conception de la fonction publique, marquée par des histoires, des cultures, des visions de l'État différentes. J'y vois une richesse plus qu'une menace.
En France, notre fonction publique de carrière est fondée sur les principes d'égalité et de neutralité du service public ; d'autres pays ont fait des choix différents : il n'y a pas par exemple, de principe de neutralité du service public aux États-Unis, où règne le système des dépouilles (" spoil system "). Je n'en reste pas moins persuadé que le rôle d'un fonctionnaire est de servir l'État et les autorités élues à la tête des collectivités locales, en dehors de toute position partisane.
INTERFACE : Le renouvellement important des fonctionnaires annoncé dans les quinze ans à venir est-il une occasion pour une refondation de notre fonction publique ?
Michel Sapin : Les trois fonctions publiques vont effectivement connaître, dans les 10 à 15 ans qui viennent, un important renouvellement. Il nous faut d'abord connaître de façon précise les départs ; nous y travaillons avec les ministères. S'agissant de la fonction publique territoriale, l'étude récemment publiée par le Centre National de la Fonction Publique Territoriale et par la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales a mesuré avec une grande précision ce renouvellement.
Il nous faut aussi anticiper les missions futures des services publics pour être en mesure de former dès aujourd'hui, puis de recruter les compétences dont l'État aura besoin demain et après-demain. Il nous faut enfin programmer les recrutements sur une base pluriannuelle. Plutôt que d'une refondation, il s'agit là d'une adaptation permanente des emplois, des métiers et des compétences aux missions exercées. L'observatoire de l'emploi public, que j'ai installé l'année dernière, a notamment cet objectif.
INTERFACE : Dans un contexte de croissance économique, les collectivités locales ont-elles les moyens d'attirer les jeunes diplômés, du fait, notamment, des lourdeurs du recrutement ? Ne faut-il pas ouvrir plus largement le concours sur titre, y compris dans la filière administrative ?
Michel Sapin : Les métiers des collectivités locales sont particulièrement attractifs à mon sens pour les jeunes diplômés car la variété des missions, la multiplicité des acteurs, la rapidité avec laquelle se concrétisent les projets, la capacité d'action collective, le développement important des technologies de la communication donnent de l'action publique locale une image dynamique et créative. En outre, l'apport décisif des fonctionnaires territoriaux à la mise en place de la décentralisation depuis 1982 conforte leur rôle auprès des élus et leur reconnaissance par les citoyens.
Pour autant, le contexte démographique que nous connaissons et que nous allons connaître durablement va nous conduire à adapter les procédures de recrutement. C'est pourquoi la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de la précarité et à la modernisation du recrutement permet la généralisation à tous les corps ou cadres d'emplois des concours sur titres et des concours dits de " 3ème voie ", qui ouvrent la possibilité à des personnes disposant d'une expérience professionnelle ou élective d'accéder à la fonction publique. Plus largement, il conviendra d'appliquer à la fonction publique territoriale le principe de validation des acquis professionnels qui permet de valider une expérience professionnelle en substitution d'un diplôme pour l'admission à concourir.
INTERFACE : Le Premier ministre a retenu la fonction publique territoriale parmi les priorités de la deuxième étape de la décentralisation. Envisagez-vous de poursuivre le renforcement de l'unité des trois fonctions publiques, alors même que les élus réclament une plus grande souplesse de gestion ? Le dossier de l'assouplissement des seuils démographiques sera-t-il abordé ?
Michel Sapin : Le Premier ministre, lors de la déclaration à l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier a, en effet, posé parmi ses six priorités d'actions pour un nouveau développement de la décentralisation, l'adaptation de la fonction publique territoriale. Il est clair que tout mouvement de décentralisation doit s'accompagner d'une réflexion sur les moyens financiers et humains des collectivités. Plus largement, je crois particulièrement utile que l'année 2001 soit consacrée à une mise en commun, par tous les acteurs - collectivités locales, Centre National de la Fonction Publique Territoriale, syndicats et associations professionnelles - des conditions dans lesquelles la formation des fonctionnaires territoriaux et les modalités de recrutement doivent évoluer pour répondre notamment au défi démographique.
Je suis prêt pour ma part à conduire la réflexion avec l'ensemble de ces partenaires. L'édifice statutaire marqué à la fois par son unité et sa spécificité a su démontrer son adaptabilité : les administrations locales se sont modernisées, les services publics locaux sont généralement appréciés des usagers. Naturellement, des difficultés et des insuffisances sont pointées. Notamment, les seuils démographiques et les quotas que la commission Mauroy sur l'avenir de la décentralisation a évoqués apparaissent comme des contraintes excessives imposées aux employeurs.
Tout cela doit en effet évoluer. Non pas qu'il faille supprimer les règles qui ont leur importance dans une bonne gestion des déroulements de carrière et l'équilibre d'ensemble de la fonction publique territoriale. Mais il faut sans doute simplifier le système et le rendre plus lisible. C'est ainsi que la loi du 3 janvier dernier abaisse à 3 500 habitants le seuil de fonctionnalité pour les communes. De même, j'ai lancé une réforme du statut des secrétaires de mairie permettant à la fois de mieux connaître sur le plan statutaire l'importance des responsabilités exercées et de faciliter une évolution de carrière. Les secrétaires de mairie pourraient ainsi être intégrés dans le cadre d'emploi des attachés.
INTERFACE : À l'aube de cette nouvelle mandature, quelle évolution voyez-vous dans les six prochaines années pour la haute fonction publique territoriale et quel message conséquent adressez-vous aux directeurs généraux et directeurs généraux adjoints ?
Michel Sapin : L'encadrement supérieur des collectivités locales est de qualité comme j'ai eu l'occasion de la vérifier dans mes différentes responsabilités d'élu local. D'ores et déjà, le Gouvernement a su traduire en termes statutaires la reconnaissance des responsabilités des directeurs généraux. La revalorisation des emplois supérieurs des communes qui interviendra par décret dans les prochaines semaines participe de cette volonté.
Au-delà, deux chantiers me semblent prioritaires : La formation et le recrutement des administrateurs territoriaux. L'accroissement du nombre de postes aux concours ainsi que la création d'un cycle de préparation au concours interne adapté aux fonctionnaires territoriaux parachèveraient le dispositif de recrutement mis en uvre par le CNFPT ; il conviendra par ailleurs, en matière de formation initiale, de déterminer plus précisément les conditions de collaboration avec les autres écoles du service public. J'en fais pour ma part une priorité de réflexion en 2001. La mobilité des administrateurs territoriaux, au sein de la fonction publique territoriale, mais aussi vers la fonction publique d'État.
C'est pourquoi je m'emploie à lever systématiquement les obstacles statutaires à la mobilité : le récent décret sur les emplois du SGAR et le très prochain décret sur le décloisonnement des viviers d'accès aux emplois de direction dans les administrations centrales et dans les services déconcentrés de l'État en témoignent.
Cette mobilité accrue entre les fonctions publiques, qu'il nous faut promouvoir par tous les moyens, donnera tout son sens à l'unité de la fonction publique.
(source http://www.snsgdgct.com, le 30 août 2001)