Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L'orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l'occurrence le groupe Union Centriste, disposera d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.
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M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre, dès mon propos introductif, à beaucoup des points évoqués par M. Dubois.
Je souhaite tout d'abord dire, avec énormément de conviction et de fermeté, que le Gouvernement ne cherche en rien à déstabiliser le secteur HLM. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Je le dis avec d'autant plus de fermeté que nous avons entamé des discussions avec ces organismes depuis le premier jour, bien avant que ne s'ouvre le débat sur les APL, avec pour seul souci de réussir à résorber le manque de logements sociaux en France.
Sur ces questions, on a entendu tout et son contraire. On a d'abord accusé le Gouvernement, cet été, de vouloir revenir en arrière sur la loi SRU ; on a ensuite dit que nous allions modifier le revenu d'éligibilité au logement social afin de diminuer le nombre de demandeurs. Tout cela est totalement faux !
Depuis le premier jour, nous avons entamé, avec l'ensemble des bailleurs sociaux, une discussion de fond pour voir comment améliorer la situation, au bénéfice des locataires. Je reviendrai sur ce point.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la nécessité de préserver le modèle du logement social.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de l'enjeu que représente la rénovation urbaine, qui n'est pas uniquement financée par l'État, par l'Union sociale pour l'habitat ou par Action logement, mais aussi par les bailleurs eux-mêmes, qui contribuent aux programmes de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, et financent, par de la dette supplémentaire, les projets de rénovation urbaine.
L'État s'est engagé nous y reviendrons lors du débat interactif à consacrer 1 milliard d'euros supplémentaire pour doubler, in fine, son apport au nouveau programme de l'ANRU. Il s'agit du fameux milliard dont on entend parler depuis des années, mais qui n'a jamais été budgété. Nous, nous le faisons en inscrivant les premiers crédits dans le projet de loi de finances pour 2018.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est aussi conscient que le système actuel n'est pas optimal ni suffisamment efficient et qu'il peut être amélioré.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient que les différents offices des différentes sociétés n'ont absolument pas les mêmes caractéristiques, n'ont absolument pas la même solidité de bilan, n'ont absolument pas les mêmes capacités d'emprunt, n'ont absolument pas les mêmes niveaux de ressources et n'ont absolument pas la même attention vis-à-vis d'un public à aider très fortement. Le taux de locataires éligibles aux APL diffère ainsi de manière significative entre offices ou entre sociétés, de 15 % à 80 %. Ce sont d'ailleurs souvent les organismes ayant le plus grand nombre de locataires éligibles aux APL qui connaissent les situations financières les plus difficiles, dans des territoires trop souvent oubliés.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement a pleinement conscience de ces difficultés qu'il prend en considération dans tout ce qu'il entreprend.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à une méthode de discussion, de concertation, que j'évoquais voilà quelques instants en répondant à une question de Mme Estrosi Sassone. Dès le premier jour de notre entrée au Gouvernement, Jacques Mézard et moi-même avons rencontré les bailleurs sociaux. Je les ai encore vus hier soir et ce matin. Je les vois tous les jours ou tous les deux jours, dans ce souci de concertation et de discussion.
Je vais vous parler en toute franchise et en toute transparence. Nous avons évoqué, avec l'ensemble des bailleurs sociaux, un certain nombre de pistes de travail, dont la première consiste à chercher comment améliorer le financement des opérations de logements sociaux. En effet, on le sait bien, un logement social est uniquement financé par du capital et de la dette. Cette dette est portée par l'État, plus précisément par la Caisse des dépôts et consignations, avec une contre-garantie des collectivités locales c'est un point essentiel.
Les bailleurs sociaux nous ont indiqué qu'ils voulaient des prêts de haut de bilan. Sans entrer dans des considérations trop techniques, je dirai que cela permet d'avoir plus de capital et qu'il s'agit donc d'un dispositif extrêmement bénéfique. À ce titre, on leur propose 2 milliards d'euros.
Ils regrettent également de n'avoir à leur disposition que des prêts à taux variable, qui ne leur permettent pas de connaître à l'avance les sommes à rembourser. Pour la première fois, nous leur proposons des prêts à taux fixe, avec des remboursements in fine, qui n'interviennent qu'à la fin du prêt. Une telle mesure aura un impact direct sur leur trésorerie.
Ils souhaitent améliorer leurs capacités en matière de rénovation énergétique. Nous leur proposons à ce titre 3 milliards d'euros.
Ils veulent bénéficier, dans certains cas, d'allongements de prêts. Nous le ferons, à hauteur de 30 milliards d'euros. Mais cela n'aura de sens que si les coûts supplémentaires sont pris en charge par l'État et la Caisse des dépôts et consignations.
En revanche, ces gains doivent être mis au profit des locataires. Ne nous leurrons pas : le système actuel des APL, inflationniste au possible, n'est pas pérenne. Une erreur fondamentale a été faite à la fin des années soixante-dix, au moment où on est passé de l'aide à la construction à l'aide au logement. Par la suite, en effet, la conjoncture économique n'a pas permis d'accroître les aides personnelles au logement.
Les gains financiers dont bénéficieront les bailleurs sociaux devront finalement profiter à l'ensemble du mécanisme des APL et, donc, participer à la diminution de leur charge, qui représente aujourd'hui 18 milliards d'euros, soit la moitié du budget de la défense nationale. Telle est la réalité.
Je l'ai dit, un bailleur social est aujourd'hui financé par de la dette. Il existe 4,5 millions de logements sociaux. Avec les représentants de l'ensemble des organismes d'HLM, nous voulons travailler sur l'accession sociale, en permettant à certains d'acquérir leur logement. Pourquoi une telle volonté ?
Pour tous les bailleurs sociaux, le logement, c'est-à-dire l'actif, est valorisé à zéro dans les comptes, parce qu'il est réputé ne pas pouvoir être vendu. Or certains économistes évaluent ces 4,5 millions de logements sociaux à 230 milliards d'euros. Pour ma part, je ne pense pas qu'on puisse raisonner ainsi. Toutefois, permettez-moi de rappeler la multiplicité des logements sociaux : PLAI, ou prêt locatif aidé d'intégration, PLUS, ou prêt locatif à usage social, et PLS, prêt locatif social, proche du logement intermédiaire ou privé. Cette dernière catégorie représente à peu près 20 % du parc social, soit environ 900 000 logements, que certains locataires souhaitent acquérir. Cela emporte des difficultés, notamment de copropriété, qu'il faudra régler.
Chaque année, on vend autour de 8 000 logements. Si on réalisait demain la vente de 20 000 logements pour un prix moyen de 100 000 euros, on obtiendrait 2 milliards d'euros. Or le revenu annuel total des bailleurs sociaux s'élève à un peu plus de 20 milliards d'euros. Une telle vente représenterait donc 10 % des loyers. Il s'agit là d'une vraie piste d'amélioration : on pourrait ainsi mieux rentabiliser une opération et diminuer les loyers des bénéficiaires. Je parle bien d'accession sociale et non pas de vente aux institutionnels. Sur ce sujet, de nombreux bailleurs sociaux sont tout à fait enclins à réfléchir. D'ailleurs, dans le projet de loi Logement, on introduira les modifications visant à faciliter l'accession sociale.
Le troisième volet concerne le regroupement que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Dubois. Les organismes et les sociétés d'HLM l'appellent aujourd'hui de leurs voeux. En effet, il élargit les possibilités d'accueil des personnes en grande difficulté financière. J'évoquais tout à l'heure les disparités entre bailleurs sociaux ; il convient donc de rassembler, pour accueillir des publics plus sensibles, et de mieux construire grâce à des capacités financières plus importantes. Nombre de bailleurs sociaux se sont déjà organisés en GIE, alors que d'autres se sont consolidés au sein de groupes.
Enfin, outre le financement, la vente et le regroupement, nous négocions aujourd'hui avec l'ensemble des bailleurs sociaux l'article 52 du projet de loi de finances pour 2018. Comme je vous l'ai indiqué en toute transparence et en toute franchise, nous en discutons tous les jours.
Les bailleurs sociaux l'ont affirmé dès le début, les améliorations de financement que nous leur proposons ne leur conviennent pas. Nous avons donc travaillé, et le Premier ministre leur a écrit. Aujourd'hui, ils relèvent des avancées significatives pour ce qui concerne le package financier, qui ne leur convient toujours pas, je ne me voile pas la face. La presse, les campagnes de pub qu'ils financent le montrent.
Toutefois, de vraies pistes de travail existent. Par exemple, les bailleurs sociaux estiment que les mesures prévues à l'article 52 du projet de loi de finances, qui ne reposent que sur une baisse de loyer, s'appliqueraient trop rapidement. Ils nous demandent d'évoluer sur certains sujets, tels que la TVA, ce qui leur apporterait une plus grande souplesse pour monter en puissance. Nous travaillons donc ensemble sur ce point, l'objectif étant de diminuer la dépense relative aux APL, mais de manière plus progressive.
Sans vouloir être trop long, je souhaite encore insister sur trois points. Vous avez évoqué, monsieur Dubois, de nombreuses pistes de réflexion, en souhaitant que le Gouvernement puisse y répondre positivement. Nous sommes d'ores et déjà totalement en ligne avec certaines d'entre elles. Je pense notamment à la TVA, mais aussi à la rénovation des centres-bourgs des villes moyennes. Avec Jacques Mézard, nous avons la conviction que ce sujet a été laissé de côté ces dernières années. Par conséquent, au cours des négociations que nous avons menées ces deux derniers mois, nous avons lancé un plan en matière de rénovation de logements. Nous avons notamment obtenu d'Action logement le financement, à hauteur de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans, de la rénovation dédiée des centres-bourgs de villes moyennes. Cela doit être un axe fort de la politique du logement.
Vous avez également fait allusion, monsieur le sénateur, aux systèmes de plateforme, et notamment à la plateforme d'attribution SNE, qui doivent être améliorés.
J'en viens enfin à la question du bâti, et au prix du foncier. Vous avez raison, dans certaines opérations en zones tendues, le prix du foncier représente 30 % à 50 % du prix de l'opération. Que faisons-nous dans le cadre du « choc de l'offre » et non pas du « choc dans le mur » ! que nous portons ? Il s'agit d'aligner les intérêts des uns et des autres. Car tel n'est pas le cas dans le secteur privé, ce qui est aberrant. Or, quand les vents sont contraires à la marée, on n'avance pas !
C'est la raison pour laquelle nous procéderons à un abattement fiscal massif. Ainsi, si un citoyen a besoin d'un terrain, mais que les propriétaires ne peuvent le lui vendre parce qu'ils attendent vingt-deux ans pour ne pas payer d'impôt sur la plus-value immobilière, le système ne fonctionne pas ! Par conséquent, tout propriétaire foncier vendant d'ici à fin 2020 bénéficiera d'un abattement spécifique, de 100 % s'il s'agit de logement social, de 85 % s'il s'agit de logement intermédiaire et de 70 % s'il s'agit de logement privé. Nous alignons les intérêts.
M. le président. Il va falloir conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je conclus, monsieur le président.
Nous faisons la même chose avec les entreprises, conformément à l'axe de travail que nous avons défini dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, les logements évolutifs, sur lesquels nous avons beaucoup travaillé, notamment avec l'APF, l'Association des paralysés de France. Nous avons défini ensemble ce que doit être le schéma global d'un logement évolutif. Toutefois, ne nous trompons pas d'objectif : l'accessibilité des bâtiments aux personnes en situation de handicap concerne non pas les logements neufs, mais surtout les logements existants. Aujourd'hui, notre ministère n'est pas accessible aux personnes en situation de handicap ! Je suis donc mal placé pour donner des consignes aux uns et aux autres (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. M. Daniel Dubois applaudit également.)
