Texte intégral
Je vais commencer par quelques mots. Je fais mon retour ici au Parlement européen où j'ai siégé pendant trois ans, mais cette fois-ci comme ministre des Affaires européennes. J'ai rencontré cet après-midi Pauline Green, présidente du Groupe PSE, le président Gil-Robles Gil-Delgado, j'ai aussi rencontré Mme Fontaine et M. Cot.
Je vais me livrer à vos questions. Peut-être simplement, puis-je dire un mot de ce qui peut agiter aujourd'hui le Parlement européen : la décision du Parlement sur les sessions à Strasbourg. Il s'agit d'un sujet sur lequel la France est évidemment sensible et insistante, nous souhaitons que le siège du Parlement soit effectivement fixé à Strasbourg. D'après nous, c'est l'esprit et la lettre, à la fois des décisions qui ont été prises à Edimbourg, et de celles qui ont été confirmées à Amsterdam, qui figurent dans le projet de traité. Nous savons que la Cour de Justice ne s'est pas encore prononcée, mais il parait clair en toute hypothèse que l'essentiel est la reconnaissance de Strasbourg comme siège du Parlement. Nous avions fait nos meilleurs efforts pour que ceux-ci soient consacrés lors de cette session - je remercie d'ailleurs le président du Parlement des positions qu'il a pu prendre - mais j'ai constaté avec regret que le vote du Parlement avait réduit le nombre des sessions dévolues à Strasbourg.
C'est bien sûr quelque chose que je déplore encore une fois parce que c'est contraire à la décision du Conseil d'Edimbourg et au projet de Traité d'Amsterdam. Je le déplore parce que c'est la répétition éternelle d'une sorte de guerre entre les parlementaires et Strasbourg. Le gouvernement est saisi de la question. Vous savez qu'il a déjà saisi la Cour de Justice des Communautés européennes dans des cas similaires. Nous envisageons de nouvelles actions pour cette année. Mais en toute hypothèse, il faudra qu'un cadre stable soit trouvé avant les temps qui viennent. En tous cas aujourd'hui, je marque mon regret qu'il en ait été ainsi.
Pour le reste, les entretiens que j'ai eus aujourd'hui ont porté sur les principaux sujets qui sont à l'Agenda européen. Le premier de ces sujets, c'est bien sûr tout ce qui concerne l'euro. J'ai eu l'occasion d'affirmer à tous mes interlocuteurs que la position du gouvernement français était claire : c'était de faire l'euro, de faire l'euro à temps, de faire l'euro dans les conditions prévues par le Traité. J'ai la conviction maintenant que c'est une entreprise qui est en marche, qui a fait de considérables progrès : par exemple, ce week-end à Mondorf avec ce Conseil Ecofin informel qui a permis de décider la fixation irrévocable des parités dès mai 1998, supprimant la période mai 98 - janvier 99 qui, autrement, eut été fort spéculative.
Je crois aussi que l'évolution générale de la situation économique et monétaire en Europe est telle que l'on peut envisager un euro qui se fasse sur une base large. J'ai par exemple noté avec beaucoup d'intérêt que le rapport de MM. Schäuble et Lamers mentionnait pour la première fois les efforts faits par l'Italie, rejoignant ainsi certaines des préoccupations qui sont celles du gouvernement français.
