Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Maires,
Monsieur le Président du Jury,
Mesdames et messieurs,
L'internet pour tous continue d'être un objectif de l'action gouvernementale. En quatre années d'action publique, la France a rattrapé le retard qu'elle avait accumulé au cours des années précédentes dans le domaine des nouvelles technologies.
N'oublions pas qu'en 1997, l'administration électronique était inexistante sur le Web, les services offerts au public dans le domaine marchand étaient balbutiants, et l'usage de ces services était pratiquement réservé à une élite anglophone, tant les sites français étaient rares. Que de chemin parcouru depuis lors !
Je vous invite, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les responsables associatifs, à regarder vous-mêmes dans le rétroviseur de vos actions passées. En 1997, les mairies commençaient à peine à mettre en place des serveurs Web, dont, honnêtement, nous pouvons reconnaître qu'ils n'étaient pas à la hauteur, ni de la technologie, ni des objectifs politiques que l'on pouvait en espérer.
En quelques années, les sites vitrines se sont transformés en véritables sites inter-actifs, offrant une information extrêmement complète aux citoyens, et permettant l'accès à des bases de données municipales, sources de renforcement d'une citoyenneté active. Du scepticisme chronique à la méfiance désabusée à l'égard des nouvelles technologies, nous sommes entrés dans une nouvelle ère : celle de la mobilisation collective en faveur du développement des technologies de l'information.
Ce changement de paysage nous échappe peut-être un peu. Il va trop vite pour que nous prenions le temps de l'observer. Il va trop vite pour que nous prenions le temps de le penser. Je me réjouis, à cet égard, de cette matinée de travail, qui contribue un peu à "un arrêt sur image" des acteurs locaux de la ville dans le domaine de l'information communicante.
Car Mesdames et Messieurs, je ne veux pas dissocier la question du temps des villes (qui constitue un chantier citoyen d'organisation de la vie de la cité, pour l'adapter aux rythmes quotidiens des habitants des villes), des conditions de l'accès pour tous aux nouvelles technologies. Il y a, sur ce sujet, un lien nouveau qu'il nous faut enrichir et penser dans ses rapports aux citoyens et au temps.
Les nouvelles technologies font gagner du temps à ceux qui n'en disposent pas assez ; elles font perdre du temps à ceux qui les craignent (c'est souvent là une question de génération) et elles sont tout simplement inaccessibles à une partie de nos concitoyens.
Je veux insister sur cet aspect des choses, car, nous l'avons peut-être déjà dit et redit, mais la menace d'une nouvelle exclusion culturelle et économique pèse réellement sur une partie de nos concitoyens. C'est bien généralement celles et ceux qui vivent dans les territoires urbains les plus périphériques, celles et ceux qui cumulent les handicaps. L'étude toute récente du CREDOC sur "La diffusion, l'usage et l'acceptabilité des nouvelles technologies en France" est parfaitement éclairante. Permettez-moi de ne citer qu'un chiffre, il résume en définitive le fond du problème : " 79 % des cadres supérieurs possèdent un ordinateur personnel, contre seulement 11% des non diplômés. " Ce fossé dans l'équipement est encore plus renforcé dans les usages. Bref, la situation d'un clivage "de classe" s'exprime bien aujourd'hui, et même avec trop de netteté pour qu'il ne soit pas de notre responsabilité d'y répondre.
Or, dans le même temps, nos jeunes - d'où qu'ils soient - peuvent se révéler de véritables virtuoses de l'informatique, si on leur donne les moyens de se former et surtout d'accéder facilement, gratuitement, à des équipements qui sont aujourd'hui hors de leur portée financière. L'accès personnel au haut débit est encore excessivement coûteux pour que le citoyen lambda puisse s'offrir ce qui est encore, de toute évidence, perçu comme un luxe.
Cette description de notre environnement m'a fortement mobilisé sur la question de l'accès public à l'internet. J'ai cette conviction personnelle, intime, que nous sommes à une étape décisive où l'action publique (nationale et locale, évidemment) peut faire basculer le risque de l'exclusion en faveur d'une intégration de tous. Nous sommes à un de ces moments incroyables où nous avons toutes les chances pour réussir et n'oublier personne sur le chemin. Non seulement nous savons, à force d'expérimentations et de projets locaux, ce qu'il faut faire, mais nous savons comment le faire. Le guide des Espaces publics Numériques que j'ai fait réaliser en Juillet dernier - et dont on me dit qu'il est aujourd'hui épuisé ! - donne les outils pour faire. Nous avons besoin de donner un véritable coup d'accélérateur pour développer ces projets, et favoriser l'émergence de lieux d'accès public à l'internet.
