Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Christophe CASTANER.
CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour.
PATRICK COHEN
32 % des voix qui feraient 75 % des députés, est-ce que ce système est juste et raisonnable ?
CHRISTOPHE CASTANER
C'est le mode de scrutin dans lequel nous sommes depuis de longues années qui donne effectivement une prime majoritaire, c'est aussi la mémoire de la IVème République où il y avait des majorités relatives incertaines déstabilisatrices pour l'action gouvernementale, c'est un système qui permet d'avoir une opposition il y aura une opposition présente à l'Assemblée mais aussi une majorité qui mettra en oeuvre le contrat passé par Emmanuel MACRON avec les Français le 7 mai à 20 h.
PATRICK COHEN
Ce système vous allez le changer, Christophe CASTANER ?
CHRISTOPHE CASTANER
Le président de la République s'était exprimé sur le sujet voulant instiller à la fois une dose de proportionnelle et réduire le nombre de parlementaires, ce sera au calendrier de notre travail dans les mois qui viennent.
PATRICK COHEN
L'abstention qui fait que 1 électeur sur 7 seulement a accordé sa confiance à vos candidates, ce qui fait dire à certains qu'il n'y a pas eu une vague Macron mais une vague blanche compte tenu du niveau d'abstention, que leur dites-vous Christophe CASTANER ?
CHRISTOPHE CASTANER
Vous le savez à chaque élection on va pondérer le résultat de l'élection entre ceux qui n'ont pas voté au premier tour multiplié par ceux qui auraient pu éventuellement venir voter, pour finir par dire que celui qui a gagné n'a pas gagné, ça c'est le discours habituel de ceux qui perdent, qui de toute façon ont perdu. Là je crois que l'abstention par contre est un vrai sujet, voir que 1 Français sur 2 seulement considère que l'élection de son député dans sa circonscription est importante montre une anomalie, montre une perte de confiance dans la politique en général et en quelques semaines du gouvernement d'Edouard PHILIPPE sous l'autorité d'Emmanuel MACRON on n'a pas réglé, ça doit être notre principal chemin de travail pour les semaines qui viennent.
PATRICK COHEN
L'abstention n'enlève pas à la victoire d'En Marche ?
CHRISTOPHE CASTANER
Non, je crois qu'il ne faut pas faire de calcul d'apothicaire. Il y a aujourd'hui...
PATRICK COHEN
Oh ! Ce n'est pas un calcul, c'est un message politique.
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais qu'ont porté tous ceux qui ont perdu et comme à chaque soirée électorale on cherche à pondérer le résultat. Il y a aujourd'hui une volonté nette des Français à la fois de donner une majorité pour La République En Marche et d'autre part de renouveler profondément la classe politique, de changer les visages de ceux qui incarnent depuis trop longtemps le système politique français.
PATRICK COHEN
On va parler de la majorité et du renouvellement. La majorité d'abord, c'est plus qu'une majorité, ça fonctionnerait comment une Assemblée occupée aux ¾ par un groupe majoritaire et homogène, est-ce que ça fonde un pouvoir autonome ou un contrepouvoir, Christophe CASTANER ?
CHRISTOPHE CASTANER
D'abord, il y a deux chambres : le Sénat n'est pas de la même couleur politique que l'Assemblée nationale, c'est déjà une donnée ; et, ensuite, il y aura de grandes voix, je ne veux pas imaginer d'avance le score de certains candidats pour le second tour, mais il y aura de grandes voix à l'Assemblée nationale qui seront des voix d'opposition au gouvernement d'Edouard PHILIPPE et qui pourront se faire entendre ; et puis, enfin, il y aura dans ce groupe majoritaire des femmes et des hommes qui ne viennent pas de la politique, qui viennent de la société civile et qui évidemment ne sont pas dans l'uniformité. Mais je vais vous proposer la suggestion que nous a fait le président de la République lors du premier conseil des ministres s'adressant à ses ministres, il nous a dit : « Je ne veux pas l'uniformité, sinon je ne vous aurais pas choisi vous dans votre diversité de parcours politique ou non politique pour la moitié, venant de la droite ou venant de la gauche, soyez vous-mêmes. Par contre, quand une décision collective est prise et elle le sera au niveau du groupe à l'Assemblée nationale elle doit être la règle pour tous ».
PATRICK COHEN
Vos candidats n'ont pas signé un engagement de rester fidèles au programme d'Emmanuel et d'En Marche ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais ils ont évidemment signé l'engagement de mettre en oeuvre le projet présidentiel...
PATRICK COHEN
Ou pas !
