Déclaration de Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'intérieur, sur les communes nouvelles, au Sénat le 22 novembre 2017.

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Circonstance : "Représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles" :Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, au Sénat le 22 novembre 2017

Texte intégral


M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur la représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L'orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l'occurrence le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, disposera d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas dépasser dix minutes.
(…)
M. le président. J'ai reconnu la prose, et même l'accent, de notre collègue Alain Bertrand ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, messieurs les sénateurs « jumelés » Yvon Collin et Alain Bertrand (Sourires.), ce débat est l'occasion de revenir sur un sujet qui est cher au Gouvernement : les communes nouvelles.
Les échanges que nous menons sur l'ensemble des sujets relatifs aux collectivités territoriales dans le cadre de la Conférence nationale des territoires ne peuvent qu'être nourris par des initiatives comme les communes nouvelles, qui donnent vie au débat et corps aux ambitieux projets locaux portés par les élus.
Les communes nouvelles sont l'un des symboles de ce qui marche dans nos territoires, et sont le gage d'une meilleure administration et de meilleurs services rendus à la population, là où les élus le souhaitent.
Permettez-moi d'ajouter que l'État a été, sur cette question des communes nouvelles, un partenaire attentif, soucieux de faciliter et d'accompagner des initiatives dont il perçoit les avantages évidents pour l'action publique sur les territoires qui se l'approprient.
Après la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui a créé le régime des communes nouvelles pour relancer les fusions de communes en France, c'est la loi dite « Pélissard » du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, qui a permis d'asseoir le succès de cette réorganisation territoriale.
Ce dernier texte avait d'ailleurs été inspiré par l'AMF, l'Association des maires de France, qui tient actuellement son congrès annuel, et dont le président était alors M. Jacques Pélissard. Contrairement à la rationalisation de la carte intercommunale qui, je le sais, a pu, par son caractère d'exercice parfois imposé (M. Michel Canevet s'exclame.), susciter des réactions de la part des élus, les communes nouvelles reposent entièrement sur l'initiative et la libre volonté des communes.
Ce système a permis à 1 760 communes de fusionner pour former 517 communes nouvelles – 317 jusqu'au 1er janvier 2016, et 200 entre le 2 janvier 2016 et le 1er janvier 2017 –, rassemblant une population totale de près de 1,8 million d'habitants, ce qui faisait ainsi passer la France sous le seuil symbolique des 36 000 communes avec 35 498 communes au 1er janvier 2017.
La Direction générale des collectivités locales, la DGCL, a recensé, sur la base d'un recensement partiel, 24 projets fermes et 113 en cours. Il s'agit d'une décélération par rapport à 2016 et à 2017. Le Gouvernement croit cependant toujours en la force du modèle proposé par les communes nouvelles et compte accompagner son développement.
Cet accompagnement prendra plusieurs formes. Tout d'abord, une reconduction jusqu'au 1er janvier 2019 du régime financier favorable à la création de communes nouvelles, y compris pour les communes nouvelles créées pendant l'année 2017. Ensuite, l'élargissement du bénéfice de la bonification de dotation globale de fonctionnement, la DGF, – +5 % –, aux communes de moins de 1 000 habitants et à celles de 10 000 à 15 000 habitants. Jusqu'à présent, la mesure s'appliquait seulement aux communes nouvelles de 1 000 à 10 000 habitants ; un amendement adopté à l'Assemblée nationale a supprimé le seuil et a rehaussé le plafond de 10 000 à 15 000 habitants. Enfin, le soutien à l'investissement local sera stabilisé pour l'ensemble des collectivités territoriales et un fonds de modernisation de 50 millions d'euros sera créé au sein de la dotation de soutien à l'investissement public local, la DSIL, fonds auquel les communes nouvelles sont des candidates naturelles.
Un accompagnement sur les sujets pratiques sera mis en place pour les communes nouvelles.
La procédure améliorée pour la graphie des noms des communes nouvelles, via une circulaire du 18 avril 2017. Il revient au préfet de faire vérifier la graphie par les archives départementales afin d'éviter les incohérences géographiques ou historiques ; certains élus ont, en effet, des idées par trop originales… (Sourires.)
Une dispense d'actualisation obligatoire des cartes grises des communes nouvelles – nous avons beaucoup évoqué ce sujet – est prévue, via une instruction du délégué interministériel à la sécurité routière du 12 avril 2016.
Les associations communales de chasse agréées des communes constitutives pourront être maintenues, sujet dont nous avions abondamment parlé.
Une adaptation des formulaires CERFA est en cours de déploiement.
Seront maintenues au bénéfice des communes nouvelles les aides attribuées au titre du Fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACÉ, à leurs communes constitutives.
M. Alain Bertrand et M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il est procédé à une adaptation sur les sujets institutionnels.
Il est possible de maintenir des communes associées sous forme de communes déléguées lors de la création d'une commune nouvelle, aux termes de la loi « Sido » du 8 novembre 2016.
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Aux termes de la même loi Sido est prévue la dérogation à l'application de la parité pour l'élection des adjoints, dans certaines conditions et de façon transitoire, dans les communes de plus de 1 000 habitants issues de la fusion de communes anciennes de moins de 1 000 habitants.
Les communes nouvelles seront représentées dans les organes délibérants des EPCI à fiscalité propre et dans les organes délibérants des syndicats.
Le Gouvernement souhaite continuer d'apporter son aide aux communes nouvelles et de mettre ses outils à leur disposition. Toutefois, cela ne peut se faire qu'en respectant le principe d'origine de la création de ces communes nouvelles : la commune nouvelle constitue une commune à part entière avec une circonscription électorale unique. Elle n'est pas une forme d'intercommunalité déguisée.
La proposition de loi dont Yvon Collin a rappelé les termes prévoyait que les listes comportent des candidats résidant dans chacune des communes déléguées.
Ses auteurs proposaient de rendre obligatoire le remplacement d'un conseiller municipal par un suivant de liste résidant dans la même commune déléguée que ce dernier.
Ils proposaient, enfin, que le maire délégué soit en priorité résidant de la commune déléguée.
Ces trois propositions sont contraires, d'une part, à l'esprit qui vise à faire de la commune nouvelle une véritable commune et, d'autre part, aux principes constitutionnels.
Le critère de résidence dans la commune déléguée porte différenciation entre les candidats et constitue ainsi une rupture d'égalité devant le suffrage.
Nous partageons donc le point de vue de Mme la rapporteur, qui avait souligné l'inconstitutionnalité de ce texte.
Votre proposition conduisait à la réintroduction d'une forme de section électorale que nous avons supprimée en 2013.
D'autres propositions complémentaires aux dispositifs actuels ont été faites.
L'AMF propose ainsi de fixer l'effectif du conseil municipal de la commune nouvelle au minimum égal à trois fois le nombre des communes déléguées.
Pour rappel, lors de sa création et jusqu'au prochain renouvellement, le conseil municipal de la commune nouvelle peut être composé de la somme des conseillers des anciennes communes, puis il bénéficie de la strate démographique supérieure lors de son premier renouvellement. À partir du deuxième renouvellement, l'effectif du conseil municipal entre dans le droit commun.
