Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les présidents/vice-présidents/représentants des Régions,
Mesdames et messieurs les directrices et directeurs,
Mesdames et messieurs,
Votre séminaire d'aujourd'hui s'inscrit dans un processus marqué à la fois par son caractère démocratique et sa logique décentralisatrice. Il témoigne d'une volonté politique qui s'inscrit dans la durée, et que je crois assez exemplaire, puisque marquée par l'anticipation et le pragmatisme.
L'anticipation, c'est le fruit d'une volonté ministérielle dès la genèse du projet de loi pour la protection de la biodiversité, de la nature et des paysages, et dès que le principe de la création d'une agence française pour la biodiversité a été acté.
L'anticipation, c'est la volonté de Ségolène Royal qui a nommé, dans un premier temps une équipe de préfiguration et maintenant, un directeur de l'installation.
Une fois que le périmètre des opérateurs appelés à rejoindre l'agence a été stabilisé, le travail de mise en cohérence a été engagé. Les conseils d'administration des quatre organismes concernés se sont réunis dès la fin février, j'ai fait le tour des équipes de l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), de l'Agence des Aires Marines Protégées, de l'Atelier Technique des Espaces Naturels (ATEN) et des Parcs Nationaux, visité leurs sièges respectifs, en mars et avril, à Vincennes, Brest et Montpellier, j'ai rencontré les organisations syndicales représentatives des personnels et les réponses aux questions statutaires ont commencé à être données.
Tout ceci permettra, une fois l'adoption définitive de la Loi, d'assurer la parution rapide du décret créant l'Agence Française de la Biodiversité (AFB), et de mener à bien la finalisation concrète du processus de fusion.
La loi, parlons-en, puisque son adoption marquera le début d'un processus qui vous concerne directement, et verra le paysage des acteurs de la biodiversité se mettre en place peu à peu dans chacune des régions françaises.
Après un examen parlementaire particulièrement actif, qui aura permis au fil des lectures de préciser le texte et de définir ses équilibres, la dernière lecture du projet de loi aura lieu à l'Assemblée nationale le 19 juillet prochain, dans moins de 15 jours. Le Conseil d'Etat sera saisi du décret de création de l'AFB dès sa promulgation au Journal Officiel.
L'objectif d'une AFB créée et opérationnelle le 1er janvier 2017 sera donc tenu. Cette agence, nous connaissons le périmètre des organismes qui la constitueront. Je ne reviendrai pas ici sur la question de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), sinon pour vous dire que, même si le choix n'a pas pu être fait d'inclure l'Office à l'Agence, il conviendra de perpétuer et d'amplifier les coopérations déjà en cours sur le terrain entre leurs agents respectifs pour que la cohérence de notre dispositif soit optimale.
Tous les retours que j'ai pu avoir du terrain, au gré de mes déplacements, m'indiquent que la volonté des agents est là, de part et d'autre, et que le processus devrait se dérouler sans accroc.
Cela sera d'autant plus le cas que la création de l'agence se fera à périmètre de compétences constant des agents de terrain : le gouvernement a été très attentif, au cours de la discussion parlementaire, à ce que les compétences de police administrative et judiciaire demeurent partagées, et ne fassent pas l'objet d'un détricotage à l'occasion de la création de l'AFB, ce qui aurait été très dommageable à l'efficacité des opérations de contrôle sur le terrain. Ce sujet, nous y serons attentif jusqu'à la dernière minute du débat parlementaire.
S'agissant de l'AFB, nous sommes donc parvenus à des équilibres satisfaisants sur le « qui », sur le « quoi », et la discussion parlementaire a largement contribué à affiner et préciser le « avec qui » l'agence sera amenée à travailler au quotidien.
Je tiens d'ailleurs à saluer l'apport de l'Association des Régions de France qui a inspiré la rédaction de l'article de la loi qui traite des Agences Régionales de la Biodiversité, sujet qui vous occupe aujourd'hui.
