Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre sur la place de la Haute-Loire dans la politique d'aménagement du territoire, le 25 février 1994.

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Circonstance : Déplacement en Haute-Loire le 25 février 1994 de M. Edouard Balladur dans le cadre du débat sur l'aménagement du territoire

Texte intégral


Monsieur le Président,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie pour l'accueil que vous avez bien voulu me réserver et pour la variété, la qualité des interventions qui viennent d'être présentées.
Je suis particulièrement reconnaissant à M. Jacques BARROT de la proposition qu'il me fit il y a quelques semaines, de consacrer une partie de mon déplacement en Haute-Loire, au thème de l'emploi. J'y ai été sensible. Aborder ce sujet ici répond à deux priorités que le Gouvernement s'est fixées : la priorité de l'aménagement du Territoire d'une part, celle de l'emploi, d'autre part.
Le Gouvernement mène une politique d'aménagement du territoire ambitieuse. Il est de son devoir d'assurer la cohésion nationale et l'égalité entre les citoyens.
Il ne faut pas céder devant l'évolution naturelle d'un développement économique dont on mesure aujourd'hui certains excès : trop concentrées, régions inégales, campagnes de moins en moins peuplées.
Nous voulons que la France se développe harmonieusement, qu'elle soit prospère pour tous les Français. Chaque situation requiert un traitement particulier. Il faut profiter des complémentarités entre les activités et entre les régions.
Cela suppose ces réformes profondes. Cela implique que nous bousculions nos habitudes.
L'Etat n'est pas seul à détenir la vérité. Il a donc lancé un débat national. Toutes les ressources de l'imagination doivent servir. Les intérêts individuels ou corporatistes ne doivent pas jouer. Seule importe la volonté de la nation tout entière, rassemblée au service d'une ambition commune.
Il nous faut dessiner le pays que nous souhaitons pour nos enfants et non celui que traceraient des évolutions subies.
Les Français l'ont bien compris. Leurs contributions enrichissent un débat auquel la méthode nouvelle du Gouvernement a permis un retentissement sans précédent.
Il nous appartient de faire fructifier ces contributions.
Un document introductif avait été diffusé pour engager le débat. Un document intermédiaire, reflet des propositions faites, va être diffusé dans les prochaines semaines.
La concertation se poursuivra alors au niveau national pour préparer la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire.
Ses effets ne seront pas immédiats. Des réformes sont nécessaires pour que notre pays puisse s'adapter à toutes les évolutions, réagir rapidement, maintenir le cap que nous lui proposons au vu des circonstances.
Le Gouvernement a pris des mesures qui atténuent sans délai les inégalités géographiques de notre pays. Les dotations des troisièmes contrats de plan ont été conçues en fonction de la situation économique des différentes régions. L'Auvergne a ainsi obtenu une augmentation de 23,5% des montants consacrés par l'Etat à son développement.
Ce contrat de plan améliorera notamment les caractéristiques de la RN 88. L'enjeu est de taille. L'élargissement des deux fois deux voies conditionne le développement économique. En application du programme exceptionnel routier, et en sus du contrat de plan, le département bénéficie d'une dotation particulière.
L'effort de l'Etat pour la RN 88 en Haute-Loire passe ainsi de 150 MF dans le second contrat de plan à 350 MF pour les cinq prochaines années. L'objectif est d'assurer la plus grande continuité possible en deux fois deux voies entre Firminy et le Puy. Il faut également donner tous les moyens pour préparer le contournement du Puy dans les meilleures conditions. Je demande donc au Ministre de l'Equipement d'attribuer une enveloppe nouvelle de 150 MF pour des travaux complémentaires.
Le montant total des travaux à réaliser avant 1998 sur la RN 88 sera ainsi de 500 MF, soit largement plus du double qu'au cours de la période précédente.
La tâche reste considérable. Le renforcement de l'axe Lyon-Toulouse est une priorité du Gouvernement.
La déviation de Brioude étant par ailleurs engagée, le montant des travaux routiers en Haute-Loire passe du deuxième au troisième contrat de plan, de 242 MF à 700 MF. Le département se désenclave rapidement.
Je souhaite qu'ainsi les initiatives prises pour renforcer le développement économique se multiplient.
La politique de l'habitat a également été évoquée.