Cette proposition pérennise le dispositif dérogatoire, tandis que le Gouvernement soutient que les communes nouvelles sont des communes à part entière. Je ne peux pas le dire plus simplement.
Je remercie Mme Françoise Gatel et M. Christian Manable, et salue la qualité de leurs propositions, dont beaucoup ont été prises en compte. Il est rappelé dans leur rapport que « nul ne peut réussir sa commune nouvelle sans une volonté commune autour d'un projet d'avenir, et d'une vision partagée du territoire coconstruit avec les acteurs locaux et soutenue par tous ». Ce sont également les conclusions des premières Assises nationales des communes nouvelles, organisées par l'AMF, auxquelles j'ai eu le plaisir de participer le 12 octobre dernier.
Je crois donc qu'il est temps d'avancer, de conforter les communes nouvelles et leur mouvement, et non pas de freiner celui-ci. Nous vous accompagnerons dans cette démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Didier Rambaud et Joël Bigot applaudissent également.)
- Débat interactif -
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d'y répondre pour une durée équivalente. Je serai très strict en ce qui concerne le respect des temps de parole afin que tous les orateurs puissent s'exprimer.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Éric Kerrouche. Vous l'avez rappelé, madame la ministre, entre 2015 et 2016, et du fait de l'unique volonté des élus locaux, le tissu communal a connu une rationalisation sans précédent : plus de 500 communes nouvelles ont été créées, représentant 1 800 communes historiques et 25 000 conseillers municipaux, 1,7 million de nos concitoyens étant concernés.
Vous noterez que cette transformation inédite du paysage communal est la preuve de la capacité d'adaptation et d'innovation des territoires, dès lors que la souplesse du régime juridique permet de respecter les spécificités territoriales.
En matière de gouvernance, 95 % des communes nouvelles ont opté pour le régime dérogatoire et transitoire permettant d'augmenter le nombre de conseillers municipaux. Par ailleurs, 95 % de ces communes ont choisi de créer des communes déléguées.
Le prochain renouvellement général, celui de 2020, suscite des inquiétudes légitimes chez les élus locaux quant à la représentativité des communes fondatrices. Il marquera en effet la fin de ce régime dérogatoire, ce qui se traduira par une diminution brutale, de 50 % en moyenne mais pouvant atteindre plus de 80 %, des effectifs des conseils municipaux.
Cela n'est pas sans conséquence sur l'avenir des communes déléguées, ce qui pose la question de la représentativité démocratique. Vous l'avez dit, les communes nouvelles constituent bien de nouvelles entités, de nouvelles communes, et non une supracommunalité. Néanmoins, l'objectif est de faire en sorte d'assurer la meilleure représentativité possible de toutes ces composantes sans pour autant ajouter de la complexité à un système qui repose avant tout sur la souplesse et la volonté des élus.
Dans cette optique, la possibilité du caractère obligatoire de la charte de la commune nouvelle, aujourd'hui facultative, peut-elle être examinée ? Ce contrat fondateur, revisité avant chaque fin de mandat, demeurerait régi par des principes de souplesse pour que chaque commune nouvelle définisse sa propre gouvernance et garantisse la représentativité des communes historiques. (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, il y a, dans votre question, deux sujets.
Il y a en premier lieu la représentation, dont on vient de parler au cours des interventions liminaires. La solution réside bien sûr dans la construction des listes des communes nouvelles, lors des élections. Comme dans une commune classique, on essaie de représenter tous les quartiers et il reviendra évidemment à ceux qui conduisent des listes aux élections municipales de veiller à ce que les anciennes communes, les communes déléguées, soient bien représentées. Voilà la réponse très pratique que je peux vous apporter.
En second lieu, en ce qui concerne le document dont vous parlez, cette charte, beaucoup de communes nouvelles où je suis allée, souvent dans la Maine-et-Loire, ont des chartes qui sont, finalement, les supports de la réflexion et des conclusions de travail ayant amené à la création de la commune nouvelle. Cette charte sert de document de base ; elle n'a, certes, pas de valeur juridique,…
M. Pierre-Yves Collombat. Eh non !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais elle a une valeur contractuelle et morale…
M. Pierre-Yves Collombat. Elle n'a aucune valeur !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … entre ceux qui se sont engagés et qui est évidemment très importante.
Je crois qu'il serait compliqué de donner à la charte une valeur juridique. D'abord, on risquerait d'y inscrire des éléments touchant à la réglementation et qui ne seraient pas acceptables juridiquement, car la loi précise déjà beaucoup de choses sur la création et l'organisation des communes nouvelles. Ensuite, je crois que cela alourdirait le fonctionnement des communes nouvelles.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les 517 communes nouvelles créées au 1er janvier 2016 et au 1er janvier 2017, issues de la fusion de 1 760 communes, comptent aujourd'hui 24 139 conseillers municipaux. Cette démarche volontaire des élus a été encouragée non seulement par un pacte financier, mais aussi par la faculté de conserver les communes historiques sous forme de communes déléguées.
Pour faciliter la création de communes nouvelles, un régime dérogatoire au droit commun permet d'augmenter à titre transitoire l'effectif de leurs conseils municipaux et donne ainsi la possibilité aux élus des communes historiques d'y siéger.
La fin programmée de ce régime transitoire suscite les inquiétudes des élus locaux…
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Eh oui, si c'est un régime transitoire, il a une fin programmée !
M. Alain Marc. … et, pour certains maires, le réveil risque d'être difficile dès 2020.
En effet, la réduction des effectifs des conseils municipaux de ces 517 communes nouvelles devrait être d'environ 49 % en 2020 et d'environ 56 % en 2026, selon les estimations de l'AMF.
Cette baisse, parfois brutale, engendre, chez les élus qui ont mis en place des communes nouvelles comme chez ceux qui envisagent de le faire, la crainte d'une représentation insuffisante de certaines communes déléguées au conseil municipal de la commune nouvelle.
Par conséquent, il paraît indispensable de surmonter cette difficulté. Madame la ministre, le problème de la représentativité des communes historiques est bien réel. Aussi ne pourrait-on pas définir une nouvelle phase transitoire concernant l'effectif des conseillers municipaux des communes nouvelles composées de communes déléguées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Je vous remercie de votre question, monsieur Marc.
Je vous répondrai que les règles du jeu étaient établies ; quand les communes ont décidé de créer une commune nouvelle, elles les avaient en main. Ainsi, elles savaient qu'il y avait une période transitoire – par définition, une période transitoire a une fin –, et que, un jour, elles passeraient de l'addition des représentants à la strate supérieure puis à la strate de la population.
Je ne peux rien vous dire de plus que cela ; franchement, le Gouvernement ne reviendra pas sur ce point, puisque c'est une commune que l'on a créée. Je ne peux que répéter ce que j'ai dit il y a quelques instants, c'est l'équilibre que vous rechercherez dans la formation des listes qui sera la réponse la plus adéquate.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Dans cette matière, madame la ministre, je crois que l'on a confondu la finalité et les moyens. Les gens ont sans doute vu comme intérêt à la constitution d'une commune nouvelle le fait de garder pendant trois ans la stabilité financière et les dotations de l'État. Ce qui compte avant tout, me semble-t-il, est effectivement de définir un projet de territoire et non de passer par les modifications de structures alors que l'on a un bon projet de territoire. Il y a peut-être d'autres façons de procéder.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Il s'agira plutôt d'une réflexion, d'un constat, que d'une question. J'éviterai donc à Mme la ministre de me répondre longuement ; ainsi, je la ménagerai, parce que la séance est longue pour elle, et nous gagnerons un peu de temps.
