Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement (projet n° 666 [2016-2017], texte de la commission n° 9, rapport n° 8).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, cher Hervé Maurey, monsieur le rapporteur, cher Alain Fouché, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, tout d'abord, adresser à chacune et à chacun d'entre vous mes plus sincères félicitations pour votre élection ou votre réélection dans cette chambre haute du Parlement qu'est le Sénat.
Je souhaite aussi vous exprimer tout l'honneur que j'éprouve en présentant aujourd'hui, au nom du Gouvernement, le premier texte de cette nouvelle session parlementaire soumis à votre approbation.
Je sais que ce projet de loi, essentiel mais particulièrement technique, a été examiné dans des délais relativement contraints, qui sont notamment justifiés par l'urgence de ratifier ces deux ordonnances, j'y reviendrai dans un instant. Néanmoins, et malgré ce calendrier resserré, j'ai pu constater que les échanges en commission, jeudi dernier, monsieur le président, monsieur le rapporteur, ont été particulièrement riches.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur, Alain Fouché, qui a su s'emparer de sujets complexes que les élus locaux, dont je fais partie, connaissent bien.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a examiné, la semaine dernière, quinze amendements, dont onze ont été adoptés. Certains visent à modifier des dispositions adoptées à l'Assemblée nationale. Je pense néanmoins que nous pourrons facilement trouver un point d'équilibre. L'examen des amendements, tout à l'heure, me permettra de clarifier certains points.
Pourquoi ce projet de loi est-il important ?
Il permet de ratifier deux ordonnances fondamentales, prises le 3 août 2016, dans le cadre de la loi dite « Macron » : l'une relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes, pour reprendre la terminologie du droit communautaire, avec un objectif clair de simplification et de clarification des procédures ; l'autre permettant de réformer les procédures destinées à assurer l'information et la participation du public c'est d'ailleurs sur celle-ci que les parlementaires, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, se sont plus particulièrement penchés , avec une volonté d'associer davantage, en amont, les citoyens à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.
Je souhaite, avant d'entrer dans le cur de ces dispositions, dire un mot sur la méthode qui a permis leur élaboration. Ces ordonnances sont, avant tout, le fruit d'une riche concertation au sein de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique menée par le sénateur et ancien ministre de la défense Alain Richard, dont je tiens à saluer le travail précis, de dialogue et de consensus, ainsi que l'engagement souligné par toutes les parties.
Nous avons eu l'occasion d'échanger sur ce texte, et je crois en tout cas, je l'espère que ces ordonnances sont restées fidèles aux réflexions menées.
Cette concertation a permis d'obtenir un large consensus, que nous avons su conserver à l'Assemblée nationale et que nous allons conserver, j'en suis certain, au Sénat.
Permettez-moi maintenant de revenir sur le contenu de ces ordonnances, en commençant, tout d'abord, par l'ordonnance n° 2016-1058 sur l'évaluation environnementale.
Pourquoi cette ordonnance ?
Il s'agit, tout d'abord, de nous conformer au droit européen. La ratification de l'ordonnance permet, en effet, de conformer notre droit au droit européen, en transposant la nouvelle directive 2014/52/EU relative à l'évaluation environnementale des projets.
Cette directive permet notamment de définir des critères d'évaluation pour mieux prendre en compte la santé, la biodiversité, le changement climatique, ou encore les incidences visuelles des projets sur le patrimoine culturel et le paysage.
Elle permet également de séparer les phases d'instruction et d'évaluation de certaines procédures environnementales à l'échelon local.
Cette ordonnance procède surtout à une simplification pour les porteurs de projets, tout en renforçant la protection de notre environnement. Je prendrai deux exemples concrets qui illustrent cet équilibre entre simplification et protection.
D'abord, la simplification de l'étude d'impact que les élus locaux et les différents porteurs de projets connaissent particulièrement bien : les projets seront désormais appréhendés dans leur ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité des maîtres d'ouvrage.
