Texte intégral
JEROME CHAPUIS
Bonjour Emmanuelle COSSE.
EMMANUELLE COSSE
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Ça fait donc 1 an tout juste que la loi sur l'encadrement des loyers est entrée en vigueur, c'était la mesure phare de la loi ALUR portée à l'époque par Cécile DUFLOT. Quel bilan est-ce que vous en tirez ?
EMMANUELLE COSSE
Un bilan très positif. L'encadrement des loyers est entré en vigueur à Paris le 1er août 2015, on a vu que pour les nouveaux locataires il y a plus de 30 % d'entre eux qui ont bénéficié de baisse de loyer très forte, liée à cet encadrement des loyers.
JEROME CHAPUIS
Très forte, c'est-à-dire ?
EMMANUELLE COSSE
Très forte, après ça dépend du loyer que vous payez, mais on était face, depuis plus de 15 ans, à une augmentation annuelle extrêmement importante sur les loyers parisiens, notamment les petites surfaces, et on a vu des baisses considérables de 5 à 10 %. Mais plus généralement on a vu, globalement, les loyers se stabiliser à Paris, ce qui ne s'était pas observé depuis plus de 10 ans.
JEROME CHAPUIS
Ça ce n'est l'effet que de cette loi ou tout simplement peut-être d'un ralentissement de l'économie de l'immobilier ?
EMMANUELLE COSSE
C'est un effet de l'observation des loyers et de l'encadrement des loyers. Pourquoi je vous dis cela ? Aujourd'hui, en France, il y a 25 territoires, qui se sont dotés d'Observatoire des loyers et qui donc peuvent dire, en gros, quel est le loyer pratiqué dans tel quartier, et on a vu que partout, dans ces villes très tendues, où l'observation des loyers donnait donc de la transparence, immédiatement les loyers décéléraient, ça c'est la première chose
JEROME CHAPUIS
Parce que l'un des effets c'est tout simplement qu'il y a de la transparence sur les loyers.
EMMANUELLE COSSE
Il y a de la transparence. Aujourd'hui vous pouvez savoir, dans votre quartier à Paris, quelle est la fourchette de loyers qui est pratiquée. Et donc, à Paris, on encadre, c'est-à-dire qu'on dit à un propriétaire « vous devez louer votre loyer (sic) dans un maximum de prix », et on a vu que ça avait un effet très important. Ça doit aller plus loin. Ça a été montré cette année, par plusieurs études d'associations, notamment de consommateurs, qu'il y avait encore des annonces immobilières qui ne respectent pas, à Paris, les fourchettes de loyers, qu'on pouvait faire mieux, mais on se rend compte que cette mise en oeuvre s'est quand même faite rapidement et que ça a plutôt très bien fonctionné.
JEROME CHAPUIS
Alors, on a entendu dans les journaux de RTL ce matin des professionnels de l'immobilier pointer quand même quelques effets pervers, par exemple ils disent c'est moins rentable de louer, donc les propriétaires font moins de travaux.
EMMANUELLE COSSE
Vous savez, on a tout entendu quand la mesure est entrée en vigueur, d'ailleurs ces mêmes professionnels ont attaqué ces mesures devant la justice administrative, ont dit qu'il n'y aurait plus de logements à louer, que ça allait être l'effondrement du marché, je pense que toutes les personnes qui habitent à Paris se rendent compte que le marché locatif ne s'est pas du tout effondré et surtout que les logements n'ont pas été retirés du marché.
JEROME CHAPUIS
Ces témoignages ne traduisent pas une réalité ?
EMMANUELLE COSSE
Exactement. Et surtout, je vais vous dire, ce que l'on voit surtout c'est que des loyers trop chers entraînent des logements vacants plus longtemps, parce que plus vous louez cher, plus les gens partent très très rapidement, et on voit que ça amène des logements vacants, et on a vu notamment des propriétaires dire qu'avec l'encadrement des loyers ils avaient une légitimité à donner tel loyer à leur appartement, et que ça avait pacifié des relations.