C'est un témoignage. Je sors d'une campagne électorale, comme vous, madame la ministre, comme Alain Bertrand, comme d'autres. J'ai visité 318 communes de mon département et l'on a parlé, pratiquement partout, des communes nouvelles.
Ce qui inquiète bien des élus est le fait non pas d'appartenir à une commune nouvelle, mais que les petites communes qui se regroupent avec d'autres dans une telle commune ne soient pas représentées. Ainsi, dans la pire des situations, les petites communes n'auront plus de mairie ni de conseillers municipaux dans le futur conseil municipal.
Certes, il y a un pacte, un accord, un protocole, mais qui n'est que moral, et, si de nouveaux candidats, issus d'une nouvelle liste, arrivent, rien n'oblige ces derniers à respecter le protocole signé par les anciens.
On a donc un vrai problème. Il semblerait que les choses coincent du point de vue constitutionnel.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C'est fort possible, en effet.
M. Jean-Claude Requier. Alors, comment faire pour satisfaire des besoins légitimes des élus de terrain, de base, et pour respecter le droit ?
Telle est la question que je pose à Mme la ministre, même si elle nous a déjà beaucoup répondu. Je pense que l'on tournera un peu en rond cet après-midi (Sourires.), car nous sommes confrontés à un problème que l'on ne réussit pas à résoudre. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Éric Gold applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Voilà le bon sens de M. Requier !
Votre intervention, monsieur le sénateur, me permet de rappeler tout de même quelques points.
Les anciennes communes deviennent toutes automatiquement des communes déléguées, sauf décision contraire des conseils municipaux prise avant la création de la commune nouvelle.
Le plafonnement du nombre d'adjoints au maire à 30 % de l'effectif légal du conseil municipal est aménagé, puisque la loi du 16 mars 2015 prévoit que les maires délégués exercent également les fonctions d'adjoint au maire de la commune nouvelle sans être comptabilisés dans ce plafond.
Les communes déléguées disposent de plein droit d'un maire délégué et d'une annexe de la mairie, dans laquelle sont établis les actes d'état civil concernant les habitants de la commune déléguée.
Le maire délégué est officier d'état civil et de police judiciaire de la commune déléguée ; il peut, par ailleurs, recevoir des délégations territorialisées de la part du maire de la commune nouvelle.
Il est également possible de créer un conseil de la commune déléguée, composé d'un maire délégué et de conseillers municipaux, sur décision du conseil municipal de la commune nouvelle statuant à la majorité des deux tiers de ses membres.
Le conseil municipal d'une commune nouvelle peut également instituer une conférence municipale présidée par le maire et comprenant des maires délégués, au sein de laquelle peut être débattue toute question de coordination de l'action publique sur le territoire de la commune nouvelle.
Le rapport entre la commune nouvelle et ses communes déléguées est donc vraiment souple, libéral, dirais-je, et il respecte les particularités des communes historiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.
M. Jean-Claude Requier. J'ai assez de temps pour dire que cela n'est qu'un régime transitoire.
Comme le disait celui que l'on appelait « le bon père Queuille »,…
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un radical !
M. Jean-Claude Requier. … homme politique issu de la Corrèze qui fut président du Conseil, « il n'est pas de problème qu'une absence de solution ne puisse résoudre ». (Sourires. – Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. François Grosdidier. C'est bien pour cela que nous ne sommes pas tous radicaux !
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question sur la représentation des communes déléguées sera certainement un peu redondante avec d'autres. J'aurai néanmoins quelques remarques liées à mon expérience locale.
Eu égard à ce qui est éprouvé dans certains territoires, notamment au travers des communes associées, je souhaite soulever deux écueils qui doivent être évités dans la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles.
Le premier écueil consisterait à donner l'illusion du maintien d'une démocratie de proximité en maintenant une représentation à long terme des communes déléguées au sein des communes nouvelles, à l'image des communes associées de la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « Marcellin ». Prenons l'exemple de ma commune, Le Havre, où une commune associée persiste depuis plus de 45 ans alors qu'elle est un véritable quartier dans la ville. Elle a un maire associé, qui n'a aucun pouvoir, un budget annexe, qui n'a aucun moyen ; elle ne gère rien mais elle donne l'illusion de la démocratie en laissant en place un maire délégué,…
M. Michel Dagbert. Un maire Canada Dry !
Mme Agnès Canayer. … qui existe et qui est régulièrement présent avec son écharpe tricolore.
Reprenant la célèbre formule de ma collègue Françoise Gatel, je dirais que, pour moi, une commune nouvelle est une nouvelle commune ; elle doit permettre à terme l'intégration totale de l'ensemble de ses composantes.
Le second écueil serait la transposition d'une organisation uniforme pour toutes les communes nouvelles. En effet, cela a souvent été évoqué, la réussite de la création d'une commune nouvelle repose avant tout sur le projet, sur la structuration résultant du rapprochement des communes, et sur la volonté de travailler ensemble. Chaque commune nouvelle a ses spécificités qui doivent être maintenues. On doit faire confiance aux élus locaux pour mettre en place les conditions de l'intégration et de la représentation de l'ensemble des territoires, qui sont garants de l'équilibre de la nouvelle commune.
Là encore, je prends un exemple local, celui de l'intercommunalité chez moi. On a « cassé » l'accord local au bénéfice d'une obligation de transposition des dispositions de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ».
Ma question est donc, madame la ministre : comment garantir, au sein des communes nouvelles, le principe de libre administration et la confiance des élus locaux ?
M. le président. Mes chers collègues, je le dis pour tous ceux qui l'ont fait, et non seulement pour vous, madame Canayer : il n'est pas possible de dépasser de quarante-cinq secondes un temps de parole de deux minutes, sauf à priver plusieurs groupes de leurs questions. Comme on ne peut dépasser le temps prévu pour un débat, je serai contraint de couper celui-ci au milieu et les derniers inscrits, qui se sont pourtant préparés à intervenir, ne pourront pas parler du tout !
Par conséquent, mes chers collègues, je le répète, respectez votre temps de parole.
Mme Brigitte Micouleau et M. François Grosdidier. Alors, faites-le respecter pour tous les groupes, monsieur le président !
M. le président. Mais oui, je le ferai pour tous les groupes ; vous le verrez.
M. Pierre-Yves Collombat. On perd du temps, là !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Je dirai deux choses.
D'abord, je suis globalement d'accord avec vous, Agnès Canayer. Je suppose que le cas que vous citez, situé à côté du Havre, doit être une commune « loi Marcellin ».
M. Mathieu Darnaud. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Elle est donc actuellement régie par la loi Marcellin mais elle pourrait constituer une commune nouvelle avec Le Havre et, dans ce cas, libre aux élus locaux de laisser des communes déléguées exister ou non – c'est ce que je rappelais voilà quelques instants. Sinon, il n'y a pas de moyen de supprimer une commune ni de la faire entrer de force ; la libre administration s'applique toujours.