J'ai coutume de dire qu'il aurait été incohérent de prétendre défendre la biodiversité tout en refusant de reconnaître la diversité des acteurs et des contextes régionaux : je vous parlais au début de cette intervention de pragmatisme, nous y voilà. C'est donc le choix d'une organisation collant le plus possible aux réalités du terrain, à la fois aux réalités politico-administratives, à la réalité des acteurs de la biodiversité de chaque territoire, à la réalité des enjeux de la biodiversité elle-même propres à chaque territoire qui a été opéré.
Le séminaire d'aujourd'hui rassemble tous ceux qui seront à la manoeuvre pour créer et animer les ARB : régions, services de l'Etat, AFB. Les agences de l'eau seront naturellement concernées. Les départements seront également impliqués. A chacun, la loi apportera de nouveaux outils : sachons les anticiper et les employer.
La création des Agences Régionales pour la Biodiversité nous offre collectivement l'opportunité d'inventer ensemble une nouvelle façon d'aborder les questions de la biodiversité, en nous posant en premier lieu, et ce n'est pas si courant dans l'organisation administrative française, la question du « pour quoi faire ?». La finalité des ARB est de consolider le lien entre les politiques nationales et territoriales de la biodiversité.
C'est là une question essentielle, celle, si j'ose dire, de la continuité de nos politiques écologiques. Car s'il est un domaine de l'action publique sur lequel la cohérence est essentielle, c'est bien celui-là, tant les problématiques diffèrent d'un espace à l'autre, tandis que les interactions entre les territoires sont essentielles.
Avec les ARB, il ne s'agit pas de s'intéresser seulement aux espaces et espèces protégés, mais aussi de travailler sur un très grand nombre d'autres sujets confiés à l'AFB. J'en citerai cinq, qui me semblent fondamentaux et devraient constituer le coeur essentiel de toute ARB, sans prétendre évidemment à l'exhaustivité.
Le premier domaine est celui de la connaissance, car pour être efficace et réactive, une politique de prévention et reconquête de la biodiversité se doit de disposer de données mises à jour, complètes et mises en relation les unes avec les autres. La collecte, l'analyse et le partage des connaissances constituent des enjeux essentiels et les ARB seront amenées bien évidemment à y contribuer, en lien avec les organismes scientifiques, mais également les acteurs des sciences participatives sans lesquels nos connaissances des milieux, des espèces et de leurs évolutions seraient beaucoup moins complètes.
Le deuxième domaine dont il faudra se saisir concerne l'appui technique et administratif aux porteurs de projets ayant un impact sur la biodiversité : la loi apporte en effet un certain nombre de précisions à des dispositifs ou des principes existant, qui manquaient souvent de consistance juridique.
Je pense par exemple à la séquence éviter réduire compenser, dont nous célébrerons dimanche le principe à l'occasion des 40 ans de la loi de 76, mais dont la traduction concrète donnait sans doute lieu à trop de difficultés d'interprétation, ce qui était source d'insécurité juridique, et donc de nombreux contentieux alors que les projets étaient en phase de concrétisation.
La loi apporte des réponses plus précises à ces questions : elles ne seront entendues et mises en oeuvre que si elles sont expliquées, que si le conseil aux porteurs de projets est plus efficace. Tout le monde y a intérêt, et les ARB devront pouvoir accompagner les acteurs d'un développement durable des territoires.
Intimement liées à l'appui technique et administratif, les questions de mobilisation des financements seront bien évidemment au coeur des réflexions : c'est d'autant plus important, chacun le conçoit bien, dans un contexte de responsabilité budgétaire partagé.
Je pourrais également citer, la liste est longue, les questions d'animation de réseaux, réseaux associatifs, de gestionnaires d'espaces, d'acteurs socio-économiques, cette animation est essentielle à la mise en synergie de tous au profit de la biodiversité.