JEROME CHAPUIS
Parce qu'on a entendu l'inverse ce matin sur RTL. On a des propriétaires qui disent, au contraire, « moi, parce que c'est moins intéressant de louer, eh bien je ne loue plus. »
EMMANUELLE COSSE
Mais, vous savez, quand on est propriétaire d'un bien, il faut le louer pour avoir un revenu locatif, si votre bien est vacant ça veut dire que vous pouvez vous permettre de ne pas percevoir un loyer, ce qui veut dire aussi que vous n'avez pas besoin de cet argent, et c'est très rare. Beaucoup de propriétaires ont investi dans un logement, se sont endettés, et ils ont besoin d'un revenu locatif pour le faire. Et puis, je le rappelle, à un moment il faut aussi s'interroger sur quel est le sens de cette mesure. Cette mesure elle redonne du pouvoir d'achat aux Français, aujourd'hui à Paris, demain à Lille, dans 2 ans dans l'ensemble de l'agglomération parisienne, et c'est ça le but, c'est de remettre de la régulation dans un marché locatif, et je tiens à le redire, qui depuis 2000 a vu que les loyers ont plus que doublé. Est-ce qu'on peut imaginer que sur d'autres biens de consommation on soit sur une telle augmentation des prix ? C'est ça qui s'est passé. Et c'est ce qui explique aussi que dans les grandes villes françaises, depuis 5 à 10 ans, on a des difficultés de location très fortes, au même moment qu'on observe parfois des baisses du marché parce qu'il y a un marché à la baisse dans certaines villes.
JEROME CHAPUIS
Vous parlez des grandes villes françaises, vous parlez de Lille où la mesure entrera en vigueur, on parle de la région parisienne où la mesure va être étendue, mais les autres villes ?
EMMANUELLE COSSE
Les autres villes, aujourd'hui, ce sont elles qui décident ou non de s'engager dans cette démarche. Lille s'y est engagée il y a plus d'1 an et l'encadrement des loyers sera effectif en décembre prochain, Grenoble a fait part de sa volonté d'encadrer les loyers et a commencé à observer ces loyers, il lui faudra au moins 1,5 an pour être prêt.
JEROME CHAPUIS
Mais pour vous, ministre du Logement, quelles sont les autres villes où les maires sont peut-être réticents et où cette mesure ferait sens ?
EMMANUELLE COSSE
Mais la mesure peut faire sens, et l'encadrement peut faire sens, dans les marchés tendus, dans les zones très tendues où le marché locatif
JEROME CHAPUIS
Mais par exemple ?
EMMANUELLE COSSE
Où le marché locatif est tendu.
JEROME CHAPUIS
Mais par exemple ? Vous ne voulez pas citer de villes ?
EMMANUELLE COSSE
Si, on peut les citer, mais moi je ne suis pas là pour distribuer des bons et mauvais points, moi ce qui m'intéresse
JEROME CHAPUIS
Non, il ne s'agit pas de ça, mais il s'agit d'informer les Français.
EMMANUELLE COSSE
Non, je vous explique, justement je vous explique. Sur l'encadrement des loyers, on a voulu réduire cela à l'encadrement, la grande nouveauté c'est d'avoir de la transparence dans les données. Nous avons enfin, dans plus de 25 agglomérations, des données locatives publiques, vous pouvez aller sur le site Internet de l'ADIL, l'Agence nationale d'information sur le logement, où vous avez les informations sur l'ensemble des Observatoires des loyers. Pendant des années ces données étaient privées, nous n'y avions pas accès, ça c'est la première chose. La seconde chose, et c'est le sens aussi de cet anniversaire des mesures d'encadrement des loyers, nous ouvrons ce matin un site Internet qui s'appelle « encadrementdesloyers.gouv.fr », où on donne des informations à l'ensemble des particuliers, d'une part sur les niveaux de loyers, ensuite sur les recours auxquels on peut procéder si on n'est pas dans enfin le propriétaire ne respecte pas la loi. Et moi je le dis, on ne va pas faire les choses contre l'avis des agglomérations et des communes, une démarche autoritaire ne fonctionnerait pas. On a par exemple, je peux vous donner des exemples puisque j'ai réuni l'ensemble des Observatoires des loyers il y a quelques mois, des villes qui ont observé pendant 1 an, et qui maintenant se disent « est-ce qu'on se lance ou pas dans l'encadrement des loyers, regardons quel est l'impact, y compris avec les professionnels », parce qu'il n'y a pas que des professionnels qui sont opposés à cette mesure.
JEROME CHAPUIS
Donc vous pensez que le bilan que vous dressez ce matin pourrait inciter d'autres maires, qui jusqu'ici étaient plutôt réticents, à adopter l'encadrement des loyers ?