Pour ce qui concerne la souplesse, je suis bien d'accord avec vous. C'est la raison pour laquelle je reviens un peu sur ce que j'ai dit précédemment, les chartes doivent rester contractuelles et ne pas entrer dans un système de normes réglementaires, qui rigidifieraient le système et qui empêcheraient la création de communes nouvelles avec une spécificité territoriale.
Par ailleurs, je suis désolée, mais je n'ai pas bien compris la fin de votre intervention portant sur la loi NOTRe.
Mme Agnès Canayer. Les accords locaux ont été « cassés » par la loi NOTRe.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ah, en ce qui concernait le nombre de représentants.
Vous savez, à ce sujet, nous avons essayé de trouver des solutions dans tous les sens, mais il y a aussi les contraintes du Conseil constitutionnel, avec le tunnel de 20 %. (M. Mathieu Darnaud s'esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le vif de mon interpellation, il me paraît important de préciser un point fondamental. Nous ne devons pas oublier que les communes déléguées n'ont pas vocation à s'ancrer dans le temps. Bien au contraire, elles ne sont qu'un instrument permettant une progression plus tranquille entre le groupement de communes et la commune nouvelle formée.
C'est cette perspective qui doit conditionner nos raisonnements. Aussi, tout dispositif visant à renforcer leur représentation au sein des communes nouvelles doit être mûrement réfléchi ; il ne doit pas entraîner de rigidité trop importante, il ne doit pas faire de la commune déléguée une sous-commune ayant des fonctions autres que celle qui consiste à assurer une période de transition progressive et fluide et à garantir un lien de proximité avec les habitants.
Inciter à la création de communes nouvelles garantit justement une certaine souplesse. À cet égard, nous pourrions justement réfléchir aux moyens d'ancrer dans le dispositif législatif le caractère intrinsèquement péremptoire de la commune déléguée, afin qu'il soit établi plus clairement que, si elles garantissent un lien de proximité étroit avec les habitants, elles n'ont pas vocation à durer dans le temps.
La législation en vigueur dispose que le « conseil municipal peut décider la suppression des communes déléguées dans un délai qu'il détermine. » On ne saurait imaginer une commune nouvelle prospérant avec, en son sein, des communes déléguées existant pour une durée parfaitement indéterminée.
Madame la ministre, quelle est votre position sur le sujet, et quel dispositif peut être, selon vous, mis en place afin de concilier la souplesse et la clarté que sollicite la législation sur ce point ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. D'abord, je suis globalement d'accord avec ce que vous venez de dire. Ce sont des dispositions transitoires qui ont été prévues dans la loi, et l'objectif est bien d'aller vers une commune nouvelle ou, cela a été dit précédemment, vers une nouvelle commune.
Je le rappelle, il n'est pas obligatoire de faire des communes déléguées. Ainsi, dès la constitution d'une commune nouvelle, on peut ne pas mettre en place le système des communes déléguées. En outre, je crois – je vérifierai cela d'ici à la fin du débat – que l'on peut supprimer à tout moment les communes déléguées.
Je pense donc qu'il n'est pas utile de légiférer sur ce point. La loi est très bien, on y avait tous beaucoup travaillé : Jacques Pélissard, son auteur, l'Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement. On avait assez bien cerné le sujet. En outre, il faut toujours se méfier quand on vient de légiférer et que l'on relégifère ; souvent, on rigidifie plus qu'on ne simplifie les choses.
Je vous apporterai la réponse définitive sur la suppression des communes déléguées d'ici à la fin du débat.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est des communes nouvelles de bon sens ; il en est au moins autant qui sont nées d'un réflexe de défense contre la pénurie financière, pour pouvoir continuer d'exercer en commun des compétences orphelines, le nouvel établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, cessant de les exercer, ou tout simplement pour avoir l'impression d'exister au sein d'intercommunalités « XXL » ou de grandes régions.
Il en est aussi qui ont été abusées par l'illusion entretenue que les mesures temporaires permettant la survie symbolique des communes dans la commune nouvelle seraient éternelles.
Beaucoup découvrent aujourd'hui qu'il n'en est rien ; toutes les dispositions incitatives n'y changeront rien.
Ma question est la suivante : pourquoi ne pas répondre à leurs attentes ? Qu'est-ce qui s'y oppose ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. À quoi ?
M. Pierre-Yves Collombat. À leur donner satisfaction.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur Collombat, comme vous le disiez dès le début de votre intervention, rien ne s'oppose au bon sens.
Mme Françoise Gatel. Bravo !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J'ai visité beaucoup de communes nouvelles ; les gens qui se sont engagés ont mûrement réfléchi, ont fait des projets, connaissaient les règles du jeu. Je trouve curieux que vous disiez qu'ils pensaient tous…
M. Pierre-Yves Collombat. Certains !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … que c'était pérenne.
M. Pierre-Yves Collombat. C'est ce que l'on a constaté !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Eh bien, non, ça ne l'est pas.
Je remarque d'ailleurs – je me suis procuré la carte géographique des communes nouvelles – que ces communes sont très largement majoritaires dans l'ouest de la France. Cela n'est pas un hasard, cela correspond à une habitude mutualiste que l'on trouve dans cette région.
Mme Françoise Gatel. Absolument, c'est tout à fait vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien sûr, il y en a dans d'autres régions, en Rhône-Alpes ou ailleurs, mais il y a un état d'esprit qui compte pour créer des communes nouvelles, cela fait appel à un caractère culturel, si je puis dire, dans les habitudes de travailler ensemble.
Je ne peux pas aller plus loin dans le raisonnement ; autrement, on n'atteindrait pas le but que l'on s'est fixé au départ, que se sont fixé le législateur en 2010 et la loi Pélissard.
On ne peut donc pas modifier ce modèle, qui est et restera toujours fondé sur le volontariat. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, je constate que ce qui est permis aux métropoles devient une anomalie inacceptable pour ce qui concerne les petites communes. Une commune nouvelle n'est pas un EPCI, dites-vous, mais un EPCI, en revanche, peut cacher une commune qui ne dit pas son nom. Je pense, par exemple, à la métropole lyonnaise. Ils étaient partis pour faire un EPCI, ils se retrouvent avec une commune…
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos va plutôt porter sur les bonnes conditions de mise en oeuvre du territoire vécu ; c'est un élément aussi prégnant pour l'avenir de la commune nouvelle que celui de la représentation.
Avec la refonte territoriale, 517 communes nouvelles ont vu le jour – c'est un succès, on peut le dire –, et on en compte 37 dans le Calvados. Cette refonte bouscule nos habitudes, nos frontières du quotidien et il ne faut pas oublier que le succès des communes nouvelles a été garanti par les élus locaux qui ont veillé chaque fois à une organisation adaptée aux spécificités de leur territoire et de leurs habitants.
Cela s'est fait aussi, bien sûr, sur le fondement d'engagements financiers et contractuels de l'État, qui ont accompagné ce mouvement des communes nouvelles et qui conditionnent leur avenir.
