Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics à "RTL" le 23 mai 2017, sur l'attentat de Manchester, sur le rattachement de la fonction publique au ministère du budget, sur les projets de suppression de la taxe d'habitation et d'augmentation de la CSG.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez ce matin Gérald DARMANIN, nouveau ministre de l'Action et des comptes publics.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, Gérald DARMANIN. Evidemment, l'actualité est tragique avec cette explosion à Manchester, et un bilan de dix-neuf morts à ce stade. Le terrorisme reste évidemment une menace permanente, c'est ce qui est rappelé au gouvernement, à tous les gouvernements d'ailleurs, ce matin.
GÉRALD DARMANIN
Bien sûr. D'abord, nous avons des pensées de solidarité et d'émotion avec la Grande-Bretagne, avec nos amis britanniques, qui vivent des moments très difficiles. Et évidemment, aujourd'hui, la France, l'Europe connaît une grande difficulté face au terrorisme, et je suis certain que le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur trouveront les mots, bien sûr, pour rassurer les Français, mais aussi le gouvernement est à pied d'oeuvre pour préparer cette sécurité, et pour confirmer notre lutte incessante face aux terroristes et face à l'islamisme radical.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et face à cette lutte incessante, il y a les projets de création d'une Task Force, directement pilotée par l'Elysée, avait dit Emmanuel MACRON, et également, la promesse d'augmenter les effectifs de police et de gendarmerie de 10.000 fonctionnaires. Lorsque vous avez été nommé, lorsque vous avez vu, je crois, le jour de la passation de pouvoir, Emmanuel MACRON, qui vous a confirmé dans cette nomination à venir, il vous en a parlé ?
GÉRALD DARMANIN
Oui, le ministre du Budget, que je suis, doit accomplir les promesses du président de la République, 2 % du budget de la Défense, afin de supporter nos forces, afin d'aider nos soldats, et aussi, augmentation du nombre de policiers, de gendarmes, prévue dans son projet présidentiel. Le ministre du Budget mettra en place les éléments qui permettront au président de la République de tenir sa promesse et de protéger les Français.
ELIZABETH MARTICHOUX
10.000 en plus sur le quinquennat, dans les trois ans qui viennent. Quel a été le terme précisé par le président ?
GERALD DARMANIN
Il reviendra au ministre de l'Intérieur, j'en suis sûr, de faire ces annonces.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes très attendu par les syndicats de fonctionnaires dès aujourd'hui, Gérald DARMANIN, vous les recevez. Ils sont inquiets, parce qu'ils craignent que les économies prévues dans le quinquennat se fassent sur leur dos. Ils n'ont pas un peu raison ?
GERALD DARMANIN
Je ne le pense pas, en tout cas, je vais essayer de les rassurer le jour même où le président de la République reçoit les partenaires sociaux à l'Elysée, le ministre de la Fonction publique, que je suis, reçoit les représentants des syndicats des fonctionnaires, ils sont l'ossature de la République, et c'est un maire, un président de conseil de surveillance d'hôpital qui connaît le rôle des fonctionnaires, le rôle des agents publics, il y a une modernisation, et vous remarquerez que dans le titre du portefeuille ministériel que le président de la République a bien voulu me confier, il y a bien sûr le budget, c'est peut-être un peu de rigueur, effectivement, c'est nécessaire, il y a la Fonction publique avec le Budget, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas…
ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien, le ministère de la Fonction publique a disparu en tant que tel, il était autrefois ministère à part entière, ça ne l'est plus, ça aussi, ça les inquiète, ça leur fait dire : Fonction publique plus Budget égal rationalisation, et finalement, variable d'ajustement pour les fonctionnaires…
GERALD DARMANIN
Au contraire, je pense que ça veut dire : évitons la guerre entre le Budget et la Fonction publique, quand c'est le même ministre qui s'occupe des deux, et surtout, c'est un troisième sujet qui est dans le portefeuille ministériel, qu'on a bien voulu me confier, qui est la modernisation de l'Etat, les chiffres, c'est une chose, ce qui est intéressant : savoir pourquoi faire, comment moderniser le service public, comment être au rendez-vous de la simplification des nouvelles technologies, je vais prendre un exemple très simple, j'ai été maire de Tourcoing pendant trois ans, pendant trois ans, je n'ai pas eu un jour de grève dans ma mairie, il y avait pourtant eu un certain nombre d'efforts qui ont été faits par les agents, par les syndicats, et ça s'est fait parce que, d'abord, on a partagé ensemble le sens commun où nous voulions aller, c'est la volonté du président de la République et du Premier ministre que de discuter et de faire un travail en commun, et puis, ensuite, on a essayé de moderniser et je pense que les agents de la Fonction publique, les syndicats sont dans cet état d'esprit.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, l'échelle est un peu différente, cinq millions et demi de fonctionnaires sous votre tutelle, vous maintenez l'objectif de supprimer 120.000 postes sur le quinquennat ?
