Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur l'évolution des missions des sous-préfets, à Paris le 12 novembre 2001

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Circonstance : Séminaire des sous-préfets à Paris les 12 et 13 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Préfet de la Seine Saint Denis,
Monsieur le Préfet de la région d'Ile-de-France que je salue également en tant que Président de l'association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur,
Monsieur le Directeur général de l'administration,
Mesdames et messieurs les sous-préfets,
Je me réjouis de pouvoir me trouver parmi vous cet après-midi malgré un emploi du temps un peu serré du fait du calendrier d'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale où j'étais ce matin et où je vais me rendre à nouveau juste après mon intervention.
Je voudrais tout d'abord remercier les différentes personnalités qui ont accepté de participer aux ateliers qui se dérouleront tout à l'heure, et parmi lesquelles je veux tout particulièrement saluer les deux élus présents, Jean-Pierre BALLIGAND député et maire de Vervins, et Dominique LEFEBVRE maire de Cergy, qui manifestent ainsi leur intérêt en tant qu'élus pour les sous-préfets et leur métier.
Je tiens à saluer l'initiative très heureuse que constitue ce séminaire : c'est la première fois je crois que l'ensemble des sous-préfets d'arrondissement sont ainsi réunis durant deux jours et ailleurs que sous les tentures de la salle des fêtes du ministère de l'intérieur pour un véritable travail de réflexion et d'échanges.
C'est un exercice par conséquent nouveau et je souhaite qu'il réussisse et vous soit à tous très profitable. Votre réunion vous permettra certainement d'avoir une réflexion approfondie sur votre métier, vos missions et les conditions dans lesquelles vous les exercez, par des échanges qui doivent je pense être très libres entre vous-mêmes et avec les représentants de l'administration centrale.
Les nombreuses et précises questions que vous souhaitez poser dans le cadre de ce séminaire et dont j'ai pris connaissance rendent bien compte des attentes et de l'intérêt qu'il a fait naître chez vous.
Je tiens à vous dire aussi que le contexte de ce séminaire me semble tout à fait pertinent, même si vous êtes en ce moment, comme le sont vos préfets, particulièrement sollicités par l'actualité, et si le plan Vigipirate vous impose des contraintes justifiées mais qui s'ajoutent à celles que vous connaissez habituellement.
En effet ce séminaire intervient presque exactement un an après les assises nationales des préfectures qui s'étaient tenues à LYON. J'y avais alors dit qu'elles marquaient une nouvelle donne pour les préfectures et les sous-préfectures. Depuis vous savez ce qui a été réalisé et entrepris pour mettre en application ce que j'avais annoncé : les mesures qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2002 le démontrent bien je crois, même si ce n'est qu'une première étape.
C'est dans cette perspective également que je vais prochainement présenter le plan d'action pluriannuel des préfectures qui leur permettra vous le savez de disposer d'un cadre d'action rénové leur permettant d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers et de moderniser leur organisation et leur fonctionnement. Ce plan concerne bien évidemment les sous-préfectures dont il trace largement les perspectives en termes de missions et d'organisation.
Par ailleurs, comme vient encore de le consacrer le dernier comité interministériel de la réforme de l'Etat, le Gouvernement fait clairement le choix d'une amplification de la déconcentration qui donne toute son importance à l'administration territoriale de l'Etat dont le métier de sous-préfet est la pierre angulaire. Vous êtes bien en première ligne de l'Etat de proximité ; il est donc nécessaire, indispensable même que vous participiez activement à la réflexion sur son évolution.
J'ajouterai un dernier élément de contexte très positif de votre réunion : j'écoutais ce matin le rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, René DOSIERE, qui pour la deuxième année consécutive témoignait de son intérêt pour le fonctionnement de l'administration territoriale et des services des préfectures et des sous-préfectures. J'y vois la reconnaissance évidente de la représentation nationale dans l'importance de vos fonctions et de vos missions.
Lors des assises nationales des préfectures, j'ai annoncé qu'aucune sous-préfecture ne sera supprimée. C'est parce que j'ai la conviction du rôle essentiel que joue ce réseau des sous-préfectures dans la structuration du territoire national que j'ai tenu à poser ce principe. Mais cela ne veut évidemment pas dire que dans un monde en perpétuel mutation, rien ne peut bouger dans l'organisation de l'Etat, et donc des sous-préfectures. Des évolutions profondes ont lieu, dans le domaine de la construction européenne, de la réforme de l'Etat et du fonctionnement des services publics, qui ont et auront toujours plus d'impact sur l'organisation territoriale de notre pays et les modes de fonctionnement de l'Etat.
