Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, à "Radio Classique" le 8 juillet 2016, sur le maintien des orientations budgétaires pour 2017, axées notamment sur la poursuite de la maîtrise des dépenses avec une inflexion pour l'éducation et la sécurité.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

NICOLAS PIERRON
Le secrétaire d'Etat au Budget est mon invité ce matin, sur Radio Classique. Bonjour Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Bonjour Nicolas PIERRON.
NICOLAS PIERRON
Les performances de l'équipe de France de football peuvent-elles avoir un impact positif sur notre PIB ?
CHRISTIAN ECKERT
Oh, écoutez, probablement, ça ne peut pas faire de mal. La consommation, parfois, les touristes qui sont venus pendant l'Euro, mais ça c'était prévu, et le fait que la France gagne, c'est sûr que ça donne une bonne ambiance, une meilleure ambiance.
NICOLAS PIERRON
Il y avait eu un effet certain en 98 ?
CHRISTIAN ECKERT
C'est toujours difficile, c'est toujours difficile à prouver a posteriori, mais enfin on regardera ça...
NICOLAS PIERRON
Ça fait pas de mal.
CHRISTIAN ECKERT
... une fois la victoire venue en finale.
NICOLAS PIERRON
A l'inverse, est-ce que vous redoutez un peu plus désormais les conséquences négatives du Brexit ? On a vu une semaine très mouvementée sur les places boursières, avec des inquiétudes autour de l'immobilier à Londres.
CHRISTIAN ECKERT
Oui, mais ça, ça ne va pas être immédiat, je pense qu'il va se passer un peu de temps, il faudra voir la croissance en Grande-Bretagne, il est probable que cette croissance plonge. La Grande-Bretagne est un partenaire économique de la France, à hauteur de 8 % je crois, de nos échanges, c'est pas... on est moins dépendant de la Grande-Bretagne que d'autres pays d'Europe, notamment l'Allemagne...
NICOLAS PIERRON
Ça ne change pas l'équation budgétaire pour 2017 ?
CHRISTIAN ECKERT
Non, en ce qui concerne la croissance, nous sommes très clairs. Nous avions prévu un 1,5 % de croissance cette année et l'année prochaine, nous ne changerons pas ces paramètres, certains d'ailleurs, peut-être avant le Brexit, estimaient qu'on pouvait augmenter ces prévisions de croissance, on va attendre probablement le milieu ou la fin de l'été pour regarder ce que ça a donné au deuxième trimestre.
NICOLAS PIERRON
On pourrait monter à 1,65, 1,7 éventuellement ?
CHRISTIAN ECKERT
On pourrait monter, mais aujourd'hui c'est trop tôt pour le dire, on a fait un bon premier trimestre, il faut attendre les résultats du second trimestre. Vous savez, la prévision c'est toujours difficile.
NICOLAS PIERRON
Christian ECKERT, les dépenses de l'Etat vont augmenter l'an prochain de 2,7 milliards, est-ce que c'était inévitable ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, on a des priorités, les priorités elles sont connues, c'est l'éducation, c'est la sécurité. Nous avons donné une inflexion en ce qui concerne certains ministères, je pense notamment au ministère de la Défense, la loi de programmation militaire a été revue, nos forces armées sont engagées à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur, dans le cadre de la protection des Français. C'est surtout les ministères régaliens, comme on dit, qui voient leurs crédits augmenter d'une façon que certains considèrent exagérés, mais vous savez, sur près de 400 milliards d'euros de dépenses de l'Etat, tout confondu, on a une augmentation effectivement de l'ordre de 3 milliards, c'est néanmoins sur la durée du mandat, une baisse de dépenses de l'Etat, il faut le rappeler.
NICOLAS PIERRON
Mais l'Etat a renoncé aux fameux 50 milliards d'euros d'économies sur les trois dernières années du quinquennat.
CHRISTIAN ECKERT
Là le contexte a changé, l'inflation est très faible, ces 50 milliards d'économies étaient calculés sur la base d'une évolution tendancielle de la dépense. Il n'est pas d'ailleurs certain que cet objectif ne soit pas atteint, là aussi, c'est souvent a posteriori qu'on peut comptabiliser les économies, en tout cas en dehors des missions régaliennes de l'Etat, nous enregistrons un certain nombre d'économies, la charge de la dette, compte tenu des très faibles taux d'intérêt nous permet d'économiser plus d'un milliard d'euros supplémentaires, la lutte contre la...
NICOLAS PIERRON
Ça c'est un effet d'aubaine qui ne dépend pas de vous.
CHRISTIAN ECKERT
Oui peut-être, mais enfin, faut-il pour autant le négliger ? Ne faut-il pas comptabiliser les économies qui sont enregistrées, parce que la France a une bonne signature, parce que la France inspire plus confiance que d'autres pays, et que les marchés financiers nous concèdent des taux extrêmement faibles.
NICOLAS PIERRON
Ce matin, dans les Echos, Eric WOERTH, l'un de vos prédécesseurs au Budget, estime que l'objectif de revenir à 2,7 % de déficit public en 2017 n'est pas tenable ou alors c'est de la magie. Vous êtes un magicien, Christian ECKERT ?