Pour faciliter l'ancrage de la commune nouvelle, l'État doit veiller – cela a d'ailleurs souvent été le cas – à reconduire les agréments et les aides obtenus préalablement par les communes historiques.
Aujourd'hui, les élus des communes nouvelles sont inquiets de ne pas voir se maintenir les dispositifs et aides de l'État. Je pense à la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, aux zonages relatifs au logement ou encore aux dispositifs d'exonération du type Pinel, pour ne citer que ces exemples. Les discussions du projet de loi de finances pour 2018 le prouvent.
Or ces sujets ont conditionné en grande partie la nature des engagements consentis entre communes historiques pour réaliser le projet de territoire de leur commune nouvelle. Le coeur de tout cela est bien que, en vivant au quotidien la commune nouvelle, les habitants s'emparent de leur nouveau territoire et, pour cela, il faut un peu de stabilité.
Madame la ministre, on le voit bien, si la représentation est fondamentale, la sécurisation du projet du territoire de la commune nouvelle l'est tout autant, les deux sujets relevant de la même logique, celle qui vise à garantir la réussite de ces nouvelles collectivités.
Dans ces conditions, ne pourriez-vous envisager un délai de trois ans, comme le préconisait judicieusement le rapport de nos collègues Françoise Gatel et Christian Manable ? Ces trois ans donneraient le temps au projet de s'exprimer avant de modifier les agréments et les engagements de l'État qui avaient permis au projet d'origine de la commune nouvelle de réaliser un territoire cohérent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, si j'ai bien compris, vous posez la question des problèmes financiers, dans votre premier point.
Je l'ai dit voilà quelques instants, il y a reconduction du régime, mais c'est ce qui existait qui est reconduit jusqu'au 1er janvier 2019, avec la bonification de DGF, de 5 %, pour les communes nouvelles jusqu'à 15 000 habitants ; c'est ce qui a été adopté à l'Assemblée nationale.
Vous avez aussi parlé de la DETR. Naturellement, les communes nouvelles sont des communes ; à ce titre, elles ont droit à la DETR comme à la dotation de soutien à l'investissement public local, la DSIL.
Désormais, comme le projet de loi de finances adopté à l'Assemblée nationale le prévoit, il n'y a plus de seuil. C'est cela que vous vouliez dire. Sous la précédente majorité, la DSIL, qui avait été créée pour compenser les prélèvements sur la DGF, devait être transitoire. Nous l'avons rendu pérenne, elle sera inscrite au code général des collectivités territoriales, le CGCT. En outre, nous n'avons pas prévu de seuil pour accéder au financement de la DSIL. Ainsi, la plus petite des communes, si elle a un projet structurant, pourra y avoir accès.
Il n'y a donc aucun obstacle d'aide ou de financement pour les collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous ne pouvons donner suite à la proposition consistant à pérenniser le dispositif dérogatoire, comme vous l'avez proposé.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le département de Maine-et-Loire est fortement marqué par le phénomène de regroupement de communes, puisqu'il compte actuellement 34 communes nouvelles. Au 1er janvier 2017, il y avait 186 communes contre 358 en 2015, soit près de la moitié de communes en moins ! Les élus d'Anjou ont manifestement réussi à dépasser les clivages partisans et à faire passer l'intérêt collectif avant l'esprit de clocher.
Vous les avez d'ailleurs rencontrés dans un esprit d'ouverture, lors d'une table ronde au mois de juillet dernier. Je souhaite ici saluer le soutien apporté à cette dynamique dans le projet de loi de finances pour 2018. Même si le seuil de 10 000 habitants est discutable, le maintien de la DGF et la bonification de 5 % de la dotation forfaitaire pour les communes nouvelles sont une bonne chose.
Le rapport très instructif de nos collègues, ici présents, Christian Manable et Françoise Gatel, sur la « révolution silencieuse » des territoires avait repéré, dès 2016, un ensemble de points qui restaient à améliorer et qui demeurent d'actualité.
En augmentant la taille de sa population, la commune nouvelle peut être soumise à de nouvelles obligations en matière de construction de logements sociaux ou d'accueil des gens du voyage. Une période transitoire de trois ans a été mise en place, afin de permettre aux communes nouvelles de se mettre en conformité avec la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite « SRU », que la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a réaffirmée il y a peu.
Ce besoin de temps est également évoqué par les élus pour l'établissement de documents d'urbanisme communs ou encore pour la création d'un centre communal d'action sociale, la construction d'écoles ou la création de comités techniques paritaires.
Cette période de transition peut paraître trop courte pour des territoires ruraux, qui demandent une prise en compte des spécificités du terrain.
J'en arrive à ma question : le Gouvernement envisage-t-il des mesures d'accompagnement renforcé pour ces communes nouvelles, afin qu'elles puissent s'adapter à temps à leurs nouvelles obligations ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les nouvelles obligations s'imposant aux communes nouvelles franchissant un seuil de population en matière de construction d'aires d'accueil des gens du voyage – plus de 5 000 habitants – et de logements sociaux, en application de la loi SRU. Cela touche les communes frappées, je suppose, par l'article 55 de ladite loi.
Vous avez rappelé qu'il y avait déjà eu des aménagements dans la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté.
La pénalisation financière concernant les logements sociaux ne s'applique pas les trois premières années et permet donc aux communes nouvelles d'engager des projets.
Nous le savons, la demande de logements, plus particulièrement de logements sociaux, est forte dans le pays. Bien évidemment, les communes nouvelles doivent pouvoir y répondre.
S'agissant de la construction des aires d'accueil des gens du voyage, un certain nombre d'aires manquent à l'appel. S'il s'établit à 100 % dans certains territoires, le taux d'application des plans départementaux sur l'ensemble du territoire, car c'est bien à l'échelle des départements que ces plans sont définis, s'élève, si ma mémoire est bonne, à 70 %.
Il est donc important que les communes remplissent les conditions pour construire une aire d'accueil des gens du voyage. Nous en avons longuement parlé au Sénat il y a peu, lors de l'examen de proposition de loi qui avait été déposée à ce sujet.
Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez concerne le franchissement des seuils démographiques du fait de la création des communes nouvelles. Je pense qu'il n'y aura pas d'exemption.
En revanche, je suis ouverte et prête à étudier ces situations avec les associations d'élus et en lien avec les ministères concernés, pour voir s'il faut laisser un peu plus de temps. Je ne réponds pas par l'affirmative ; je dis simplement que nous pouvons travailler sur le sujet, pour voir si cela est possible.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, je serai bref, tout ayant quasiment été dit sur le sujet à ce stade du débat.
Je me bornerai à faire deux remarques.
Premièrement, il convient de dire la vérité, toute la vérité sur la commune nouvelle et, bien sûr, sur la place des communes déléguées au sein de celle-ci.
Je crains, ainsi que Pierre-Yves Collombat l'a rappelé voilà quelques instants, que les élus qui ont fait un choix défensif pour se regrouper en commune nouvelle ne connaissent, demain, un réveil quelque peu douloureux, quand le droit commun les obligera à revenir sous la forme d'une commune tout à fait traditionnelle, puisque la commune nouvelle ne se différenciera alors pas de l'ensemble des autres communes existantes.