Cela signifie une étude d'impact en une seule fois sur chaque projet et non plus une étude d'impact par procédure. On casse la logique de silo qui ajoutait jusqu'alors du délai à du délai, au détriment de la vision globale de l'autorité environnementale, bien souvent les DREAL, les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, les DEAL, les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement, ou la DRIEE, la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie, sans oublier le corps préfectoral et, en dernier recours, le ministre.
Le développement de procédures dites au « cas par cas », ensuite, dans lesquelles on élève le degré d'exigence environnementale, mais en permettant à l'autorité environnementale de traiter ces demandes dans des délais plus courts, fait également partie de ces ordonnances.
Monsieur le sénateur Ronan Dantec, en commission, vous avez parlé du rapport, que vous avez remis au nom de la commission d'enquête sur la compensation des atteintes à la biodiversité. Je tiens à vous préciser que le travail effectué à l'Assemblée nationale a permis de traduire, dans l'ordonnance, le triptyque, cher à votre collègue Barbara Pompili, éviter-réduire-compenser, consacré par la loi Biodiversité et sur lequel vous vous étiez beaucoup investi. C'est une excellente chose, mais nous y reviendrons.
L'écriture de l'ordonnance étant antérieure à l'adoption de la loi, il fallait donc procéder à cette remise à niveau, à ce tuilage juridique. C'est chose faite !
J'en viens maintenant à l'ordonnance n°2016-1060 sur l'information et la participation du public.
Pourquoi cette ordonnance ?
Il s'agissait d'abord d'une réponse du gouvernement de l'époque je la reprends à mon compte à un changement de mentalité dans notre société qui s'est illustré avec la douloureuse crise, qui est d'ailleurs devenue un drame, de Sivens.
« Apprendre à perdre du temps en amont d'un projet ou d'une procédure pour ne pas en perdre ensuite » : cela paraît logique, mais nous n'avons pas toujours raisonné ainsi dans notre droit comme dans nos pratiques. Consulter en amont nos concitoyens permet, en effet, de lever les inquiétudes, de faire preuve de pédagogie, de dialogue, de répondre éventuellement à leurs doutes et à leurs craintes.
Certes, la participation du public aux décisions environnementales n'est une nouveauté ni en droit ni en fait, et plusieurs textes nationaux comme internationaux l'ont déjà consacrée. Je pense notamment à la convention internationale d'Aarhus de 1998, à la loi Barnier de 1995, qui a créé la Commission nationale du débat public, à l'article 7 de la Charte de l'environnement, adoptée en 2005, ou encore au Grenelle de l'environnement de 2010.
Néanmoins, cette ordonnance permet de créer des droits nouveaux en réponse à une véritable demande de nos concitoyens, qui souhaitent davantage participer et même être associés à l'élaboration des décisions qui peuvent avoir une incidence sur l'environnement.
D'une part, les citoyens se sentent de plus en plus concernés par la protection de l'environnement. Ils développent clairement une conscience citoyenne, quelles que soient les idéologies et les philosophies autour de cette question.
D'autre part, certains peuvent éprouver une forme de défiance face aux procédures menées par les pouvoirs publics. Il ne suffit plus qu'une autorité publique décrète qu'une chose est légitime pour qu'elle le devienne comme il y a quelques années.
Il s'agit donc pour nous de veiller à ce que nos concitoyens puissent non seulement participer, mais surtout le faire au bon moment.
Cette seconde ordonnance est par conséquent une réponse pour protéger l'environnement, mais aussi pour libérer et respecter les porteurs de projets, privés comme publics.
Elle permet en effet d'offrir aux porteurs de projets davantage de visibilité en amont de la procédure, et d'aller au-devant des problèmes pour les traiter le plus tôt possible. Vous y verrez sans malice, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ombre du libérer-protéger.