GÉRALD DARMANIN
C'est un engagement du président de la République, et il sera tenu, mais il ne sera pas tenu de manière comptable.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il a été assez vague, Emmanuel MACRON, pendant la campagne sur la mise en oeuvre, il a été plus précis quand vous en avez discuté avec lui ?
GÉRALD DARMANIN
C'est un engagement du président de la République qui sera tenu, qui sera tenu de manière non-comptable, c'est-à-dire en discutant avec les syndicats…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça veut dire quoi non-comptable ?
GÉRALD DARMANIN
Mais quelle est la modernisation de l'Etat que nous voulons ? Comment la numérisation, comment l'accès au service public, comment la répartition des compétences des collectivités locales vont permettre de moderniser la Fonction publique, comment on peut aussi écouter des Fonctions publiques qui sont en souffrance, je pense à une partie de la Fonction publique hospitalière, le personnel soignant, voilà, donc nous sommes aujourd'hui en train de discuter, on va… un certain nombre de constats, il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites dans les gouvernements précédents…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais alors, ça veut dire suppressions de postes… pardon, Monsieur le Ministre, suppressions de postes à partir de quand ? Dans quels secteurs ? Vous n'avez pas les réponses à ces questions ?
GERALD DARMANIN
Mais vous comprenez bien, Madame MARTICHOUX, que le jour où je reçois les syndicats de fonctionnaires, ce n'est pas sur votre antenne que je vais commencer à discuter de ces choses qui paraissent sans doute extrêmement intéressantes pour votre antenne, mais qui, sans doute, derrière, ce sont des hommes, ce sont des femmes qui aujourd'hui travaillent au service public, on ne supprime pas des postes de fonctionnaires, des fonctionnaires, on supprime des postes de fonctionnaires, il faut voir avec eux comment on va moderniser la Fonction publique, et c'est avec eux qu'on le fera…
ELIZABETH MARTICHOUX
Votre prédécesseur, si je puis dire, ce n'est pas très beau comme mot, Annick GIRARDIN, qui était à votre… elle, ministre de la Fonction publique à part entière, elle l'a dit ce week-end, elle est contre la suppression des 120.000 postes. Déjà, un peu de cacophonie au gouvernement, on rappelle qu'elle a été nommée à l'Outre-mer, entre guillemets.
GÉRALD DARMANIN
Non, je ne le crois pas, moi, j'ai fait les passations avec madame GIRARDIN, qui est une femme de grande qualité, elle a évoqué un certain nombre de sujets, et notamment dans ces sujets, elle disait, et elle avait raison d'ailleurs, qu'il ne fallait pas poser le problème de manière comptable, qu'il fallait d'abord voir la modernisation de l'Etat, et ensuite, voir les conséquences, c'est-à-dire les moyens que l'on met pour cette modernisation.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on est plutôt dans la câlinothérapie, comme on dit, ce matin, des fonctionnaires ?
GÉRALD DARMANIN
Non, je respecte…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il s'agit de les rassurer ?
GERALD DARMANIN
Je respecte les agents du service public qui sont, encore une fois, l'ossature de la République, derrière eux, il y a des policiers, il y a des infirmières, il y a un certain nombre d'agents de service public, dans les écoles, chez les personnes âgées, qui aujourd'hui sont ceux qui font vivre la République, et je suis leur ministre et j'en suis fier.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous les rassurez, c'est bien ce qu'on entend. Vous serez le ministre de la hausse de la CSG de 1,7 % pour tous les revenus ?
GERALD DARMANIN
Je serai le ministre qui va porter avec le gouvernement la suppression de la taxe d'habitation, qui va augmenter de 1,7 point la CSG, mais en même temps, supprimer…
ELIZABETH MARTICHOUX
A partir du 1er janvier 2018, la hausse de la CSG ?