En cela, je suis très sceptique quant à l'amoncellement de mesures dérogatoires, qui peuvent avoir des effets largement contre-productifs.
Deuxièmement, je veux aujourd'hui vous livrer une réflexion.
Vous avez rappelé avec justesse, madame la ministre, que l'on peut distinguer les territoires selon qu'ils comportent ou non des communes nouvelles. L'exemple le plus abouti est certainement celui du Maine-et-Loire, avec 181 communes aujourd'hui contre 363 auparavant, quand le département dont je suis issu, l'Ardèche, ne compte aucune commune nouvelle. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
Je vous invite à réfléchir sur l'importance du maintien de la commune déléguée.
Vous avez raison, il existe des raisons culturelles, historiques, mais aussi territoriales qui plaident pour le maintien de celle-ci, lequel peut être incitatif s'il est nécessaire de favoriser la création intelligente de communes nouvelles, même si, j'y insiste, la création d'une commune nouvelle doit rester une initiative des élus. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, cher Mathieu Darnaud, il faut toujours dire la vérité, et il faut bien évidemment toujours donner tous les éléments aux élus qui constituent une commune nouvelle. Effectivement, si c'est l'opportunisme financier qui inspire la création d'une commune nouvelle, celle-ci risque de ne pas durer très longtemps. Je suis d'accord avec vous.
Cela étant dit, dans mon département, la création de communes nouvelles est toujours précédée d'une réflexion longue et sereine.
Je veux réagir à votre réflexion, ce qui me permettra d'ailleurs aussi de répondre à mon interlocuteur de tout à l'heure. Les communes déléguées sont pérennes. On peut les garder aussi longtemps qu'on le souhaite, comme on peut les supprimer à tout moment, à la majorité simple.
On peut donc, avant de créer une commune nouvelle, décider que l'on crée ou non des communes déléguées, que l'on peut garder ou supprimer à tout moment. Aussi, le système est quand même assez souple.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.
Mme Patricia Schillinger. Madame la ministre, la fin de la période de transition prévue par le régime juridique des communes nouvelles suscite de nombreuses inquiétudes auprès des élus locaux, en raison de la diminution progressive de l'effectif des conseils municipaux des communes nouvelles.
En l'état du droit, la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles à l'occasion des prochains renouvellements n'est, en effet, ni organisée ni obligatoire.
Pour autant, l'introduction de contraintes spécifiques dans la constitution des listes municipales en fonction du lieu de résidence des candidats conduirait à une rigidité excessive et méconnaîtrait la philosophie sous-jacente à la création des communes nouvelles.
Au contraire, il faut continuer d'encourager les élus impliqués à bâtir des communes nouvelles à partir de projets de territoire ambitieux.
Dans cette optique, madame la ministre, serait-il envisageable de modifier l'article 7 de la loi 90–1103 du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, qui implique, afin d'éviter les redécoupages électoraux tardifs, qu'aucune commune nouvelle ne pourra être créée à compter de mars 2019 ?
Mon collègue Arnaud de Belenet a ainsi proposé, par amendement, de prendre en compte la date de prise de l'arrêté créant la commune nouvelle plutôt que sa date d'effet, afin de pouvoir créer une commune nouvelle au 1er janvier 2020, dès lors que l'arrêté serait pris avant mars 2019.
Nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement sur cette proposition, qui est assurément de nature à encourager la création de communes nouvelles, en allant dans le sens de l'action gouvernementale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, chère Patricia Schillinger, vous proposez de permettre la création de communes nouvelles jusqu'au 1er janvier 2020, soit quelques semaines avant le renouvellement général des conseils municipaux et donc de déroger aux dispositions de l'article 7 de la loi du 11 décembre 1990, qui prévoit qu'« il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées. »
Si, dès 1990, le législateur a prévu une année blanche dans le redécoupage des circonscriptions électorales avant l'échéance normale de renouvellement, c'est avant tout dans un souci de lisibilité pour les électeurs. En effet, le délai d'un an garantit à nos concitoyens de connaître précisément le ressort territorial de l'élection à venir.
Permettre la création de communes déléguées jusqu'au 1er janvier 2020 aurait pour conséquence que les électeurs concernés votent dans un ressort créé seulement trois mois auparavant.
Je veux par ailleurs rappeler que le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réactivation du dispositif de maintien de la DGF pour les communes nouvelles créées au plus tard au 1er janvier 2019, en s'appuyant, bien sûr, sur les calendriers actuels.
Dans ces conditions et pour toutes ces raisons, il ne nous paraît pas opportun de revenir sur l'existence de cette année blanche, garantie de lisibilité pour nos concitoyens, mais aussi pour ceux qui envisagent de se présenter aux élections sur un territoire municipal.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, depuis 2010, la France a connu la création de 542 communes nouvelles, regroupant 1 830 communes et près de 1,8 million d'habitants.
La mise en place d'un assouplissement du régime juridique a participé à l'essor de ces rassemblements de communes, tout comme la création du statut de commune déléguée, qui a permis aux communes ayant fusionné à la fois de conserver leur propre identité historique et de mettre en commun leurs moyens.
Cependant, nous sommes en droit de nous interroger sur la finalité de ces communes déléguées, comme l'ont fait d'autres interlocuteurs avant moi.
Il paraît tout de même illusoire de donner à penser aux maires des futures communes déléguées que leur commune survivra à la fusion après 2020. Il faut, bien au contraire, faire preuve de transparence et d'honnêteté intellectuelle.
Ne nous y trompons pas : la fusion vise, à terme, à réunir des communes au sein d'une nouvelle commune, qui englobera définitivement les anciennes communes après une période de transition définie, en outre le rôle des communes déléguées.
Dès lors, la question de la représentation de ces communes déléguées au sein des communes nouvelles doit être clarifiée. Il doit s'agir d'une démarche volontaire des élus locaux. Ceux-ci doivent recevoir toutes les informations sur l'avenir de leur commune devenue déléguée et vouée, de fait, à disparaître à terme.
Les incitations financières de l'État ne semblent pas aller dans ce sens. Pourquoi maintenir les incitations fiscales s'il s'agit d'un choix local et d'une démarche libre ? L'argumentation idéologique sous-jacente repose, bien entendu, sur la diminution du nombre de communes et sur un alignement de notre pays sur les autres modèles européens.
Aussi, madame la ministre, que comptez-vous mettre en place pour que chaque maire ayant à prendre la décision d'intégrer ou non sa commune au sein d'une commune nouvelle ait tous les éléments objectifs à sa disposition afin de pouvoir faire un choix éclairé sur le devenir de sa commune, sans avoir à se fonder uniquement sur les avantages financiers proposés ? (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, chère Cécile Cukierman, je sais que l'enfer est pavé de bonnes intentions, mais je crois que l'esprit qui a présidé à la création des communes nouvelles, que ce soit en 2010 ou, ensuite, lors de la réforme engagée par Jacques Pélissard, était constructif : il s'agissait d'aider des communes qui, au fond, ne pouvaient plus faire face seules à l'évolution de notre pays, sur la base du volontariat.