EMMANUELLE COSSE
Tout d'abord je tiens à vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de maires qui sont réticents à cette mesure par nature, parce qu'ils voient l'impact positif sur leur ville, mais après on regarde est-ce que ça marche. Est-ce que, par exemple dans des villes où les petites surfaces, notamment pour loger des étudiants, sont très chères parce qu'il y a un turnover très rapide, il y a des petites villes qui se posent la question de mettre en place en encadrement des loyers, mais il faut aussi que ça vienne des territoires, parce que sinon l'adhésion ne pourra pas fonctionner.
JEROME CHAPUIS
Autre sujet, Emmanuelle COSSE, les suites de l'attentat de Nice. On assiste à cette polémique entre le ministre Bernard CAZENEUVE et Christian ESTROSI. D'abord, qu'est-ce que vous en pensez ?
EMMANUELLE COSSE
Vous savez, moi j'ai été très choquée, le lendemain même des attentats, du ton, du ton très polémique justement qui avait été adopté, notamment par Christian ESTROSI, mais pas que, du premier week-end, on était encore sous le choc de cet attentat, en se posant des questions, qui sont tout à fait légitimes, et des attaques très fortes contre le gouvernement, et une mise en cause très forte du ministre de l'Intérieur. Mais là on est au-delà de la polémique. Sincèrement, quand vous avez une employée qui met en cause et qui laisse entendre que quelqu'un du ministère de l'Intérieur aurait voulu influer sur des rapports d'information, c'est très grave, c'est très grave ce qui a été fait et ce qui a été dit dimanche. Ça explique aussi, me semble-t-il, la réponse très ferme de Bernard CAZENEUVE et le fait qu'il ait déposé plainte hier. On peut dire, et c'est normal, qu'il n'y a pas de place pour la polémique, sauf que la réalité c'est qu'il y a des gens qui jouent à ça. Et c'est vrai que moi je préfère qu'on se concentre sur des sujets, d'une part, comment est-ce qu'on accompagne les victimes, les proches, et toutes les personnes qui ont été impliquées dans ces attentats, et il y en a plusieurs centaines, ensuite comment on apporte des réponses aux Français sur comment est-ce qu'on vit avec cette menace permanente. Comment est-ce qu'on y répond ? il y a des réponses sécuritaires, il y a aussi des réponses, je pense, d'attention de la société, parce que ce qu'on rencontre aujourd'hui, on a vu aussi ce qui se passe en Allemagne, qu'il y a aussi, aujourd'hui, une pression forte sur notre pays, et que ce n'est pas simplement qu'une réponse sécuritaire, c'est comment on se mobilise tous sur ces sujets-là et avec une attention particulière pour en tout cas être en alerte, et enfin, rester uni.
JEROME CHAPUIS
Vous avez, vous, toujours exprimé des réserves sur les risques de prolongation de l'état d'urgence, or nous n'en sortons pas.
EMMANUELLE COSSE
Nous n'en sortons pas parce que nous sommes dans une difficulté très importante, c'est que, quand est-ce que l'on doit l'arrêter et en fonction de quelle situation.
JEROME CHAPUIS
Cette prolongation de l'état d'urgence vous n'y étiez pas, au départ, favorable.
EMMANUELLE COSSE
Non, mais je n'y étais pas non plus hostile, pour tout vous dire. Moi j'ai assisté, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ces dernières semaines, à pas mal de questions au gouvernement où droite et gauche se disaient, et y compris, je m'en rappelle, le président de la Commission des lois du Sénat, qui est Républicain, qui disait qu'on pouvait sortir de l'état d'urgence. Il y a eu cet attentat le 14 juillet et donc une volonté, partagée d'ailleurs à gauche et à droite, de le prolonger aussi pour se dire qu'on se donne les moyens. Mais le président de la République l'a redit très clairement, et aussi le Premier ministre, l'état d'urgence ne peut pas être un état permanent, et c'est pour ça
JEROME CHAPUIS
Or, pour l'instant, il l'est, depuis
EMMANUELLE COSSE
Il l'est depuis le 13 novembre. Et si nous n'avions pas été en état d'urgence à cette période, qu'est-ce que vous auriez dit ? « Pourquoi nous n'y sommes pas ? » Je pense qu'il faut être très lucide sur cette question-là. et surtout, là, l'état d'urgence a été prolongé pour 6 mois, dans les débats parlementaires beaucoup ont dit qu'il fallait très clairement en sortir in fine, c'est aussi pour ça que la loi de procédure pénale a été modifiée pour donner des moyens supplémentaires d'enquêtes, mais c'est vrai aussi qu'il va falloir malheureusement vivre avec cette « normalité », je crois que le mot est peut-être un peu fort, mais en tout cas cette normalité des attaques dans lesquelles nous pouvons être victimes. Et donc ce qui veut dire aussi que c'est aussi une nouvelle vie qui existe pour nous, mais je pense aussi au niveau européen. Moi par exemple, personnellement, j'ai 40 ans, et je me pose des questions aujourd'hui sur cette société, parce qu'en fait on a quand même eu une vie assez bénie du côté des attaques, de la guerre et tout ça, et c'est vrai que quand on voit les attaques simultanées en France, en Angleterre par le passé, en Allemagne, on peut aussi s'interroger sur ce que va être notre société et notre vie dans cette Europe dans les années qui viennent.