CHRISTOPHE CASTANER
Chacun sait
PATRICK COHEN
Donc, il n'y aura pas de frondeurs ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais notez qu'en2012 ceux qui avaient été élus avec François HOLLANDE ont été élus grâce à François HOLLANDE -et certains l'ont oublié très vite donc je ne peux pas garantir que la totalité des élus de La République En Marche ne néglige pas ça, mais ce sera de notre responsabilité de leur rappeler. Vous savez c'est...
PATRICK COHEN
Il pourrait y avoir des frondeurs donc ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais évidemment que sur 400 vous pouvez avoir 1, 2, 3 personnes, je suis incapable de vous dire devant vous ce matin et je vous mentirai : « il n'y aura pas de frondeur, tout se passera bien, ce sera merveilleux, on est dans le monde des Bisounours ». Mais la réalité c'est que chacun peut noter hier une vraie leçon d'humilité pour les politiques, il y a des femmes et des hommes qui ont été battus hier soir et qui ont fait un travail formidable à lAssemblée et pourtant le mouvement politique leur est défavorable, là je dis aussi aux entrants, c'est le mouvement politique porté par Emmanuel MACRON qui fait qu'ils rentrent à l'Assemblée nationale et, donc, ils lui devront non pas le respect à lui - c'est un minimum mais le respect à ses engagements, ils sont là pour faire en sorte que le projet présidentiel soit mis en oeuvre sous l'autorité d'Edouard PHILIPPE pour le gouvernement.
PATRICK COHEN
En disant cela, des gens qui ont fait un boulot formidable et qui ont été battus, vous reconnaissez qu'il y a une part d'injustice dans les résultats d'hier soir ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui ! Oui, oui, J'ai des amis qui sont dans cette situation-là, avec qui je chemine depuis de longues années - je viens du Parti socialiste et je ne le néglige pas - mais la politique elle est quelquefois injuste, vous savez au soir du premier tour des élections régionales en Provence Alpes Côte d'Azur je m'étais battu pendant 9 mois avec de nombreuses difficultés et j'ai fait un choix, celui de retirer ma liste, je n'ai fait aucun élu, je n'ai pas élu dans l'opposition à la Région tout ça parce que je voulais empêcher que le Front national préside la Région Provence Alpes Côte d'Azur, c'était une part d'injustice, mais c'est le lot de notre engagement politique aussi.
PATRICK COHEN
Ah ! C'est le lot
oui, c'est le dégagisme, vous n'avez pas inventé le terme, sûrement pas le concept, mais c'est aussi votre résultat qui fait l'étiquette La République En Marche a chassé du Parlement des députés et notamment à gauche, vous êtes issu du Parti socialiste vous venez de le rappeler - des candidats de toutes sortes et des gens qui étaient élus depuis longtemps et qui n'avaient pas démérité....
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, c'est le cas évidemment...
PATRICK COHEN
Vous avez des exemples ?
CHRISTOPHE CASTANER
Et je vous ai dit que j'avais des amis qui étaient touchés par cela, mais je ne suis pas objectif de toute façon des amis. Mais ce que je peux vous dire c'est que je suis aussi fier de voir ces nouveaux visages qui rentrent à l'Assemblée, des gens qui n'ont pas le parcours classique du parlementaire, où il faut avoir été attaché parlementaire, maire, conseiller départemental, conseiller régional pour devenir député, ils viennent de la société civile, ils étaient chefs d'entreprise, agriculteurs, syndicalistes, fonctionnaires, au chômage pour certains, ils sont candidats de La République En Marche et, donc, ce renouvellement profond cest La République En Marche qui le porte sans avoir pour autant besoin de mots aussi violents que le mot du dégagisme que certains ont utilisé ou continuent d'utiliser.
PATRICK COHEN
Beaucoup de novices, ils feront de bons parlementaires ?
CHRISTOPHE CASTANER
Vous savez c'est la volonté qui fait de vous un bon parlementaire ou pas, il y a de vieux briscards très performants sur le règlement de l'Assemblée nationale et qui pourtant y siègent assez peu et donc, aujourd'hui, ce qui compte c'est l'énergie de celles et ceux qui vont y rentrer et ensuite, à l'Assemblée, il y a la capacité à devenir un bon parlementaire si on le souhaite.
PATRICK COHEN
Thomas LEGRAND brûle de poser une question.