Concrètement, cette ordonnance consacre de manière inédite des droits nouveaux pour les citoyens : premièrement, un droit d'accès aux informations pertinentes pour rendre la participation de chaque citoyen effective ; deuxièmement, un droit de demander l'engagement d'une procédure de participation dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons ; troisièmement, un droit à disposer de délais raisonnables pour formuler des observations et des propositions ; quatrièmement, et cela est loin d'être neutre, un droit à disposer d'un véritable suivi de la concertation et d'un retour positif comme négatif sur les observations qui ont pu être formulées par les participants au débat public. C'est une question de respect à l'égard du citoyen. Ce n'était pas forcément le cas jusqu'à présent.
Ces droits nouveaux appellent naturellement de nouvelles modalités de consultation dans la forme et dans l'engagement.
Première nouveauté : la CNDP, la Commission nationale du débat public, est obligatoirement saisie sur l'opportunité du débat pour les plans et programmes nationaux on reprend la terminologie communautaire soumis à une évolution environnementale là où, auparavant, seuls les très grands projets, c'est-à-dire d'un coût supérieur à 300 millions d'euros, étaient concernés.
Deuxième nouveauté : l'élargissement de la saisine de la CNDP pour les grands projets. Ces grands projets, c'est-à-dire ceux qui sont compris entre 150 millions d'euros et 300 millions d'euros, sont actuellement rendus publics par les maîtres d'ouvrage ou par la personne publique responsable du projet qui indiquent leur décision de saisir ou non la CNDP. Ils informent ensuite la CNDP de la participation qu'ils prévoient.
Grâce à l'ordonnance, les citoyens ont désormais un droit de saisine de la CNDP sur ces grands projets. Le seuil a été fixé à 10 000 citoyens de l'Union européenne ; c'est une innovation majeure, fruit du travail de concertation mené au Conseil national de la transition écologique, le CNTE.
Troisième nouveauté : ce droit d'initiative citoyenne est également ouvert pour les projets sous maîtrise d'ouvrage publique ou privée percevant au moins 10 millions d'euros d'argent public.
À l'Assemblée nationale, les députés ont fait le choix d'abaisser ce seuil à 5 millions d'euros. Je sais, monsieur le rapporteur, cher Alain Fouché, que vous êtes attaché au respect de la séparation de la loi et du règlement. C'est dans cet esprit que vous avez souhaité supprimer la mention d'un seuil de 5 millions d'euros pour la remplacer par un décret en Conseil d'État.
Néanmoins, je tiens à rappeler le contexte qui a poussé les députés à inscrire dans la loi un seuil de 5 millions d'euros. C'est tout simplement le seuil permettant de prendre en compte des projets comme celui de Sivens, qui est justement à l'origine de ce texte destiné à apporter des réponses au drame que nous connaissons tous.
Ce qui compte pour le Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est pas forcément que ce seuil soit inscrit dans la loi ou le règlement, mais qu'il s'établisse bel et bien à 5 millions d'euros. J'espère donc que cette question de forme pourra être réglée entre les deux chambres du Parlement.
Par ailleurs, lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, les différents échanges ont permis d'allonger à quatre mois, au lieu de deux mois, le délai offert pour exercer un droit d'initiative, ce qui constitue une avancée, notamment pour nos concitoyens les plus éloignés des décisions et des procédures publiques. Cet argument avait au demeurant été largement porté et défendu par les députés représentant des circonscriptions rurales.
Vous avez fait le choix, monsieur le rapporteur, d'étendre ce délai de quatre mois aux collectivités et aux associations, dans un souci de cohérence. L'ancien maire et président de conseil départemental que je suis trouve ce point extraordinairement légitime et salue cette avancée.
Quatrième nouveauté : les consultations pour les débats publics nationaux. L'ordonnance rend également possible le débat public national avec la saisine ouverte à 500 000 citoyens de l'Union européenne, à 60 députés ou 60 sénateurs, ou au Gouvernement sur un projet de réforme relatif à une politique publique ayant un effet important sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. Je n'ai pas besoin de vous donner d'exemples de ces politiques publiques.