Je ne crois pas que l'on puisse accuser Jacques Pélissard d'avoir voulu supprimer les communes. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
Mme Françoise Gatel. Effectivement !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je me demande même si sa démarche n'était pas, au contraire, de conforter les communes…
Mme Françoise Gatel. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … à partir du moment où elles étaient suffisamment grandes pour répondre à la demande des populations, avec, comme vous le savez, une population urbaine de plus en plus importante, mais aussi avec des ruraux de plus en plus exigeants : ayant parfois passé une partie de leur existence à la ville, ils reviennent dans des zones plus rurales avec des exigences fortes en termes de conditions de vie, de loisirs, etc.
D'ailleurs, trois majorités se sont succédé depuis 2010 et, au fond, tout le monde a toujours trouvé que l'idée des communes nouvelles permettait, sur la base du volontariat, de répondre à un vrai problème d'aménagement du territoire.
Naturellement, ce n'est pas pour l'argent qu'il faut créer une commune nouvelle.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, je voudrais remercier le RDSE de sa question pertinente. Hélas, la réponse qu'il y apporte l'est un peu moins…
Mon collègue Christian Manable et moi-même avons eu l'occasion de constater la révolution silencieuse qu'est la création de communes nouvelles, qu'il convient de faciliter.
J'ai moi aussi une proposition très précise à formuler, non pas pour remettre en cause le principe général, mais pour faciliter la création des communes nouvelles : elle consiste à allonger la période transitoire, de manière à endiguer une diminution brutale du nombre d'élus.
Je prends l'exemple de la commune nouvelle de La Hague, qui regroupe 19 communes. En 2020, les 234 élus municipaux ne seront plus que 35. Autrement dit, 80 % des élus auront purement et simplement disparu !
Je propose donc qu'après la période de création, qui permet de cumuler les conseillers municipaux, lors du renouvellement général des conseils municipaux de 2020, les communes nouvelles puissent avoir un nombre de conseillers municipaux égal à trois fois le nombre de leurs communes, soit, pour La Hague, 57 conseillers municipaux au lieu de 35, ce qui est un élément facilitant pour la création de communes nouvelles, qui va devenir un exercice difficile, un an avant les élections.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, chère vice-présidente de l'Association des maires de France, vous voulez, pendant la deuxième période de l'histoire des communes nouvelles, augmenter le nombre de représentants.
Je crois que cela n'est pas possible, pour plusieurs raisons. Pour reprendre une expression qui a été utilisée à la fois par Mathieu Darnaud et par Pierre-Yves Collombat, il faut dire la vérité.
Les communes nouvelles sont de nouvelles communes. On ne peut leur appliquer éternellement un régime transitoire. Les règles me semblent tout de même assez simples. Au reste, la création repose sur le volontariat.
M. Pierre-Yves Collombat. Et les métropoles ne sont pas des EPCI !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n'est pas le sujet, monsieur Collombat ! Pour une fois, n'opposez pas le rural et l'urbain. De fait, les communes nouvelles peuvent être créées en milieu urbain comme en milieu rural.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour aller vite, madame la sénatrice, je crois donc que le Gouvernement n'ira pas dans ce sens. La réponse que je vous apporte est donc négative.
À la vérité, personne n'oblige à la création des communes nouvelles. Les élus sont libres de choisir ou non cette option.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, j'ai passé une merveilleuse matinée avec vous et avec M. Gérard Collomb au congrès des maires. Nous avons débattu de l'organisation territoriale, de l'agilité et de la souplesse du Gouvernement, et de la confiance que celui-ci accorde, à juste titre, aux élus locaux.
Vous savez très bien que je défends l'idée de la commune nouvelle bâtie sur un projet d'avenir. Il ne s'agit pas de faire de la colocation de communes.
Toutefois, je pense qu'il faut parfois savoir faire preuve d'un peu de souplesse pour faciliter les choses et permettre leur réussite.
Tel est le sens de ma proposition.
M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Christian Manable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'essor récent des communes nouvelles marque un tournant riche d'enseignements.
Cet essor peut s'expliquer par différentes raisons.
Je suis coauteur, avec ma collègue Françoise Gatel, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, du rapport parlementaire intitulé Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse : raisons et conditions d'une réussite, qui a été cité à plusieurs reprises dans l'hémicycle cet après-midi. Nous avons pu identifier quelques ressorts et quelques leviers, confirmés notamment par les différents témoignages recueillis auprès des élus concernés.
Le succès de ces regroupements est dû à la conception même de la loi du 16 mars 2015, largement inspirée par les débats au sein de l'Association des maires de France. Je veux insister sur les termes « conçu par et pour le terrain » : le mouvement a été amorcé par les élus eux-mêmes, sur la seule base du volontariat.
Or, si le succès des communes nouvelles est réel, il n'est pas uniforme en France. Alors que certains départements comptent jusqu'à 36 communes nouvelles créées au 1er janvier 2017, comme c'est le cas de la Manche, le meilleur exemple reste toutefois le Maine-et-Loire, dont près de 50 % de 360 communes se sont regroupées, aucune commune nouvelle n'ayant été créée dans d'autres départements – près du tiers d'entre eux.
Mon département de la Somme, qui, avec 782 communes, détient la médaille de bronze du nombre de communes en France, derrière l'Aisne et le Pas-de-Calais, ne comporte malheureusement que deux communes nouvelles. Je le déplore.
C'est parfois dans les départements qui en auraient le plus besoin, où se trouvent plusieurs communes rurales isolées, dépeuplées et sans moyens, que les chiffres sont décevants.
Permettez que je prenne un autre exemple tiré de mon département de la Somme. Ce dernier compte de nombreuses micro-communes. L'une d'entre elles, Épécamps, compte 5 habitants et un conseil municipal de 7 élus. Autant dire que, le soir du premier tour des élections, tout le monde est sûr de boire le champagne…
M. Bruno Sido. Et alors ?
M. Christian Manable. Le budget de cette micro-commune rurale s'élève à moins de 10 000 euros par an.
Le jour où le maire devra refaire la toiture de l'église, il devra s'endetter pendant plusieurs siècles !
M. Bruno Sido. C'est ridicule !
Mme Cécile Cukierman. Et alors ? Si ça marche…
M. Christian Manable. L'État doit jouer son rôle d'accompagnateur et de facilitateur dans la création des communes nouvelles.
D'ailleurs, dans les départements où le nombre de communes nouvelles est important, on constate une action importante de la part des services de l'État.
Madame la ministre, j'en viens à ma question,…
M. Bruno Sido. Votre temps est écoulé !
M. Christian Manable. … à laquelle vous avez d'ailleurs déjà partiellement répondu dans vos propos liminaires : afin de mieux accompagner ces territoires, peut-on envisager le renouvellement de l'incitation financière antérieure,…
M. le président. C'est terminé, mon cher collègue !
M. Christian Manable. … soit le maintien des dotations, ou une disposition nouvelle du même type (M. Jean-Paul Émorine manifeste son impatience.), comme le fléchage et la priorisation de la DETR ?
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de 50 secondes, mon cher collègue ! Cela fait beaucoup pour un temps de parole de deux minutes, et, je le rappelle, cela risque de pénaliser certains de nos collègues, qui ne pourront pas s'exprimer tout à l'heure.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Je vais tâcher de faire court.