GÉRALD DARMANIN
En même temps, supprimer la cotisation sociale, je serai le ministre qui va remettre une partie des heures supplémentaires défiscalisées, voilà, je suis le ministre qui va accomplir le programme du président de la République.
ELIZABETH MARTICHOUX
La hausse de la CSG, à partir du 1er janvier 2018 ?
GÉRALD DARMANIN
Il appartient sans doute au président de la République et au Premier ministre de faire ces annonces également.
ELIZABETH MARTICHOUX
La droite, votre parti, Les Républicains, tape comme un sourd, ou comme une sourde, la droite, sur cette hausse de CSG, qui va, entre autre, dit-elle, pénaliser les retraités. C'est vrai, 60 % des retraités verront leur pension de retraite baisser.
GERALD DARMANIN
Alors, d'abord, les retraités les plus modestes ne sont pas concernés…
ELIZABETH MARTICHOUX
40 %...
GÉRALD DARMANIN
A moins de 1.200 euros, en effet, et puis, c'est un peu malvenu de la part de ceux qui, alors que je n'étais pas dans ce camp, même si j'ai été solidaire de ma famille politique, voulaient augmenter de deux points la TVA, qui aurait touché absolument tout le monde, y compris les personnes les plus en difficulté. Alors, aujourd'hui, je crois qu'il faut que chacun devienne raisonnable, pas de démagogie particulière sur la question des impôts, c'est facile à dire une fois qu'on a porté un projet qui n'a pas malheureusement eu le suffrage des électeurs au second tour, mais cependant, je suis aussi celui qui a une fibre sociale particulière, et avec le Premier ministre, avec le président de la République, on a parlé de la protection de ces plus fragiles, et le budget que nous allons construire en 2018 protègera les plus fragiles.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites : les classes populaires, c'est vrai que vous vous êtes posé en défenseur des classes populaires dans votre camp, ne seront pas touchées par cette hausse de la CSG, vous en êtes le garant…
GERALD DARMANIN
J'ai dit que nous protègerons évidemment les classes populaires, et la suppression de la taxe d'habitation, c'est-à-dire, un impôt assez injuste, tous les maires le savent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais qui sera très progressif sur le quinquennat, certains verront effectivement la CSG augmenter quand ils n'auront pas encore vu leur suppression de taxe d'habitation…
GERALD DARMANIN
J'entends bien, Madame MARTICHOUX que ce morceau avalé n'a plus de goût, mais ça fait dix ans que je suis élu local, et ça fait dix ans qu'on dit : la taxe d'habitation est un impôt injuste, et voilà qu'un président de la République a le courage de dire : on va la supprimer, et vous me dites : oui, mais ça sera progressif, eh bien oui, vaut mieux ça que l'inverse, comme dirait…
ELIZABETH MARTICHOUX
Que jamais. Est-ce que vous nous confirmez que le prélèvement à la source ne sera pas appliqué dès le 1er janvier 2018 ?
GÉRALD DARMANIN
Le Premier ministre m'a confié le soin de faire des propositions très rapidement au président de la République et à lui-même pour voir quel serait cet audit, pour vérifier que l'impôt à la source n'est pas source de complexités supplémentaires pour les entreprises. Alors, je veux à la fois saluer les agents des impôts, de la DGFIP, qui ont fait un travail formidable pour travailler à cet impôt à la source, et en même temps, prendre le temps de la promesse du président de la République, qui est de dire : on va prendre le temps avec les entreprises, un audit…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc on va prendre le temps, ça veut dire ?
GERALD DARMANIN
Ça veut dire qu'on va faire des propositions, et je suis sûr que si vous m'invitez une nouvelle fois dans quelques jours, j'aurai l'occasion de faire une annonce particulière.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce sera aussi rapide que ça ? Dans les jours qui viennent, vous pourrez dire…
GÉRALD DARMANIN
Avant les élections législatives…
ELIZABETH MARTICHOUX
Aux entreprises ce qu'il en sera du prélèvement à la source au 1er janvier…
GERALD DARMANIN
Avant les élections législatives, vous connaîtrez la méthode du gouvernement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ce qu'on a compris, c'est que le gouvernement ne souhaite pas l'imposer aussi vite, de toute façon, ce sera décalé d'un an ?
GÉRALD DARMANIN
Ce que vous avez compris, c'est qu'il ne sera pas une source de complexités supplémentaires pour les entreprises, si c'est le cas, si on constate que c'est une source de complexités très importantes, nous ne le ferons pas ou nous le ferons de façon décalée.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le ferez de façon décalée, c'est-à-dire qu'il y a une façon d'imposer la réforme, mais simplifiée, sans que ce soit… ?