Ce seuil de saisine avait fait l'objet de débats à l'Assemblée nationale. Je sais qu'un amendement du sénateur Guillaume Gontard tend à abaisser le seuil à 250 000 personnes. Je n'y suis pas favorable pour plus raisons.
D'une part, le seuil de 500 000 personnes correspond au seuil fixé par la loi organique du 29 juin 2010 pour saisir le Conseil économique, social et environnemental. Le Gouvernement a cherché en permanence à être dans une démarche de simplification et d'alignement pour le citoyen, afin de ne pas avoir des seuils différenciés en fonction des types de saisine. Nous ne pouvons pas invoquer tout le temps la simplification et ne pas l'appliquer lorsque nous réformons ce genre de texte.
D'autre part, 500 000 citoyens restent facilement mobilisables à l'heure d'internet, avec les réseaux sociaux ou les sites de pétition en ligne que vous connaissez bien.
Ces droits nouveaux ne bloquent pas, pour autant, les porteurs de projets, et c'est tout le fruit de l'équilibre de cette ordonnance. La CNDP veillera au respect des procédures et à la qualité de la concertation et des débats. C'est à la CNDP que le rôle d'organisateur des concertations a été donné.
La CNDP occupe donc désormais un rôle central dans ce dispositif. Ces nouvelles modalités de consultation nous ont obligés à davantage encadrer le rôle du garant qui sera directement désigné par la CNDP.
Ces concertations ou débats devront répondre aux exigences d'un État moderne avec une nécessaire dématérialisation. Les collectivités territoriales et l'État s'emploient à développer le très haut débit ou la montée en débit dans les territoires. Il faut donc aussi être au rendez-vous des usages.
Ces concertations devront être organisées dans des délais raisonnables. C'est une nécessité pour les porteurs de projets qui doivent aussi avoir de la visibilité ; c'est également une nécessité pour éviter tout contentieux. Aussi, la concertation préalable ne dépassera jamais trois mois et la durée de l'enquête publique est réduite de trente à quinze jours pour les projets ne relevant pas de l'obligation de l'étude d'impact.
Concernant les délais, monsieur le rapporteur, vous avez fait le choix de revenir sur l'allongement de quatre à six mois du délai pour lequel l'illégalité pour vice de forme ou de procédure ne peut plus être invoquée par voie d'exception.
Le délai de six mois avait comme mérite de s'inspirer de ce qui existe dans le code de l'urbanisme, permettant une harmonisation des procédures. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen des amendements.
L'occasion m'est donnée devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d'engager une réflexion collective, Parlement et Gouvernement, autour de la convergence du code de l'urbanisme, d'un côté, et du code de l'environnement, de l'autre. C'est quelque chose d'attendu, notamment par les élus locaux et je sais de quoi je parle. Là aussi, les éléments de simplification et d'alignement entre les deux codes sont les bienvenus.
Avant de conclure, je tiens à préciser que je me suis engagé, à l'Assemblée nationale, le compte rendu fait foi, à mettre en place une première évaluation de ces deux ordonnances, afin d'en mesurer l'impact d'ici deux à trois ans et d'en tirer des modifications éventuelles. Nous créons des droits nouveaux. Il s'agit donc pour nous comme pour vous de voir de quelle manière nos concitoyens et les porteurs de projets vont s'en emparer. (Applaudissements sur des travées du groupe La République en marche, du groupe République et Territoires/Les Indépendants, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
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M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de ne pas être redondant avec les propos que j'ai déjà tenus lors de la discussion générale et de ne pas anticiper, non plus, sur la discussion des amendements.