- Débat interactif -
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d'y répondre pour une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Abdallah Hassani.
M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis un peu inquiet. Si, au plan national, il existe un déficit en matière de logement, que dire de l'outre-mer, et particulièrement de Mayotte, où nous avons seulement 300 logements sociaux pour une population de 300 000 habitants, avec 10 000 naissances par an ? Je vous laisse imaginer le retard que nous avons pris !
Des efforts importants ont été faits. Les conditions techniques pour produire durablement sont à présent réunies ; des projets et des opérateurs sont prêts. L'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte, l'EPFAM, qui n'existait pas, est en place depuis juillet pour acquérir du foncier et améliorer les réseaux de desserte, ces deux sujets constituant deux freins au développement des constructions à Mayotte.
Mais le financement ne suit pas, monsieur le secrétaire d'État. En effet, l'EPFAM n'est doté que de 3 millions d'euros par an sur cinq ans, et ce montant est prélevé sur la ligne budgétaire unique, déjà très insuffisante, par laquelle le ministère des outre-mer contribue à l'amélioration de l'habitat. À Mayotte, elle ne recouvre même pas les besoins de la seule intercommunalité Dembeni-Mamoudzou, soumise par la loi SRU à l'obligation de produire 888 logements locatifs sociaux d'ici à 2019.
M. le président. Il va falloir songer à poser votre question !
M. Abdallah Hassani. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais savoir comment le Gouvernement prendra toute sa part au développement du logement social à Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Effectivement, si la situation du logement social est compliquée en métropole, elle l'est souvent encore plus dans un certain nombre de territoires d'outre-mer.
Permettez-moi de prendre des exemples très concrets. Il y a eu de longues discussions sur les SIDOM et leur actionnariat, alors qu'il aurait fallu aller de l'avant. Trop souvent, on a eu des débats de structure institutionnelle.
Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, grâce à un travail conjoint, nous avons mis en place l'EPFAM. Bénéficie-t-il de dotations suffisantes ? Je le rappelle, son financement est assuré par la LBU, ce qui introduit une limitation.
Tout d'abord, un travail est en cours avec le ministère des outre-mer pour évaluer et répartir spécifiquement les besoins d'un territoire à l'autre dans le cadre du déploiement de cette ligne budgétaire.
Ensuite, au-delà des capacités de financement de l'EPFAM et des débats qui se dérouleront dans le cadre du projet de loi de finances, je veux rappeler le travail de l'ANRU, acteur massif, notamment dans le cadre du NPNRU. Aujourd'hui, trois projets sont financés à Mayotte par l'ANRU. Pour accroître significativement la construction, il faut passer par de tels opérateurs et non pas uniquement par des lignes budgétaires.
La question qui se pose est donc la suivante : comment aller encore plus loin dans le développement grâce à un opérateur comme l'ANRU dans le cadre du NPNRU ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite d'abord remercier le groupe Union Centriste d'avoir fait le choix de ce sujet pour notre débat, à l'heure où les contours du projet de loi sur le logement sont dévoilés. À l'évidence, ce texte aggravera encore la situation des locataires en précarisant leurs droits : perte du maintien dans les lieux et extension de l'application du surloyer.
Dans le même mouvement, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'État, a annoncé une baisse brutale des subventions aux collectivités, qui sont pourtant des acteurs essentiels du logement social, une baisse brutale des aides à la pierre, ainsi qu'une ponction indue sur les offices d'HLM, lesquels devront prendre en charge les APL.
Le gel des crédits du budget de la politique de la ville pèse également fortement sur la politique du logement. À cela s'ajoute le gel du taux du livret A, alors que cette épargne finance la construction.
C'est une attaque sans précédent contre le modèle social du logement public. Ces mesures rendent impossible la réalisation des missions d'intérêt général des bailleurs sociaux et concrétisent le désengagement de l'État.
Dois-je vous rappeler les chiffres alarmants du mal-logement en France ? Ainsi, 4 millions de nos concitoyens sont mal logés, quand 12 millions sont en situation de fragilité. En outre, 79 % des Franciliens sont éligibles au logement social et 600 000 effectuent une demande chaque année. Défendre le logement social, c'est une exigence républicaine.
Or la seule option encouragée par le Gouvernement est la vente par les bailleurs de leur patrimoine pour être en mesure de continuer à financer la construction. Est-ce vraiment sérieux lorsque l'on connaît l'ampleur du nombre de demandeurs ? La diminution du nombre de logements sociaux est-elle votre réponse à la crise du logement ? Comment, dans de telles conditions, garantir le droit au logement pour tous ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je suis désolé de vous le dire, mais vous avez énoncé de nombreuses contrevérités.
Mme Éliane Assassi. Non !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. S'agissant du maintien dans les lieux, je l'ai dit à l'instant, nous proposons simplement d'introduire de la mobilité : la commission d'attribution des logements proposera tous les six ans je dis bien « proposera », il n'y aura aucune obligation au locataire
Mme Éliane Assassi. Ça se fait déjà !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je vous assure que tel n'est pas le cas !
Le locataire acceptera ou n'acceptera pas la proposition de la commission. Le maintien dans les lieux est donc assuré.
Vous affirmez que nous voulons diminuer le nombre de demandeurs de logements sociaux. Or, je viens de le dire, nous n'aurons jamais recours à l'aberration consistant à diminuer le montant du revenu d'éligibilité au système social.
M. Pascal Savoldelli. Vous n'enlevez pas 3 milliards d'euros au logement social ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. S'agissant de la politique de la ville, l'ensemble des crédits qui lui sont affectés seront maintenus sur la durée du quinquennat, nous l'avons annoncé voilà quelques semaines.
Vous avez évoqué la question des personnes mal logées, et je voudrais donc répondre. Nous augmentons les crédits de 10 %, dans le cadre du programme 177 ; nous construisons entre 3 000 et 5 000 PLAI, soit des logements très sociaux, 40 000 logements dans le cadre de l'intermédiation locative et 10 000 pensions de famille. Reportez-vous aux propos tenus par les associations de lutte contre l'exclusion, avec qui nous avons encore passé la matinée, à propos du programme « logement d'abord ». Elles saluent l'action du Gouvernement en la matière. On ne peut donc pas dire que nous ne faisons rien en faveur des mal-logés. Bien au contraire, notre programme est très ambitieux.
M. Pascal Savoldelli. On va vérifier !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne peux pas démarrer mon propos sans rappeler le côté extrêmement massif, qui peut être une véritable bombe à retardement, pour des raisons budgétaires que l'on peut comprendre : l'État veut maîtriser sa dépense publique. Mais une situation comme celle-ci risque d'entraîner des effets collatéraux, à savoir une véritable fracture territoriale et sociale.
Je ne vais pas rappeler tous les chiffres, puisqu'ils ont été mis en avant par les uns et les autres. Mon collègue Daniel Dubois a évoqué tous les risques. Je m'attarderai plus particulièrement sur l'ANRU, le NPNRU et le PNRU en cours.
Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, l'État mettra 1 milliard d'euros ; Action logement, 2 milliards d'euros ; l'USH, 2 milliards d'euros, qui viendront s'ajouter au 1,7 milliard d'euros, soit 150 millions d'euros par an. Il faudra ensuite accompagner le FNAP au niveau de l'USH, ce qui viendra diminuer les fonds propres des organismes bailleurs, lesquels devront faire des choix : soit rénover thermiquement leurs logements, soit construire quelques logements nouveaux, soit participer à l'action de l'ANRU. Car ils ne pourront pas tout faire !
Vous nous parlez de vente du patrimoine. Je rappelle qu'on a créé des sites ANRU pour gérer les copropriétés dégradées liées à la vente de patrimoine.
Certes, il faut faire quelque chose, nous en sommes convaincus. Mais profitez du travail parlementaire qui sera fait au Sénat ! Vous l'avez vu, tout le monde ici est convaincu qu'il faut avancer dans le bon sens. S'agissant de l'ANRU, nous ne voulons pas que les 5 milliards d'euros annoncés, dont le milliard d'euros provenant de l'État, soient de pur affichage ! En effet, les collectivités ne garantiront plus un seul emprunt, parce qu'elles seront désormais tenues d'apporter leurs propres garanties, et qu'elles devront payer. La CGLLS, avec le peu d'argent qu'elle a, ne pourra pas assumer la situation. Et les collectivités seront mobilisées à hauteur de 50 %, une fois qu'on aura mis en croix les bailleurs !
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Valérie Létard. Bref, il faut reconstruire, monsieur le secrétaire d'État, un article 52 du projet de loi de finances qui nous permette de trouver des solutions, dans l'attente de la refondation d'une politique du logement et d'une rénovation urbaine en commençant par le commencement ! Il ne convient pas de raboter le budget en mettant en croix quelque chose, certes améliorable, mais également indispensable pour que les collectivités ne se fassent pas départir de leur rôle en matière de logement de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. M. Philippe Dallier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En évoquant l'approche du Gouvernement, j'ai essayé d'être totalement transparent, franc et, je l'espère, convaincant. Je vous le dis avec la plus grande sincérité, madame la sénatrice, notre objectif n'est pas de casser les bailleurs sociaux. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Philippe Dallier. C'est bien parti !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Dans le cadre des quatre axes de réforme que j'ai indiqués, nous voulons discuter avec eux.
Certes, nous leur demandons un effort important. Les modifications prévues je pense au cadre financier, au regroupement et à davantage d'accession sociale à la propriété doivent leur permettre de participer à l'effort de diminution du modèle des APL et d'assurer leur pérennité. Cela nécessite deux choses, que vous avez rappelées : la prise en compte de leurs spécificités et celle de leur politique de proximité.
L'article 52 du projet de loi de finances constitue la base de la discussion et de la négociation avec les bailleurs sociaux. Madame Létard, je retiens votre proposition de travailler avec les sénateurs dans le cadre de l'examen de cet article par votre assemblée. Nos discussions devraient conduire en tout cas, je l'espère, parce que cela voudra dire que nous avons trouvé un accord à des modifications du texte.
S'agissant de l'ANRU, nous avons la volonté d'engager la discussion, j'insiste sur ce point. Dès le départ, nous avons pris en compte la contribution des bailleurs sociaux, qui constitue un élément important, l'ANRU ne pouvant être exclusivement financée par l'État.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne devons pas entendre les mêmes organismes d'HLM ni les mêmes associations, car nous n'avons vraiment pas les mêmes échos.
Je le rappelle, 4,2 millions de logements HLM sont occupés par plus de 10 millions de personnes ; 15 % des ménages, dont la moitié est en dessous du seuil de pauvreté, relèvent du logement social. Avec un loyer moyen de 390 euros, contre 570 euros dans le parc privé, les organismes d'HLM répondent à une demande sociale forte.
Par ailleurs, comme nous le savons tous ici, ils gèrent au quotidien de grands ensembles, qui cumulent souvent les handicaps : chômage, dégradation de l'habitat, échec scolaire, délinquance Sans l'implication de ces organismes d'HLM, quelles seraient les perspectives pour ces quartiers, pour nos villes, y compris dans les copropriétés privées dégradées, où, justement, on va les chercher ?
Le logement n'est ni un luxe ni une marchandise comme une autre. Selon le projet de loi de finances, les organismes d'HLM disposeraient de 11 milliards d'euros de trésorerie. Dans les faits, ils ont 8 milliards d'euros en moyenne lissée, ce qui correspond à deux mois d'activité, soit un ratio normal pour une entreprise saine, dont 1 milliard d'euros provenant des dépôts de garantie des locataires et des provisions pour travaux planifiés.