JEROME CHAPUIS
Une société malade ?
EMMANUELLE COSSE
Je ne dirais pas une société malade, en tout cas une société qui veut défendre un certain nombre de valeurs, et c'est ce qui explique que la France soit engagée sur le terrain d'opérations, notamment en Afrique. Et y compris nous sommes intervenus, il faut se rappeler que nous sommes intervenus tout seul au Mali parce qu'on avait y compris une demande très forte d'y ramener une sécurité très importante, mais ça veut dire aussi qu'on doit assumer ce rôle-là et que, aujourd'hui, des personnes veulent nous attaquer pour ce que nous sommes. Moi je tiens à le redire, une société qui est forte, qui est multiculturelle, qui vit avec des personnes qui sont avec une religion ou pas, et c'est ça notre force, cette diversité. Et c'est pour ça que cette polémique actuelle sur Nice me fait tant de mal parce que moi je pense que, aujourd'hui, ce qui serait important c'est qu'on puisse montrer qu'on est unis, qu'on est avec l'ensemble des victimes de Nice comme celles du mois de novembre dernier, comme celles de Charlie, et que l'on est très fiers de cette société française, qui nous permet de vivre ensemble en étant divers.
JEROME CHAPUIS
Merci Emmanuelle COSSE d'avoir été l'invitée de RTL ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2016
Bonjour Emmanuelle COSSE.
EMMANUELLE COSSE
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Ça fait donc 1 an tout juste que la loi sur l'encadrement des loyers est entrée en vigueur, c'était la mesure phare de la loi ALUR portée à l'époque par Cécile DUFLOT. Quel bilan est-ce que vous en tirez ?
EMMANUELLE COSSE
Un bilan très positif. L'encadrement des loyers est entré en vigueur à Paris le 1er août 2015, on a vu que pour les nouveaux locataires il y a plus de 30 % d'entre eux qui ont bénéficié de baisse de loyer très forte, liée à cet encadrement des loyers.
JEROME CHAPUIS
Très forte, c'est-à-dire ?
EMMANUELLE COSSE
Très forte, après ça dépend du loyer que vous payez, mais on était face, depuis plus de 15 ans, à une augmentation annuelle extrêmement importante sur les loyers parisiens, notamment les petites surfaces, et on a vu des baisses considérables de 5 à 10 %. Mais plus généralement on a vu, globalement, les loyers se stabiliser à Paris, ce qui ne s'était pas observé depuis plus de 10 ans.
JEROME CHAPUIS
Ça ce n'est l'effet que de cette loi ou tout simplement peut-être d'un ralentissement de l'économie de l'immobilier ?
EMMANUELLE COSSE
C'est un effet de l'observation des loyers et de l'encadrement des loyers. Pourquoi je vous dis cela ? Aujourd'hui, en France, il y a 25 territoires, qui se sont dotés d'Observatoire des loyers et qui donc peuvent dire, en gros, quel est le loyer pratiqué dans tel quartier, et on a vu que partout, dans ces villes très tendues, où l'observation des loyers donnait donc de la transparence, immédiatement les loyers décéléraient, ça c'est la première chose
JEROME CHAPUIS
Parce que l'un des effets c'est tout simplement qu'il y a de la transparence sur les loyers.