Et puis, bien évidemment, il y a la communication. C'est un enjeu essentiel, car autant nos concitoyens ont pris la mesure de l'enjeu climatique, autant il nous faut redoubler d'efforts pour développer la prise de conscience collective de l'enjeu de la protection et de la reconquête de la biodiversité, autant il nous faut convaincre de l'urgence à agir pour enrayer les destructions d'espaces ou d'espèces, autant il nous faut faire réaliser au plus grand nombre l'importance de lutter contre les facteurs de perte de biodiversité.
Et ce travail de conviction, de pédagogie ne pourra se faire, cette prise de conscience collective ne pourra être obtenue, j'en suis convaincue, que par une communication de proximité qui sera capable de s'appuyer sur des exemples puisés dans l'environnement direct de nos concitoyens, sur la valorisation d'actions concrètes et palpables.
Ce sera un challenge pour les ARB. Car au-delà des compétences, il y a aussi, j'allais dire il y a avant tout, les réalisations concrètes auxquelles les ARB apporteront leur concours : Il s'agit ainsi, par exemple, de développer les continuités écologiques, pour reconquérir la biodiversité dans les espaces soumis au droit commun ; de promouvoir et exploiter les nouveaux outils que nous offre la loi, comme la compensation ou les obligations réelles environnementales ; de contribuer à l'élaboration et la mise en oeuvre des stratégies régionales de biodiversité.
Les ARB, ce doit être le lieu où les forces disponibles se réunissent, et agissent. Les ARB, c'est pour accélérer, inventer, innover, stimuler, en partenariat. Ce n'est pas pour dicter ou étouffer. Ce n'est pas pour épaissir le mille-feuilles.
Notre objectif, votre objectif, c'est qu'ARB ne soit pas simplement un acronyme désincarné parmi tant d'autres, mais également le synonyme d'une ambition commune : celle de l'Action pour la Reconquête de la Biodiversité. Si l'échelle régionale est pertinente pour travailler sur les politiques opérationnelles de biodiversité, pour lancer des projets, pour animer des réseaux, nous n'y parviendrons, vous n'y parviendrez, que si la place de chacun est valorisée, services publics, mais également acteurs locaux de la biodiversité, associatifs comme professionnels.
Il ne s'agit surtout pas de se lancer dans un mécano administratif qui se transformerait en usine à gaz. C'est pourquoi nous avons fait le choix de reconnaître les compétences de chacun, de permettre à chacun de conserver ses compétences. Elles seront valorisées dans les ARB.
Les ARB impliqueront directement les régions, l'Etat au travers notamment des Directions Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), et l'AFB au travers de ses directions régionales. Les départements seront impliqués, autant qu'ils le souhaiteront. Les établissements publics, comme l'ONCFS ou les agences de l'eau, seront associés. Voilà pour le « pour quoi », voilà pour le « qui ».
Reste le « comment ? ».
La loi donne une grande latitude dans la création des ARB, tant sur les périmètres que sur les formes juridiques : aux statuts existants est ajouté celui de l'établissement public à caractère environnemental, afin de tirer les leçons d'expériences réussies dans le secteur de la culture et qui pourraient utilement trouver une duplication dans le domaine de la biodiversité.
Mais tout reste ouvert, et à rebours des vieilles tentations jacobines, aucun choix n'est imposé aux régions. Je suis consciente qu'au-delà des opportunités que cela crée, cela peut également susciter questionnements ou inquiétudes.
Au cours de la discussion parlementaire, et dans un dialogue avec l'ARF, cela est apparu comme une évidence et une nécessité, tant les situations et les contextes diffèrent sur le plan écologique ou institutionnel d'une région à l'autre.
J'ajoute qu'une des conditions de la réussite tient dans la capacité que nous aurons de rebondir sur les dynamiques existantes dans certaines régions, qui ont fait leurs preuves. Et ce pragmatisme revêt d'autant plus d'intérêt que la création de grandes régions amène d'ores et déjà certains exécutifs de régions fusionnées à se poser la question de leur organisation sur les politiques de biodiversité, car les choix opérés dans les régions d'origine pouvaient eux-mêmes différer.
