Interview de Mme Erika Bareigts, secrétaire d'Etat à l'égalité réelle, à France Bleu le 13 avril 2016, sur le concept de l'"égalité réelle", le projet de loi Egalité et Citoyenneté, la lutte contre l'illettrisme, le durcissement de la répression des délits d'injures et d'actes racistes et le mouvement "Nuit Debout".

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Média : France Bleu

Texte intégral

NOE DA SILVA
Bonjour Ericka BAREIGTS.
ERICKA BAREIGTS
Bonjour.
NOE DA SILVA
Merci d'être avec nous ce matin. Pardon de vous demander cela mais on me pose la question depuis ce matin : qu'est-ce que c'est que l'égalité réelle ?
ERICKA BAREIGTS
L'égalité réelle, c'est de se dire qu'aujourd'hui vous avez des droits formels qui existent – droit à l'éducation, droit au logement – et que dans certaines situations, ces droits n'arrivent pas à destination des citoyens. C'est donc de ramener les droits là où ils doivent être. Exemple : vous habitez très loin, dans un village éloigné, il n'y a plus de service public. C'est ramener le service public, c'est les mille créations de maisons de service public. C'est aussi ouvrir les opportunités : couleur de peau, être une femme, être dans un milieu socio-économique pas le bon, et là c'est agir pour qu'il y ait une égalité des possibles. C'est ça qui est important.
NOE DA SILVA
C'est presque multi-ministères.
ERICKA BAREIGTS
C'est interministériel. C'est beaucoup d'actions dans beaucoup de domaines pour ouvrir les possibles et ramener le droit là où il ne l'est pas.
NOE DA SILVA
Est-ce que vous pensez que votre poste vous survivra ? Votre titre, l'intitulé « ministère de l'Economie réelle » ?
ERICKA BAREIGTS
Ce n'est pas la question. La question aujourd'hui, c'est de savoir qu'est-ce qu'on doit faire et on va faire beaucoup de choses. On va agir puisque vous savez qu'on présente un projet de loi avec un titre Egalité réelle pour agir en faveur de cette égalité réelle.
NOE DA SILVA
Egalité et citoyenneté, projet de loi présenté ce matin. C'est une réponse au mot apartheid prononcé par Manuel VALLS ?
ERICKA BAREIGTS
C'est une réponse au besoin d'égalité, c'est une réponse au besoin d'engagement. Les jeunes ont besoin de s'engager, donc il y a un titre consacré à cet engagement et des mesures concrètes sur le service civique par exemple, sur le congé à l'engagement - six jours non cumulable bien sûr – qui permet au bénévole d'aller plus loin dans l'engagement et de construire le collectif. C'est aussi favoriser la mixité sociale. Favoriser la mixité sociale, faire en sorte que là où vous habitez, où vous vous sentez enfermé dans un quartier, que demain avec l'engagement d'Emmanuelle COSSE dans ce projet de loi…
NOE DA SILVA
La ministre du Logement.
ERICKA BAREIGTS
Que l'on puisse sortir et que vous puissiez vivre dans un autre quartier.
NOE DA SILVA
Ça c'est super et sur le papier, ça marche, la mixité sociale. Mais on a un exemple très concret à Paris : les habitants du XVIème, certains habitants du XVIème arrondissement, refusent par exemple un centre pour SDF à côté de chez eux.
ERICKA BAREIGTS
Il faut aller plus loin.
NOE DA SILVA
Comment on fait ?
ERICKA BAREIGTS
Il faut être plus volontaire. D'abord il faut discuter, il faut avancer dans la discussion. Et puis il faut aller plus loin, être plus volontaire et dans le projet de loi Egalité citoyenneté et l'action d'Emmanuelle COSSE, c'est de dire qu'aujourd'hui les personnes qui habitent ces quartiers difficiles, nous pouvons leur offrir demain des logements sociaux en dehors des quartiers politiques de la ville pour qu'ils puissent aussi ouvrir leurs possibles, avec une politique de loyer plus souple. C'est-à-dire vous pouvez sortir des quartiers politiques de la ville, avoir un loyer social en dehors à un prix qui correspond à ce que vous pouvez payer. Vous voyez bien qu'on arrête de cumuler la pauvreté là où on a l'habitude de l'accumuler. On ouvre et on permet de sortir et d'ouvrir les possibilités pour les gens.
NOE DA SILVA
Madame la Ministre, est-ce que la réponse à la question de l'apartheid en Ile-de-France en tout cas n'est pas apportée par Valérie PECRESSE qui a décidé que le conseil régional ne financerait plus des logements très sociaux dans les villes où la loi était déjà appliquée ?
ERICKA BAREIGTS
Il faut être dans l'action en faveur des logements sociaux. Les gens ont besoin d'être logés, les gens ont besoin de mixité sociale.
NOE DA SILVA
Elle a raison là-dessus ? De cibler justement les logements très sociaux et de dire « stop » dans les endroits où il y en a déjà ?
ERICKA BAREIGTS
Non. Il y a une règle, il y a des lois, il y a vingt-cinq pour cent, il y a des lois à faire appliquer, il y a des lois à respecter et il y a une organisation du vivre ensemble, il y a une action à faire. Nous le faisons dans les politiques de la ville : cinq milliards investis, quatre cent cinquante millions que nous mettons dans l'accompagnement de cette mixité sociale. Donc il y a des règles, il faut les respecter. Il y a une action du gouvernement en faveur du vivre ensemble, elle est importante et nous continuons avec le projet de loi Egalité citoyenneté à agir pour cette mixité sociale et cette cohésion sociale.
NOE DA SILVA