Un autre sujet, très fondamental à nos yeux, concerne le Traité d'Amsterdam lui-même sur lequel le Parlement va avoir à discuter, à rendre un avis. C'est un traité qui contient des éléments positifs s'agissant de l'égalité hommes/femmes ou s'agissant des reconnaissances des services publics, s'agissant de Strasbourg, j'en ai déjà parlé, et s'agissant aussi du chapitre social, du chapitre emploi, mais ces éléments sont clairement insuffisants. Néanmoins, le gouvernement français est favorable à la ratification du Traité, qui sera signé à Amsterdam à nouveau le 2 octobre par le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, pour le compte de la France. Le gouvernement souhaite en même temps que la discussion dans les parlements, aussi bien au Parlement européen que dans les parlements nationaux, serve à marquer la préoccupation institutionnelle qui demeure. En effet, et c'est le sens de la déclaration franco-italo-belge qui a été déposée hier et qui sera annexée au Traité d'Amsterdam, nous considérons qu'il n'est pas envisageable qu'il y ait une conclusion, et je parle d'une conclusion des négociations d'élargissement sans réforme institutionnelle substantielle. Nous sommes favorables à l'élargissement, nous voulons l'ouverture des négociations d'élargissement mais nous souhaitons aussi dans l'intérêt-même des pays qui sont candidats qu'ils puissent adhérer à une Union qui fonctionne, qui ne soit pas paralysée dans ses politiques et dans ses mécanismes de décision.
Sur le sujet de l'élargissement, j'ai aussi pu rappeler à mes interlocuteurs le souci de la France de voir une conférence européenne être à même d'accueillir l'ensemble des pays actuellement membres de l'Union et les pays candidats, je dis bien tous les pays candidats de l'Union, dans notre esprit cela veut dire 15 plus 11 candidats, plus la Turquie, dont nous considérons que la vocation européenne doit être réaffirmée même si nous sommes très conscients des spécificités de la situation de ce pays, qui a des liens forts, d'ores et déjà avec l'Europe. Et nous aimerions que le Parlement européen puisse prendre en compte cette perspective d'une conférence européenne, qui m'a semblé recueillir un assentiment assez large lors du Conseil Affaires générales de Bruxelles, même s'il y a des différences de conception.
Dernier point sur lequel je me suis entretenu avec la plupart de mes interlocuteurs : c'est ce qui concerne le cadre financier de l'Union posé dans l'Agenda 2000. Sur ces perspectives-là, la France souhaite qu'il y ait une maîtrise du budget communautaire dans les années qui viennent et qu'il y ait une réforme des politiques structurelles : il ne s'agit pas d'élargir encore une fois en diluant l'Europe, en affaiblissant les politiques communes. L'Europe élargie de demain ne doit pas être une simple zone de libre-échange sans institutions, elle doit rester un espace politique avec des institutions
vivantes et avec des politiques tout à fait structurées. Dans ce contexte-là, la France aura à coeur, certes, de participer à l'effort global, mais pas d'en être le contributeur unique comme certaines positions pourraient risquer de l'entraîner.
Voilà quelques mots que je pouvais dire au départ et je suis, bien sûr, disponible pour toutes vos questions quelles qu'elles soient.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce qu'une date est retenue concernant cette conférence européenne, les pays adhérents plus les pays candidats plus la Turquie, ou est-ce que ce n'est pour l'instant qu'un vague projet ?
R - Ce n'est ni l'un ni l'autre. Ce n'est pas un vague projet parce que la France a déjà eu l'occasion de faire connaître sa position, mais la décision de tenir ou pas une telle conférence sera prise au Conseil européen de Luxembourg en décembre et donc nous avons encore devant nous plusieurs mois pour peaufine ce sujet. Là-dessus, je veux dire trois choses :
- la conférence est pour nous un format, je l'ai évoqué : c'est 15 + 11 + 1. Mais nous savons que ce n'est pas l'opinion de tous. Le cas turc par exemple, est controversé ;
- c'est pour nous un contenu, nous souhaitons qu'on y parle de tout, c'est-à-dire du deuxième et troisième pilier mais aussi du premier, donc les questions économiques ne doivent pas être ignorées dans ce contexte ;
- c'est troisièmement une date. Nous souhaitons que la conférence réunisse tous les candidats potentiels à l'adhésion avant l'ouverture des négociations d'adhésion avec certains. Donc, en clair, elle devrait, pour nous, se tenir au début de l'année 1998. Il faut bien comprendre quel est l'esprit de cette conférence : c'est d'éviter que des pays candidats puissent se sentir à l'écart, qu'il y ait une nouvelle fracture en Europe. Nous souhaitons que tous les pays soient sur la même ligne de départ même si nous sommes très conscients, compte tenu des différences d'avancement de leur économie, de leur société, que des négociations plus concrètes peuvent s'ouvrir plus vite avec certains d'entre eux, comme d'ailleurs l'a proposé la Commission dans son
document "l'Agenda 2000" .