GÉRALD DARMANIN
Et il n'y aura pas de complexités pour les entreprises.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un engagement que vous faites. L'audit des comptes publics, promis par Emmanuel MACRON aussi, va être lancé ?
GÉRALD DARMANIN
Tout à fait, il aura été confié à monsieur le président de la Cour des comptes, donc un audit indépendant par les magistrats de notre pays, et qui sera rendu et permettra au gouvernement de construire son budget.
ELIZABETH MARTICHOUX
Gérald DARMANIN, vous faites de la politique depuis seize ans, quand vous avez pris votre carte au RPR, mais vous êtes un novice en matière budgétaire, c'est vous qui allez superviser ce grand budget 2018, qui sera donc basé sur l'audit, et qui doit nous ramener sous la barre des 3 %. Vous pouvez vous imposer à une administration, celle de Bercy, qu'on dit tellement puissante ?
GERALD DARMANIN
Ah, je ne le vois pas du tout comme ça, je le vois comme une confiance de la part du gouvernement de mon pays, et je le vois comme service de personnes, de hauts fonctionnaires, d'une grande qualité, auprès de qui je vais beaucoup apprendre pour défendre ce qui est la plus grande souveraineté d'un pays aujourd'hui, c'est-à-dire le budget. Moi, vous savez, je ne me pose pas la question de savoir si on est à sa place ou pas, ça a été la volonté du président de la République, je considère, personnellement, qu'avec de la bonne volonté et du travail, et de la modestie, on peut y arriver.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais humainement, comment est-ce que vous vivez, sur le plan politique, le fait de ne pas aller soutenir vos candidats LR, et d'appeler les électeurs de droite notamment à voter pour les candidats République En Marche, vous êtes à l'aise avec ça, franchement ?
GÉRALD DARMANIN
Je suis très à l'aise, parce que je crois que vous parlez encore comme dans l'ancien monde, Madame MARTICHOUX, il y a l'ancien et le nouveau monde…
ELIZABETH MARTICHOUX
Me voilà renvoyée à l'ancien monde !
GÉRALD DARMANIN
Eh bien, oui, malheureusement
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais, cela dit, c'est vrai, vous êtes… ce n'est pas très compliqué tout d'un coup de demander à vos candidats LR ou à vos électeurs, pardon, de Tourcoing et d'ailleurs : eh bien, écoutez, non, non, n'allez pas voter LR, votez REM ?
GERALD DARMANIN
Bon, d'abord, les électeurs de Tourcoing, à 11 %, ont voté François FILLON, ce qui montre qu'il y en a quand même 89 % qui ont considéré que ce n'était pas dans le camp de la droite traditionnelle qu'il y avait l'espoir, ce qui pose problème au maire de Tourcoing qui a été élu trois ans plus tôt. Et puis, je vais vous faire une annonce, ici, Madame MARTICHOUX, la vérité, c'est que moi, j'appelle les candidats, les élus de ma famille politique, des Républicains, de rejoindre la majorité présidentielle, peut-on attendre encore cinq ans et faire le régime des partis, comme disait le Général De GAULLE : il faut préférer son pays à son parti, il faut travailler pour la France, il faut travailler pour cette majorité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes toujours membre des Républicains ?
GÉRALD DARMANIN
Tout à fait…
ELIZABETH MARTICHOUX
Du parti Les Républicains. Vous payez toujours votre cotisation ?
GERALD DARMANIN
En tout cas, ça m'a toujours été prélevé.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous le revendiquez toujours ?
GERALD DARMANIN
Comme dirait le Premier ministre, je suis un homme de droite, mais je considère que, aujourd'hui, ces clivages sont un peu dépassés, il faut travailler pour le pays, sous la présidence d'Emmanuel MACRON.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà qui est dit, Gérald DARMANIN, qui paie toujours sa cotisation au parti les Républicains, Merci d'avoir été avec nous ce matin.
YVES CALVI
Et qui confirme la baisse du nombre de fonctionnaires de façon non-comptable, selon une formule désormais célèbre, qui sera expliquée aujourd'hui même aux syndicats, sur l'impôt à la source, un audit et des propositions avant les législatives, sans complication pour les entreprises, a précisé le ministre du Budget.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mai 2017