Je remercie les orateurs de la qualité et de la richesse de leurs interventions et je souhaite apporter d'ores et déjà quelques éléments de réponse.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé la nécessité d'un seuil d'argent public pour le déclenchement du droit d'initiative en cas de projet et nous reviendrons, lors de la discussion des amendements, sur la question de la répartition des compétences entre les pouvoirs législatif et réglementaire. Je le répète, je m'en remettrai d'abord à la sagesse du Parlement pour savoir s'il faut renvoyer à un décret en Conseil d'État ou fixer un montant dans la loi, puis à la décision de la commission mixte paritaire si l'Assemblée nationale et le Sénat sont en désaccord en première lecture. Sur le fond, ce qui compte, pour le Gouvernement, c'est que ce seuil soit de 5 millions d'euros.
En ce qui concerne les délais quatre ou six mois , le Gouvernement a la volonté d'uniformiser et de simplifier le code de l'environnement et le code de l'urbanisme, ce qui constitue un véritable chantier pour le quinquennat, et je suis volontiers preneur de l'aide des sénateurs sur ce sujet.
Dans le même temps, nous avons aussi à cur d'ouvrir des droits qui soient réels ! Et j'ai laissé prospérer à l'Assemblée nationale l'idée d'un allongement à six mois, parce que je suis moi-même élu local d'un département rural. Donner plus de temps à nos concitoyens qui vivent dans un milieu rural pour être pleinement informés de l'existence d'un projet et détecter un éventuel vice de forme au lieu d'en être informés à la dernière minute me semble plutôt de bon aloi. C'est donc pour défendre la ruralité, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement a exprimé une sagesse positive sur cette question et je souhaite le dire clairement devant la Haute Assemblée, qui tient tant à cette ruralité.
Certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, m'ont interrogé sur les comparaisons internationales. La Commission européenne n'a pas produit d'étude comparative sur les questions qui nous occupent elle parlerait de benchmark Dans un rapport de 2007 sur les transpositions des directives en matière environnementale, la Commission estime qu'il n'y a pas véritablement de problème, mais je m'en remets aux dires des parlementaires. Certes, il existe ici ou là quelques documents épars, dont vous avez fait état, monsieur Bonnecarrère, dans votre rapport, et comme l'indiquait M. le ministre Richard, on doit sûrement pouvoir améliorer les choses en la matière.
Monsieur Cornu, vous avez évoqué la question de la répartition entre législatif et réglementaire, à laquelle je viens de répondre. Vous avez aussi pointé du doigt le risque de surtransposition, auquel je suis tout à fait sensible ; en l'espèce, ces ordonnances ne se prêtent pas à une telle interprétation. Je veux que les choses soient claires entre nous. Enfin, je vous remercie des vux formulés au nom de votre groupe en ce qui concerne ces deux ordonnances.
Monsieur Dantec, je vous remercie aussi des encouragements que vous avez exprimés, en particulier sur la méthode et la concertation en amont. En ce qui concerne la séquence éviter-réduire-compenser, il me semble que l'Assemblée nationale a stabilisé le dispositif, ce qui permet de reconnaître effectivement cette démarche dans le droit. Nous y reviendrons dans un instant.
Par ailleurs, je vous informe que j'ai installé, la semaine dernière, à l'occasion d'un déplacement dans les Ardennes, département du sénateur Benoît Huré, un groupe de travail de la Conférence nationale des territoires sur l'éolien. Il s'agit pour nous, en toute transparence et dans un objectif de simplification, d'allier protection des paysages, lutte contre le mitage et déploiement dans les zones qui sont propices au développement de ce type d'énergie. Je me tiens naturellement à la disposition des sénateurs qui le souhaitent pour évoquer ces sujets.
