Interview de Mme Juliette Méadel, secrétaire d'Etat à l'aide aux victimes, à France 2 le 23 mai 2016, sur l'accompagnement des familles après le crash de l'Airbus d'Egyptair.

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Média : France 2

Texte intégral

ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
ROLAND SICARD
Quatre jours après le crash de l'Airbus d'EgyptAir on ne connait toujours pas les causes de la catastrophe, en revanche on connait la douleur des familles des disparus, quel va être le rôle de la ministre chargée de l'Aide aux victimes ?
JULIETTE MEADEL
Déjà nous nous sommes rendus, avec les autres ministres concernés, nous nous sommes rendus dès jeudi matin, j'étais à Roissy jeudi, où j'ai pu accompagner les proches des victimes qui étaient réunies dans un lieu unique d'accueil et où j'ai pu être présente, c'est-à-dire à la fois les soutenir naturellement, faire en sorte qu'elles aient tout ce dont elles ont besoin dans ces moments-là - c'est-à-dire du réconfort, un accompagnement – et puis, très concrètement, les informations dont nous disposions - assez peu à ce moment-là - et la capacité à leur dire : « vous ne serez pas seules ».
ROLAND SICARD
Certaines familles de disparus ont eu l'impression que les médias ou les réseaux sociaux en disaient plus que le gouvernement ?
JULIETTE MEADEL
Ça fait partie en effet dans ces tragédies de ce qui ajoute de la douleur à la douleur, c'est-à-dire que ça déjà eu lieu hélas après Charlie hebdo et surtout en novembre où les informations, qui sont souvent fausses, circulent des réseaux sociaux et blessent des proches de victimes qui ne savent plus à quel saint se vouer et qui sont en même temps très touchées par le fait qu'on parle de leurs proches, alors le rôle de l'Etat dans ces cas-là c'est de dire et d'essayer d'appeler ceux qui peuvent l'entendre à la tempérance : « Attention ! Les victimes, les proches de victimes sont blessées par le fait sur les noms de ceux qu'elles pensent décédées circulent, donc il faut faire très attention à ça, il faut essayer de ne plus l'évoquer et ça les blesse profondément ». J'ai été au quai d'Orsay samedi, nous avions organisé une réunion d'information avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Transports, cette réunion d'information, d'accueil pour les proches des victimes de ce crash était destinée justement à leur dire ce qui allait se passer maintenant et beaucoup de ces proches de ces familles nous ont dit : « Mais enfin j'ai retrouvé le nom de mon père, ma mère ou mon fils, j'ai retrouvé son nom comme étant mort dans les journaux alors même qu'à l'heure où nous nous parlons le décès n'a pas été constaté ou nous manquons cruellement d'informations ». Le simple fait de voir le nom de votre père ou de votre mère, dont vous craignez qu'il ne soit mort depuis deux jours, mais vous n'en êtes pas certain, le simple fait de voir ce nom dans les journaux, ça peut être extrêmement blessant. Donc, nous, nous disons et moi je demande explicitement, à la fois sur les réseaux sociaux, sur les médias : « Attention, pensez à la douleur des victimes, n'évoquez pas ces noms tant que vous n'en êtes pas certain et surtout sans l'accord des personnes concernées ».
ROLAND SICARD
Quelles sont aujourd'hui les demandes des familles des disparus ?
JULIETTE MEADEL
D'abord elles ont besoin de se sentir accompagné, à Roissy jeudi matin on m'a dit : « Mais qu'est-ce que je vais devenir ? », des proches m'ont dit : « Est-ce que l'Etat sera là ? Est-ce que l'Etat sera présent ? Qu'est-ce qui va se passer dans les heures, dans les jours, dans les mois qui viennent ? ». Mon rôle c'est de leur dire exactement que nous sommes avec elles et de leur indiquer ce qu'elles doivent faire. Il y a toute une série de démarches, mon secrétariat d'Etat simplifie, veut et entend simplifier les choses – nous avons commencé à le faire – et puis nous leur donnons des éléments de procédure.
ROLAND SICARD
C'est à dire qu'il n'y aura pas 17 guichets par document ?
JULIETTE MEADEL