Nous devons ensemble chercher comment apporter une réponse satisfaisante aux enjeux auxquels nous sommes collectivement confrontés. Votre réunion prend ainsi tout son sens : elle est certes un exercice de cohésion bien utile, mais elle doit être aussi l'occasion d'une réflexion collective sur ces orientations.
Voilà à quoi je vous invite durant ces deux jours. Et je voudrais le faire en évoquant avec vous quelques pistes de réflexions dans deux directions : la diversité de la fonction que vous occupez, et l'évolution des missions qui vous sont confiées.

I/ La diversité de la fonction de sous-préfet
Loin d'être l'assemblée uniforme que certains s'imaginent, vous êtes représentatifs d'une grande diversité. Cette diversité s'exprime tout d'abord en termes d'origine car le corps préfectoral est profondément divers dans son recrutement. Je ferai tout d'abord le constat de sa sûre mais encore lente féminisation : celle-ci progresse atteignant désormais de l'ordre de 10% mais j'admets que le chemin de la parité est encore long.
Mais il y a surtout parmi vous une grande diversité de vos origines professionnelles : administrateurs civils, issus ou non de l'ENA, officiers, commissaires de police , magistrats, ingénieurs, administrateurs territoriaux, sous-préfets recrutés selon les différents tours extérieurs, et j'en oublie vous me le pardonnerez, vous occupez tous des fonctions de sous-préfet territorial. Cette diversité est une richesse, pour le corps préfectoral bien sûr, mais surtout pour l'Etat, et elle est exemplaire dans la Fonction publique, croyez le bien.
Votre diversité s'exprime aussi dans les postes que vous occupez. Vous représentez des arrondissements aux contours bien différents : les uns, majoritaires en nombre, très ruraux, les autres très urbains où habitent le plus grand nombre de nos concitoyens. L'échelle de population, sans compter les arrondissements chefs lieux, va je crois de 8.000 à 600.000 habitants. Bref, à l'heure où d'aucuns parlent de la mondialisation, vous représentez la diversité des territoires, la diversité des habitats, la diversité des modes de vie des habitants de ce pays.
Cela m'amène évidemment à évoquer la question de la pertinence de la carte des arrondissements qui vous le savez n'a guère évolué depuis 1926. Ce débat est à vrai dire ancien et récurrent. Je crois qu'il faut être capable de l'aborder avec suffisamment d'ouverture d'esprit. A juste titre, vous vous interrogez sur l'évolution de ces limites par rapport à l'organisation des intercommunalités, par rapport au développement des pays et des agglomérations qui transcendent déjà ou transcenderont demain les limites actuelles des arrondissements. J'ai bien conscience de l'importance de cette question sur laquelle je crois qu'aucune réponse définitive ne peut être apportée à ce stade. Des réflexions très utiles figurent à ce propos dans la très intéressante étude de l'association du corps préfectoral sur "les perspectives d'évolution des sous-préfectures" : je crois en effet qu'une approche déconcentrée, pragmatique et différenciée sera nécessaire pour traiter cette question. Vous pourrez sans doute y contribuer à l'occasion de ce séminaire.
Mais je suis surtout convaincu que l'existence d'un échelon de proximité, qu'il soit situé à Mantes-la-Jolie ou à Avallon pour ne citer que deux arrondissements dans lesquels je me suis récemment rendu, est un atout pour notre pays, ses habitants et ses élus, pour peu que cet échelon sache s'adapter aux évolutions économiques, sociales et culturelles de la société, et sache répondre aux attentes locales.
Et je suis également certain que cet échelon d'administration et de représentation de l'Etat n'est pas incompatible avec une organisation renouvelée des tâches entre les niveaux du département, de la région et dans le cadre de l'union européenne élargie. A cet égard, je sais que vous vous posez de nombreuses questions sur l'avenir de votre métier dans un contexte institutionnel évolutif. Le Gouvernement a voulu, dans le prolongement du rapport de Pierre MAUROY, ouvrir avec le projet de loi sur la démocratie de proximité une nouvelle étape de la décentralisation dont nous célébrerons l'année prochaine les 20 ans. J'ai eu l'occasion de rappeler encore tout récemment la place que les départements sont appelés à occuper dans ce cadre.