EMMANUELLE COSSE
Il y a de la transparence. Aujourd'hui vous pouvez savoir, dans votre quartier à Paris, quelle est la fourchette de loyers qui est pratiquée. Et donc, à Paris, on encadre, c'est-à-dire qu'on dit à un propriétaire « vous devez louer votre loyer (sic) dans un maximum de prix », et on a vu que ça avait un effet très important. Ça doit aller plus loin. Ça a été montré cette année, par plusieurs études d'associations, notamment de consommateurs, qu'il y avait encore des annonces immobilières qui ne respectent pas, à Paris, les fourchettes de loyers, qu'on pouvait faire mieux, mais on se rend compte que cette mise en oeuvre s'est quand même faite rapidement et que ça a plutôt très bien fonctionné.
JEROME CHAPUIS
Alors, on a entendu dans les journaux de RTL ce matin des professionnels de l'immobilier pointer quand même quelques effets pervers, par exemple ils disent c'est moins rentable de louer, donc les propriétaires font moins de travaux.
EMMANUELLE COSSE
Vous savez, on a tout entendu quand la mesure est entrée en vigueur, d'ailleurs ces mêmes professionnels ont attaqué ces mesures devant la justice administrative, ont dit qu'il n'y aurait plus de logements à louer, que ça allait être l'effondrement du marché, je pense que toutes les personnes qui habitent à Paris se rendent compte que le marché locatif ne s'est pas du tout effondré et surtout que les logements n'ont pas été retirés du marché.
JEROME CHAPUIS
Ces témoignages ne traduisent pas une réalité ?
EMMANUELLE COSSE
Exactement. Et surtout, je vais vous dire, ce que l'on voit surtout c'est que des loyers trop chers entraînent des logements vacants plus longtemps, parce que plus vous louez cher, plus les gens partent très très rapidement, et on voit que ça amène des logements vacants, et on a vu notamment des propriétaires dire qu'avec l'encadrement des loyers ils avaient une légitimité à donner tel loyer à leur appartement, et que ça avait pacifié des relations.
JEROME CHAPUIS
Parce qu'on a entendu l'inverse ce matin sur RTL. On a des propriétaires qui disent, au contraire, « moi, parce que c'est moins intéressant de louer, eh bien je ne loue plus. »
EMMANUELLE COSSE
Mais, vous savez, quand on est propriétaire d'un bien, il faut le louer pour avoir un revenu locatif, si votre bien est vacant ça veut dire que vous pouvez vous permettre de ne pas percevoir un loyer, ce qui veut dire aussi que vous n'avez pas besoin de cet argent, et c'est très rare. Beaucoup de propriétaires ont investi dans un logement, se sont endettés, et ils ont besoin d'un revenu locatif pour le faire. Et puis, je le rappelle, à un moment il faut aussi s'interroger sur quel est le sens de cette mesure. Cette mesure elle redonne du pouvoir d'achat aux Français, aujourd'hui à Paris, demain à Lille, dans 2 ans dans l'ensemble de l'agglomération parisienne, et c'est ça le but, c'est de remettre de la régulation dans un marché locatif, et je tiens à le redire, qui depuis 2000 a vu que les loyers ont plus que doublé. Est-ce qu'on peut imaginer que sur d'autres biens de consommation on soit sur une telle augmentation des prix ? C'est ça qui s'est passé. Et c'est ce qui explique aussi que dans les grandes villes françaises, depuis 5 à 10 ans, on a des difficultés de location très fortes, au même moment qu'on observe parfois des baisses du marché parce qu'il y a un marché à la baisse dans certaines villes.
JEROME CHAPUIS
Vous parlez des grandes villes françaises, vous parlez de Lille où la mesure entrera en vigueur, on parle de la région parisienne où la mesure va être étendue, mais les autres villes ?
EMMANUELLE COSSE
Les autres villes, aujourd'hui, ce sont elles qui décident ou non de s'engager dans cette démarche. Lille s'y est engagée il y a plus d'1 an et l'encadrement des loyers sera effectif en décembre prochain, Grenoble a fait part de sa volonté d'encadrer les loyers et a commencé à observer ces loyers, il lui faudra au moins 1,5 an pour être prêt.
JEROME CHAPUIS
Mais pour vous, ministre du Logement, quelles sont les autres villes où les maires sont peut-être réticents et où cette mesure ferait sens ?
EMMANUELLE COSSE
Mais la mesure peut faire sens, et l'encadrement peut faire sens, dans les marchés tendus, dans les zones très tendues où le marché locatif
JEROME CHAPUIS
Mais par exemple ?
EMMANUELLE COSSE
Où le marché locatif est tendu.