Cette proposition française mais que la Commission a reprise pour partie dans l'Agenda 2000, reste à préciser : les contours, le contenu, la date. On sait qu'il y a débat, mais encore une fois le tour de table qui a été fait lundi au CAG prouvait que chacun s'inscrivait dans cette perspective mais avec des difficultés de définition qui feront l'objet des négociations délicates dans lesquelles nous sommes engagés maintenant.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais savoir si la France était favorable à la suppression du fonds de cohésion pour les pays qui font partie de l'euro ?
R - Vous faites allusion aux négociations sur le cadre financier. Elles commencent, elles commencent seulement. Je crois qu'il n'est pas utile aujourd'hui de donner des positions qui sembleraient des positions figées et définitives d'autant que les nôtres ne le sont pas.
Sur ces fonds de cohésion on peut faire deux types de remarques. D'abord, on pourrait faire une première remarque, apparemment de bon sens, qui serait de se demander si des pays qui adhèrent à la monnaie unique, qui donc vont réaliser la convergence, ont encore besoin de fonds de cohésion. A l'évidence, je ne veux pas me contenter de cela. Ainsi, dans la communication que nous avons faite au CAG, avec Hubert Védrine, nous n'avons pas demandé la suppression des fonds de cohésion. Mais d'autres types de solution financière, dans le cadre de l'exercice qui nous attend, devront être trouvés.
On voit bien que chacun est appelé à contribuer. A mon avis, on ne peut raisonner sur ces questions ni en terme de "juste retour", car c'est une notion étrangère à la dynamique européenne, ni, non plus, en terme de droits acquis. Il va falloir que chacun bouge un peu, mais cela ne passe pas forcément par la suppression de tels fonds qui ont leur utilité.
Q - Monsieur le Ministre, vous l'avez dit en préambule, est-ce que vous pouvez repréciser clairement la position de la France quant au vote aujourd'hui du calendrier pour 1998 ?
Ma deuxième question concerne les relations franco-allemandes qui avaient un petit peu de "plomb dans l'aile" depuis Amsterdam. Ce matin, Klaus Kinkel a précisé que l'Europe devait se faire, même si les déficits atteignaient 3, 3.1, 3.2, donc l'Allemagne rejoint un petit peu la position de la France à la veille du sommet franco-allemand de demain. Qu'en est-il des relations franco-allemandes ?
R - La position sur le Parlement, je viens de la donner. J'ai dit tout à l'heure que nous la regrettons. Cette décision ne nous paraît pas conforme, encore une fois, aux règles prévues par le Conseil d'Edimbourg comme par le projet du Traité d'Amsterdam. Strasbourg est le siège du Parlement européen. C'est désormais reconnu clairement par un projet de traité dont on voit qu'il va être appliqué. Cela a aussi été reconnu par des décisions précédentes et donc il nous aurait paru fort logique - j'avais écrit dans ce sens notamment aux parlementaires européens français et au président du Parlement - que l'on retienne douze sessions. Donc je regrette. Et nous sommes en train d'étudier les modalités de notre réaction. Voilà pour le Parlement européen à Strasbourg
En ce qui concerne les relations franco-allemandes, je pense qu'on les juge avec un certain a priori, qui n'est pas forcement positif, quand on évoque tel ou tel problème. Il y a eu un nouveau gouvernement qui est arrivé en juin 1997 de façon surprenante, tout simplement parce que la dissolution n'était pas vraiment prévue par avance. Il a fallu se connaître, il a fallu se rencontrer, travailler ensemble, cela a été fait dans un très bon climat, chacun à son niveau. Notamment, je crois pouvoir dire que la rencontre entre le chancelier Kohl et Lionel Jospin a été d'une très grande qualité et a fait largement avancer la coopération. Nous avons un Sommet franco-allemand à Weimar à la fin de la semaine. On pourra juger à ce moment-là de la qualité de ces relations, mais je vous dis qu'elle est bonne. Elle est bonne parce que chacun a appris à connaître l'autre et nous, notamment, nous avons compris les exigences de stabilité auxquelles les Allemands sont très attachés.