La dynamique incontestable de l'échelon régional, que le Gouvernement a voulu reconnaître par une première série transferts de compétences qu'il a fait figurer dans ce projet de loi, pas plus que le développement de l'intercommunalité dont vous connaissez les évolutions spectaculaires, ne compromettent l'avenir du département. Celui-ci doit conserver une place centrale dans notre organisation territoriale et sa vocation demeure d'être la collectivité de proximité et le territoire des solidarités.
Dans ce contexte, l'arrondissement doit pouvoir rester un échelon opérationnel tant pour les missions de représentation et de contact, que pour la mise en uvre des politiques gouvernementales.
Pour autant vos missions connaissent effectivement une profonde évolution, et la manière d'exercer votre métier doit s'y adapter

II/ L'évolution de vos missions
Vous êtes par nature des généralistes, mais vous devez de plus en plus vous spécialiser dans des missions qui deviennent prioritaires et dont la technicité va s'accroissant.
Ce n'est pas bien sûr le moindre paradoxe de votre métier. Cette évolution conduit nécessairement à s'interroger sur la meilleure manière de vous organiser pour remplir vos missions.
Parmi les réponses qui peuvent vous être apportées, je soulignerai que dans le cadre du décret de 1999 qui confie aux préfets l'organisation déconcentrée des services de l'Etat, ces missions peuvent être déclinées de manière différente d'un département à l'autre, d'un arrondissement à l'autre, aussi bien dans le but d'utiliser au mieux la diversité de vos expériences que de rééquilibrer la charge de travail entre les arrondissements et entre sous-préfets.
La pratique de missions départementales est déjà largement développée, ce qui doit à mon sens être encouragé. Ces missions se justifient pleinement par le rôle interministériel qui est le votre, et qui vous donne autorité pour animer l'action des services publics dans vos arrondissements, comme dans un cadre territorial plus élargi.
Je voudrais évoquer plus précisément certaines missions que vous avez à remplir. Cela ne saurait bien sûr pas diminuer le sens ou l'intérêt de l'ensemble de vos autres missions.
Vous comprendrez que je vous parle en premier lieu de la sécurité. Elle est pour moi une dimension essentielle de votre action, que vous soyez sous-préfet d'un petit arrondissement rural ou d'un arrondissement urbain confronté aux problèmes des quartiers sensibles. Assurer la sécurité de tous est la base du pacte républicain, cela exige donc de vous une attention et un engagement permanents. Mais la sécurité est aussi vous le savez une co-production dont vous devez être un acteur déterminant. J'ai relevé avec intérêt vos questions à ce sujet, notamment sur la mise en uvre des contrats locaux de sécurité qui ne doit pas être l'affaire de services spécialisés, mais bien une entreprise collective dont en particulier les collectivités locales doivent pouvoir être partie prenante. Je compte sur vous pour vous y impliquer pleinement, comme c'est déjà certainement le cas.
La question de l'accueil du public, je devrais dire des publics, est également bien au cur de vos préoccupations. Il faut à mon avis l'aborder en ne confondant pas le rôle que jouent toutes les sous-préfectures de véritable "maison de l'Etat" au plus près des habitants, et la capacité de chaque sous-préfecture d'assurer au plan technologique toute la palette des services.
Là encore des configurations différentes peuvent exister selon les territoires et la demande locale. La possibilité de raccordement aux applications nationales pour la délivrance des titres, que j'ai décidée l'an dernier, a ouvert des perspectives pour beaucoup de sous-préfectures. Des choix parfois difficiles mais nécessaires doivent être faits par les préfets sur la pertinence de tel ou tel raccordement.
La question des maisons de services publics a par ailleurs été posée lors du dernier comité interministériel de l'aménagement du territoire. Leur existence et leur développement ne doivent nullement amener à les opposer au réseau des sous-préfectures. Bien au contraire, les élus reconnaissent volontiers le rôle déterminant que vous avez eu la plupart du temps dans leur création et pour tout dire leur réussite. Ces maisons de service public pourraient tout aussi bien, lorsque les conditions le permettent, se développer au sein même des sous-préfectures en y accueillant d'autres services publics. Je souhaite qu'une réflexion s'engage sur ce point.
