Déclaration de Mme Estelle Grellier, secrétaire d'Etat aux collectivités locales, sur le modèle français du service public dans le contexte de la réforme territoriale, à Paris le 15 mars 2017.

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Circonstance : Colloque organisé par la Mutuelle nationale territoriale (MNT), SMACL Assurance et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) sur le thème du service public de proximité, "Utile aujourd'hui, utile demain", à Paris le 15 mars 2017

Texte intégral

« Je tiens à vous remercier pour cette matinée animée de débats essentiels. Je regrette, avec vous, qu'ils ne franchissent que trop rarement le filtre médiatique et ne se soient pas encore imposés dans la campagne électorale.
Je retire du sondage que vous avez présenté, et qui concorde avec un récent sondage commandé par l'association des administrateurs territoriaux de France, que le modèle français du service public est plébiscité. Et ce malgré le fonctionnaire-bashing auquel se livrent certains commentateurs et personnalités politiques.
Ce que je retiens de vos témoignages, de votre action, c'est que vous, élus, permettez de mettre en œuvre des solutions adaptées en fonction des territoires et de leurs réalités locales qui sont, par nature, différenciées. Et c'est bien cela la décentralisation.
Permettez-moi de revenir en quelques mots sur la réforme territoriale. Les régions sont désormais et pour la plupart plus grandes, aux compétences renforcées, pilotes sur l'aménagement du territoire et le développement économique. L'élaboration de deux schémas intégrateurs et prescriptifs -le SRDEEI et le SRADDET- leur a été confiée.
C'est une petite révolution, certes silencieuse mais importante, dans le mouvement de décentralisation français, puisque, ainsi que vous le savez, la non-tutelle d'une collectivité sur une autre est un principe constitutionnel. Il convient que ces documents d'orientation et de planification se fondent sur la concertation la plus large possible.
A la faveur d'un large débat parlementaire, les départements ont été confortés dans leurs missions de solidarité. En faisant le choix de grandes régions, cet échelon intermédiaire a dû être maintenu mais recentré sur le coeur de ses compétences.
Enfin, la carte intercommunale a été profondément remodelée : en réduisant le nombre d'EPCI à fiscalité propre de près de 40 % (de 2062 à 1266), le périmètre des intercommunalités a été porté à l'échelle des bassins de vie, ce qui était l'objectif du législateur.
Je souhaiterais insister sur quelques points qui me semblent essentiels.
En premier lieu, avec cette réforme, les services publics sont assis sur le bon espace, celui du territoire vécu par les habitants. En effet, pour favoriser l'expression pleine et entière des services publics, il faut pouvoir les déployer à cette échelle qui, bien que plus large, les rapproche des habitants. Les situations, et nous en avons tous en tête, où des habitants voyaient les bus passer devant leurs maisons sans jamais s'y arrêter, simplement parce qu'ils vivaient du mauvais côté des limites intercommunales, sont incompréhensibles et contribuent à les mettre à distance des actions des EPCI. La réforme territoriale vise à un accès plus égal des habitants aux services publics.
Ensuite, avec cette réforme, nous avons souhaité initier une nouvelle alliance des territoires. Nous avons voulu qu'ils puissent se parler entre eux, entre territoires aux profils différents, entre métropoles et territoires ruraux. Cette alliance doit leur permettre d'agir de concert, sur un périmètre élargi, en recherchant les synergies et les complémentarités.
C'est notamment pourquoi j'estime que l'opposition entre le rural et l'urbain est dépassée, alors que certains persistent à dire que l'un serait sacrifié au profit de l'autre. C'est d'autant moins vrai que nous n'avons jamais mis autant de fonds publics sur la ruralité que durant ce quinquennat.
Reste le sujet des villes moyennes auquel je suis très attachée, étant moi-même élue d'une de ces villes. Je les trouve trop souvent absentes de nos discussions alors qu'elles connaissent des difficultés spécifiques.
Enfin, j'en viens au sujet de l'innovation territoriale. Vous rappeliez l'initiative du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert et je vous en remercie. J'ai attaché beaucoup d'importance à ce que les collectivités locales puissent s'y exprimer.
Ce que nous constatons, c'est que chacun, dans son territoire, innove. Parce qu'adapter un service public au plus près du citoyen, c'est déjà innover. On s'aperçoit que les collectivités innovent le plus souvent sans le savoir, ou sans le faire savoir. C'est tout l'intérêt de la Semaine de l'innovation publique qui, chaque année, permet de donner plus de visibilité à ces innovations et de les partager.
Sous ce quinquennat, nous avons beaucoup fait pour l'innovation dans les territoires. Avec la loi pour une République numérique, nous avons porté l'ouverture des données publiques pour toutes les collectivités de plus de 3 500 habitants.
Innover, c'est aussi desserrer la contrainte normative. Je tiens à remercier l'association des maires de France et le conseil national pour l'évaluation des normes pour leurs contributions essentielles à la politique de simplification.
Et sur le numérique, l'État a beaucoup investi pour financer le déploiement des infrastructures, sans lesquelles nos territoires seraient tenus à l'écart de toutes ces innovations démocratiques.
Enfin, j'aimerais terminer par un point qui, vous le savez, me tient à cœur, même si je sais qu'il ne fait pas l'unanimité. On ne peut pas parler de proximité dans nos collectivités locales sans s'interroger sur le suffrage universel direct, sans fléchage, dans les intercommunalités. Car la proximité ne se résume pas à rapprocher les services publics des habitants, c'est aussi renforcer la légitimité de ceux qui en ont la responsabilité. »
source http://www.estellegrelier.eu, le 21 mars 2017