Pour le reste, je ne commenterai pas les déclarations de M. Kinkel, parce que je trouve qu'on commente trop les déclarations sur les chiffres après la virgule.
Q - Monsieur le Ministre, le parti dont vous êtes issu vient de lancer une campagne au niveau européen pour sensibiliser tous les Européens sur l'avancée de l'Europe. Et dans un document qui a été publié, on lit notamment que vous êtes favorables à un gouvernement européen. J'aimerais savoir ce que vous entendez par gouvernement européen, d'une part, et d'autre part, je vois également qu'en ce qui concerne le chômage, on dit maintenant que les socialistes français seraient favorables à des politiques spécifiques de lutte contre le chômage, qui resteront pour l'essentiel au niveau national. N'est-ce pas en contradiction avec le discours de Lionel Jospin durant sa campagne ?
R - Je ne suis pas là en tant que porte-parole du Parti socialiste européen. Je suis ministre chargé des Affaires européennes d'un gouvernement qui est celui de la France. Je pourrais d'ailleurs m'arrêter là dans ma réponse, mais je vais aller un tout petit peu plus loin.
Nous proposons qu'il y ait un pôle de coordination des politiques économiques en Europe. Cela a été proposé à Mondorf au Conseil Ecofin ce week-end et je crois que l'idée a progressé. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une banque centrale indépendante. Mais nulle banque centrale n'est en apesanteur, elle a besoin d'interlocuteurs pour dialoguer et donc elle doit pouvoir échanger des informations, des grandes orientations avec une instance politique. Je crois que chacun a pu voir que cette idée cheminait. Ce n'est pas encore une décision puisque c'est un Conseil informel. Mais nous espérons bien qu'à Luxembourg, je parle du Conseil européen ordinaire de décembre, nous pourrons avancer dans ce sens-là. L'expression "gouvernement" choque, ne l'utilisons pas. La conception d'un gouvernement peut donner une impression qu'on veut remettre en cause l'indépendance de la Banque centrale. Ce n'est pas du tout notre point de vue. Donc cherchons des modalités pour qu'il y ait dialogue et équilibre.
Pour ce qui concerne les politiques pour l'emploi, nous attendons beaucoup du Sommet sur l'emploi qui est prévu le 21 novembre à Luxembourg. Nous faisons confiance à la présidence luxembourgeoise pour faire avancer la coordination des politiques de l'emploi et aussi, ce serait très utile pour permettre de dégager des fonds européens pour l'emploi, notamment à travers la Banque européenne d'investissement.
Donc, pour l'instant, sur la thématique du reniement en matière européenne, je me sens assez à l'aise. Je crois que nous sommes en train de respecter ce qui a été dit pendant la campagne.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous pensez que la perspective de l'adhésion de Chypre à l'Union européenne pourrait faciliter le déblocage de quelques dossiers ?