Alors dans ce projet de loi Egalité et citoyenneté, qu'est-ce qui vous tient le plus à coeur ? C'est quoi ? C'est l'apprentissage du français tout au long de la vie ?
ERICKA BAREIGTS
Il y a beaucoup de choses mais je retiendrai peut-être, puisqu'il faut retenir deux idées, je vais retenir deux choses. La première chose, c'est la maîtrise du français tout au long de la vie.
NOE DA SILVA
Ça, c'est nouveau.
ERICKA BAREIGTS
Ça concerne six millions de personnes dont trois millions de personnes qui sont allées à l'école, qui sont allées à l'école française et qui se retrouvent en situation d'illettrisme. Il y a eu des progrès mais il y a encore trop de personnes qui sont aujourd'hui sans maîtrise de la langue française. Et ça a quoi comme conséquences ? Quand vous ne maîtrisez pas la langue française, vous êtes exclu de la société. Vous ne pouvez pas faire vos papiers librement comme tout le monde, inscrire vos enfants à l'école, et puis vous ne pouvez pas avoir votre progression professionnelle. Il faut savoir qu'il y a la moitié de ces trois millions de personnes qui sont aujourd'hui en emploi. Et si vous ne maîtrisez pas, vous ne pouvez pas progresser professionnellement.
NOE DA SILVA
Mais comment on les détecte ?
ERICKA BAREIGTS
Il y a deux choses. Nous, nous proposons un outil de détection de ce grand mal qu'est l'illettrisme en proposant un outil informatique qui serait disponible pour les administrations par exemple, où on détecterait. Mais surtout, ce qu'il faut c'est agir. Agir, c'est faire en sorte que la maîtrise du français fasse partie de la formation professionnelle tout au long de la vie et inclus dans le code du travail. C'est ce que nous proposons aujourd'hui, voilà. Ça concerne beaucoup de personnes. Ce serait agir là pour une égalité réelle absolument nécessaire.
NOE DA SILVA
Il va y avoir un durcissement également des délits d'injures, d'actes racistes ?
ERICKA BAREIGTS
Oui, c'est très important.
NOE DA SILVA
Concrètement ?
ERICKA BAREIGTS
Aujourd'hui, juste un chiffre à retenir, c'est plus vingt-cinq pour cent d'actes racistes l'année dernière. C'est inacceptable. Le doublement de ces peines – c'est-à-dire qu'on passe pour injure raciste de six mois à un an, doublement aussi de l'amende, on est à quarante-cinq mille euros – c'est envoyer un message très clair qui est que la République ne banalise pas ces actes racistes et que la République protège les victimes de ces actes racistes. Il y a un autre élément dans ce projet de loi, c'est que nous souhaitons et proposons que les actes racistes – injures et diffamations – soient des circonstances aggravantes pour tous les délits et les crimes du code pénal.
NOE DA SILVA
Madame la Ministre, dernière question. Il y a un mouvement Nuit Debout qui se répand dans plusieurs villes et qui est très présent à Paris place de la République depuis le 31 mars. Est-ce que ça fait partie de votre ministère de l'Egalité réelle ? Puisqu'ils se disent tous égaux, ils ne veulent pas de leader, ils refusent les politiques. Qu'est-ce que vous pensez de ce mouvement ?
ERICKA BAREIGTS
C'est un mouvement qui pose un débat, d'abord une volonté de débattre. C'est toujours positif. Volonté de débattre, volonté de participer au projet collectif, apporter des idées, porter un idéal si j'ai bien compris ce mouvement, c'est très important. C'est très important que les personnes aient envie de participer, envie de construire, donc ce mouvement est positif.
NOE DA SILVA
Envie de construire mais à côté de ce qui se fait déjà aujourd'hui et des politiciens, donc de vous.
ERICKA BAREIGTS
Ce n'est pas à côté. C'est un message nouveau, c'est leur pensée, c'est leur message et nous sommes là. Nous sommes aussi à l'écoute. Moi, j'ai mes collaborateurs qui sont allés voir et écouter. C'est aussi être à l'écoute de ce qui se passe ; ce n'est pas sans nous, c'est avec nous.
NOE DA SILVA
Ça vous fait peur quand même ?
ERICKA BAREIGTS
Pourquoi ça me ferait peur ? Ils sont dans une disposition de calme et de volonté de construire. Par contre, on est en situation particulière, situation d'urgence, donc il faut aussi que nous veillons à la sécurité de tous. Mais non, c'est bien de débattre, c'est bien de vouloir participer à la vie collective.
NOE DA SILVA
Dernière question. Réaction à ce que dit Manuel VALLS qui est en interview dans le journal Libération ce matin. Il dit : « Il faudrait une loi pour interdire le voile à l'université ». Cette question revient ?
ERICKA BAREIGTS
Il ne l'a pas dit tout à fait comme ça mais le ministre, Secrétaire d'Etat à la recherche et à l'université dit ce matin qu'il n'y a pas de problème sur ce dossier-là, donc il ferme le débat.
NOE DA SILVA
Il ferme le débat ouvert par Manuel VALLS. Merci beaucoup. Vous allez à Vaulx-en-Velin cet après-midi.
ERICKA BAREIGTS
Oui.
NOE DA SILVA
Il y a un comité interministériel et vous parlerez également de cette loi qui sera donc présentée tout à l'heure en Conseil des ministres. Merci d'être venue sur France Bleu 107.1 la présenter en avant-première.
ERICKA BAREIGTS
Merci à vous.
NOE DA SILVA
Ericka BAREIGTS, Secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité réelle. On vous retrouve sur francebleu.fr en vidéo. Bonne journée.
ERICKA BAREIGTS
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2016