THOMAS LEGRAND
Non. Mais dans les attributions d'une Assemblée, du pouvoir législatif, il y a le contrôle de l'Exécution et de l'exécution des lois et on se dit avec une telle majorité, une telle masse de députés et vous avez dit qu'ils devaient être respectueux de la volonté du président de la République, c'est-à-dire de l'Exécutif comment est-ce que vous pouvez nous assurer qu'ils vont quand même contrôler l'Exécutif sérieusement et rigoureusement ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais on sait tous que ça n'a jamais été fait ce contrôle-là....
THOMAS LEGRAND
Oui, mais justement, justement.
CHRISTOPHE CASTANER
Et donc la vraie nouveauté c'est que vous aurez des parlementaires à temps plein, des gens qui ne sont pas venus pour passer à l'Assemblée nationale mais pour y travailler et pour faire ce boulot-là ; et être fidèle à la parole du président c'est aussi reprendre ce volet-là, parce que pendant la campagne Emmanuel MACRON a souvent rappelé la nécessité pour les parlementaires de siéger moins et de prendre plus de temps pour contrôler l'activité gouvernementale, ce sera aussi notre responsabilité dans les fonctions que j'ai aujourd'hui de ministre en charge des Relations avec le Parlement, ça fait partie de ma responsabilité - je ne sais pas si demain je serai là ou pas, ça relève du Premier ministre et du président - mais, si je le suis, ce sera aussi dans mes attributions de veiller à cela.
THOMAS LEGRAND
Par exemple le président de la commission des Finances pourra être quelqu'un de l'opposition, comme c'était le cas depuis maintenant 2 législatures ?
PATRICK COHEN
C'est maintenant inscrit dans la Constitution et donc il faudra savoir quel est le groupe principal dans l'opposition...
THOMAS LEGRAND
Oui, mais multipliez ça, parce qu'il n'y aura pas d'opposition cohérente, il y aura 2 oppositions et il n'y aura pas d'alternative cohérente puisqu'elles seront à droite et à gauche, à extrême droite et même à lextrême gauche ?
CHRISTOPHE CASTANER
Oui ! Et on peut même imaginer que la droite ça ne soit pas que de l'opposition aussi, j'ai vu que certains se proposaient d'être dans un contrôle positif...
THOMAS LEGRAND
Tout à fait.
CHRISTOPHE CASTANER
Du travail du gouvernement et pourraient même voter la confiance au Premier ministre. Moi j'attends de voir, je n'ai pas à décider comment s'organiseront les oppositions...
THOMAS LEGRAND
Il faudra une vertu démocratique pour ne pas utiliser cette hégémonie simplement à votre profit ?
CHRISTOPHE CASTANER
Mais vous avez raison, c'est essentiel que nous soyons vigilants sur cela, il y a d'autres formes aussi de vertu démocratique... j'allais le dire, il y a notamment la presse qui a pu faire la démonstration ces derniers temps, quels que soient les gouvernements, de sa vigilance.
PATRICK COHEN
De sa vigilance malgré les actions en justice...
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, ou les coups de fils intempestifs.
PATRICK COHEN
Ou les coups de fil intempestifs et surtout des actions en justice aussi, déposer plainte contre la fuite de Libération c'est vraiment une bonne initiative Christophe CASTANER ?
CHRISTOPHE CASTANER
La plainte elle est contre le fait que vous ayez des agents qui travaillent pour une administration et qui diffusent largement des documents qui sont des documents internes et je pense que ce n'est pas une bonne politique, elle n'est pas contre tel ou tel journal ou tel ou tel journaliste, je crois qu'aujourd'hui au moment où on veut faire confiance dans l'administration le président veut mettre en place un spoil système, c'est à dire diminuer les cabinets, diminuer la place du politique pour redonner confiance dans l'administration - il faut aussi que l'administration assume ses responsabilité.
PATRICK COHEN
En l'occurrence il s'agissait du document signé de la Direction générale du travail paru mercredi dans le journal Libération. Un dernier mot, avec une telle Assemblée et une telle majorité vous avez encore besoin de recourir à des ordonnances pour réformer le droit du travail ?
CHRISTOPHE CASTANER
La question n'est pas celle de la majorité mais celle d'aller vite, on a besoin aujourd'hui d'aller vite, un texte de loi ça prend 2 ans entre le début de la discussion et sa mise en oeuvre, je crois que sur l'enjeu de retrouver... d'aller vers le plein emploi il faut aller vite et les ordonnances il y a 2 temps de discussion parlementaire, ces 2 temps auront lieu et on ne bridera pas le travail de l'Assemblée sur ces sujets-là.
PATRICK COHEN
Merci Christophe CASTANER, porte-parole du gouvernement
CHRISTOPHE CASTANER
Merci à vous.
PATRICK COHEN
D'être venu ce matin au micro de France inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2017