R - J'ai lu beaucoup de choses sur ce qui se serait produit au Conseil Affaires générales dans la discussion sur Chypre. Il y a déjà eu des engagements qui ont été pris pour ouvrir des négociations avec Chypre. La France a tenu à rappeler simplement que l'avis de la Commission était un avis et que ce serait au Conseil de prendre des décisions. Mais pour le reste, les positions de la France en la matière sont inchangées. Nous avons approuvé la déclaration qui a été prise par l'Union européenne lundi. Et cette décision, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, ou entendre, par exemple chez des hommes politiques grecs, ne signifie nullement un lien entre les questions chypriotes et les questions turques, même si nous espérons, encore une fois, que chacun contribue au règlement de la question chypriote. L'adhésion de Chypre, chacun le comprend, sera plus aisée s'il y a des négociations intercommunautaires et si les pourparlers, qui ont été ouverts, réussissent.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2001)
Je vais me livrer à vos questions. Peut-être simplement, puis-je dire un mot de ce qui peut agiter aujourd'hui le Parlement européen : la décision du Parlement sur les sessions à Strasbourg. Il s'agit d'un sujet sur lequel la France est évidemment sensible et insistante, nous souhaitons que le siège du Parlement soit effectivement fixé à Strasbourg. D'après nous, c'est l'esprit et la lettre, à la fois des décisions qui ont été prises à Edimbourg, et de celles qui ont été confirmées à Amsterdam, qui figurent dans le projet de traité. Nous savons que la Cour de Justice ne s'est pas encore prononcée, mais il parait clair en toute hypothèse que l'essentiel est la reconnaissance de Strasbourg comme siège du Parlement. Nous avions fait nos meilleurs efforts pour que ceux-ci soient consacrés lors de cette session - je remercie d'ailleurs le président du Parlement des positions qu'il a pu prendre - mais j'ai constaté avec regret que le vote du Parlement avait réduit le nombre des sessions dévolues à Strasbourg.
C'est bien sûr quelque chose que je déplore encore une fois parce que c'est contraire à la décision du Conseil d'Edimbourg et au projet de Traité d'Amsterdam. Je le déplore parce que c'est la répétition éternelle d'une sorte de guerre entre les parlementaires et Strasbourg. Le gouvernement est saisi de la question. Vous savez qu'il a déjà saisi la Cour de Justice des Communautés européennes dans des cas similaires. Nous envisageons de nouvelles actions pour cette année. Mais en toute hypothèse, il faudra qu'un cadre stable soit trouvé avant les temps qui viennent. En tous cas aujourd'hui, je marque mon regret qu'il en ait été ainsi.
Pour le reste, les entretiens que j'ai eus aujourd'hui ont porté sur les principaux sujets qui sont à l'Agenda européen. Le premier de ces sujets, c'est bien sûr tout ce qui concerne l'euro. J'ai eu l'occasion d'affirmer à tous mes interlocuteurs que la position du gouvernement français était claire : c'était de faire l'euro, de faire l'euro à temps, de faire l'euro dans les conditions prévues par le Traité. J'ai la conviction maintenant que c'est une entreprise qui est en marche, qui a fait de considérables progrès : par exemple, ce week-end à Mondorf avec ce Conseil Ecofin informel qui a permis de décider la fixation irrévocable des parités dès mai 1998, supprimant la période mai 98 - janvier 99 qui, autrement, eut été fort spéculative.
Je crois aussi que l'évolution générale de la situation économique et monétaire en Europe est telle que l'on peut envisager un euro qui se fasse sur une base large. J'ai par exemple noté avec beaucoup d'intérêt que le rapport de MM. Schäuble et Lamers mentionnait pour la première fois les efforts faits par l'Italie, rejoignant ainsi certaines des préoccupations qui sont celles du gouvernement français.
Un autre sujet, très fondamental à nos yeux, concerne le Traité d'Amsterdam lui-même sur lequel le Parlement va avoir à discuter, à rendre un avis. C'est un traité qui contient des éléments positifs s'agissant de l'égalité hommes/femmes ou s'agissant des reconnaissances des services publics, s'agissant de Strasbourg, j'en ai déjà parlé, et s'agissant aussi du chapitre social, du chapitre emploi, mais ces éléments sont clairement insuffisants. Néanmoins, le gouvernement français est favorable à la ratification du Traité, qui sera signé à Amsterdam à nouveau le 2 octobre par le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, pour le compte de la France. Le gouvernement souhaite en même temps que la discussion dans les parlements, aussi bien au Parlement européen que dans les parlements nationaux, serve à marquer la préoccupation institutionnelle qui demeure. En effet, et c'est le sens de la déclaration franco-italo-belge qui a été déposée hier et qui sera annexée au Traité d'Amsterdam, nous considérons qu'il n'est pas envisageable qu'il y ait une conclusion, et je parle d'une conclusion des négociations d'élargissement sans réforme institutionnelle substantielle. Nous sommes favorables à l'élargissement, nous voulons l'ouverture des négociations d'élargissement mais nous souhaitons aussi dans l'intérêt-même des pays qui sont candidats qu'ils puissent adhérer à une Union qui fonctionne, qui ne soit pas paralysée dans ses politiques et dans ses mécanismes de décision.