Nous partageons donc l'objectif d'imaginer de nouvelles façons d'accélérer les solutions, d'agir, qui doivent partir du terrain et ne peuvent se décréter depuis un bureau parisien. Nous ne partons pas de rien, puisque, au-delà de la question de la forme juridique des entités régionales, dans le concret, des coopérations fructueuses existent : sur les Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique (SRCE), sur la connaissance de la biodiversité, sur la trame verte et bleue, sur l'animation territoriale. Il faut rebondir dessus.
Nous sommes donc en train d'inventer de nouvelles approches de l'action publique au profit de la biodiversité : dans cette dynamique, l'Etat ne sera pas directif mais il sera réactif et surtout proactif. Il accompagnera les initiatives. Je crois aux vertus de l'exemplarité et du partage d'expériences.
Concernant les moyens, je veux être claire : il ne s'agit ni de transférer des moyens humains des DREAL vers les ARB, ni de transférer aux régions des missions assurées aujourd'hui par l'Etat, et inversement. Ce que l'on vise, encore une fois, c'est la mise en mouvement convergente des forces de chacun.
La création des ARB, c'est aussi un projet politique, qui vise non seulement la reconquête de la biodiversité, mais peut être également l'occasion d'un regain de la citoyenneté. D'abord en redonnant du sens à l'action publique sur des domaines essentiels pour l'avenir de nos territoires et plus largement pour l'avenir de notre planète.
On a beaucoup entendu cette expression à la fois juste et tellement galvaudée « penser global, agir local ». Nous avons l'occasion de la mettre en oeuvre sur une question, globale, s'il en est !
Les ARB, c'est une formidable occasion de montrer que face à des enjeux de société fondamentaux bien que compris de façon diverse, nous sommes capables, sur les enjeux de biodiversité, d'expliquer, de convaincre, d'associer les pouvoirs publics au-delà des clivages, au-delà des majorités politiques nationales ou locales, qui ne sont jamais que de circonstances eu égard à l'enjeu.
L'objectif que nous partageons aujourd'hui, c'est celui d'entraîner les usagers, les citoyens, de leur prouver que nos institutions savent s'adapter, répondre aux enjeux, sur des sujets aussi importants que la biodiversité, c'est-à-dire les mécanismes de vie. Cela se prépare, cela s'anticipe, cela se débat.
La mobilisation de l'Etat sur la question des ARB est lancée, dans la logique de la démarche dont je parlais au début de mon propos sur l'AFB. J'ai présidé un séminaire de travail fin mai avec les services du ministère et ses opérateurs et ai échangé avec les DREAL il y a quinze jours. Un point sera fait lors de la réunion mensuelle des préfets ainsi que dans le cadre de la conférence nationale de l'administration territoriale qui réunira les préfets de région à l'automne.
Il s'agit de mettre l'Etat en situation d'être réactif et proactif de répondre aux sollicitations, aux attentes des régions, avec lesquelles, sur ce sujet de la biodiversité, c'est réellement un partenariat d'égal à égal qu'il faut désormais construire.
C'est la raison pour laquelle j'attache une importance toute particulière aux contacts avec les collectivités locales : j'ai demandé aux DREAL de les engager ou de les poursuivre, et chacun de mes déplacements me donne l'occasion de m'en entretenir avec les représentants des conseils régionaux présents, j'ai déjà à ce titre échangé avec plusieurs d'entre vous. Et la démarche sera bien évidemment également conduite dans les régions d'outre-mer.
Le processus qui démarre réellement aujourd'hui, c'est votre projet. Lors de ce séminaire, vous allez travailler sur le fond, proposer des méthodes. Je serai attentive à vos propositions, à vos conclusions : bon séminaire, bons échanges, et je l'espère à bientôt sur vos territoires pour venir saluer la mise en place d'Agences Régionales de la Biodiversité qui seront les meilleures, pour une simple raison : c'est vous, les acteurs publics de la biodiversité au plus près de la réalité des territoires qui les aurez bâties ensemble.