Enfin, leur résultat d'exploitation, de 2,2 milliards d'euros, est intégralement réinvesti dans la production et la rénovation du parc, avec des effets démultiplicateurs en termes d'activité, d'emplois directs et indirects, et de TVA, à hauteur de 800 millions d'euros. Dès lors, parler de matelas ou de rente relève du contresens.
Après un examen attentif, l'article 52 du projet de loi de finances se révèle mortifère pour le logement social. La baisse des APL revient à prélever aux organismes 1,7 milliard d'euros en 2018 et 1,5 milliard en 2019, amputant ainsi leur capacité d'investissement de 75 %. Une telle ponction divisera par quatre les opérations de rénovation et de construction neuve, au détriment de l'offre. C'est la raison pour laquelle on ne peut vous suivre dans votre raisonnement.
En contrepartie, le Gouvernement propose un gel du taux du livret A sur deux ans. Or les organismes s'endettent sur quarante ans, voire plus. Parler de contrepartie opérante est donc un leurre.
Plus d'une centaine d'organismes d'HLM seront ainsi mis en péril, alors que plus d'une centaine d'autres connaîtront les plus grandes difficultés. Ils sont présidés par des élus locaux et des maires, ce que vous semblez oublier.
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Annie Guillemot. J'y viens.
M. le président. Rapidement !
Mme Annie Guillemot. Et ce sont généralement les villes qui garantissent leur dette.
Enfin, quel sera l'impact de votre politique sur le financement de la rénovation urbaine, comme l'a dit ma collègue, alors que les acteurs s'accordent pour estimer la note à 10 milliards d'euros ?
Alors que la question du logement est d'une cruelle actualité, ne serait-il pas plus raisonnable, monsieur le secrétaire d'État, de surseoir à l'application de l'article 52 du projet de loi de finances ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, nous rencontrons certainement les mêmes organismes, mais je ne suis pas sûr qu'ils vous disent tout ! (Exclamations sur diverses travées.)
Vous disent-ils que l'application de l'article 52 entraînera toutes les conséquences que vous venez d'évoquer ? Décrivent-ils les impacts du package financier que j'ai présenté tout à l'heure ?
Permettez-moi de vous donner trois exemples. Dans le département du Rhône, trois organismes, que je ne nommerai pas, ont des taux d'autofinancement de 15 %. Avec la réforme, ils déplorent une perte de leur capacité d'autofinancement, qui passera, effectivement, de 15 % à 9,8 % et à 14 % pour les autres. Le package financier que nous proposons leur permettra de revenir à une capacité d'autofinancement de 12 %, et même de 17 % pour l'un d'entre eux. La réforme lui sera donc bénéfique. Telle est la réalité !
Il s'agit non pas de ponctionner de l'argent aux bailleurs sociaux, mais d'avoir la réflexion la plus intelligente possible. Alors que l'État et la Caisse des dépôts et consignations financent depuis quarante ans le système, ils ne se sont jamais posé la question de savoir comment on pouvait améliorer les choses. Pourquoi ne fait-on que du taux variable et pas du taux fixe ? Pourquoi ne fait-on pas plus de prêts de haut de bilan ? Cela engendrerait pourtant de véritables gains !
Il faut aller jusqu'au bout des analyses, en prenant aussi en compte les conséquences de l'amélioration des financements.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d'abord saluer l'initiative de mes collègues centristes, qui ont placé au coeur de notre débat la question du logement social. L'intitulé de la question renvoie à la diversité de nos territoires, sujet qui mérite toute notre attention.
Nous manquons de logements sociaux pour les ménages qui peinent à se loger, c'est un constat. Les derniers textes législatifs ont démontré que de louables desseins sur le papier pouvaient aboutir sur le terrain à des objectifs inatteignables pour des territoires aux capacités foncières et financières limitées, ou conduisaient à une offre inadaptée à la demande.
Pour répondre aux objectifs de 25 % de logements sociaux, certaines intercommunalités ont intégré le principe de la mutualisation des objectifs triennaux de rattrapage des communes déficitaires dans leurs programmes locaux de l'habitat, pour atteindre de façon collégiale cet objectif à l'horizon de 2025. Quoi de plus naturel, finalement, au sein des intercommunalités ? Une démarche incitative et vertueuse que la loi Égalité et citoyenneté a failli supprimer. C'est un comble, à l'heure où l'EPCI est désormais l'échelle privilégiée des politiques d'habitat, d'urbanisme et, surtout, de déplacements urbains, toutes ces questions étant parfaitement liées à celle du logement.
Alors que la charge du logement est aujourd'hui confiée au ministère de la « cohésion des territoires », et non plus à « l'égalité des territoires » ça, c'est heureux ! , la mutualisation intercommunale permet la gestion des contradictions entre un objectif national uniforme et la prise en compte de la diversité des territoires et de leur histoire. Pourquoi ne pas encourager la généralisation de la mutualisation des objectifs de logements sociaux au niveau des intercommunalités, pour celles, bien sûr, qui le souhaitent, et ainsi enclencher une dynamique autrement plus positive que des amendes pénalisantes aux communes, afin de répondre au mieux à un enjeu crucial ? (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question renvoie plus généralement à celle de l'application de l'article 55 de la loi SRU. Plus précisément, vous m'interrogez sur la possibilité de généraliser l'objectif des 25 % dans le cadre d'un regroupement intercommunal. Vous avez également rappelé le dispositif que la loi Égalité et citoyenneté a failli détruire.
Nous devrons avoir cette discussion lors de l'examen du projet de loi Logement que nous portons. M. Jacques Mézard et moi-même avons ce débat avec beaucoup d'autres pour savoir s'il faut ou non toucher à l'article 55 de la loi SRU. Le sujet est très compliqué.
Certes, dans énormément de cas, c'est justifié ; cela relève même du bon sens. Il y a des communes qui, nous le savons, ne peuvent mathématiquement pas atteindre l'objectif fixé par la loi actuelle. Cela a même un effet démoralisant. Les communes ont l'impression qu'on leur dit : « Nous vous fixons un objectif, mais nous savons très bien que vous ne pourrez pas l'atteindre. »
Mais, à l'inverse, on ignore quelle sera la réaction de l'ensemble des acteurs, pris dans leur globalité, si l'on envoie le signal que l'on est prêt à toucher à la loi SRU. Ne risque-t-on pas d'avoir un manque de motivation chez certains ? Nous le savons, si beaucoup sont très motivés, d'autres le sont moins ; c'est un euphémisme. Si les personnes concernées se sentent de moins en moins obligées au regard de la loi SRU, cela peut être comme une reculade. C'est un vrai débat, et il n'est pas facile à trancher.
Aussi, à ce stade, nous n'avons pas souhaité modifier la loi SRU dans le projet de loi Logement. Mais je vous rejoins : le débat est légitime, et il faudra l'aborder dans le cadre de la préparation du texte.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous rapporter une tranche de vie. La scène se déroule au printemps 2014 dans le village de Sainte-Marthe, situé dans le septième secteur de Marseille, qui compte 150 000 habitants, dont 50 % de logements sociaux.
Le préfet de région fait un point sur l'avancée des travaux de rénovation d'une cité sociale implantée dans le XIVe arrondissement. Il a réuni pour cela le préfet délégué à l'égalité des chances, l'adjointe au maire de Marseille chargée de la politique de la ville appelons-la « Arlette » , un représentant de la police nationale, les bailleurs et le maire de secteur récemment élu, en l'occurrence votre serviteur. Un seul pourvoir est absent : la presse ! Ce qui permet au préfet de nous annoncer directement et sans tabou mais c'était sans compter sur le fait que je ne sais pas garder un secret ceci : « Mesdames et messieurs, je suis très inquiet. L'objectif du programme est de recréer de la mixité sociale. Or nous allons droit à l'échec. C'est d'autant plus regrettable que ce programme est le plus coûteux : 180 000 euros par logement ! Nous avons découvert dans cette cité une organisation clanique : les Gitans ont chassé les Maghrébins. Nous avons rencontré le chef des Gitans ; il est d'accord pour accueillir des familles qui viennent de l'extérieur à la condition qu'elles soient gitanes. »
Nous nous sommes rendus ensuite sur les lieux. Et Arlette, l'adjointe de Jean-Claude Gaudin, de s'émouvoir et de m'interroger : « Stéphane, on ne va pas laisser ces gens dans cette situation ? » Et moi de lui répondre : « Humainement, non ! » Et, abandonnant un instant les versets de la religion laïque et obligatoire du vivre ensemble, Arlette de constater et de me confier : « Mais cela ne servira à rien. » Ou quand le mur de l'idéologie s'effondre devant la force de la réalité !
Monsieur le secrétaire d'État, cette histoire vraie, et il y en a tellement d'autres, résume à elle seule la situation que subissent bon nombre de nos compatriotes, et pas seulement dans la deuxième ville de France : concentration des programmes sur les mêmes territoires, communautarisme, incivilités et insécurité, qui interdisent à des familles d'accéder à des logements qu'elles ont financés et auxquels elles ont droit, et dont elles ont besoin ; démission et aveuglement idéologique des pouvoirs publics, qui se contentent de déverser des sommes considérables sans aucun contrôle, sans aucune volonté d'y faire respecter sinon le vivre ensemble, au moins le savoir-vivre !
M. le président. Il faut poser votre question !
M. Stéphane Ravier. Alors qu'un million et demi de nos compatriotes sont en attente d'un logement social 80 % des Marseillais y sont éligibles , 30 % du parc dans les grandes villes est occupé par des étrangers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Posez votre question !
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d'État, comptez-vous tourner le dos à toute idéologie pour enfin prendre en compte la réalité des difficultés rencontrées par nos concitoyens dans les HLM ?
M. Pierre Ouzoulias. Vous n'y vivez pas !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je peux le dire avec fermeté, je ne partage absolument pas votre vision et vos propos.
M. Stéphane Ravier. Ce sont les propos du préfet !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je parle de vos propos de conclusion.
Ce n'est pas le fait de décréter que certains sont prioritaires par rapport à d'autres dans l'attribution des logements sociaux qui réglera en quoi que ce soit la situation que vous venez d'évoquer.
La situation de la politique de la ville, nous la connaissons. Cela fait quarante ans que nous y sommes confrontés ; cela fait quarante ans que les fractures ne cessent de s'accroître.
M. Stéphane Ravier. Quel aveu !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Pour ma part, je suis absolument persuadé que ce n'est pas avec le discours que vous venez de tenir que nous réussirons à franchir les frontières qui nous séparent des quartiers de la politique de la ville. En aucun cas !
Comment fait-on pour avoir plus de mixité sociale ? La réalité, c'est que la mixité sociale, la lutte contre les frontières territoriales, les frontières de société, cela passe par des opérations de terrain très concrètes.
La mesure la plus forte qui ait été prise depuis des années est très certainement le doublement des classes dans les zones REP+ que nous venons de décider. Très sincèrement, cela aurait dû être fait depuis bien longtemps. C'était compliqué, mais cela permet de donner un accès plus facile à l'éducation à des personnes qui en ont besoin.
Vous me pardonnerez de ne pas vous répondre sur des critères d'attribution des logements sociaux. Je pense très sincèrement que c'est d'abord un vecteur d'aggravation des fractures territoriales et des divergences de société. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque intervenant dispose de deux minutes au maximum. J'invite tous les orateurs à veiller au respect scrupuleux de cette règle.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je risque malheureusement d'être redondante, car le département des Hautes-Pyrénées n'échappe pas aux inquiétudes ressenties nationalement sur ce thème.