Nous serons et nous sommes déjà, nous sommes en train de mettre en place la porte d'entrée unique à la fois pour l'information et pour l'accueil. Dans le cas d'EgyptAir, nous avons travaillé avec les ministères concernés pour qu'elles aient l'ensemble des informations, car ça durer, l'enquête qui est cours va durer, donc nous voulons qu'elles puissent savoir à quel endroit elles ont accès à l'information et moi j'entends qu'elles soient les premières informées de la réalité des faits parce que le sujet sur EgyptAir c'est d'avoir la vérité, il faut que les proches des victimes soient les premières informées de ce qui se passe.
ROLAND SICARD
Est-ce que les familles des disparus, si elles le souhaitent, pourront aller sur les lieux du crash ?
JULIETTE MEADEL
C'est déjà le cas ! C'est à dire que dès jeudi matin il y a une dizaine de familles qui sont parties depuis Roissy, où nous avions mis en place la possibilité qu'il y ait un vol qui les accompagne au Caire, et donc dès jeudi après-midi une dizaine de familles ont souhaité aller au Caire pour être sur place, parce que chacun vit ces moments-là comme il l'entend - certains préféraient rester à Paris, d'autres préféraient aller au Caire - c'est exactement le rôle de l'Etat que de mettre en place ce type de possibilité.
ROLAND SICARD
Les indemnisations, ça va se passer comment ?
JULIETTE MEADEL
Les indemnisations seront, dans le cadre d'EgyptAir, seront mises en place assez facilement dans la mesure où c'est la compagnie aérienne qui est compétente depuis la convention de Montréal, qui est compétente et qui est elle-même en charge de cette indemnisation, mais mon rôle c'est de veiller à la simplicité de l'accès à cette procédure d'indemnisation et à sa bonne fin, je veille sur l'ensemble de l'efficacité de tout ce qui concerne le…
ROLAND SICARD
Parce que le risque c'est que, une fois que les médias ne s'y intéresseront plus, on risque d'oublier ?
JULIETTE MEADEL
C'est bien pour ça que le secrétariat d'Etat a été créé, c'est pour rassurer les proches des victimes qu'elles seront suivies et que dans six mois, dans un an, nous serons toujours là - et c'est ça qui est fondamental – elles ne seront pas abandonnées, ce n'est pas parce que les médias risquent de moins s'y intéresser dans les mois et dans les années qui viennent qu'elles seront abandonnées, l'Etat sera toujours à leur côté.
ROLAND SICARD
L'enquête, elle en est où ce matin ?
JULIETTE MEADEL
L'enquête en est à ses premiers balbutiements, il y a plusieurs ministères qui travaillent : le ministère des Transports avec le BEA, le fameux Bureau d'Enquête et d'Analyse ; la gendarmerie, les services spécialisés de la gendarmerie, sont évidemment mobilisés ; le quai d'Orsay joue un rôle fondamental, puisqu'il y a de la coordination avec à la fois l'Egypte mais avec toute une série de pays qui s'intéresse à l'enquête, donc vous voyez la multiplicité de ces intervenants nécessite qu'il y ait une porte d‘entrée unique et nous travaillons tous ensemble au sein même du gouvernement pour que cet accès à l'information soit facilitée.
ROLAND SICARD
Demain les victimes du 13 novembre vont rencontrer les juges d'instruction chargés de l'enquête, qu'est-ce qu'il faut en attendre ?
JULIETTE MEADEL
D'abord pour les proches des victimes et pour les victimes ce qui est essentiel c'est d'être associé à la procédure, demain celle qui vont rencontrer les juges d'instruction sont celles qui se sont constituées partie civile, donc elles ont accès aux dossiers, elles vont donc de cette manière-là pouvoir poser les questions dont elles ont besoin et elles seront informées, c'est fondamental à la fois dans le processus de deuil, c'est fondamental d'avoir accès à cette information-là ; deuxièmement, j'ai veillé à ce que - ça va être trois journées très importantes – à ce qu'elles puissent dans ce lieu d'accueil avoir accès à cette information-là et elles seront accompagnées, car n'oublions pas que dans ces moments-là les associations le savent bien, les associations d'aide aux victimes et de victimes le savent bien, ce type d'évènement peut faire ressurgir un traumatisme et des angoisses, donc il y aura une équipe d'urgentistes et de psychologues sur place pour aider celles qui auraient – et on les comprend – du mal à faire face à ces souvenirs, à ces réminiscences qui seront probablement réveillés par l'évocation de ces drames-là et de l'enquête.
ROLAND SICARD
Merci.
JULIETTE MEADEL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mai 2016