Je tiens aussi à préciser devant vous que la notion "d'Espace Public Numérique", loin de vouloir normaliser quoique ce soit, souhaite intégrer toutes les démarches et les acteurs porteurs d'usages publics des nouvelles technologies. Bien sûr, les centres sociaux, les maisons de quartiers, les maisons pour tous, les mairies, les bibliothèques, sont autant de lieux indispensables au succès d'une politique d'accès public.
Mais je souhaite saluer quelques innovations qui pourraient nous faire passer un cap encore plus décisif. Les bailleurs sociaux peuvent jouer un rôle essentiel, tant dans l'aide au montage de projets associatifs locaux, que par la mise à disposition de locaux. Je me réjouis d'un projet encore "secret", mais extrêmement audacieux, qui consistera à équiper des bas d'immeubles en accès à l'internet, dans des conditions évidemment préparées avec les habitants, et notamment les plus jeunes d'entre-eux.
La politique d'accès n'est pas unique, elle peut intégrer des projets liés à des thématiques spécifiques (l'emploi, la formation professionnelle) comme à des actions de loisirs et de culture. Je souhaite à cet égard qu'avec le Ministère de la culture, dans les territoires prioritaires de la politique de la ville, les équipements culturels de proximité soient des lieux d'accueil d'"Espaces publics numériques". Nous signerions ainsi une volonté commune de faire de la culture l'élément d'une démocratie ouverte pour tous et ouverte sur la cité.
Enfin, je souhaite, en ce domaine comme en d'autres, encourager les investissements privés dans les quartiers populaires, en faveur des nouvelles technologies. De nombreuses entreprises se sont créées sur un marché nouveau, celui de l'accès à l'Internet. Elles sont aujourd'hui toutes installées dans les centres villes historiques, et fort peu dans les quartiers populaires. Les mesures arrêtées tout récemment par le Gouvernement, et notamment le Fonds de Revitalisation économique, leur sont toutes destinées. J'espère que l'appel d'air que constitue l'offre publique d'accès, génèrera - comme nous le constatons dans les centres villes - un nouveau marché. Je souhaite, et ce serait la preuve d'un vrai retour à la normalité, que ce marché puisse profiter à tous les habitants, même ceux qui vivent dans les quartiers les plus excentrés de nos villes.
J'ai eu l'occasion, au cours du comité interministériel des villes qui s'est tenu la semaine dernière sous la présidence du Premier ministre, de proposer une mesure expérimentale simple et évidente : ouvrir des lieux de nuit dans les quartiers populaires. En proposant cette idée, j'ai toujours pensé que cette mesure pouvait évidemment intégrer l'accès à l'internet la nuit. Dans le cadre de l'appel à projets qui sera très prochainement lancé, je souhaite que des "espaces publics numériques" existants ou en projet, soient candidat à cette animation nouvelle de la vie de nos quartiers.
Cette manifestation de "Villes Internet", à laquelle je participe pour la troisième année, symbolise cette volonté d'une action partenariale en faveur d'un internet au service des citoyens. Les villes que nous récompenserons dans un instant, ont inscrit leurs projets en faisant des nouvelles technologies, un vecteur de plus, une chance supplémentaire, au service de leurs administrés. J'ai été frappé cette année encore par la mobilisation accrue des villes à participer à cette "compétition amicale". Elle prouve que les acteurs qui innovent, qui inventent, ont besoin d'être valorisés, non pas vraiment pour eux-mêmes, mais pour les autres. L'échange d'expériences est à l'origine du guide des espaces publics numériques. En définitive, cette rencontre n'a que pour objectif de constituer un temps de mobilisation en faveur de Villes Internet et Citoyennes. J'insiste, en qualité de Ministre de la ville, pour que celles des communes les plus en difficulté, s'engagent dans ce type d'action.
Le ministère de la ville soutient celles et ceux qui agissent en ce domaine. Une circulaire du Premier ministre, datant du 23 août dernier, a été adressée en ce sens aux Préfets. L'ensemble des sous-préfets chargés de mission pour la politique de la ville, ont été sensibilisés tout récemment à l'importance que j'accorde à cette question et aux moyens nouveaux que j'ai dégagés pour y répondre. Cette mobilisation de terrain est d'abord la vôtre. J'ai simplement souhaité y répondre.
(source http://www.ville.gouv.fr, le 12 octobre 2001)