Http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 8 juillet 2016
Mesdames et messieurs les présidents/vice-présidents/représentants des Régions,
Mesdames et messieurs les directrices et directeurs,
Mesdames et messieurs,
Votre séminaire d'aujourd'hui s'inscrit dans un processus marqué à la fois par son caractère démocratique et sa logique décentralisatrice. Il témoigne d'une volonté politique qui s'inscrit dans la durée, et que je crois assez exemplaire, puisque marquée par l'anticipation et le pragmatisme.
L'anticipation, c'est le fruit d'une volonté ministérielle dès la genèse du projet de loi pour la protection de la biodiversité, de la nature et des paysages, et dès que le principe de la création d'une agence française pour la biodiversité a été acté.
L'anticipation, c'est la volonté de Ségolène Royal qui a nommé, dans un premier temps une équipe de préfiguration et maintenant, un directeur de l'installation.
Une fois que le périmètre des opérateurs appelés à rejoindre l'agence a été stabilisé, le travail de mise en cohérence a été engagé. Les conseils d'administration des quatre organismes concernés se sont réunis dès la fin février, j'ai fait le tour des équipes de l'Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), de l'Agence des Aires Marines Protégées, de l'Atelier Technique des Espaces Naturels (ATEN) et des Parcs Nationaux, visité leurs sièges respectifs, en mars et avril, à Vincennes, Brest et Montpellier, j'ai rencontré les organisations syndicales représentatives des personnels et les réponses aux questions statutaires ont commencé à être données.
Tout ceci permettra, une fois l'adoption définitive de la Loi, d'assurer la parution rapide du décret créant l'Agence Française de la Biodiversité (AFB), et de mener à bien la finalisation concrète du processus de fusion.
La loi, parlons-en, puisque son adoption marquera le début d'un processus qui vous concerne directement, et verra le paysage des acteurs de la biodiversité se mettre en place peu à peu dans chacune des régions françaises.
Après un examen parlementaire particulièrement actif, qui aura permis au fil des lectures de préciser le texte et de définir ses équilibres, la dernière lecture du projet de loi aura lieu à l'Assemblée nationale le 19 juillet prochain, dans moins de 15 jours. Le Conseil d'Etat sera saisi du décret de création de l'AFB dès sa promulgation au Journal Officiel.
L'objectif d'une AFB créée et opérationnelle le 1er janvier 2017 sera donc tenu. Cette agence, nous connaissons le périmètre des organismes qui la constitueront. Je ne reviendrai pas ici sur la question de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), sinon pour vous dire que, même si le choix n'a pas pu être fait d'inclure l'Office à l'Agence, il conviendra de perpétuer et d'amplifier les coopérations déjà en cours sur le terrain entre leurs agents respectifs pour que la cohérence de notre dispositif soit optimale.
Tous les retours que j'ai pu avoir du terrain, au gré de mes déplacements, m'indiquent que la volonté des agents est là, de part et d'autre, et que le processus devrait se dérouler sans accroc.
Cela sera d'autant plus le cas que la création de l'agence se fera à périmètre de compétences constant des agents de terrain : le gouvernement a été très attentif, au cours de la discussion parlementaire, à ce que les compétences de police administrative et judiciaire demeurent partagées, et ne fassent pas l'objet d'un détricotage à l'occasion de la création de l'AFB, ce qui aurait été très dommageable à l'efficacité des opérations de contrôle sur le terrain. Ce sujet, nous y serons attentif jusqu'à la dernière minute du débat parlementaire.
S'agissant de l'AFB, nous sommes donc parvenus à des équilibres satisfaisants sur le « qui », sur le « quoi », et la discussion parlementaire a largement contribué à affiner et préciser le « avec qui » l'agence sera amenée à travailler au quotidien.
Je tiens d'ailleurs à saluer l'apport de l'Association des Régions de France qui a inspiré la rédaction de l'article de la loi qui traite des Agences Régionales de la Biodiversité, sujet qui vous occupe aujourd'hui.