Sur le sujet de l'élargissement, j'ai aussi pu rappeler à mes interlocuteurs le souci de la France de voir une conférence européenne être à même d'accueillir l'ensemble des pays actuellement membres de l'Union et les pays candidats, je dis bien tous les pays candidats de l'Union, dans notre esprit cela veut dire 15 plus 11 candidats, plus la Turquie, dont nous considérons que la vocation européenne doit être réaffirmée même si nous sommes très conscients des spécificités de la situation de ce pays, qui a des liens forts, d'ores et déjà avec l'Europe. Et nous aimerions que le Parlement européen puisse prendre en compte cette perspective d'une conférence européenne, qui m'a semblé recueillir un assentiment assez large lors du Conseil Affaires générales de Bruxelles, même s'il y a des différences de conception.
Dernier point sur lequel je me suis entretenu avec la plupart de mes interlocuteurs : c'est ce qui concerne le cadre financier de l'Union posé dans l'Agenda 2000. Sur ces perspectives-là, la France souhaite qu'il y ait une maîtrise du budget communautaire dans les années qui viennent et qu'il y ait une réforme des politiques structurelles : il ne s'agit pas d'élargir encore une fois en diluant l'Europe, en affaiblissant les politiques communes. L'Europe élargie de demain ne doit pas être une simple zone de libre-échange sans institutions, elle doit rester un espace politique avec des institutions
vivantes et avec des politiques tout à fait structurées. Dans ce contexte-là, la France aura à coeur, certes, de participer à l'effort global, mais pas d'en être le contributeur unique comme certaines positions pourraient risquer de l'entraîner.
Voilà quelques mots que je pouvais dire au départ et je suis, bien sûr, disponible pour toutes vos questions quelles qu'elles soient.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce qu'une date est retenue concernant cette conférence européenne, les pays adhérents plus les pays candidats plus la Turquie, ou est-ce que ce n'est pour l'instant qu'un vague projet ?
R - Ce n'est ni l'un ni l'autre. Ce n'est pas un vague projet parce que la France a déjà eu l'occasion de faire connaître sa position, mais la décision de tenir ou pas une telle conférence sera prise au Conseil européen de Luxembourg en décembre et donc nous avons encore devant nous plusieurs mois pour peaufine ce sujet. Là-dessus, je veux dire trois choses :
- la conférence est pour nous un format, je l'ai évoqué : c'est 15 + 11 + 1. Mais nous savons que ce n'est pas l'opinion de tous. Le cas turc par exemple, est controversé ;
- c'est pour nous un contenu, nous souhaitons qu'on y parle de tout, c'est-à-dire du deuxième et troisième pilier mais aussi du premier, donc les questions économiques ne doivent pas être ignorées dans ce contexte ;
- c'est troisièmement une date. Nous souhaitons que la conférence réunisse tous les candidats potentiels à l'adhésion avant l'ouverture des négociations d'adhésion avec certains. Donc, en clair, elle devrait, pour nous, se tenir au début de l'année 1998. Il faut bien comprendre quel est l'esprit de cette conférence : c'est d'éviter que des pays candidats puissent se sentir à l'écart, qu'il y ait une nouvelle fracture en Europe. Nous souhaitons que tous les pays soient sur la même ligne de départ même si nous sommes très conscients, compte tenu des différences d'avancement de leur économie, de leur société, que des négociations plus concrètes peuvent s'ouvrir plus vite avec certains d'entre eux, comme d'ailleurs l'a proposé la Commission dans son
document "l'Agenda 2000" .