JEROME CHAPUIS
Mais par exemple ? Vous ne voulez pas citer de villes ?
EMMANUELLE COSSE
Si, on peut les citer, mais moi je ne suis pas là pour distribuer des bons et mauvais points, moi ce qui m'intéresse
JEROME CHAPUIS
Non, il ne s'agit pas de ça, mais il s'agit d'informer les Français.
EMMANUELLE COSSE
Non, je vous explique, justement je vous explique. Sur l'encadrement des loyers, on a voulu réduire cela à l'encadrement, la grande nouveauté c'est d'avoir de la transparence dans les données. Nous avons enfin, dans plus de 25 agglomérations, des données locatives publiques, vous pouvez aller sur le site Internet de l'ADIL, l'Agence nationale d'information sur le logement, où vous avez les informations sur l'ensemble des Observatoires des loyers. Pendant des années ces données étaient privées, nous n'y avions pas accès, ça c'est la première chose. La seconde chose, et c'est le sens aussi de cet anniversaire des mesures d'encadrement des loyers, nous ouvrons ce matin un site Internet qui s'appelle « encadrementdesloyers.gouv.fr », où on donne des informations à l'ensemble des particuliers, d'une part sur les niveaux de loyers, ensuite sur les recours auxquels on peut procéder si on n'est pas dans enfin le propriétaire ne respecte pas la loi. Et moi je le dis, on ne va pas faire les choses contre l'avis des agglomérations et des communes, une démarche autoritaire ne fonctionnerait pas. On a par exemple, je peux vous donner des exemples puisque j'ai réuni l'ensemble des Observatoires des loyers il y a quelques mois, des villes qui ont observé pendant 1 an, et qui maintenant se disent « est-ce qu'on se lance ou pas dans l'encadrement des loyers, regardons quel est l'impact, y compris avec les professionnels », parce qu'il n'y a pas que des professionnels qui sont opposés à cette mesure.
JEROME CHAPUIS
Donc vous pensez que le bilan que vous dressez ce matin pourrait inciter d'autres maires, qui jusqu'ici étaient plutôt réticents, à adopter l'encadrement des loyers ?
EMMANUELLE COSSE
Tout d'abord je tiens à vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de maires qui sont réticents à cette mesure par nature, parce qu'ils voient l'impact positif sur leur ville, mais après on regarde est-ce que ça marche. Est-ce que, par exemple dans des villes où les petites surfaces, notamment pour loger des étudiants, sont très chères parce qu'il y a un turnover très rapide, il y a des petites villes qui se posent la question de mettre en place en encadrement des loyers, mais il faut aussi que ça vienne des territoires, parce que sinon l'adhésion ne pourra pas fonctionner.
JEROME CHAPUIS
Autre sujet, Emmanuelle COSSE, les suites de l'attentat de Nice. On assiste à cette polémique entre le ministre Bernard CAZENEUVE et Christian ESTROSI. D'abord, qu'est-ce que vous en pensez ?
EMMANUELLE COSSE
Vous savez, moi j'ai été très choquée, le lendemain même des attentats, du ton, du ton très polémique justement qui avait été adopté, notamment par Christian ESTROSI, mais pas que, du premier week-end, on était encore sous le choc de cet attentat, en se posant des questions, qui sont tout à fait légitimes, et des attaques très fortes contre le gouvernement, et une mise en cause très forte du ministre de l'Intérieur. Mais là on est au-delà de la polémique. Sincèrement, quand vous avez une employée qui met en cause et qui laisse entendre que quelqu'un du ministère de l'Intérieur aurait voulu influer sur des rapports d'information, c'est très grave, c'est très grave ce qui a été fait et ce qui a été dit dimanche. Ça explique aussi, me semble-t-il, la réponse très ferme de Bernard CAZENEUVE et le fait qu'il ait déposé plainte hier. On peut dire, et c'est normal, qu'il n'y a pas de place pour la polémique, sauf que la réalité c'est qu'il y a des gens qui jouent à ça. Et c'est vrai que moi je préfère qu'on se concentre sur des sujets, d'une part, comment est-ce qu'on accompagne les victimes, les proches, et toutes les personnes qui ont été impliquées dans ces attentats, et il y en a plusieurs centaines, ensuite comment on apporte des réponses aux Français sur comment est-ce qu'on vit avec cette menace permanente. Comment est-ce qu'on y répond ? il y a des réponses sécuritaires, il y a aussi des réponses, je pense, d'attention de la société, parce que ce qu'on rencontre aujourd'hui, on a vu aussi ce qui se passe en Allemagne, qu'il y a aussi, aujourd'hui, une pression forte sur notre pays, et que ce n'est pas simplement qu'une réponse sécuritaire, c'est comment on se mobilise tous sur ces sujets-là et avec une attention particulière pour en tout cas être en alerte, et enfin, rester uni.