J'ai coutume de dire qu'il aurait été incohérent de prétendre défendre la biodiversité tout en refusant de reconnaître la diversité des acteurs et des contextes régionaux : je vous parlais au début de cette intervention de pragmatisme, nous y voilà. C'est donc le choix d'une organisation collant le plus possible aux réalités du terrain, à la fois aux réalités politico-administratives, à la réalité des acteurs de la biodiversité de chaque territoire, à la réalité des enjeux de la biodiversité elle-même propres à chaque territoire qui a été opéré.
Le séminaire d'aujourd'hui rassemble tous ceux qui seront à la manoeuvre pour créer et animer les ARB : régions, services de l'Etat, AFB. Les agences de l'eau seront naturellement concernées. Les départements seront également impliqués. A chacun, la loi apportera de nouveaux outils : sachons les anticiper et les employer.
La création des Agences Régionales pour la Biodiversité nous offre collectivement l'opportunité d'inventer ensemble une nouvelle façon d'aborder les questions de la biodiversité, en nous posant en premier lieu, et ce n'est pas si courant dans l'organisation administrative française, la question du « pour quoi faire ?». La finalité des ARB est de consolider le lien entre les politiques nationales et territoriales de la biodiversité.
C'est là une question essentielle, celle, si j'ose dire, de la continuité de nos politiques écologiques. Car s'il est un domaine de l'action publique sur lequel la cohérence est essentielle, c'est bien celui-là, tant les problématiques diffèrent d'un espace à l'autre, tandis que les interactions entre les territoires sont essentielles.
Avec les ARB, il ne s'agit pas de s'intéresser seulement aux espaces et espèces protégés, mais aussi de travailler sur un très grand nombre d'autres sujets confiés à l'AFB. J'en citerai cinq, qui me semblent fondamentaux et devraient constituer le coeur essentiel de toute ARB, sans prétendre évidemment à l'exhaustivité.
Le premier domaine est celui de la connaissance, car pour être efficace et réactive, une politique de prévention et reconquête de la biodiversité se doit de disposer de données mises à jour, complètes et mises en relation les unes avec les autres. La collecte, l'analyse et le partage des connaissances constituent des enjeux essentiels et les ARB seront amenées bien évidemment à y contribuer, en lien avec les organismes scientifiques, mais également les acteurs des sciences participatives sans lesquels nos connaissances des milieux, des espèces et de leurs évolutions seraient beaucoup moins complètes.
Le deuxième domaine dont il faudra se saisir concerne l'appui technique et administratif aux porteurs de projets ayant un impact sur la biodiversité : la loi apporte en effet un certain nombre de précisions à des dispositifs ou des principes existant, qui manquaient souvent de consistance juridique.
Je pense par exemple à la séquence éviter réduire compenser, dont nous célébrerons dimanche le principe à l'occasion des 40 ans de la loi de 76, mais dont la traduction concrète donnait sans doute lieu à trop de difficultés d'interprétation, ce qui était source d'insécurité juridique, et donc de nombreux contentieux alors que les projets étaient en phase de concrétisation.
La loi apporte des réponses plus précises à ces questions : elles ne seront entendues et mises en oeuvre que si elles sont expliquées, que si le conseil aux porteurs de projets est plus efficace. Tout le monde y a intérêt, et les ARB devront pouvoir accompagner les acteurs d'un développement durable des territoires.
Intimement liées à l'appui technique et administratif, les questions de mobilisation des financements seront bien évidemment au coeur des réflexions : c'est d'autant plus important, chacun le conçoit bien, dans un contexte de responsabilité budgétaire partagé.
Je pourrais également citer, la liste est longue, les questions d'animation de réseaux, réseaux associatifs, de gestionnaires d'espaces, d'acteurs socio-économiques, cette animation est essentielle à la mise en synergie de tous au profit de la biodiversité.