Cette proposition française mais que la Commission a reprise pour partie dans l'Agenda 2000, reste à préciser : les contours, le contenu, la date. On sait qu'il y a débat, mais encore une fois le tour de table qui a été fait lundi au CAG prouvait que chacun s'inscrivait dans cette perspective mais avec des difficultés de définition qui feront l'objet des négociations délicates dans lesquelles nous sommes engagés maintenant.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais savoir si la France était favorable à la suppression du fonds de cohésion pour les pays qui font partie de l'euro ?
R - Vous faites allusion aux négociations sur le cadre financier. Elles commencent, elles commencent seulement. Je crois qu'il n'est pas utile aujourd'hui de donner des positions qui sembleraient des positions figées et définitives d'autant que les nôtres ne le sont pas.
Sur ces fonds de cohésion on peut faire deux types de remarques. D'abord, on pourrait faire une première remarque, apparemment de bon sens, qui serait de se demander si des pays qui adhèrent à la monnaie unique, qui donc vont réaliser la convergence, ont encore besoin de fonds de cohésion. A l'évidence, je ne veux pas me contenter de cela. Ainsi, dans la communication que nous avons faite au CAG, avec Hubert Védrine, nous n'avons pas demandé la suppression des fonds de cohésion. Mais d'autres types de solution financière, dans le cadre de l'exercice qui nous attend, devront être trouvés.
On voit bien que chacun est appelé à contribuer. A mon avis, on ne peut raisonner sur ces questions ni en terme de "juste retour", car c'est une notion étrangère à la dynamique européenne, ni, non plus, en terme de droits acquis. Il va falloir que chacun bouge un peu, mais cela ne passe pas forcément par la suppression de tels fonds qui ont leur utilité.
Q - Monsieur le Ministre, vous l'avez dit en préambule, est-ce que vous pouvez repréciser clairement la position de la France quant au vote aujourd'hui du calendrier pour 1998 ?
Ma deuxième question concerne les relations franco-allemandes qui avaient un petit peu de "plomb dans l'aile" depuis Amsterdam. Ce matin, Klaus Kinkel a précisé que l'Europe devait se faire, même si les déficits atteignaient 3, 3.1, 3.2, donc l'Allemagne rejoint un petit peu la position de la France à la veille du sommet franco-allemand de demain. Qu'en est-il des relations franco-allemandes ?
R - La position sur le Parlement, je viens de la donner. J'ai dit tout à l'heure que nous la regrettons. Cette décision ne nous paraît pas conforme, encore une fois, aux règles prévues par le Conseil d'Edimbourg comme par le projet du Traité d'Amsterdam. Strasbourg est le siège du Parlement européen. C'est désormais reconnu clairement par un projet de traité dont on voit qu'il va être appliqué. Cela a aussi été reconnu par des décisions précédentes et donc il nous aurait paru fort logique - j'avais écrit dans ce sens notamment aux parlementaires européens français et au président du Parlement - que l'on retienne douze sessions. Donc je regrette. Et nous sommes en train d'étudier les modalités de notre réaction. Voilà pour le Parlement européen à Strasbourg
En ce qui concerne les relations franco-allemandes, je pense qu'on les juge avec un certain a priori, qui n'est pas forcement positif, quand on évoque tel ou tel problème. Il y a eu un nouveau gouvernement qui est arrivé en juin 1997 de façon surprenante, tout simplement parce que la dissolution n'était pas vraiment prévue par avance. Il a fallu se connaître, il a fallu se rencontrer, travailler ensemble, cela a été fait dans un très bon climat, chacun à son niveau. Notamment, je crois pouvoir dire que la rencontre entre le chancelier Kohl et Lionel Jospin a été d'une très grande qualité et a fait largement avancer la coopération. Nous avons un Sommet franco-allemand à Weimar à la fin de la semaine. On pourra juger à ce moment-là de la qualité de ces relations, mais je vous dis qu'elle est bonne. Elle est bonne parce que chacun a appris à connaître l'autre et nous, notamment, nous avons compris les exigences de stabilité auxquelles les Allemands sont très attachés.
