Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des affaires étrangères,
Monsieur le Président de la commission du développement durable,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
L'Accord de Paris sur le Climat conclu en décembre dernier et qui vous est soumis aujourd'hui a été souvent qualifié d'historique. A juste titre. Il l'est certainement par son objet : il ne s'agit pas de fixer des frontières mais de fonder une alliance nouvelle pour assurer notre survie collective en donnant le signal d'un changement de modèle économique, social et politique. Il l'est aussi par sa construction puisque chaque nation y contribue en fonction de ses caractéristiques propres et que les acteurs non étatiques -régions, villes, ONG, entreprises- y sont étroitement associés. Il l'est enfin par ses modalités qui ne sont pas gravées dans le marbre mais au contraire évolutives et dynamiques.
L'Accord de Paris représente un point de bascule vers un développement sobre en carbone et résilient aux effets du dérèglement climatique. Il fixe pour objectif de contenir la hausse des températures bien en deçà des deux degrés et de s'efforcer de la limiter à un degré et demi.
Pour cela, il appelle à un pic des émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible et à la neutralité des émissions dans la seconde moitié du siècle. Il prévoit que chaque pays mette à jour tous les cinq ans, de façon toujours plus ambitieuse, sa contribution nationale.
A ce jour, 190 pays sur 196 ont déposé leur contribution nationale, la quasi-totalité des émissions est donc couverte. Un bilan collectif aura lieu tous les 5 ans afin de faire le point sur les engagements des pays. Le premier bilan aura lieu en 2023. Et la décision qui accompagne l'accord prévoit que les Etats se rencontrent une première fois en 2018 pour évaluer leur progrès.
2018, c'est demain. C'est dire la rapidité des actions que nous avons à mettre en place. Et la France s'honore d'être le premier pays au monde à avoir déjà transcrit dans sa législation nationale, grâce à la loi de transition énergétique pour la croissance verte que vous avez votée, son engagement pris avant la conférence de Paris sur le climat.
Par conséquent, cet Accord ouvre la voie à un renforcement progressif des engagements d'atténuation et d'adaptation pour tous les pays grâce à des mécanismes de coopération en matière de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités. Ceux qui subissent auront les moyens de se protéger, et chacun aura de nouvelles ressources pour agir concrètement.
S'agissant des financements, l'accord met ainsi en oeuvre une obligation pour les pays développés de mobiliser des financements qui devront progressivement augmenter. La décision qui accompagne l'accord maintient jusqu'en 2025 l'engagement d'un financement de 100 milliards de dollars par an qui servira de base à une cible financière plus ambitieuse. La nécessité de rééquilibrer les financements notamment publics et sous forme de dons pour l'adaptation est affirmé.
S'agissant de la transparence, un cadre renforcé est mis en place. Il permet de construire la confiance entre les pays et de s'assurer de l'efficacité de l'Accord. Ce cadre s'appliquera à tous en tenant compte de la capacité de chacun des pays. Un mécanisme de contrôle de la mise en oeuvre et de la conformité de l'accord est établi. Ces règles de procédures seront définies afin qu'il puisse être mis en oeuvre avant la date d'application de l'Accord.
L'Accord de Paris a été ouvert à la signature au siège de l'Organisation des Nations-Unies à New-York le 22 avril 2016, jour de la « Journée de la Terre ». La présidence française n'a pas ménagé ses efforts pour encourager les États à être représentés à haut niveau à cette occasion et témoigner ainsi que l'engagement politique fort pris à Paris, se confirmait. La mobilisation a ainsi été exceptionnelle. 175 parties ont signé ce jour-là, du jamais vu pour la signature d'un Accord international. D'autres l'ont fait depuis ou le feront dans les prochaines semaines. La mobilisation mondiale est donc toujours bien vivante. L'Accord de Paris ouvre un chemin commun pour le siècle - avec des étapes essentielles, et New-York en était l'une des premières.
Il convient à présent de ratifier cet Accord et nous y sommes. Cette étape est indispensable car ce texte n'entrera en vigueur qu'après le dépôt des instruments de ratification d'au moins 55 Parties à la convention climat représentant au moins 55 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
A ce jour, dix-sept États ont déjà effectué cette procédure et notamment, il faut le souligner, les petites îles c'est-à-dire les États les plus menacés dans leur existence même par le réchauffement climatique. D'autres pays ont annoncé leur intention de rejoindre l'Accord dès cette année notamment l'Australie, l'Argentine, le Canada, la Chine, les États-Unis, le Mexique, les Philippines mais aussi des États africains, le Cameroun et le Mali, continent qui souffre du dérèglement climatique alors qu'il n'est pas à l'origine de ce dérèglement climatique.