En matière de logement social, l'article 52 du projet de loi de finances a suscité de vives réactions de la part des bailleurs sociaux de mon département. À mon avis, cette disposition relève d'une vraie fausse bonne nouvelle pour les locataires. Si l'État réalise par ce biais une économie substantielle au travers de la diminution du montant des APL, il n'en fait pas moins porter le poids sur les budgets des organismes d'HLM, mettant en péril leur équilibre financier et menaçant alors la qualité même des logements. Certains d'entre eux ont d'ores et déjà annoncé geler leur production de logements jusqu'à nouvel ordre.
Permettez-moi de vous décrire ce que la baisse des loyers va occasionner pour deux organismes dans les Hautes-Pyrénées. La société d'économie mixte de construction de la ville de Tarbes estime sa perte financière entre 500 000 et 600 000 euros, se retrouvant avec un autofinancement négatif de 300 000 euros. L'office public de l'habitat du département évalue, quant à lui, cette perte à 4 millions d'euros, subissant une diminution de plus de 90 % de son autofinancement. Les deux organismes devraient alors faire appel, pour leurs encours, à leurs garants, qui ne sont autres que les communes et le conseil départemental, dont la marge de manoeuvre budgétaire a été extrêmement mise à mal depuis plusieurs années.
Conséquemment à ces pertes budgétaires, c'est l'habitat lui-même qui se verrait amputé des programmes de rénovation, en particulier de la rénovation thermique. Ainsi, lorsqu'à moyen terme, il eût été envisageable de concevoir des économies liées à la performance énergétique du parc immobilier, l'absence d'investissements en la matière créera inévitablement des dépenses supplémentaires pour les locataires.
Enfin, cet article pourrait tout bonnement se révéler également contre-productif pour atteindre l'objectif d'amélioration de l'accès au logement des personnes les plus modestes.
M. le président. Pensez à conclure !
Mme Maryse Carrère. Car, en zones tendues particulièrement, peut-on raisonnablement penser que, au vu du danger financier que représentera pour un organisme d'HLM le fait d'avoir une majorité de locataires pour lesquels il serait contraint d'abaisser les loyers, sa commission d'attribution continuera à attribuer des logements aux plus modestes, une telle démarche impliquant une diminution de ses ressources ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, j'évoquais précédemment les offices ou sociétés pour lesquels les nouveaux modèles de financement que nous proposons ont un effet positif. Mais, vous avez raison, l'effet est négatif pour d'autres.
J'insiste sur la diversité des situations. Il y a 750 offices ou sociétés. Avec les sociétés d'économie mixte, le nombre d'entités qui financent du logement social s'élève aujourd'hui à 800. Vous le savez, car vous en avez toutes et tous sur vos territoires.
La difficulté est effectivement de mener cette réforme du financement, de la vente et du regroupement en faisant en sorte qu'elle n'ait pas un effet négatif sur les uns quand d'autres en sortiraient encore plus forts.
L'article 52 prévoit une mutualisation, une péréquation. Vous connaissez cela par coeur. Notre travail, dans la perspective de la finalisation du dispositif, est de faire en sorte que cette mutualisation, cette péréquation, soit pertinente.
J'évoquais tout à l'heure la TVA. C'est une piste de travail que proposent les bailleurs sociaux. Pourquoi est-ce intéressant ? Tout simplement parce que la TVA est directement fonction de l'activité : plus vous avez d'activité, plus vous pouvez bénéficier des nouveaux financements que nous proposons et plus, au final, vous pouvez les utiliser pour financer votre activité à moindre coût. Cela permet d'établir une corrélation, indépendamment des effets ou de la structure financière des offices ou sociétés. C'est donc un moyen d'avancer dans le bon sens.
Encore une fois, ce n'est pas une décision budgétaire. L'intérêt de diminuer les APL est réel. Il faut le faire ; il y va de la pérennité du système. Mais c'est une réforme globale du système des HLM que nous essayons de porter aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, je ne reviendrai pas sur la baisse des APL, puisque je vous ai interrogé sur le sujet lors des questions d'actualité. J'évoquerai plutôt la politique du logement adaptée à nos territoires.
Je regrette que la politique du logement du Gouvernement s'inscrive dans une démarche interventionniste et centralisatrice, bousculant quelque peu les élus locaux et resserrant l'étau autour des collectivités locales. Le logement tout court et, plus particulièrement, le logement social doit répondre à une demande en fonction des territoires, qu'ils soient tendus ou non. Dans les Alpes-Maritimes ou en Île-de-France, nos collectivités, au nom des 25 % de logements sociaux d'ici à 2025, se voient assigner des objectifs de production qui sont surréalistes et inatteignables, en tout cas dans le délai imparti : 2025, c'est demain ! Ces obligations finissent par décourager les élus, même les plus volontaires.
Dans la brochure de présentation de la « stratégie logement » du Gouvernement, les collectivités sont loin d'être au coeur des dispositifs proposés, alors que leur rôle central est d'initier localement une politique de l'habitat au nom de l'intérêt général, du principe de solidarité et, surtout, des spécificités des territoires. Le maire demeure bien le premier sollicité lorsque l'un de nos concitoyens procède à une demande de logement social.
Il faut donner plus de souplesse à l'application de la loi SRU, non pas, comme je l'entends dire souvent, pour exonérer les communes de leurs obligations de construction de logements, mais simplement pour permettre une meilleure adaptation des objectifs aux réalités des territoires dans un souci d'une meilleure adéquation entre l'offre et la demande. C'est la raison pour laquelle il serait peut-être plus pertinent de définir entre le préfet et les collectivités une contractualisation arrêtant les objectifs réellement réalisables au vu, par exemple, de l'état du foncier disponible, des projets structurants définis et mis en oeuvre. Les sanctions s'appliqueraient alors pleinement si cette contractualisation n'était pas respectée.
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d'État, quel est votre avis sur cette adaptation aux réalités locales qui je le pense sincèrement serait plus à même de créer un choc de l'offre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je souhaite souligner plusieurs éléments.
Premièrement, dans la politique du logement que nous avons engagée avec Jacques Mézard, nous avons objectivement eu le souci des collectivités. Nous n'avons pas voulu mettre en place un énième dispositif ; il y a eu les OIN, les PIL, les PIE, sans parler des PLU, des SCOT, etc. Nous avons décidé d'arrêter cette surenchère et de passer à des schémas de contractualisation avec les collectivités ; c'est beaucoup plus efficace.
Deuxièmement, ainsi que je l'évoquais, le débat sur la loi SRU est très compliqué. Vous avez objectivement raison : il y a des approches territoriales. L'exemple que vous avez donné rejoint celui que j'ai moi-même pris précédemment. La difficulté est la suivante : rouvrir le débat sur ce sujet alors qu'il manque un million et demi de logements sociaux en France aujourd'hui ne risque-t-il pas de se révéler contre-productif pour cette grande cause nationale qu'est la construction de logement social ?
Troisièmement, à titre personnel, je vous suis à 100 % sur la territorialisation de la politique du logement. Je vous donne un exemple très concret. Il existe le prêt à taux zéro, le dispositif Pinel. Certains sont en A, d'autres en A bis, d'autres encore en B1, B2, C. C'est très pratique pour territorialiser une politique de logement Et cela fait des années que ça dure. Nous sommes donc en train de revoir cette territorialisation. Nous allons procéder à des aménagements et essayer de voir comment être plus proche de la réalité en fonction des différentes zones. À mon avis, à terme, il faudra effectivement de plus en plus territorialiser la politique du logement.
Une partie de ma famille vient de l'Oise. Dans le petit village, il n'y a plus de centre-ville ou de centre-bourg. En revanche, il y a énormément de pavillons autour, avec tous les problèmes que cela implique. Et, dans un petit village analogue que je suis allé visiter dans le Bas-Rhin, c'était l'inverse ! Pourtant, les deux sont en zone B2. Les financements et les dispositifs ne permettent pas de faire la même politique. À terme, il faudra donc territorialiser ; mais cela prendra du temps. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Ma question porte sur les entrées et les sorties dans le logement social.
Ces dernières années, beaucoup a été fait pour favoriser la construction de logement social neuf.
En février dernier, la Cour des comptes estimait que, sur les 17,5 milliards d'euros consacrés au logement social, plus de la moitié, pratiquement 55 %, soit 9,5 milliards d'euros, se rapportaient directement ou indirectement à la construction. Parmi les différentes incitations à la construction de logements neufs, on peut notamment mentionner la TVA à taux réduit, l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et les avantages liés à l'accès à l'épargne réglementée et aux prêts locatifs.
Même si les objectifs initiaux du précédent gouvernement ne sont pas remplis, la hausse du rythme de la construction au cours de dernières années doit nous réjouir. Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, je veux porter à votre attention deux écueils liés à cette politique du logement social centrée sur la construction.
D'une part, il apparaît que les constructions ne sont pas suffisamment ciblées et ne tiennent pas compte, par exemple, des zones de tension ou encore de la taille des foyers, avec notamment l'accroissement des familles monoparentales alors que nous avons des logements qui sont prévus pour un plus grand nombre de personnes.
D'autre part, parmi l'ensemble des entrées dans le logement social, seulement une sur six s'effectue dans une construction neuve.
Comme la Cour des comptes l'a relevé, la rotation au sein du parc social demeure trop faible aujourd'hui. Il conviendrait utilement, à mon avis, de favoriser celle-ci, afin d'accroître le nombre global de logements proposés à la location sans tout focaliser sur la construction de logements nouveaux. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, quels sont les instruments que vous comptez utiliser pour fluidifier les entrées et sorties dans le parc social ? Une plus grande fluidité ne permettrait-elle pas, à coût constant, une meilleure redistribution de la part des organismes de logement social vers les foyers aux revenus les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les chiffres que nous avons déjà évoqués à plusieurs reprises 4,5 millions de logements et 1,5 million de personnes en attente représentent un véritable enjeu.
L'introduction de plus de mobilité est un problème compliqué. Cela renvoie à la question de tout à l'heure. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut décider par une loi ; cela se fait au plus près du terrain. Et vous en êtes les premiers garants. En effet, les ménages qui constituent les logements sociaux sont connus sur le terrain. Nous avons donc fait le choix de porter un aménagement au niveau des commissions d'attribution des logements. Ces dernières sont composées de celles et ceux qui connaissent véritablement ceux qui habitent dans les logements sociaux.
Notre objectif est de pouvoir le faire sur la base du volontariat. Nous voulons proposer tous les six ans d'autres solutions à celles et ceux qui habitent dans un logement social, si leur situation a évolué, par exemple parce que leurs enfants sont partis faire des études ou, inversement, parce qu'un héritage leur a permis d'acquérir un appartement dans une rue voisine. Si ces personnes ont droit au parc social, on leur propose d'autres solutions dans le parc social.
Pourquoi faut-il le faire rapidement ? Parce que, au bout de vingt-cinq ans dans un logement social, lorsque les enfants partent ou lorsque le bailleur propose un nouvel appartement, compte tenu de l'évolution des prix, le T5 a un loyer inférieur à un T3. La personne n'a donc aucun intérêt à changer de logement cela ne représente aucun gain pour elle , et elle reste dans son appartement. Il faut donc pouvoir faire une telle proposition rapidement. Nous avons donc retenu une période de six ans, afin que cela corresponde à un véritable gain de pouvoir d'achat.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'annonce cet été du coup de rabot sur l'APL a sonné comme un coup de tonnerre pour 6,5 millions de foyers : 5 euros en moins, c'est un mois de goûter pour les enfants ou encore les repas d'une journée, comme en témoignaient ce matin deux bénéficiaires de l'APL dans le journal L'Humanité.