Pour le reste, je ne commenterai pas les déclarations de M. Kinkel, parce que je trouve qu'on commente trop les déclarations sur les chiffres après la virgule.
Q - Monsieur le Ministre, le parti dont vous êtes issu vient de lancer une campagne au niveau européen pour sensibiliser tous les Européens sur l'avancée de l'Europe. Et dans un document qui a été publié, on lit notamment que vous êtes favorables à un gouvernement européen. J'aimerais savoir ce que vous entendez par gouvernement européen, d'une part, et d'autre part, je vois également qu'en ce qui concerne le chômage, on dit maintenant que les socialistes français seraient favorables à des politiques spécifiques de lutte contre le chômage, qui resteront pour l'essentiel au niveau national. N'est-ce pas en contradiction avec le discours de Lionel Jospin durant sa campagne ?
R - Je ne suis pas là en tant que porte-parole du Parti socialiste européen. Je suis ministre chargé des Affaires européennes d'un gouvernement qui est celui de la France. Je pourrais d'ailleurs m'arrêter là dans ma réponse, mais je vais aller un tout petit peu plus loin.
Nous proposons qu'il y ait un pôle de coordination des politiques économiques en Europe. Cela a été proposé à Mondorf au Conseil Ecofin ce week-end et je crois que l'idée a progressé. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une banque centrale indépendante. Mais nulle banque centrale n'est en apesanteur, elle a besoin d'interlocuteurs pour dialoguer et donc elle doit pouvoir échanger des informations, des grandes orientations avec une instance politique. Je crois que chacun a pu voir que cette idée cheminait. Ce n'est pas encore une décision puisque c'est un Conseil informel. Mais nous espérons bien qu'à Luxembourg, je parle du Conseil européen ordinaire de décembre, nous pourrons avancer dans ce sens-là. L'expression "gouvernement" choque, ne l'utilisons pas. La conception d'un gouvernement peut donner une impression qu'on veut remettre en cause l'indépendance de la Banque centrale. Ce n'est pas du tout notre point de vue. Donc cherchons des modalités pour qu'il y ait dialogue et équilibre.
Pour ce qui concerne les politiques pour l'emploi, nous attendons beaucoup du Sommet sur l'emploi qui est prévu le 21 novembre à Luxembourg. Nous faisons confiance à la présidence luxembourgeoise pour faire avancer la coordination des politiques de l'emploi et aussi, ce serait très utile pour permettre de dégager des fonds européens pour l'emploi, notamment à travers la Banque européenne d'investissement.
Donc, pour l'instant, sur la thématique du reniement en matière européenne, je me sens assez à l'aise. Je crois que nous sommes en train de respecter ce qui a été dit pendant la campagne.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous pensez que la perspective de l'adhésion de Chypre à l'Union européenne pourrait faciliter le déblocage de quelques dossiers ?
R - J'ai lu beaucoup de choses sur ce qui se serait produit au Conseil Affaires générales dans la discussion sur Chypre. Il y a déjà eu des engagements qui ont été pris pour ouvrir des négociations avec Chypre. La France a tenu à rappeler simplement que l'avis de la Commission était un avis et que ce serait au Conseil de prendre des décisions. Mais pour le reste, les positions de la France en la matière sont inchangées. Nous avons approuvé la déclaration qui a été prise par l'Union européenne lundi. Et cette décision, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, ou entendre, par exemple chez des hommes politiques grecs, ne signifie nullement un lien entre les questions chypriotes et les questions turques, même si nous espérons, encore une fois, que chacun contribue au règlement de la question chypriote. L'adhésion de Chypre, chacun le comprend, sera plus aisée s'il y a des négociations intercommunautaires et si les pourparlers, qui ont été ouverts, réussissent.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2001)