Monsieur le ministre Alain Richard, je m'arrête bien évidemment quelques instants sur votre propos. En effet, vous êtes en quelque sorte le « papa » de ces ordonnances. Du moins, vous avez été pour quelque chose dans leur rédaction, même si, je le confesse, la manière de les écrire n'est peut-être pas exactement celle que vous souhaitiez nous avons eu l'occasion d'échanger récemment à ce sujet. Néanmoins, vous rappelez qu'elles vont dans le bon sens, et seul le mouvement compte : vous faites vôtre cette maxime, sur laquelle le sénateur Bonnecarrère est également revenu. Comme vous, je crois qu'il est important de savoir apprendre à perdre du temps en amont, pour ne pas en perdre ensuite au contentieux.
Ces ordonnances vont-elles suffisamment loin ? Selon vous, non ! Eh bien, monsieur le ministre Richard, je partage votre opinion ! Mais le statu quo améliorerait-il les choses ? La réponse est également négative ; nous avons donc trouvé un point d'équilibre
En ce qui concerne les études d'impact il ne vous aura pas échappé que, pour toutes sortes de raisons, je n'étais pas membre du gouvernement précédent , le travail de simplification que vous appelez de vos vux n'a effectivement pas été fait. Or il s'agit d'un enjeu majeur, surtout pour les élus locaux, puisqu'ils sont bien souvent confrontés à ces procédures, en tant que porteurs de projet.
Dans le cadre de la convergence entre code de l'urbanisme et code de l'environnement, à laquelle s'ajoute l'apparition de l'autorisation environnementale unique, je me tiens également à la disposition du Sénat pour mener ce travail sur les études d'impact, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir dans un instant.
En tout cas, je vous informe d'une nouveauté : en 2018, au titre des politiques d'open data du ministère de la transition écologique et solidaire, les contenus des études d'impact seront mis en ligne dans leur intégralité. C'est important pour les élus de vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, car cela facilitera le réemploi de ces données dans des procédures à venir. Je ne sais pas quel usage les porteurs de projet privés feront de ces données, mais j'en vois tout à fait l'intérêt pour les élus locaux, de même que pour les agents de l'État qui ont parfois eux-mêmes besoin d'être aidés dans la simplification.
Monsieur Gontard, il ne s'agit pas pour moi de polémiquer avec vous, car cela ne correspond ni à mon esprit ni à mon caractère j'ajoute que la présidente de votre groupe veille au grain Vous critiquez la technique des ordonnances : nous allons dépasser ce débat et nous concentrer sur le fond, car j'ai moi-même mon avis sur la question.
Vous me dites que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour travailler sur ces ordonnances, mais je vous ai présenté les excuses du Gouvernement sur ce point dans mon intervention en début de discussion générale. Je vous rappelle que, si ces ordonnances arrivent aussi tard, c'est parce qu'il y a eu des élections présidentielle, puis législatives, puis sénatoriales. Je crois que nous pouvons nous en réjouir, en tant que démocrates. Si ces ordonnances arrivent aussi tôt, dans ce quinquennat, c'est tout simplement parce qu'elles sont prises dans le cadre d'habilitations contenues dans la loi Macron, adoptée lors du quinquennat précédent. Sur certains aspects, elles commencent à créer du droit ; sur d'autres, elles n'en créent pas complètement, parce qu'il faut encore voter la ratification. Il fallait aller vite, c'est pour cela que nous démarrons les travaux de cette session avec ce projet de loi. Si vous n'avez pas pu travailler autant que vous le souhaitiez, une fois de plus, veuillez m'en excuser, mais je ne peux pas faire beaucoup mieux.
Je veux quand même insister sur un point, monsieur le sénateur : on ne peut pas laisser penser qu'une étude au cas par cas soit une autorisation environnementale au rabais. Je me dois de le dire en tant que membre du Gouvernement, mais aussi en tant que garant du travail des agents des DREAL et des différentes administrations déconcentrées, qui incarnent l'autorité environnementale au quotidien dans nos territoires.