Cette mesure injuste rapportera 390 millions d'euros au budget de l'État. Dans le même temps, Bruno Le Maire a annoncé : « Nous allons rendre 400 millions d'euros aux 1 000 premiers contributeurs à l'ISF. » En bref, vous pénalisez les 20 % de ménages français qui ont le plus besoin d'aide pour se loger au profit des 1 000 les plus riches, qui, on s'en doute, n'en ont pas besoin. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir s'ils appartiennent aux 3 250 familles qui détiendraient, selon Le Figaro du 30 septembre dernier, 150 milliards d'euros dans les paradis fiscaux. Et vous allez encore plus loin, en annonçant une baisse d'APL pour les locataires de logements sociaux compensée par une baisse des loyers équivalente. C'est donc aux bailleurs sociaux de compenser, encore une fois, le désengagement de l'État à hauteur de 1,5 milliard d'euros ! Autant d'argent en moins pour les réhabilitations, les constructions et le bien-être des habitants !
Enfin, cette mesure crée une inégalité insupportable entre les locataires. Car, demain, les bailleurs auront plus de scrupules à loger des bénéficiaires d'APL, dont les loyers seront plus faibles que ceux qui ne sont pas bénéficiaires de ces aides. D'autres personnes se verront barrer la route du logement social, car leurs revenus passeront en dessous du minimum requis par les commissions d'attribution.
Saisi par le collectif Vive l'APL, le Conseil d'État a promis qu'il rendrait sa décision avant vendredi. Mais vous pouvez agir avant. Ma question sera donc franche et directe, monsieur le secrétaire d'État : quand allez-vous retirer enfin ce décret insupportable pour tant de familles en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, le décret dont vous parlez est un décret d'exécution budgétaire sur l'année 2017. Était-ce une bonne idée de raboter de 5 euros ? Tout le monde s'est suffisamment exprimé, me semble-t-il, pour dire que les politiques de rabot ne sont pas la bonne solution. Simplement vous savez très bien comment sont faits les budgets , ce n'est pas nous qui avons conçu le budget pour 2017.
Mme Éliane Assassi. Nous non plus ! On avait même voté contre !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Ainsi que la presse l'a montré, la diminution des APL était déjà prévue. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Mais si, madame la sénatrice !
La réforme que nous proposons aujourd'hui, avec les débats que nous avons sur 2018, et les mécanismes que nous essayons de mettre en oeuvre visent à apporter des financements aux bailleurs sociaux, à permettre les regroupements, ainsi que l'accession et en faire bénéficier le système des APL, pour en assurer la pérennité.
En outre, il y a une autre réforme dont on n'a pas parlé jusqu'à présent, mais dont il faudrait discuter : l'établissement du revenu des APL. Aujourd'hui, les APL sont établis sur la base des revenus n-2, qui ne sont donc pas les revenus actuels, c'est-à-dire les revenus réels. Ainsi, celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd'hui au chômage touche des APL au regard de son revenu d'il y a deux ans quand il était au travail : l'abattement forfaitaire qui est fait ne correspond pas réellement à ses revenus actuels.
Il s'agit donc typiquement d'une réforme intelligente, mais dont personne ne parle. La mesure est beaucoup plus juste pour celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd'hui au chômage, de même qu'elle est plus équitable pour celui qui travaille aujourd'hui alors qu'il était au chômage voilà deux ans.
M. Fabien Gay. Mais je vous parle des 5 euros que vous prenez aux familles qui n'ont déjà plus rien pour bouffer à la fin du mois !
Mme Éliane Assassi. Il faut aller chercher l'argent dans les paradis fiscaux !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en propos liminaires, j'insisterai sur le fait que la démarche d'élaboration d'un projet de territoire en matière de logement, qu'il soit social ou non, doit se faire en partenariat avec les collectivités locales. Elle oblige à articuler la réflexion sur le logement au sein de son contexte territorial et de ses dynamiques de développement et permet ainsi d'avancer de manière opérationnelle.
Dans les territoires, nous disposons d'éléments prospectifs : SCOT, PLH, SRADDET, notamment. À ce titre, la montée en puissance des collectivités territoriales et de l'intercommunalité a eu un impact important sur les politiques du logement. Or les contraintes sur les finances publiques deviennent un des principaux sujets de préoccupation des acteurs.
Dans ce contexte, il est primordial que les efforts soient maintenus d'un point de vue fiscal en faveur des zones rurales pour soutenir les investissements immobiliers. En effet, le logement social ou plutôt aidé a un effet de levier particulièrement puissant. Il constitue un investissement structurant pour les territoires. Or opérer un « rezonage » restrictif en matière de PTZ et de dispositif Pinel se révèle extrêmement contre-productif pour les territoires ruraux, puisqu'on leur fait perdre en attractivité et on les fragilise encore davantage. Et ce ne sont pas les engagements du Président de la République de prolonger de deux ans le PTZ neuf ou de quatre ans le PTZ ancien en zones B2 et C qui vont inverser la tendance durablement !
C'est la même chose en matière de taxation des plus-values immobilières réalisées au moment de la vente de terrains, notamment. Le Gouvernement propose, vous l'avez évoqué, des dispositions dans les zones tendues. Mais, encore une fois, il ne faut pas oublier les territoires ruraux ! Pourquoi ne pas élargir ce type de mesures aux zones rurales et non tendues ? Et jusqu'où êtes-vous prêt à aller le cas échéant ? Je pense, par exemple, à l'exonération quand il s'agit de projets relatifs aux logements aidés et au taux de réduction élevé pour les autres opérations.
Je vous remercie des éléments que vous pourrez nous fournir à ce sujet, afin que nos territoires restent attractifs en ce domaine et que les moyens développés puissent participer activement à la réduction de la fracture territoriale et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, concernant l'importance des collectivités, je souhaite aborder un point que je n'ai pas évoqué en répondant à Mme Estrosi Sassone. Nous avons pris un engagement très ferme : laisser le permis de construire aux mains des maires. Or il faut savoir que beaucoup de gens étaient venus nous voir le premier jour en nous disant que la meilleure solution pour construire du logement, social ou pas, était de retirer le permis de construire des mains des maires. Aujourd'hui, on ne peut pas construire sans l'accord de l'élu local ; ce n'est pas possible. Nous laissons donc le permis de construire aux mains des maires. Je tenais à le souligner, car c'est souvent occulté.
Sur les dispositifs PTZ et Pinel, il faut aussi voir d'où l'on part. Les précédents projets de loi de finances prévoyaient la fin de ces dispositifs au 31 décembre 2017. Nous avons pris un engagement très ferme : la reconduction de ces dispositifs, dans la plupart des cas sur quatre ans ; sur deux ans dans les zones B2 et C pour le PTZ neuf, et sur quatre ans dans ces mêmes zones pour l'ancien. Pourquoi sur une aussi longue durée ? Justement pour donner de la visibilité et de lisibilité aux acteurs. Objectivement, rares ont été les gouvernements qui ont pris un engagement de rallonger sur une aussi longue durée ces instruments financiers, que ce soit en zone dense ou en zone détendue.
Il y a une difficulté avec la zone détendue. C'est tout l'enjeu de la territorialisation de la politique de logements et des instruments. Il y a des zones détendues, comme celle que j'évoquais dans l'Oise : objectivement, ce qui tue l'âme du village est de n'avoir eu que des constructions aux alentours, du fait des dispositifs fiscaux, et pas du tout de rénovation du centre-ville. C'est pour cela que nous allons plus loin sur le PTZ ancien que le PTZ neuf dans certaines zones rurales. Mais il y a des cas où cet exemple ne s'applique pas. Par conséquent, aujourd'hui, nous faisons au mieux. Cela pose la question de la politique du logement à terme.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un aménagement équilibré des territoires en matière de logement social exige une répartition sur l'ensemble du territoire des nouvelles constructions, afin d'assurer à nos concitoyens des logements décents à des prix abordables, en termes de locations, mais aussi d'accession à la propriété.
Dans la logique d'une stratégie contrainte par la diminution de la dépense publique, le Gouvernement a fait le choix de recentrer les dispositifs Pinel et prêt à taux zéro sur les zones tendues. Cela limitera forcément le développement des autres territoires en augmentant les difficultés à monter des opérations mixtes : logement social, accession sociale, accession libre, en zones dites « non tendues ». Ainsi, de nombreuses intercommunalités vont se retrouver dans l'incapacité de mettre en oeuvre leur politique locale de l'habitat, elles seront notamment incapables de répondre à leurs obligations SRU. Ces mesures cumulées sont contraires aux attentes d'un aménagement équilibré du territoire.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple. Comment comptez-vous concilier ces deux impératifs : faire face à la demande des zones tendues et accompagner les zones non tendues dans le développement d'une attractivité renouvelée ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est au centre des débats que nous avons eus jusqu'à présent, puisqu'elle porte sur la territorialisation, à terme, de toute la politique du logement.
Certaines pistes existent. On sait, par exemple, qu'en zone tendue il faut construire davantage, plus vite et moins cher. C'est donc assez facile : il faut un choc sur la fiscalité du foncier ; il faut aussi un choc sur les entreprises afin qu'elles abandonnent leurs locaux commerciaux pour pouvoir créer des logements à la place ; et il faut un choc en reconduisant massivement les dispositifs fiscaux permettant de construire dans ces zones, en ayant néanmoins le souci de construire davantage dans les zones peu denses, mais tout de même tendues. Nous avons tous en tête des exemples de bâtis peu denses autour de gares en pleine métropole, qui sont un non-sens urbanistique.
Inversement, comment faire une politique d'aménagement du territoire dans les zones détendues ? Par exemple, en reconduisant le PTZ plus longtemps dans l'ancien que dans le neuf. Aujourd'hui, en zone détendue, il importe que l'effort soit plus important en matière de rénovation que de construction nouvelle. Bien sûr, mes propos sont à prendre dans un sens très global. Encore, une fois, comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, je suis convaincu que chaque territoire garde sa spécificité. Il est donc très difficile de généraliser. Quoi qu'il en soit, nous devons relever le défi et tirer profit des outils qui existent, lesquels ne permettent que cette approche globale.
Le dernier point que vous évoquez, monsieur le sénateur, est l'attrait économique des territoires. J'ai passé des années à essayer de redresser des entreprises dans les territoires. Je n'ignore donc pas que l'attractivité ne dépend pas uniquement du logement. Elle repose en réalité sur le triptyque emploi, logement, transport. Voilà pourquoi le Gouvernement essaie de faire avancer ces trois dossiers dans le même sens. Tout cela nous renvoie au plan de rénovation des villes moyennes que j'évoquais tout à l'heure, et où le volet économique est très présent.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Ma question, monsieur le secrétaire d'État, concerne la baisse des APL.
Cette décision est injuste, car elle frappera en premier lieu plus de 6 millions de ménages parmi les plus modestes et les plus précaires, qui perdront 60 euros de pouvoir d'achat chaque année. Elle est injuste, car elle devra être compensée par une baisse des loyers HLM, sans aucun avantage pour les locataires. Par répercussion, elle coûtera aux organismes d'HLM près de 1,7 milliard d'euros par an et elle les obligera à augmenter les loyers des locataires ne disposant pas d'APL, via les surloyers.