JEROME CHAPUIS
Vous avez, vous, toujours exprimé des réserves sur les risques de prolongation de l'état d'urgence, or nous n'en sortons pas.
EMMANUELLE COSSE
Nous n'en sortons pas parce que nous sommes dans une difficulté très importante, c'est que, quand est-ce que l'on doit l'arrêter et en fonction de quelle situation.
JEROME CHAPUIS
Cette prolongation de l'état d'urgence vous n'y étiez pas, au départ, favorable.
EMMANUELLE COSSE
Non, mais je n'y étais pas non plus hostile, pour tout vous dire. Moi j'ai assisté, à l'Assemblée nationale et au Sénat, ces dernières semaines, à pas mal de questions au gouvernement où droite et gauche se disaient, et y compris, je m'en rappelle, le président de la Commission des lois du Sénat, qui est Républicain, qui disait qu'on pouvait sortir de l'état d'urgence. Il y a eu cet attentat le 14 juillet et donc une volonté, partagée d'ailleurs à gauche et à droite, de le prolonger aussi pour se dire qu'on se donne les moyens. Mais le président de la République l'a redit très clairement, et aussi le Premier ministre, l'état d'urgence ne peut pas être un état permanent, et c'est pour ça
JEROME CHAPUIS
Or, pour l'instant, il l'est, depuis
EMMANUELLE COSSE
Il l'est depuis le 13 novembre. Et si nous n'avions pas été en état d'urgence à cette période, qu'est-ce que vous auriez dit ? « Pourquoi nous n'y sommes pas ? » Je pense qu'il faut être très lucide sur cette question-là. et surtout, là, l'état d'urgence a été prolongé pour 6 mois, dans les débats parlementaires beaucoup ont dit qu'il fallait très clairement en sortir in fine, c'est aussi pour ça que la loi de procédure pénale a été modifiée pour donner des moyens supplémentaires d'enquêtes, mais c'est vrai aussi qu'il va falloir malheureusement vivre avec cette « normalité », je crois que le mot est peut-être un peu fort, mais en tout cas cette normalité des attaques dans lesquelles nous pouvons être victimes. Et donc ce qui veut dire aussi que c'est aussi une nouvelle vie qui existe pour nous, mais je pense aussi au niveau européen. Moi par exemple, personnellement, j'ai 40 ans, et je me pose des questions aujourd'hui sur cette société, parce qu'en fait on a quand même eu une vie assez bénie du côté des attaques, de la guerre et tout ça, et c'est vrai que quand on voit les attaques simultanées en France, en Angleterre par le passé, en Allemagne, on peut aussi s'interroger sur ce que va être notre société et notre vie dans cette Europe dans les années qui viennent.
JEROME CHAPUIS
Une société malade ?
EMMANUELLE COSSE
Je ne dirais pas une société malade, en tout cas une société qui veut défendre un certain nombre de valeurs, et c'est ce qui explique que la France soit engagée sur le terrain d'opérations, notamment en Afrique. Et y compris nous sommes intervenus, il faut se rappeler que nous sommes intervenus tout seul au Mali parce qu'on avait y compris une demande très forte d'y ramener une sécurité très importante, mais ça veut dire aussi qu'on doit assumer ce rôle-là et que, aujourd'hui, des personnes veulent nous attaquer pour ce que nous sommes. Moi je tiens à le redire, une société qui est forte, qui est multiculturelle, qui vit avec des personnes qui sont avec une religion ou pas, et c'est ça notre force, cette diversité. Et c'est pour ça que cette polémique actuelle sur Nice me fait tant de mal parce que moi je pense que, aujourd'hui, ce qui serait important c'est qu'on puisse montrer qu'on est unis, qu'on est avec l'ensemble des victimes de Nice comme celles du mois de novembre dernier, comme celles de Charlie, et que l'on est très fiers de cette société française, qui nous permet de vivre ensemble en étant divers.
JEROME CHAPUIS
Merci Emmanuelle COSSE d'avoir été l'invitée de RTL ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2016