Mesdames et messieurs les parlementaires, la mobilisation est donc en marche car, à côté de cet accord, nous devons agir immédiatement. Les actions opérationnelles renforcent l'Accord et le rendent crédible. Et l'Accord lui-même dans sa préparation d'application encourage les différentes actions.
Ainsi, notre objectif, notre devoir, c'est de rendre ce mouvement irréversible en faisant en sorte que tous les acteurs s'engagent et c'est le cas :
- d'abord les États qui ont la responsabilité de la ratification et des contributions nationales,
- ensuite les entreprises et les investisseurs puisque ce sont eux qui travaillent à la réalisation de la transition énergétique et à la finance verte et c'est la grande nouveauté de la COP21,
- les ONG et les citoyens pour s'assurer que la parole donnée à Paris soit respectée mais aussi pour contribuer à l'élaboration des actions opérationnelles et à la connaissance des dégâts du dérèglement climatique,
- les territoires et les grandes villes avec les coalitions qui se sont exprimées lors de la COP21. Rappelons que les 20 plus grandes mégalopoles du monde sont directement menacées par la montée des océans. Ces collectivités, qui vous sont chères, ont un rôle déterminant à jouer dans leurs politiques locales : en matière d'aménagement, dans leur choix d'investissements, qu'il s'agisse de bâtiments ou de transport, par exemple. La réunion mondiale qui se tiendra à Nantes en septembre prochain sera l'occasion me mettre en valeur ces contributions essentielles,
- et enfin je voudrais évoquer la démocratie locale qui s'exerce au niveau de chaque citoyen. Je rappelle que 70 % des actions efficaces contre le dérèglement climatique sont menées à l'échelle locale et c'est la raison pour laquelle, vous le savez, j'ai pris soin en accompagnement de la loi de transition énergétique que vous avez votée, à décliner cette loi sans tarder sur les territoires avec la création des 400 territoires à énergie positive.
Un grand apport de la COP21, c'est d'avoir associé, au côté des États, tous les acteurs qui peuvent donner une impulsion à une transition majeure de notre modèle de développement. Ainsi le plan d'actions qui a été appelé le Plan d'Actions Lima Paris a créé une dynamique qui rassemble plus de 10 000 villes, régions, entreprises, investisseurs, associations, dans 180 pays autour de 70 coalitions.
Pour avoir participé à plus d'une centaine d'événements pendant les dix jours de la COP21 et pour avoir la responsabilité en tant que Présidente de la COP de suivre la montée en puissance des coalitions, je puis témoigner du mouvement irréversible qui est ainsi créé. Les 70 coalitions fondées à Paris, dont 15 à l'initiative de la France, offrent ainsi un nouveau cadre pour fédérer les États, les entreprises, les salariés, les associations, les ONG, les citoyens, autour des principaux enjeux du changement climatique.
Depuis la COP21, la France s'emploie à consolider ces différentes initiatives par exemple l'Alliance solaire internationale, l'initiative contre l'érosion des côtes notamment ouest-africaines, la coalition pour les énergies renouvelables en Afrique, la coalition autour du prix du carbone, la coalition autour de l'innovation et de la recherche, l'alliance sur l'efficacité énergétique des bâtiments, celles autour des questions relatives à la forêt, à l'eau, à l'océan, à l'agriculture durable et à l'économie circulaire et tous les sujets liés également à la résilience.
Aujourd'hui, nous célébrons la journée mondiale des océans, et c'est un bon exemple des avancées permises par l'Accord de Paris. Auparavant exclu des négociations, l'océan représente pourtant 70 % de la surface du globe, et absorbe 30 % des gaz à effets de serre. Il est à la fois le symptôme de nos errements -quand son niveau progresse, ravageant les côtes ou que sa faune et sa flore disparaissent- et la solution à nos défis : par l'essor des énergies renouvelables. Grâce à l'opiniâtreté de certains acteurs de la société civile, la protection des océans a été au coeur de la COP de Paris.
J'ai veillé, à soutenir l'initiative « Océan et Climat » sur le plan mondial : un rapport du GIEC pour prendre la mesure et le pouls des océans, plan d'équipement en instruments de mesure du CO2 au niveau mondial, journée d'action à New-York sur le sujet.
Mais, ne serait-ce qu'au niveau national, le gouvernement a engagé un plan d'action doté de 173 millions d'euros sur les énergies renouvelables en mer. Ce sont des territoires entiers -certains ici le savent bien- qui pourront tirer profit de ces sources d'énergie, durables, et par essence, inépuisables. Et, ce n'est que le début de cette exploitation nouvelle des océans, qui allie en France et dans le monde, sauvegarde de la faune et de la flore, développement de la croissance bleue, et atténuation de nos émissions.