Cette décision est aussi contre-productive, en premier lieu pour les offices d'HLM, qui verront leur capacité d'investissement gravement compromise, que ce soit pour entretenir les bâtiments, pour les rénover ou pour en proposer de nouveaux de même qualité. Les manifestations négatives de cette décision se font d'ailleurs déjà sentir en Midi-Pyrénées, par exemple, où dix-neuf organismes de logement social ont décidé de suspendre provisoirement le lancement de nouveaux programmes et toutes les opérations en vente en l'état futur d'achèvement. Ces organismes n'auront pas d'autre choix que de recourir à la mobilisation des garanties d'emprunts accordées par les collectivités locales, ce qui les placera dans une situation fragile.
C'est une mesure contre-productive également pour l'activité économique du secteur du bâtiment, qui peine déjà à se relancer et qui pourra s'en trouver fortement réduite, fragilisant ainsi l'emploi local.
Elle est enfin contre-productive lorsqu'il s'agit de mettre en place la transition énergétique décidée par le précédent gouvernement, en finançant notamment la rénovation thermique des bâtiments.
Monsieur le secrétaire d'État, la politique du logement social est certes une question économique, mais c'est aussi une question culturelle : nous parlons là du modèle de société que nous voulons avoir, et nous voulons une société solidaire. Vous n'ignorez pas que la décision du Gouvernement, ajoutée à la baisse des aides à la pierre, compromettra fortement les réinvestissements des bailleurs et la construction de nouveaux logements sociaux, dont le besoin se fait quotidiennement sentir dans nos territoires.
Ma question est donc simple : a-t-on réellement mesuré l'impact que cette mesure allait avoir sur l'économie locale, particulièrement dans le secteur du bâtiment ? Nous soutenons, en France, le droit à des logements sociaux de qualité. Comment, avec une telle mesure, comptez-vous répondre à cette exigence ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, encore une fois, le Gouvernement a bien conscience que la réforme que nous souhaitons engager est compliquée et difficile à mettre en oeuvre. Elle ne se fera pas du jour au lendemain et elle devra s'accompagner de beaucoup de discussions, car il faudra notamment prendre en compte toutes les inquiétudes.
Néanmoins, il convient d'être juste quand on aborde le sujet. Il ne s'agit absolument pas, je le répète encore une fois, de ponctionner les bailleurs sociaux de 1,7 milliard d'euros pour mettre cette somme dans les caisses de l'État. J'espère vous avoir suffisamment convaincus aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, de tout ce que nous proposerons aux bailleurs sociaux. Je pense aussi bien aux évolutions récentes qu'à celles que nous envisageons de mettre en oeuvre. Pour rebondir sur les propos de Mme Létard, il est évident que ces discussions se poursuivront avec vous, au Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances.
Je citerai un exemple très concret, madame la sénatrice, qui englobe plusieurs points de votre question. Le Gouvernement prévoit 3 milliards d'euros de prêt, à des taux très avantageux, en faveur de la rénovation énergétique. Par ailleurs, nous prévoyons également 600 millions d'euros d'un autre type de prêt, encore plus avantageux, toujours en faveur de la rénovation énergétique. Ces prêts seront consentis par l'État, qui prendra à sa charge les coûts, c'est-à-dire la bonification. Ce dispositif permettra, in fine, une diminution des charges via la rénovation énergétique des bâtiments.
Dans cette réforme, notre position est simple : l'objectif d'un bailleur social n'est pas de gagner de l'argent qu'il mettrait de côté, mais est bien plutôt de construire davantage et d'investir au mieux l'argent des locataires. Si, demain, nous diminuons les charges qui pèsent sur les offices, car ce sont eux qui paient les charges, même si les locataires en acquittent une partie, il nous paraît légitime en contrepartie que les offices contribuent à améliorer le système, y compris dans son volet APL. Tel est notre raisonnement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réforme du logement social et de l'APL préoccupe les bailleurs sociaux et les élus. Je suis assez étonné de constater cet après-midi à quel point les différents intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, sont tous hostiles à cette réforme.
Monsieur le secrétaire d'État, cela a été dit et répété, mais j'enfoncerai le clou : moins d'investissements, c'est moins d'emplois pour nos entreprises locales. Quant aux collectivités, avec toutes les contraintes qui pèsent déjà sur elles, votre réforme les mettra en péril si elles doivent garantir les emprunts des opérateurs en cas de faillite. Vous les exposez donc à un danger supplémentaire, ce qui soulève une vraie inquiétude.
Par ailleurs, les sommes en jeu sont considérables et les pertes financières peuvent être énormes. De l'avis général, les compensations promises ne seront certainement pas à la hauteur.
Vous ne souhaitez pas ruiner les bailleurs sociaux, dites-vous. Je vous saurais gré dans ce cas de bien vouloir modifier votre politique.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne les difficultés d'application de la loi SRU, notamment dans les zones littorales.
Je suis élu de la Charente-Maritime où la politique foncière urbaine est strictement cadrée. Une commune de mon département vient d'apprendre la déprogrammation de quinze logements alors qu'elle doit rattraper un retard de construction. D'autres communes ont perdu leur droit de préemption au profit de l'établissement public foncier, qui peine également à réaliser des projets en raison du coût du foncier et du nombre insuffisant d'agréments régionaux. Je pense également à la situation des communes nouvellement soumises aux obligations de construction de logements sociaux en dehors du zonage bénéficiant des dispositifs d'aide.
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d'État, envisagez-vous d'adapter les objectifs de construction aux territoires ? Quelle réponse pouvez-vous nous apporter pour garantir une politique de l'habitat efficace ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur l'impact de l'article 52 du projet de loi de finances pour 2018. Je ne saurais que redire avec insistance combien tout cela doit être jugé à l'aune de l'ensemble de la réforme que nous proposons, et pas uniquement de l'article 52. Il faut donc prendre à la fois en compte l'ensemble des financements que j'ai évoqués, l'ensemble de la réforme sur le regroupement portée par les offices et les sociétés d'HLM et l'ensemble de nos actions en faveur de l'accession sociale.
Permettez-moi de revenir un instant sur l'exemple que j'ai pris tout à l'heure de la diminution des charges liée à la rénovation énergétique. Si l'État finance l'efficacité énergétique et que les bailleurs sociaux peuvent la mettre en place à moindre coût, il est juste que les économies réalisées grâce à la baisse des charges soient redistribuées également aux locataires.
Tout à l'heure, j'ai évoqué la vente de logements en accession sociale. J'ai souligné que si l'on ne vendait ne serait-ce que 20 000 logements à 100 000 euros chiffre pris totalement au hasard , sur un parc de 4,5 millions de logements, cela représenterait 2 milliards d'euros de recettes, soit environ 10 % de l'ensemble des loyers versés chaque année. Vous imaginez quel impact cela pourrait avoir sur la diminution des loyers pour l'ensemble des locataires ! J'irai même plus loin, le département de la Charente-Maritime compte aujourd'hui 25 000 logements sociaux, 10 000 demandeurs en attente et 2 500 attributions chaque année. Or la vente d'un logement en accession sociale permet en moyenne d'en construire deux ou trois.
M. Philippe Pemezec. Deux et demi !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. La question fondamentale est la suivante : comment portez-vous cette réforme d'ensemble ? Certes, elle est compliquée à mettre en oeuvre, parce que le système fonctionne en l'état depuis des années. Néanmoins, il nous faudra la porter jusqu'à la fin.
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay.
M. Jacques Le Nay. Monsieur le secrétaire d'État, samedi dernier, j'ai présidé l'assemblée générale de l'association des maires et présidents d'EPCI de mon département.
Les maires des communes périurbaines et rurales, mais également des communes insulaires, ont rappelé avec insistance les difficultés rencontrées pour répondre aux besoins de logement en raison des règles d'urbanisme. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je me permets d'appeler aujourd'hui votre attention sur les difficultés engendrées par la loi ALUR.
L'impossibilité de construire dans les hameaux entraîne une situation catastrophique, tant pour les propriétaires que pour les personnes désirant accéder à un droit à construire, souvent de jeunes ménages espérant bénéficier d'un prêt à taux zéro. La situation est bien entendu également catastrophique pour le tissu économique local.
Il ne faut pas se cacher derrière la protection des terres agricoles pour justifier cette position. Dans la quasi-totalité des cas, les dents creuses sont des bouts de jardin ou des parcelles de terre à l'abandon, au milieu des villages et hameaux, totalement inadaptées à l'agriculture. Ces espaces représentent, à l'évidence, un fort potentiel de foncier constructible disposant d'équipements et de réseaux déjà financés par les communes.
Autre constat : dans le cadre de la loi SRU, le mode de calcul pour le nombre de logements sociaux prend en compte l'ensemble des résidences principales de la commune, au lieu de considérer le seul périmètre aggloméré. Ce principe de calcul pénalise les communes étendues qui possèdent de nombreux écarts. Par corollaire, le taux de 20 % de logements sociaux devient très difficile à atteindre, d'autant plus que ces communes se trouvent souvent éloignées du coeur de leur bassin de vie.
Compte tenu des difficultés qui s'annoncent pour les bailleurs sociaux, ces collectivités territoriales vont se retrouver doublement pénalisées.
Après trois ans d'application de la loi ALUR, le constat est sans appel : la grande majorité des maires souhaite une évolution en urgence de certaines dispositions de cette loi pour honorer les objectifs fixés dans les PLH.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous envisager d'assouplir les dispositions de la loi ALUR en rendant constructibles les dents creuses dans nos villages et hameaux, ce qui aurait pour effet d'éviter aux maires de France les nombreux contentieux dont ils font l'objet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il ne faut pas toujours se cacher derrière des arguments. L'ingénieur agronome que je suis n'ignore rien de l'artificialisation des terres agricoles. Le sujet me fait revenir à mes premières amours, avec toutes mes convictions. Il n'empêche que l'artificialisation des zones agricoles ne se fait pas au centre d'un hameau, comme vous l'avez dit.
Les dents creuses aujourd'hui, je parle sous votre contrôle, la loi ALUR les permet déjà, dès lors qu'il s'agit d'un bâti. La question qui se pose est : pouvons-nous élargir le dispositif au foncier et ne pas le limiter uniquement au bâti ?
Dans le cadre du projet de loi Logement, en cours de préparation, nous n'avions pas identifié le sujet ; par conséquent, il n'a pas été abordé. Je serai très heureux de pouvoir en discuter avec vous en amont afin de voir s'il est possible d'aller dans le sens que vous souhaitez. Ce projet de loi sera présenté en conseil des ministres mi-décembre et devant le Parlement à partir du premier trimestre de 2018. Nous avons donc un peu de temps devant nous pour étudier la question.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le modèle économique du logement social en France s'articule autour de cinq spécificités : un équilibre financier à long terme ; l'absence de bénéfices distribués ; un loyer lié aux coûts de production ; la transformation des dépôts sur livret A en prêts à long terme via la Caisse des dépôts et consignations ; et le recours à des subventions publiques.
Ce modèle est en fait un « tout » d'une extrême cohérence. Il est technique et financier, il intègre la production et la gestion locative. Il est basé sur des articulations de dispositifs essentiellement publics : aide à la personne et aide à la pierre ; aides et prêts ; politiques nationales et locales. Il repose sur la sécurisation systémique de tous les acteurs, y compris les locataires.
Compte tenu des décisions prises par le Gouvernement sur la baisse des APL et l'obligation de baisse des loyers, et sur la diminution des aides à la pierre, compte tenu également des conséquences des nouvelles règles du jeu de la fiscalité de l'épargne affectant déjà les dépôts des livrets A, de l'augmentation des coûts de production des logements et de l'affaiblissement des capacités d'intervention des collectivités, ce modèle est de fait remis en question. Quel nouveau modèle le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre car c'est de cela qu'il s'agit et sur la base de quels principes ? Vous parlez vous-même de réforme, monsieur le secrétaire d'État.