Et puis, bien évidemment, il y a la communication. C'est un enjeu essentiel, car autant nos concitoyens ont pris la mesure de l'enjeu climatique, autant il nous faut redoubler d'efforts pour développer la prise de conscience collective de l'enjeu de la protection et de la reconquête de la biodiversité, autant il nous faut convaincre de l'urgence à agir pour enrayer les destructions d'espaces ou d'espèces, autant il nous faut faire réaliser au plus grand nombre l'importance de lutter contre les facteurs de perte de biodiversité.
Et ce travail de conviction, de pédagogie ne pourra se faire, cette prise de conscience collective ne pourra être obtenue, j'en suis convaincue, que par une communication de proximité qui sera capable de s'appuyer sur des exemples puisés dans l'environnement direct de nos concitoyens, sur la valorisation d'actions concrètes et palpables.
Ce sera un challenge pour les ARB. Car au-delà des compétences, il y a aussi, j'allais dire il y a avant tout, les réalisations concrètes auxquelles les ARB apporteront leur concours : Il s'agit ainsi, par exemple, de développer les continuités écologiques, pour reconquérir la biodiversité dans les espaces soumis au droit commun ; de promouvoir et exploiter les nouveaux outils que nous offre la loi, comme la compensation ou les obligations réelles environnementales ; de contribuer à l'élaboration et la mise en oeuvre des stratégies régionales de biodiversité.
Les ARB, ce doit être le lieu où les forces disponibles se réunissent, et agissent. Les ARB, c'est pour accélérer, inventer, innover, stimuler, en partenariat. Ce n'est pas pour dicter ou étouffer. Ce n'est pas pour épaissir le mille-feuilles.
Notre objectif, votre objectif, c'est qu'ARB ne soit pas simplement un acronyme désincarné parmi tant d'autres, mais également le synonyme d'une ambition commune : celle de l'Action pour la Reconquête de la Biodiversité. Si l'échelle régionale est pertinente pour travailler sur les politiques opérationnelles de biodiversité, pour lancer des projets, pour animer des réseaux, nous n'y parviendrons, vous n'y parviendrez, que si la place de chacun est valorisée, services publics, mais également acteurs locaux de la biodiversité, associatifs comme professionnels.
Il ne s'agit surtout pas de se lancer dans un mécano administratif qui se transformerait en usine à gaz. C'est pourquoi nous avons fait le choix de reconnaître les compétences de chacun, de permettre à chacun de conserver ses compétences. Elles seront valorisées dans les ARB.
Les ARB impliqueront directement les régions, l'Etat au travers notamment des Directions Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), et l'AFB au travers de ses directions régionales. Les départements seront impliqués, autant qu'ils le souhaiteront. Les établissements publics, comme l'ONCFS ou les agences de l'eau, seront associés. Voilà pour le « pour quoi », voilà pour le « qui ».
Reste le « comment ? ».
La loi donne une grande latitude dans la création des ARB, tant sur les périmètres que sur les formes juridiques : aux statuts existants est ajouté celui de l'établissement public à caractère environnemental, afin de tirer les leçons d'expériences réussies dans le secteur de la culture et qui pourraient utilement trouver une duplication dans le domaine de la biodiversité.
Mais tout reste ouvert, et à rebours des vieilles tentations jacobines, aucun choix n'est imposé aux régions. Je suis consciente qu'au-delà des opportunités que cela crée, cela peut également susciter questionnements ou inquiétudes.
Au cours de la discussion parlementaire, et dans un dialogue avec l'ARF, cela est apparu comme une évidence et une nécessité, tant les situations et les contextes diffèrent sur le plan écologique ou institutionnel d'une région à l'autre.
J'ajoute qu'une des conditions de la réussite tient dans la capacité que nous aurons de rebondir sur les dynamiques existantes dans certaines régions, qui ont fait leurs preuves. Et ce pragmatisme revêt d'autant plus d'intérêt que la création de grandes régions amène d'ores et déjà certains exécutifs de régions fusionnées à se poser la question de leur organisation sur les politiques de biodiversité, car les choix opérés dans les régions d'origine pouvaient eux-mêmes différer.