La consommation des crédits est très rapide en Haute-Loire. Je m'en réjouis car cela contribue à soutenir l'activité. Cela signifie également que la demande est forte dans les centres urbains comme dans les zones rurales.
Les dossiers en instance empêchent de répondre autant que nous le voudrions aux besoins exprimés en Haute-Loire pour l'année 1994. J'ai demandé au Ministre du Logement d'attribuer des crédits exceptionnels supplémentaires. Ils serviront à construire de nouveaux logements sociaux, à hauteur de 50 prêts locatifs aidés. 4 MF iront à la réhabilitation du logement. Une moitié en prime d'amélioration de l'habitat, une moitié en aides de l'agence nationale à l'amélioration de l'habitat.
Pour les services publics en milieu rural, le moratoire de leur fermeture dure jusqu'à ce que le Parlement examine la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire.
J'avais confié au Préfet Bernard LEURQUIN une mission. Celle de formuler des propositions qui puissent, dans des conditions raisonnables, garantir des services publics d'Etat qui soient de qualité et de proximité. Ce rapport vient de m'être remis.
Une mission comparable a été confiée à M. Bernard STASI pour ce qui concerne les entreprises publiques. Le rapport me sera remis dans les prochains jours.
Considérant l'ensemble de ces propositions, le Gouvernement prendra de nouvelles décisions. Il faut maintenir des activités en milieu rural. Il en va de l'égalité entre les citoyens. Il en va aussi d'un développement national harmonieux.
Je suis heureux de m'exprimer aujourd'hui devant des jeunes, des enseignants, des chefs d'entreprises, des élus locaux, qu'un forum pour l'emploi des jeunes a une fois encore mobilisés.
Grâce à de telles initiatives, la bataille de l'emploi peut être remportée. La lutte contre le chômage ne passe pas par des promesses vagues ou générales, Elle est un combat quotidien. La situation de votre département est à cet égard exemplaire, avec un taux de chômage de 8,4% nettement inférieur au taux moyen national. D'après les indications dont je dispose, le mouvement des créations d'emploi en 1993 fut même supérieur en Haute-Loire à celui des pertes d'emploi,
Au printemps 1993, l'économie française subissait, depuis six mois, la récession la plus forte depuis la seconde guerre mondiale. Le Gouvernement a travaillé à rétablir la confiance. L'économie française a maintenant surmonté la récession. Elle se situe dans la phase de reprise. A l'échelon national, comme au niveau local, les chefs d'entreprise enregistrent dans tous les secteurs une remontée de leurs commandes. L'investissement devrait progresser cette année.
L'amélioration touche aussi le domaine de l'emploi, même si le mouvement est plus lent et si le chômage continue à croître. Mais la progression du chômage, comme celle des suppressions d'emploi a réduit son rythme de moitié au second semestre 1993 par rapport à celui du premier. L'économie française ne crée pas encore suffisamment d'emplois, mais des indices sont positifs. Les offres d'emploi indiquées par les entreprises s'accroissent sensiblement. Le mouvement est encore plus net dans votre département (+23% en un an) que partout ailleurs dans notre pays (+ 10%).
Le retour de la croissance rétablit la confiance. C'est pourquoi le Gouvernement a mis en place des mesures qui relancent la demande dans les secteurs les plus touchés : l'automobile et le logement. Ainsi le déblocage anticipé de la participation permet, à partir du 15 février et jusqu'au 31 décembre d'acquérir une automobile ou de réaliser de gros travaux immobiliers d'un montant au moins égal à 20 000 F. De même, une prime à la modernisation du parc automobile d'un montant de 5 000 F est versée à qui achète une voiture neuve et remplace ainsi un véhicule de plus de 10 ans. Cette mesure commence à porter ses effets. J'ai bon espoir qu'elle permettra à la fois de relancer la production automobile et d'accroître la sécurité des automobilistes.
L'action du Gouvernement ne favorise pas seulement le retour de la croissance. Des actions structurelles ont pour fin de développer l'emploi. Dans les années 1980, alors qu'elle avait la même croissance économique que la France, l'Allemagne créait près d'un million d'emplois de plus. Le comportement de chacun est donc un facteur décisif. Seules des actions concrètes répétées permettront d'atteindre cet objectif, comme la Haute-Loire en donne l'exemple.