Personnellement, je ne souhaite pas le changement de notre modèle. Je pense au contraire qu'il faut le renforcer en donnant à tous les organismes d'HLM le pouvoir effectif de répondre aux objectifs fixés d'intérêt général.
Dans cette optique de justice sociale et d'égalité des territoires, et au regard de la diversité des situations financières constatées, ne pensez-vous pas indispensable et urgent de mettre en oeuvre une péréquation nationale au bénéfice des organismes les plus en difficulté, souvent situés en zones rurales, mais pas seulement, et ce sans dégrader la situation de ceux qui se portent bien ou mieux que les autres ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, le modèle global ne doit pas être modifié, car, comme je le dis souvent, je ne crois pas du tout au big-bang. Autrement dit, je déteste les équilibres instables. Il me semble en effet que l'on réforme plus vite en gardant un équilibre ; l'idée est plutôt de l'améliorer.
Je citerai un exemple très concret. Vous avez parlé du taux du livret A, qui est un bon élément pour le financement du logement social. Cependant, quand les taux sont extrêmement bas, comme c'est le cas aujourd'hui, le livret A coûte énormément d'argent aux bailleurs sociaux. Qui plus est, le taux du livret A varie chaque année. Ne nous leurrons pas, les bailleurs sociaux ne s'endettent pas au taux du livret A. À celui-ci, vient s'ajouter une marge de 1,1 % ou de 1,2 % en fonction du type de logement.
Lorsque les taux sont comme aujourd'hui très bas, pourquoi proposons-nous aux bailleurs sociaux des taux fixes avec un remboursement in fine ? Tout simplement parce que c'est plus intéressant pour eux que les taux du livret A qui, avec une telle marge, sont très élevés ! Voilà pourquoi je suis partisan de maintenir les équilibres, mais en cherchant à les améliorer. Par exemple, en fixant le taux du livret A pour donner de la visibilité et de la lisibilité ; je pense à des prêts de long terme, avec un taux fixe et un remboursement in fine.
En ce qui concerne l'aide à la pierre, ma conviction c'est que cela prendra du temps ; on continuera à alimenter le FNAP. Chaque année, vous débattez de savoir s'il faut ou non lui accorder davantage, mais il s'agit toujours de sommes au final assez faibles.
La vraie discussion que nous avons avec les bailleurs sociaux est la suivante : si, demain, ils vendaient 20 000 ou 30 000 logements, contre 8 000 aujourd'hui, puisque ces logements ont bénéficié d'une subvention d'État, et aussi d'ailleurs du FNAP, pourquoi ne pas envisager qu'une partie du montant de chaque vente aille directement alimenter ce fonds ? Cela créerait un système où la vente viendrait financer elle-même la nouvelle construction. Si l'on pouvait arriver à mettre sur pied un tel ensemble, nous pérenniserions totalement le volet de l'aide à la pierre dans un équilibre stable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le secrétaire d'État, comme d'autres collègues, je souhaite vous alerter sur le danger qui guette nos bailleurs sociaux, lesquels n'auront plus la même capacité qu'aujourd'hui pour investir dans les territoires ruraux faute d'autofinancement ce sera notamment le cas dans mon département, la Mayenne.
Les bailleurs sociaux ruraux seront mis en grande difficulté par la contrainte des baisses de loyers qui leur sera appliquée. En effet, le taux d'APL est élevé dans les territoires, car les locataires ont des revenus souvent très modestes, et le prix des loyers est globalement peu élevé puisqu'il se situe 15 % en dessous des maximums autorisés.
Le projet de loi de finances pour 2018 actera donc une baisse de 30 à 50 euros des loyers pour les locataires qui bénéficient des APL. Pour les bailleurs sociaux de mon département, cette diminution imposée représentera une perte d'environ 7 millions d'euros, ce qui est considérable. Une telle mesure aura une incidence sur l'entretien du patrimoine et sur les capacités d'accompagnement. Des effets se feront aussi sentir sur les entreprises du bâtiment et des travaux publics, ainsi, bien sûr, que sur l'emploi local. Cette baisse impactera également l'État, au travers de la TVA. Néanmoins, les grands perdants seront les ménages eux-mêmes, en particulier les plus fragiles d'entre eux : une telle mesure aura un impact sur la modernisation des logements du parc social et affectera directement leur cadre de vie.
Monsieur secrétaire d'État, quelles contreparties envisagez-vous à cette baisse pour que nos bailleurs sociaux puissent continuer à investir ? Il convient de tenir compte du fait que les bailleurs sociaux permettent souvent dans les territoires ruraux le lancement d'opérations privées, notamment dans les centres-bourgs. En les fragilisant, vous obérez les possibilités d'opérations nouvelles. Dans ce domaine, comme dans d'autres, il importe de bien faire le discernement entre des territoires urbains et les territoires ruraux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison. J'ai déjà évoqué au fur et à mesure de mes réponses précédentes les contreparties que le Gouvernement entend mettre en place pour soutenir l'activité et l'ensemble des bailleurs : 3 milliards d'euros de prêts pour l'efficacité énergétique ; stabilisation du taux du livret A ; 2 milliards d'euros de prêts de haut de bilan ; 4 milliards d'euros de prêts à taux fixe in fine ; 30 milliards d'euros de rallongement de dette ; et 600 millions d'euros de prêt éco-PTZ.
M. Philippe Dallier. C'est formidable, on se demande pourquoi cela ne convient à personne ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Toutes ces mesures constituent une énorme manne financière.
La difficulté, c'est que les cas sont très différents selon les offices. Votre département constitue un bon exemple. J'ai en tête un office sur votre territoire dont la situation est déjà complexe et pour lequel les outils de financement que nous proposons ne sont pas forcément adaptés. Comment faire pour que certains bailleurs ne se retrouvent pas significativement impactés quand d'autres en tireraient uniquement profit ? Car j'ai cité l'exemple d'un organisme qui retirerait de toutes ces mesures un gain positif.
À mon sens, la difficulté se réglera grâce à la mutualisation et à la péréquation, en mettant en place une organisation entre les différents acteurs. Nous discutons d'ailleurs en ce moment de tout cela avec eux. Quoi qu'il en soit, soyez rassuré, nous avons bien présent à l'esprit le cas que vous avez évoqué.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2018, le prêt à taux zéro pour la construction de logements neufs est supprimé dans les zones dites « non tendues », soit les zones B2 et C. Cela représente 93 % des communes, essentiellement rurales, et 60 % de la population. S'ajoute à cela la suppression inacceptable de l'APL accession.
Le 6 octobre dernier, le Président de la République a annoncé le maintien du PTZ dans le neuf encore deux ans en zone rurale. Toutefois, le montant maximal du prêt à taux zéro accordé aux ruraux ne pourra pas dépasser 20 % de l'emprunt total, contre 40 % actuellement. Renchérir ainsi le coût de l'accession à la propriété pour les ménages modestes dans les zones rurales aura des effets non souhaitables : éloigner les familles les plus modestes de l'acquisition d'une construction neuve ; ramener ces familles qui souhaitent investir dans le neuf dans les villes, qui souffrent déjà d'une concentration de personnes à faibles ressources, a contrario des efforts de mixité sociale ; mettre en difficulté l'artisanat et l'économie locale hors des grands centres urbains. Vous n'avez d'ailleurs pas répondu à la question que ma collègue Viviane Artigalas vous a posée sur ce point précis. J'espère obtenir ici une réponse claire de votre part.
Par ailleurs, nous constatons dans nos communes que les bailleurs sociaux ne veulent plus investir dans les territoires ruraux. De fait, le manque d'investissement dans le parc HLM des zones rurales commence à se faire ressentir durement. Il devient ainsi indispensable de rénover les bâtiments construits dans les années quatre-vingt-dix. Nombre de ces logements sont de véritables « passoires énergétiques » et engendrent des charges parfois supérieures au loyer. L'APL, même diminuée, perd ainsi beaucoup de son sens, car elle ne porte que sur le loyer.
Les bailleurs sociaux ne peuvent ni effectuer les investissements nécessaires ni se séparer des logements pour des raisons comptables. J'aimerais donc proposer des pistes pour leur permettre de transmettre leur patrimoine en zones rurales sans aggraver leurs difficultés actuelles. Ne pourrait-on, par exemple, envisager de mettre en place un dispositif facilitant l'acquisition de ces bâtiments par les communes qui souhaitent revitaliser leurs bourgs et mener des programmes sociaux ?
De plus, dans le cadre de la « stratégie logement » du Gouvernement, il est prévu de faciliter l'accession des locataires à la propriété en sécurisant l'achat-vente grâce à une structure dédiée. Cette structure viserait à simplifier et à multiplier le nombre de ventes à l'occupant à moyen terme, portant leur nombre à 40 000 logements par an. Pouvez-vous nous préciser ce dispositif ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question est très dense et comporte de nombreux aspects. Je commencerai par le dernier point que vous avez abordé, à savoir le dispositif visant faciliter l'accession sociale à la propriété.
Aujourd'hui, pour faciliter l'accession sociale je parle vraiment d'accession sociale et pas du tout de la vente à des institutionnels, qui plus est privés , plusieurs dispositifs existent. Un certain nombre de mécanismes mériteraient d'ailleurs être simplifiés tant cela relève un peu du parcours du combattant pour les offices d'HLM qui souhaitent promouvoir l'accession sociale. Il serait important que nous puissions travailler à la chose ensemble dans le projet de loi Logement, car toutes les idées sont bonnes à prendre.
En ce qui concerne la copropriété, vous savez aussi bien que moi que les bailleurs sociaux n'en sont pas fans c'est même un euphémisme ! On peut le comprendre, puisque ce n'est pas leur métier.
M. Philippe Pemezec. Ils savent faire !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Comment faire pour améliorer la situation ? Là aussi, le projet de loi Logement explorera un certain nombre de pistes. Nous avons notamment discuté avec Action logement et l'Union sociale pour l'habitat de la mise en place d'une structure qui rachèterait directement des immeubles. Cette structure saurait gérer de la copropriété, puisque telle serait sa finalité. L'idée est que les bailleurs qui le souhaitent, puisque certains n'en sont pas fans, puissent racheter directement un bloc de logements pour faire de la copropriété.
En ce qui concerne le deuxième volet de votre question, effectivement la quotité du prêt à taux zéro a diminué dans le neuf en zone rurale. Nous avons fait ce choix après de nombreuses discussions avec les parties prenantes ; il ne s'agit pas d'une quotité que nous avons inventée ou tirée de notre chapeau. Je vous ferai remarquer qu'elle ne diminue pas dans l'ancien. Cela répond à une partie de votre question : comment revitaliser plutôt que reconstruire dans le neuf ? C'est un vrai sujet. L'outil PTZ ancien versus PTZ neuf en zones B2 et C est aussi un outil d'aménagement du territoire, certes compliqué, avec des effets collatéraux, mais que nous avons essayé de bien calibrer.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vous le savez, le rôle des bailleurs sociaux dans nos villes moyennes et dans nos centres-bourgs est déterminant.
Avec une production annuelle de 230 logements, 90 logements démolis et 50 logements vendus aux locataires, l'office d'HLM de l'Aisne et de Laon, que je présidais encore il y a quelques jours, est un acteur local indispensable au territoire : 200 logements réhabilités thermiquement par an, 50 millions d'euros d'investissements annuels, plus de 500 emplois non délocalisables.