CHRISTIAN ECKERT
Absolument pas. Eric WOERTH n'a pas de leçon à nous donner, il a laissé un déficit de plus de 5 %, 5,1 % lorsqu'il a quitté le gouvernement, lorsque la majorité a changé, ceci explique peut-être cela , il est un peu amer, de voir que nous nous en sommes aujourd'hui, nous étions en tout cas en 2015 à 3,6 % de déficit, c'est-à-dire nettement moins que ce que nous avions trouvé, nous avons un objectif de 3,3 % cette année, j'observe d'ailleurs que personne, même pas la Cour des comptes, c'est peu dire, ne met en doute la possibilité...
NICOLAS PIERRON
Elle a des doutes sur l'an prochain, hein, la Cour des Comptes.
CHRISTIAN ECKERT
Oui mais enfin, la Cour des Comptes, c'est une donnée assez permanente à la Cour des Comptes d'avoir des doutes, certes on nous reproche parfois d'avoir des certitudes. L'objectif 2,7 % l'an prochain, tout est calibré, vous l'observerez dans le projet de loi de finances, qui sera déposé fin septembre, adopté au Conseil des ministres, 2,7 %. Il y a un équilibre qui est tenu.
NICOLAS PIERRON
Il y a un petit peu de bidouillage aussi, Christian ECKERT, il faut le reconnaître, sur le CICE, les baisses de charges, leur effet sur le budget sera reporté à 2018, en fait, à hauteur de plusieurs milliards d'euros.
CHRISTIAN ECKERT
Alors, c'est pas du bidouillage, il faut être très très clair, merci de me poser cette question. Il était prévu de baisser un certain nombre d'impôts, la C3S et une part, une petite part d'impôts sur les sociétés. Il était prévu de les diminuer de l'ordre de 5 milliards en 2017.
NICOLAS PIERRON
Dans le cadre du Pacte de responsabilité.
CHRISTIAN ECKERT
Les entreprises bénéficieront de cette baisse de 50 milliards, sauf qu'elles bénéficieront d'un crédit d'impôt, et les crédits d'impôt s'imputent pour l'année en cours, pour les entreprises, c'est-à-dire qu'elles enregistreront dans leur comptabilité, 5 milliards d'euros, en moins, de contribution. Alors on nous dit : « Oui mais 2018 ça va être plus », mais non, parce que si nous avions supprimé les 5 milliards d'impôts sur, enfin, de C3S ou d'impôt sur les sociétés, en 2018 nous aurions eu 5 milliards d'euros de recettes en moins. Et là, le CICE pèsera sur le budget de l'Etat, en 2018, de 5 milliards d'euros en moins, ni plus ni moins, ce n'est pas un effet de bidouillage, c'est l'application de la comptabilité nationale, les règles de comptabilisation, des impôts, des crédits d'impôt, par l'INSEE ou Eurostat.
NICOLAS PIERRON
Trois Français sur quatre jugent, Christian ECKERT, que leurs impôts ont augmenté au cours des 12 derniers mois, c'est le résultat d'un sondage ELAB pour Radio Classique Les Echos, publié ce matin, on est loin de la pause fiscale prévue par François HOLLANDE.
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, il y a toujours la réalité et puis le ressenti, c'est un peu comme dans la météo. moi je prends acte de ce sondage, je l'ai regardé ce matin, dans les faits, il est clair que l'impôt sur le revenu a été diminué pour plus de 10 millions de foyers fiscaux, nous n'aurons pas encore d'ailleurs les résultats dans la campagne de cette année, nous l'aurons d'ici quelques semaines. Les efforts de restitution d'une partie de l'impôt ont été tout à fait réels, et d'une façon globale sont incontestables.
NICOLAS PIERRON
Toujours à propos de fiscalité, le Conseil d'Etat devait rendre hier son avis sur le prélèvement de l'impôt à la source, qui est censé entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Qu'en est-il ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, je vais prendre connaissance de l'avis du Conseil d'Etat, juste après vous avoir quittés, dans quelques minutes. Selon les informations qui me sont parvenues hier soir, le Conseil d'Etat aurait validé l'ensemble des propositions du gouvernement. C'est le Conseil d'Etat, ce n'est pas d'abord bien sûr encore le Parlement, et encore moins le Conseil constitutionnel. Ça a été un très gros travail, nos équipes ont beaucoup travaillé, mais il ne semble pas à ce stade qu'il y ait de problèmes particuliers. Nous avons répondu à toutes les remarques du Conseil d'Etat.
NICOLAS PIERRON
Toute dernière question : est-ce que le taux du Livret A va baisser en deçà de 0,75 % cet été ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, la Banque de France va faire des propositions, je crois, le ministre des Finances, Michel SAPIN, prendra les décisions. Là aussi, 0,75, les Français...
NICOLAS PIERRON
On est à zéro d'inflation, il faut le rappeler.
CHRISTIAN ECKERT
Oui. Les Français ont l'impression que c'est très peu, et quand on leur dit : il y a quasiment zéro d'inflation, et 0,75 c'est une rémunération. Ils ont parfois été habitués à des taux qui étaient bien supérieurs, même si l'inflation était également bien supérieure. C'est aussi le ressenti par rapport à la réalité. En tout cas...
NICOLAS PIERRON
Donc ça pourrait baisser.
CHRISTIAN ECKERT
Non, ce n'est pas du tout ce que je vous dis, bien au contraire, nous verrons avec Michel SAPIN comment tirer les leçons des propositions de la Banque de France, mais, ma décision sera prise dans les jours qui viennent.
NICOLAS PIERRON
Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin, Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 juillet 2016