Nous partageons donc l'objectif d'imaginer de nouvelles façons d'accélérer les solutions, d'agir, qui doivent partir du terrain et ne peuvent se décréter depuis un bureau parisien. Nous ne partons pas de rien, puisque, au-delà de la question de la forme juridique des entités régionales, dans le concret, des coopérations fructueuses existent : sur les Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique (SRCE), sur la connaissance de la biodiversité, sur la trame verte et bleue, sur l'animation territoriale. Il faut rebondir dessus.
Nous sommes donc en train d'inventer de nouvelles approches de l'action publique au profit de la biodiversité : dans cette dynamique, l'Etat ne sera pas directif mais il sera réactif et surtout proactif. Il accompagnera les initiatives. Je crois aux vertus de l'exemplarité et du partage d'expériences.
Concernant les moyens, je veux être claire : il ne s'agit ni de transférer des moyens humains des DREAL vers les ARB, ni de transférer aux régions des missions assurées aujourd'hui par l'Etat, et inversement. Ce que l'on vise, encore une fois, c'est la mise en mouvement convergente des forces de chacun.
La création des ARB, c'est aussi un projet politique, qui vise non seulement la reconquête de la biodiversité, mais peut être également l'occasion d'un regain de la citoyenneté. D'abord en redonnant du sens à l'action publique sur des domaines essentiels pour l'avenir de nos territoires et plus largement pour l'avenir de notre planète.
On a beaucoup entendu cette expression à la fois juste et tellement galvaudée « penser global, agir local ». Nous avons l'occasion de la mettre en oeuvre sur une question, globale, s'il en est !
Les ARB, c'est une formidable occasion de montrer que face à des enjeux de société fondamentaux bien que compris de façon diverse, nous sommes capables, sur les enjeux de biodiversité, d'expliquer, de convaincre, d'associer les pouvoirs publics au-delà des clivages, au-delà des majorités politiques nationales ou locales, qui ne sont jamais que de circonstances eu égard à l'enjeu.
L'objectif que nous partageons aujourd'hui, c'est celui d'entraîner les usagers, les citoyens, de leur prouver que nos institutions savent s'adapter, répondre aux enjeux, sur des sujets aussi importants que la biodiversité, c'est-à-dire les mécanismes de vie. Cela se prépare, cela s'anticipe, cela se débat.
La mobilisation de l'Etat sur la question des ARB est lancée, dans la logique de la démarche dont je parlais au début de mon propos sur l'AFB. J'ai présidé un séminaire de travail fin mai avec les services du ministère et ses opérateurs et ai échangé avec les DREAL il y a quinze jours. Un point sera fait lors de la réunion mensuelle des préfets ainsi que dans le cadre de la conférence nationale de l'administration territoriale qui réunira les préfets de région à l'automne.
Il s'agit de mettre l'Etat en situation d'être réactif et proactif de répondre aux sollicitations, aux attentes des régions, avec lesquelles, sur ce sujet de la biodiversité, c'est réellement un partenariat d'égal à égal qu'il faut désormais construire.
C'est la raison pour laquelle j'attache une importance toute particulière aux contacts avec les collectivités locales : j'ai demandé aux DREAL de les engager ou de les poursuivre, et chacun de mes déplacements me donne l'occasion de m'en entretenir avec les représentants des conseils régionaux présents, j'ai déjà à ce titre échangé avec plusieurs d'entre vous. Et la démarche sera bien évidemment également conduite dans les régions d'outre-mer.
Le processus qui démarre réellement aujourd'hui, c'est votre projet. Lors de ce séminaire, vous allez travailler sur le fond, proposer des méthodes. Je serai attentive à vos propositions, à vos conclusions : bon séminaire, bons échanges, et je l'espère à bientôt sur vos territoires pour venir saluer la mise en place d'Agences Régionales de la Biodiversité qui seront les meilleures, pour une simple raison : c'est vous, les acteurs publics de la biodiversité au plus près de la réalité des territoires qui les aurez bâties ensemble.
Http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 8 juillet 2016