Notre bailleur local revitalise nos centres-bourgs en transformant les anciens bâtiments publics, en reconvertissant des friches, en construisant des logements adaptés aux seniors près des commerces et des équipements. La promotion privée n'est pas là pour le faire, car il n'existe pas de marché sur nos territoires. Les très gros bailleurs HLM ne s'intéressent qu'aux métropoles régionales. Seuls les bailleurs locaux permettent de moderniser l'habitat de l'Aisne de façon visible. Ils ne doivent pas devenir des agences locales de gros bailleurs HLM lointains. Or, dans l'une de vos réponses, vous avez affirmé que l'objectif était bel et bien de favoriser les gros offices.
Pourtant, la France doit enrayer une dynamique de fracture territoriale très engagée. Sur un territoire comme l'Aisne, seuls les bailleurs locaux répondent à l'appel. Comment, monsieur le secrétaire d'État, avez-vous pu proposer une loi qui peut réduire à néant la capacité d'investir de nos OPH ? Comment avez-vous pu proposer une loi sans mesurer ni simuler les conséquences sur notre territoire ?
La réduction de loyer de solidarité que vous souhaitez imposer aux bailleurs sociaux pour compenser la baisse des APL va transformer un office HLM sain en un office HLM déficitaire. En ce qui concerne mon office, plus de 6 millions d'euros par an sont en jeu. Le voilà déficitaire et rendu par vos mesures incapable d'investir !
Monsieur le secrétaire d'État, vous proposez des compensations très floues à ce jour. Elles sont pour la plupart inadaptées pour nos territoires fragiles et prioritaires de fait.
Vous nous demandez de voter un projet de loi de finances dont l'article 52 relatif au logement social n'est pas abouti dans son analyse des risques. Vous exposez ainsi les collectivités ayant garanti les emprunts des bailleurs, que votre projet de loi rend déficitaires, et les placez donc, concrètement, en situation de mettre en jeu ces garanties.
Je vous invite, comme l'a très bien fait Daniel Dubois dans son propos introductif, à repousser cette mesure et à prendre le temps de la tester sur notre office avant d'entériner une loi nuisible dans sa formule actuelle pour la cohésion de nos territoires, cohésion à laquelle nous vous savons pourtant par ailleurs attaché.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, il s'avère que, dans le département que vous représentez, le secteur est beaucoup plus performant qu'ailleurs, avec 40 000 logements sociaux pour environ 5 000 demandes et 3 000 attributions chaque année, ratios qui se situent dans la fourchette la plus haute.
Vous avez tout à fait raison, il ne faut pas casser une dynamique, surtout dans les territoires comme le vôtre où ça marche. Bien sûr, tout peut toujours mieux fonctionner : 2 000 personnes n'ont tout de même pas accès au logement social chaque année. Il n'empêche que le système fonctionne déjà bien, et en tout cas beaucoup mieux que dans beaucoup d'autres territoires.
C'est l'exemple concret d'un office en perpétuelle activité, comme vous l'avez dit. C'est pourquoi la piste de la TVA, également mentionnée par M. Dubois dans son propos introductif, est intéressante pour les organismes HLM comme ceux de votre territoire.
Vous estimez que tous les financements que j'évoquais sont un peu flous : s'ils peuvent être difficiles à appréhender, ils ne sont pas flous, et ils ont en plus fait l'objet de communications très précises avec l'ensemble des bailleurs sociaux. Ils sont, c'est vrai, d'autant plus favorables que l'activité est forte. Or la TVA est aussi un vecteur d'activité. C'est pourquoi les offices et les sociétés nous demandent d'étudier avec eux cette piste, qui est très compatible avec l'activité.
Nous avons donc bien en tête la situation que vous décrivez. Nous en discutons, et nous aurons l'occasion d'en rediscuter au Sénat avec vous.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi SRU est un texte complexe qui a modifié en profondeur le droit de l'urbanisme et du logement en France.
Son article le plus notoire est l'article 55, qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants 1 500 en Île-de-France de disposer de 25 % ou de 20 % dans certains cas de logements sociaux à l'horizon 2025.
Cette loi, appliquée de manière comptable et dogmatique, soulève des difficultés.
Ainsi, certaines communes ayant fait le choix de l'intercommunalité ou se trouvant dans l'obligation de le faire à la suite de la réforme territoriale, se retrouvent contraintes d'appliquer les taux de logements sociaux obligatoires alors que ces derniers sont manifestement inadaptés à la réalité de territoires essentiellement composés de bourgs avec un habitat majoritairement pavillonnaire et encore éloignés des bassins d'emplois.
La question du logement social doit s'apprécier, sur un territoire donné, de manière globale.
Certaines communes possèdent peu de terrains constructibles. Elles peuvent, à l'inverse, avoir sur leur territoire des espaces naturels protégés ou des zones d'intérêt patrimonial remarquables.
Il semblerait donc logique que les injonctions faites aux communes et communautés d'agglomération pour réaliser des logements sociaux prennent en compte ces espaces spécifiques en minorant d'autant le taux obligatoire de logements sociaux.
Aussi, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour établir une analyse objective des besoins et capacités réels des communes, afin d'éviter des coupures d'urbanisation sur des zones présentant un intérêt sur le plan environnemental et paysager.
On ne peut à la fois vouloir préserver un territoire de l'urbanisation dans un texte et prétendre imposer une urbanisation dans un autre, les deux s'appliquant en même temps à un même territoire !
Ne pourrait-on pas plutôt apprécier les efforts réalisés par les communes au regard des contraintes réelles et ne pas se contenter d'un examen exclusivement comptable des logements construits ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, c'est un débat que nous avons évoqué à plusieurs reprises.
Votre territoire compte à peu près 110 000 logements sociaux. Chaque année, 6 000 sont attribués, alors que le nombre de demandeurs est de 32 000. Il faudrait donc environ un quart de logements sociaux supplémentaires pour combler le manque.
J'entends totalement la difficulté et, étant ingénieur agronome de formation, je connais par coeur le sujet de l'artificialisation des sols. On sait que, dans certaines zones, il faut densifier. Construire des maisons autour d'une gare, en termes urbanistiques, c'est aberrant. C'est d'ailleurs un des objets du Grand Paris : il faut non pas construire des petits pavillons autour des gares, mais développer des projets d'urbanisation forte, dense, parce qu'il y a le tramway et le métro. Dans d'autres zones, on peut relâcher la pression, mais il y a une difficulté quand, pour 110 000 logements, il y a 32 000 demandes en attente. Relâcher la pression, c'est mettre beaucoup de personnes sur la touche.
Idéalement, vous avez raison, monsieur le sénateur, il faudrait réussir à territorialiser au maximum. Mais la question qui se pose à nous tous, alors que le déficit de logements est tel, est de savoir si l'on peut ouvrir ce chantier en prenant le risque de laisser penser qu'on peut être cool s'agissant de l'atteinte des objectifs. À ce stade, nous avons décidé de ne pas y toucher : le projet de loi sur le logement n'a pas de composante SRU, mais c'est évidemment un débat que nous aurons au Parlement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne sommes pas de la même sensibilité, mais nous ne voulons pas pour autant votre échec ! Je ne suis pas constructif, mais je suis positif, et j'ai surtout envie que notre pays réussisse.
J'ai entendu vos réponses aux nombreuses interrogations, qui sont d'ailleurs aussi les miennes, de mes collègues, mais, alors que notre débat prend fin, je ne comprends toujours pas votre politique. Vous voulez d'un côté construire des logements et rénover le patrimoine, et, en même temps, vous baissez les moyens financiers des organismes sociaux, avec toutes les conséquences déjà longuement évoquées. Non seulement c'est démagogique, mais c'est surtout une catastrophe pour nos communes !
Votre politique va inévitablement, même si vous vous voulez rassurant, forcer les bailleurs sociaux à faire jouer les garanties d'emprunt que les communes leur ont accordées. En cascade, on va encore une nouvelle fois mettre les communes en difficulté. Nos locataires, qui sont au coeur du sujet, ne vont plus bénéficier des travaux d'entretien, de réhabilitation, de rénovation. C'est une véritable catastrophe.
Où est la cohérence dans tout cela ? Je m'interroge. J'ai un peu le sentiment que vous voulez assassiner les offices publics, pensant trouver là un trésor caché qui n'existe pourtant pas.
Surtout, si vous voulez absolument que les offices vendent du logement social, vous savez qu'il faut, dans le même temps, reconstituer le patrimoine. Or les offices ne pourront y parvenir que s'ils en ont les moyens financiers. Si on les leur coupe, cela leur sera impossible, et votre politique ne pourra pas être menée à son terme.
Dans ma ville, j'ai 40 % de logements sociaux. J'ai besoin que ce patrimoine soit entretenu. Non seulement je n'aurai plus de travaux, mais je vais en plus devoir faire jouer les garanties, qui couvrent 80 % des emprunts engagés !
Monsieur le secrétaire d'État, j'attends que vous nous rassuriez de façon claire. Pourquoi voulez-vous remettre en cause un système de financement qui fonctionnait bien jusqu'à présent ?
Seconde petite question brève sur les attributions de logements : qui est mieux placé que le maire pour attribuer le logement ? Or, dans la précédente loi, on a fait en sorte que ce soit le préfet qui réattribue les logements sans avoir connaissance des lieux, pas même de leur cage d'escalier !
Il faut que vous fassiez confiance aux élus locaux. Vous avez l'air de les estimer et de les porter dans votre coeur, même si vous ne l'avez vous-même jamais été : il faut leur redonner le pouvoir d'attribuer les logements sociaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je profite de ma dernière prise de parole pour vous remercier toutes et tous de ce débat.
Oui, j'ai essayé d'être rassurant, mais en parlant avec beaucoup de franchise et de conviction. J'ai tenté de vous expliquer, de manière didactique, quel était le sens de la réforme que nous portons, quels étaient les éléments que nous proposions aux uns et aux autres, et quelle était notre boussole. Il s'agit de faire en sorte qu'aucun locataire allocataire ne soit pénalisé et de répondre à l'attente de 1,5 million de ménages qui n'ont pas accès au logement social.
Quelle est notre politique ? La résumer en une unique phrase serait concis, mais forcément trop court Je dirai cependant que j'ai l'intime conviction que le système actuel, qui ne repose que sur les APL, n'est pas pérenne. Nous avons donc un choix. Je l'ai dit dans mon propos introductif, il y a quarante ans on a fait celui de l'aide personnelle au logement. Aujourd'hui, c'est une erreur : 18 milliards chaque année, contre 14 milliards il y a quelques années, et 24 milliards prochainement, ce n'est pas tenable. On peut essayer de se persuader du contraire, mais c'est difficile alors que les aides personnelles au logement représentent la moitié du budget de la défense nationale et que, dans le même temps, un Français sur six se considère comme étant en déficience de logement !
Il faut donc réformer le système pour être moins dépendants des APL, en trouvant des dispositifs plus justes, plus innovants, en améliorant les financements, en favorisant l'accession, qui alimente l'aide à la construction tout en permettant le parcours résidentiel, ou encore en rénovant énergétiquement les bâtiments.
C'est une telle approche qui nous fera passer d'un système qui continue inexorablement à prendre de l'ampleur à un système beaucoup plus pérenne et qui nous permette in fine de construire plus au bénéfice du 1,5 million de ménages en attente.
Voilà la logique. C'est difficile, et il aurait été beaucoup plus simple de ne rien faire. Cette logique n'est pas purement budgétaire. Certes, il y a un volet budgétaire, puisque les APL dérivent, mais ce n'est pas uniquement sur ce plan que se situe notre objectif, loin de là, et j'espère vous en avoir convaincus : nous voulons inverser la tendance et remettre le système dans le bon sens en alignant les intérêts.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre disponibilité et des réponses que vous avez apportées.
Source http://www.senat.fr, le 13 novembre 2017