Déclaration de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur la maitrise du temps de la vie quotidienne, notamment la qualité de la vie et l'harmonisation entre le temps de travail et le temps de loissir, Créteil le 20 septembre 2001.

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Circonstance : Conférence des temps de la vie quotidienne à Créteil le 20 septembre 2001

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Les "virgules visuelles", qui rythment cette conférence, pointent avec acuité les situations qui, dans notre vie quotidienne, nous mettent en porte à faux, désorganisent nos emplois du temps et créent un inconfort sourd dont nous souffrons parfois de façon chronique.
Les temps de l'école, de la garde de nos enfants, les temps des transports, les horaires de travail encore trop souvent multipliés par deux pour les femmes, les services fermés quand nous en avons besoin : qui d'entre nous n'a pas ressenti ce décalage, cette désynchronisation, qu'on aurait sans doute pu résoudre ?
Francis Godard et François de Singly, viennent d'analyser les résultats du sondage SOFRES, commandé à l'occasion de la remise du rapport d'Edmond Hervé en juin dernier. Ils ont commenté les transformations progressives des pratiques culturelles des français et leurs désirs d'usage de ville différents.
C'est la représentation même de la durée intérieure de chacun d'entre nous, notre façon de percevoir les enjeux du temps qui ont changé, et nous le ressentons au jour le jour dans l'usage quotidien des différents espaces que nous occupons, qu'ils soient urbains ou ruraux.
Comme l'affirme un grand commentateur du monde moderne, Paul Virilio " nos nouvelles frontières sont désormais liées à l'emploi du temps plutôt qu'à l'emploi de l'espace ".
Prendre simplement quelques exemples éclairera encore mieux que bien des commentaires ces bouleversements dans notre conception collective du temps : les enfants qui naissent aujourd'hui ont toutes les chances de vivre 100 ans ; en vingt ans l'heure moyenne à laquelle se couchent les français est passée de 21 heures à 23 heures ; enfin, très récemment, le nouveau TGV méditerranée permet de rejoindre Marseille en 3 heures.
Encore un exemple emprunté celui-ci à la publicité et au temps du commerce : nous avons tous en mémoire le célèbre slogan qui inventa, il y a une dizaine d'années seulement, le service de livraison à domicile, les 48 heures chrono de la Redoute. Ils sont devenus aujourd'hui 24 heures chrono
Le temps se serait donc divisé en deux !
Les attributs du temps de chacun sont désormais des outils pour aller plus vite : les ordinateurs, les téléphones portables, les trains à grande vitesse, les agendas électroniques, et notre conception du monde, son univers moral, les règles pratiques de sa conduite quotidienne, s'en trouvent modifiés.
Accélération, instantanéité, rétrécissement de l'espace : la façon de vivre l'organisation du temps de la vie quotidienne a été profondément bouleversée.
Mais ce n'est pas parce que l'imagerie mythologique nous renvoie à un dieu du temps qui dévora ses enfants, ce n'est pas parce que le temps est invisible, ce n'est pas non plus parce que des progrès techniques l'ont profondément transformé, ce n'est pas enfin parce qu'il est avant tout une donnée personnelle et intime, qu'il faut le regarder passer sans s'en occuper.
Mesdames et messieurs, cette journée témoigne de deux volontés.
Volonté des élus ici présents, dont je salue le sens de l'innovation, la capacité à anticiper sur des modes modernes de gouvernement des villes et le souci constant de renforcer la participation des habitants à la vie démocratique.
Vous avez initié des politiques temporelles avant tout le monde, et grâce à vous, nous pouvons comprendre tout l'intérêt de cette politique nouvelle.
A Poitiers, à Saint-Denis, à Nancy, à Valenciennes, dans le Territoire de Belfort ou encore dans des villes qui en ont fait un des thèmes de la dernière campagne municipale - je pense à toi cher Bertrand ou à Martine Aubry à Lille, des bureaux, agences ou maisons du temps sont nés, et c'est avec beaucoup d'intérêt que nous suivrons ces riches initiatives.
Volonté des élus, donc, mais aussi volonté du gouvernement, qui su prendre des décisions capitales afin de donner une meilleure maîtrise de leur temps, de leur vie, une meilleure qualité de vie aux Français.
Le Premier Ministre en personne a voulu vous entretenir de cette détermination et nous serons très heureux de l'accueillir à la fin de cette conférence. Permettez-moi, seulement, en tant que Ministre de la ville d'insister sur un point qui concerne plus particulièrement les habitants des quartiers dont j'ai la charge.
Pendant que certains ne supportent plus du tout d'attendre, pris dans le stress du trop de travail, du trop d'occupations, d'autres restent sur place, ont trop de temps car pas de travail, ou n'ont plus du tout de temps à eux, envahis par les tâches répétitives, fatigués de transports trop longs, de cadences accélérées ou d'horaires désynchronisés.
Eviter la constitution de ce qu'on pourrait appeler des "classes de vitesse", doit être une de nos préoccupations essentielles, et dans la mise en uvre d'une meilleure harmonisation des temps, nous veillerons à ce que cet impératif de justice soit préservé.
Je tiens à saluer chaleureusement, pour conclure, la délégation des élus venus de quatre pays d'Europe. Vous les avez entendus. Ils ont avant nous montré la voie.
Je les remercie d'être venus nous expliquer comment ils ont réussi, dans des villes aussi différentes que Rome, Milan ou Giron, pour ne citer qu'elles, à s'appuyer sur les habitants pour repenser avec eux une meilleure synchronisation dans leur ville.
Je salue également le représentant de l'Etat Néerlandais. Nous aurons sans doute à nous appuyer sur votre façon originale de concevoir une politique temporelle à l'échelle d'un pays.
Je me réjouis que cette journée soit l'occasion de manifester l'extrême importance des échanges dans l'espace commun qui est désormais le nôtre, l'Europe, et que non contents de décider d'une monnaie unique, nous nous saisissions de l'expérience, des richesses des uns et des autres pour travailler à une culture commune. Car nous avons une culture du temps commune.
Nous souhaitons préserver un mode de vie, une qualité de ville qui nous est propre.
Nous voulons, et c'est un gage de démocratie, entretenir le dialogue pour préparer avec les habitants les régulations indispensables. Nous voulons conserver des temps humains, des villes qui savent battre au ralenti, des temps protégés pour la rencontre et l'échange.
Nous voulons réfléchir ensemble à dessiner pour l'avenir, dans le respect de nos traditions, des façons neuves d'organiser nos villes et plus largement notre pays. Nous aurons d'autres rendez-vous et cette première conférence des temps de la vie quotidienne sera, j'en suis sûr, suivie de nombreuses autres.
Je terminerai sur une invitation à poursuivre la réflexion tout au long des trois jours qui vont suivre. En effet, le Festival de la ville est consacré à ce thème du Temps des villes. Vous pourrez y rencontrer les chercheurs, les entreprises, les élus, les associations, les habitants, les jeunes qui font bouger la ville et qui la transforment au rythme vif de leur action quotidienne.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 21 septembre 2001)