Je terminerai cette évocation de vos missions par celle de conseil et de contrôle qui est une de vos tâches essentielles. Elle vous place en interlocuteur privilégié des élus et des collectivités, mais aussi de tous les acteurs du développement local et des partenaires sociaux. C'est aussi le cas lorsque vous devez faire face à des situations particulièrement difficiles en matière économique et social.
La complexité croissante des règles et des procédures vous place souvent, je le sais, dans des situations délicates car vous ne disposez pas toujours des moyens humains d'expertise des dossiers et d'analyse des problèmes posés. Le contrôle de légalité en est une illustration que vous vivez quotidiennement, mais vous êtes aussi de plus en plus confrontés au besoin de conseil des élus sur la structuration des territoires ou la négociation de procédures contractuelles. A cet égard le travail en réseau avec l'ensemble des services de l'Etat concernés est une approche indispensable. Je me félicite à cet égard des avancées considérables faites par le ministère de l'intérieur dans ce domaine et dont vous pouvez largement bénéficier ; je pense notamment à la création des systèmes d'information territoriaux, mais aussi au développement du réseau intranet et de la messagerie qui vous permettent d'être reliés en temps réel avec les préfectures comme avec l'administration centrale.
De même la création de pôles juridiques comme l'expérimentation d'un pôle régional sur le contrôle de légalité, qui reposent largement sur l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, contribueront également à vous aider à exercer toujours mieux ces missions essentielles de contrôle et de conseil.
Dans ce domaine également, les projets territoriaux de l'Etat doivent vous permettre d'inscrire votre action dans une dimension départementale et de mettre en uvre des solutions qui tiennent compte des situations spécifiques au plan local. c'est aussi cela, et sans doute plus que jamais, le sens de la déconcentration.
Face à ces complexités croissantes de vos missions, je tiens à souligner le caractère indispensable de la formation que vous devez acquérir de façon permanente. Vous ne pourrez être reconnus comme de bons professionnels qu'en vous imposant l'exigence d'une formation professionnelle. Une offre adaptée et diversifiée existe maintenant et doit continuer à se développer. L'intuition et l'expérience ne suffisent pas à vous permettre de faire face à toutes les exigences auxquelles vous êtes confrontés et à la technicité accrue des questions qui vous sont posées. La formation doit d'ailleurs être vécue non seulement comme l'occasion d'un enrichissement professionnel, mais donner aussi la possibilité de confronter des expériences et de prendre du recul par rapport à l'exercice quotidien de son métier.
Je souhaite enfin pour terminer attirer votre attention sur l'importance du dialogue social. Les personnels du cadre national des préfectures qui travaillent dans les sous-préfectures sont comme vous très attachés à leur devenir et légitimement préoccupés de l'évolution de leurs fonctions. Si les relations avec les organisations syndicales et les instances paritaires trouvent naturellement leur expression dans le cadre de chaque préfecture, vous devez vous attacher aussi à maintenir un dialogue confiant avec les personnels sur ces questions.
Mesdames et Messieurs les sous-préfets,
Je n'ai naturellement pas pu, dans le laps de temps assez contraint dont je disposais, aborder avec vous tous les sujets qui auraient mérité de l'être. Je n'ai pas non plus voulu, en intervenant presque en ouverture de ce séminaire, apporter des réponses à des questions dont vous allez précisément débattre. Mais je serai très attentif aux fruits de vos échanges dont me rendra bien sur compte le directeur général de l'administration, comme aux propositions concrètes qui pourront en résulter.
J'aurai par ailleurs l'occasion, je tiens à vous le dire, lors de la prochaine assemblée générale de l'association du corps préfectoral vendredi prochain, d'aborder certaines questions liées aux conditions plus pratiques de l'exercice de votre métier, qui sont parfaitement légitimes, je pense en particulier à l'application de l'ARTT concernant le corps préfectoral.
Il me reste à vous souhaiter un bon travail, et je l'espère donc des échanges fructueux.
Je veux avant de vous quitter vous faire part de toute ma confiance dans chacune et chacun d'entre vous, dans votre capacité à exercer un métier passionnant et exigeant au service de l'Etat et de vos concitoyens, mais aussi ma conviction que loin d'être un métier du passé, le métier de sous-préfet est et restera un métier d'avenir parce qu'il saura s'adapter aux conditions nouvelles de notre société, tant il est essentiel à la cohésion de celle-ci.

Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 novembre 2001)