Une étude au cas par cas qui aboutit à la délivrance d'une autorisation environnementale est une procédure à part entière et non pas une procédure light, au rabais. Ce n'est pas ce que vous avez dit, bien évidemment, mais j'insiste sur cette mise au point afin qu'elle figure au compte rendu des débats. Il arrive en effet que les agents du ministère ne comprennent pas bien pour quelles raisons on oppose études au cas par cas et études d'impact, alors qu'ils mettent beaucoup du leur pour que ces études d'impact soient menées avec sincérité et précision. Ce point méritait donc d'être précisé.
Monsieur Bonnecarrère, je vous remercie de vos encouragements relatifs à la philosophie de ces ordonnances. Selon vous, « la faisabilité de l'infrastructure compte autant que la concertation ». C'est bien ce que j'ai dit à la tribune, et c'est la raison pour laquelle nous mettons en avant l'étude au cas par cas, qui est une véritable autorisation environnementale, tout en représentant un élément de simplification pour le porteur de projet. Surtout, cette évolution de l'étude d'impact vers l'étude au cas par cas évite la logique en silo, qui est terrible pour les porteurs de projet, publics comme privés. Je pense vraiment vous répondre en toute bonne foi en disant que cette ordonnance tient compte, à la fois, du porteur de projet et du citoyen.
Madame Tocqueville vous me permettrez également de citer les sénateurs Bignon et Jacquin , je vous remercie d'avoir rappelé la philosophie de ces ordonnances, qui sont effectivement importantes. Dans un souci d'efficacité, je vous propose de vous répondre plus précisément lors de l'examen des amendements.
Monsieur Jacquin, vous avez raison, le président de la Commission nationale du débat public, le préfet Leyrit, se tient à la disposition du Parlement, également pour l'évaluation des textes dont nous sommes en train de débattre, comme je vous l'ai annoncé tout à l'heure. En effet, on crée des droits nouveaux, et il n'y a pas plus humain que les droits de concertation, l'appel à des comportements de citoyens. D'ailleurs, s'agissant du benchmark européen, permettez-moi de relever que, en fonction des différentes cultures nationales, le rapport à la concertation n'est pas tout à fait le même selon les pays. Il n'a échappé à personne que les Pays-Bas ne sont pas l'Espagne ; la manière dont on associe les populations dans un État jacobin, centralisé, unitaire et dans un État fédéral n'est pas non plus la même ; enfin, un État qui a développé un certain type de rapports avec ses outre-mer ne procède pas de la même manière qu'un État qui n'a pas d'outre-mer : autant de réalités qu'il est important de noter.
Monsieur Chevrollier, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection.
Mme Catherine Deroche. Il n'est pas le seul !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Certes, mais je le connaissais auparavant, alors que je n'avais pas le plaisir de vous connaître personnellement.
Vous nous encouragez, sur cette ordonnance, à n'être ni de gauche ni de droite. Nous essayons effectivement de trouver un subtil équilibre, ce qui a été fait surtout avec le monde économique et les associations environnementales et le choix de recourir aux ordonnances répond aussi à cette préoccupation. Accessoirement, écouter le monde agricole, par exemple, n'a rien d'invraisemblable dans le cadre de la préparation d'ordonnances de ce type ; il en va de même pour le monde économique, comme pour les associations environnementales qui font un travail citoyen quotidien dans les territoires. Ce choix n'est ni de gauche ni de droite, il vise surtout à coller au plus près à la réalité de la société civile sur le terrain.
J'apprécie que vous souligniez, une fois de plus, l'effort de simplification important réalisé dans le cadre de ces ordonnances pour les élus locaux, puisque j'en suis un moi-même. C'est d'ailleurs en cela qu'elles intéressent directement le Sénat.
J'ai déjà répondu sur l'articulation entre le code de l'urbanisme et le code de l'environnement, entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement. Je vous propose donc, monsieur le président, d'entamer la discussion des amendements, ce qui me permettra de répondre aux différents points soulevés par certains de vos collègues.
M. le président. La discussion générale est close.
Source http://www.senat.fr, le 17 octobre 2017