L'océan et la Méditerranée sont des sujets majeurs, sur lesquels il faut faire des choix clairs, dans l'intérêt des populations et du climat. L'Accord de Paris agit, plus globalement, sur tous les fronts, car, tous les domaines sont à réinventer, et toutes les habitudes se transforment sous nos yeux.
Je souhaiterai à ce titre y mentionner le développement remarquable de la finance dite « verte ». Les banques multinationales ont pris la mesure des efforts à fournir. Plus de 40 milliards de dollars d'obligations vertes ont été émises l'an dernier. C'est plus du double que l'année précédente. La France se place en tête des pays d'origine des émetteurs à obligations vertes.
Nous avons décidé de créer justement des bons du trésor au niveau de l'État et le prochain projet de loi de finances vous saisira à la fois du sujet de la finance verte et du sujet de la fixation d'un prix du carbone qui pourrait servir de modèle à l'ensemble des pays de l'Union européenne et bien au-delà.
Beaucoup a été fait aussi par la finance privée en peu de temps comme la coalition pour la décarbonation des portefeuilles. 600 milliards de dollars d'actifs dépassant largement l'objectif initial des 100 milliards de dollars. C'est le signe que la rationalité financière arrive aux mêmes conclusions que la logique écologique : il faut changer de modèle. Je suis actuellement en train de mobiliser les 500 plus gros investisseurs qui ne prennent pas encore en compte le climat dans leur choix d'investissement.
Il convient aussi de prendre toute la mesure des opportunités de la croissance verte et de l'économie bleue et en développant les incitations. C'est ce que nous avons fait dans la loi de transition énergétique qui là aussi est unique dans les législations du monde entier puisque vous avez voté dans cette loi le fameux article 173 qui sert de référence à la finance mondiale : nous sommes le seul pays à avoir développé l'obligation pour les investisseurs de définir dans leur rapport aux actionnaires la dimension climatique de leurs investissements.
Sur la tarification du carbone enfin, une grande coalition des États et des entreprises s'est constituée. L'objectif, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington, est de mettre en place un prix suffisamment élevé pour changer les comportements, un prix stable et prévisible pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et financiers et un prix coordonné pour qu'on constitue un instrument de cohésion et non de concurrence.
Ce vendredi ce tiendra à Paris un forum sur ce sujet rassemblant des entreprises, des États et des économistes afin de voir comment progresser rapidement. Au prochain Conseil européen, la France proposera aux autres pays de l'Union européenne la création d'un corridor de prix du carbone pour que soit pris en considération la diversité des modèles énergétiques d'un pays à l'autre.
Pour la réussite de cet Accord de Paris, mon message est simple. Nous devons agir vite. Nous devons agir de manière juste.
Nous devons agir ensemble parce que l'Accord de Paris a été un grand moment de rassemblement de la communauté internationale à un moment où il y a tant de conflits, tant de de dissensions, tant de violence à l'échelle planétaire. Je pense aussi naturellement à la question des mouvements de population. Car la menace écologique, si elle n'est pas maîtrisée puis repoussée, entraînera aussi, de nouveaux troubles.
Le processus de la COP est un moment de réconciliation fort de la communauté internationale. Face à ces enjeux, la discussion commune met de côté les différences et les différends. Nous sommes dépositaires de cet esprit de l'accord et nous avons donc le devoir de le mettre en application. C'est être fidèle à la vocation universelle de notre pays que de se trouver parmi les premiers à ratifier ce texte.
Et puis, relever ce défi et faire reculer les drames liés au dérèglement climatique, c'est aussi une chance extraordinaire à saisir. On voit bien les potentialités de développement économique, de création d'emplois, d'innovation, d'intelligence qui peuvent d'une part permettre aux pays les plus pauvres de sortir de la pauvreté en accédant à l'électricité à partir des énergies renouvelables et d'autre part donner aux pays qui subissent des ralentissements de croissance un nouveau souffle économique, dans ces nouvelles filières d'activités, de développement, de création d'emplois. Si le monde change progressivement de modèle, ce seront des nouvelles industries, de nouvelles technologies, de nouveaux partenariats internationaux qui s'ouvriront.
Voilà donc des opportunités uniques, mais qui nécessitent du courage. Voilà des choix qui engagent l'avenir, et qu'il faut faire avec confiance et audace. Mais je sais que ce courage vous n'en manquez pas. Les choix, vous les avez déjà faits. Soyez donc remerciés de participer ainsi à la fois à la mise en avant de notre pays mais aussi à la protection de notre planète.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 9 juin 2016