La loi quinquennale sur l'emploi ne prétend pas apporter de solution miraculeuse. Elle comporte des mesures bien définies qui encouragent l'emploi, dans tous les domaines, et allègent son coût. C'est aussi l'objectif de la loi sur l'initiative et l'entreprise individuelle que Monsieur Alain MADELIN a présentée.
Ces deux textes veulent modifier les conditions dans lesquelles l'activité s'exerce dans notre pays. Je citerai trois exemples concrets qui se traduisent directement dans les comptes des entreprises :
- pour un salarié dont le rémunération est inférieure à 6 500 F par mois, le coût en francs courants a baissé pour l'entreprise, grâce à l'exonération des cotisations familiales ;
- le développement de l'emploi est très fortement encouragé dans les très petites entreprises. L'exonération durant 24 mois des cotisations sociales patronales à l'embauche du premier salarié, qui était précédemment réservée à l'artisanat, et maintenant étendue à tous les secteurs d'activité. L'embauche des deuxième et troisième salariés dans les zones rurales et dans les quartiers en difficulté garantit l'exonération des cotisations patronales pendant un an. Ces mesures sont déjà très fortement utilisées dans votre département. Elles se développeront davantage à mesure que leur champ d'application s'étendra.
- aujourd'hui, le recrutement d'un jeune apprenti par un artisan ne coûte rien durant la première année. De façon générale, le coût d'embauche d'un jeune est réduit : le contrat d'insertion professionnelle, diminue les charges de l'entreprise d'au moins 20 000 F sur un an.
La loi quinquennale sur l'emploi ouvre d'autres voies : aménagement négocié du temps de travail, aide à la création d'entreprises. En allégeant les contraintes qui pèsent sur le fonctionnement des entreprises, on créera plus d'emplois.
L'amélioration de la formation professionnelle des jeunes est également l'une des conditions pour gagner la bataille contre le chômage.
Mais une élévation de la formation générale ne suffit pas pour faire reculer le chômage des jeunes. La formation reçue doit mieux correspondre aux besoins des entreprises. Une comparaison départementale montre que la Haute-Loire est l'un des départements où les entreprises recourent le plus à la formation on alternance. J'ai eu le plaisir de constater que le nombre de contrats d'apprentissage s'est considérablement accru entre 1992 et 1993. LA progression de 459 à 560 est bien supérieure à la moyenne française. La présence à ce forum de chefs d'entreprises, d'enseignants et de jeunes démontre que là où la volonté existe, comme en Haute-Loire, de vrais progrès sont possibles dans le domaine de l'emploi.
La simplification des procédures et l'allégement des coûts, la généralisation de cette formule à tous les niveaux de qualification -du certificat d'aptitude professionnelle au diplôme d'ingénieur-, la confrontation entre les offres et les demandes d'emploi à l'échelon régional, tout cela développera la formation en alternance et l'apprentissage en particulier.
Le forum auquel j'ai le plaisir de participer illustre l'action qui doit être la nôtre.
Plutôt que de faire croire à des emplois qui ne verront jamais le jour, je préférerais que cette journée permette concrètement l'embauche de dix, vingt, trente... des jeunes qui sont ici présents. Qu'à la rentrée prochaine, elle conduise des jeunes en formation dans les entreprises qui sont ici représentées. L'effort entamé en 1993 doit être poursuivi.
Notre société peut redevenir, j'en suis convaincu, une société de plein emploi. A condition que les qualifications soient plus hautes, à condition qu'on tire profit de la croissance, dont maintes branches de notre économie sont porteuses. Encourager l'innovation et le développement en formant mieux : tel est notre but.
La réunion tenue aujourd'hui est un modèle pour notre pays. Le modèle d'un dialogue efficace entre tous les acteurs de notre système économique et social. Pour que les jeunes connaissent mieux le monde du travail et ne choisissent pas un métier en fonction d'idées préconçues. Pour que les enseignants sachent mieux conseiller les jeunes sur leur formation. Pour que les entreprises investissent plus dans ce qui est la clé de la compétitivité de notre pays, la formation de leurs salariés et celle des jeunes en premier lieu.Je salue l'action engagée ici, à l'initiative de Monsieur Jacques Barrot. Je souhaite qu'elle soit un exemple pour notre pays afin que nous puissions retrouver à la fois une économie plus dynamique et des Français plus confiants.