J'ai bien entendu votre réflexion, monsieur le sénateur Manable.
Premièrement, soit on maintient le volontariat, soit on instaure un autre système. Je crois qu'aujourd'hui la majorité des élus souhaitent le maintien du volontariat.
Deuxièmement, vous dites que l'État doit accompagner. J'en suis absolument convaincue ! Je crois à la vertu de la pédagogie. D'ailleurs, dans l'esprit des Premières assises nationales des communes nouvelles organisées par l'AMF, je vous propose de me rendre moi-même dans votre département de la Somme, pour y expliquer ce qu'est une commune nouvelle.
Nous maintenons les incitations financières jusqu'en 2019, afin de tenir compte de l'année blanche. Nous légiférerons de nouveau dans les futurs projets de loi de finances.
Au reste, il n'est pas non plus interdit de réfléchir à l'accompagnement qui pourrait être envisagé. Un groupe de réflexion sur ce sujet pourrait ainsi être créé dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les départements de l'Ouest en particulier ont eu assez largement recours à ce nouvel instrument qu'est la commune nouvelle, que l'Association des maires de France avait voulu mettre en place.
Aujourd'hui, le développement des communes nouvelles connaît des freins. Certains ont déjà été évoqués depuis le début du débat, mais il en existe d'autres.
Dans nos départements, de très grandes intercommunalités se sont mises en place, avec des conseils communautaires très nombreux et avec des compétences d'autant plus grandes que certaines de ces grandes intercommunalités rurales ont le statut de communauté d'agglomération, comme s'il s'agissait de grands territoires urbains.
Si nous voulons, demain, à la fois faire réussir ces très grandes intercommunalités et préserver la vitalité de la commune comme cellule de base de la démocratie, il faut trouver le bon équilibre entre l'infiniment grand et l'infiniment petit.
Cela suppose certainement que, pour encourager la création de communes nouvelles, sans jamais la forcer, on crée un système qui leur soit plus favorable, avec toutes les réserves qui ont pu être exprimées sur la nécessité de toujours dire la vérité sur ce qu'est la commune nouvelle.
Pourrait-on cependant envisager, madame la ministre, que ces grandes communautés d'agglomération puissent rétrocéder des compétences de proximité que la loi a malheureusement rendues obligatoires au niveau communautaire aux communes nouvelles – par exemple à l'échelle de nos anciens cantons ruraux ou d'une partie de ceux-ci, autour d'un bourg-centre – pour inciter à la création de celles-ci ? Nous pourrions y travailler ensemble.
Cela permettrait que les communes se retrouvent de nouveau en capacité d'exercer ces compétences et que les intercommunalités se consacrent à l'essentiel, comme le développement économique, l'aménagement du territoire et l'urbanisme ou la gestion des ordures ménagères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Philippe Bas, je reconnais bien la finesse de votre raisonnement.
Je suis d'accord avec vous : je pense que l'on a commis une erreur lorsque l'on a abaissé le seuil de création des communautés d'agglomération. Avouons toutefois que ce seuil avait été pensé pour rendre service à une ou deux personnes, à certains endroits de France… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Comment ?
M. Pierre-Yves Collombat. Voyons ! Ce n'est pas possible…
Mme Jacqueline Gourault, ministre. C'est la vérité.
De fait, il y a aujourd'hui des communautés d'agglomération rurales, ce qui est assez amusant.
Par ailleurs, des communes nouvelles se sont naturellement créées pour entrer ou pour peser davantage dans les grandes intercommunalités. Cela a été l'une des raisons de leur création. (Oui ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
J'ai vu, par exemple, des communautés de communes rurales qui se sont transformées en commune nouvelle pour peser davantage dans l'intercommunalité et pour récupérer, en tant que grande commune, les compétences que l'intercommunalité ne voulait pas exercer.
Vous introduisez, monsieur le sénateur, une idée nouvelle, consistant à « retransférer » des compétences de l'intercommunalité vers les communes nouvelles. Cela ferait évidemment entrer les communes nouvelles en compétition avec les intercommunalités. Ce sujet mérite une large réflexion ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Marie Janssens. Madame la ministre, depuis la réforme territoriale de 2010 et la création du statut de commune nouvelle, plus de 500 – 517 exactement – communes nouvelles ont été créées en France, regroupant près de 2 millions d'habitants.
On le voit, le modèle communal français est en mutation. Oui, la France des 36 000 communes a vécu.
Cette réalité ne signifie pas la mort des petites communes et de l'action de proximité. Au contraire, la commune est et doit rester le socle et le ciment de notre République française.
Pour cela, il faut que les communes nouvelles soient valorisées dans leur rôle de protectrices de l'action locale de proximité.
Afin d'encourager les communes à se regrouper en communes nouvelles, l'État a mis en place un dispositif d'incitation financière en 2015. Un pacte financier n'est cependant pas suffisant.
Ce que nous réclamons, nous, les représentants des communes, c'est un vrai pacte de proximité passé entre l'État et les communes nouvelles, oui, un pacte qui garantisse aux communes nouvelles le maintien des services publics de proximité et des services de l'État, la sanctuarisation des dotations de l'État, à commencer par la DETR, indispensable à l'investissement local, l'aide au maintien des commerces, un accompagnement dans la revitalisation des bourgs, un soutien efficace dans la lutte contre la baisse de la démographie médicale. Tout cela est particulièrement nécessaire dans les territoires ruraux, qui traversent de grandes difficultés financières et démographiques.
Ce pacte de proximité doit être plus qu'une incitation. Il doit consacrer la relation de confiance qui unit l'État aux communes, quelle que soit leur taille.
Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer aujourd'hui que l'État ne se désengagera pas vis-à-vis des communes et qu'il continuera à encourager la création de communes nouvelles en leur offrant des garanties durables en matière de services publics de proximité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Jean-Marie Janssens, je sais bien de quoi vous parlez. Vous avez vous-même créé une commune nouvelle dans le Loir-et-Cher.
Au fond, ce que vous dites au sujet des communes nouvelles est vrai de toutes les communes, à savoir que la commune reste la cellule de base de la République.
Je rappelle que la clause de compétence générale est maintenue au seul niveau de la commune et que, naturellement, l'État doit accompagner les communes nouvelles comme toutes les communes de France, pour que les services publics soient assurés.
Si j'ai bien compris votre raisonnement, vous aimeriez que l'on flèche encore davantage les dotations – notamment la DETR et la DSIL – vers les communes nouvelles, nonobstant le bonus déjà concédé sur la DGF et les autres dotations.
Je vous rappelle que tout cela s'opère au sein d'une même enveloppe normée et que donner aux uns revient alors à prendre aux autres.
Votre réflexion est intéressante. Après tout, pourquoi ne pas favoriser la création de communes nouvelles en leur assortissant une partie de la DSIL ou de la DETR ? Il s'agirait d'une mesure incitative, sur laquelle, après tout, on peut réfléchir.
M. Philippe Bas. Nous réfléchissons beaucoup, avec vous, madame la ministre ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J'ouvre les portes, monsieur Bas ! (Même mouvement.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Franck Montaugé. La « commune nouvelle » apparaît dans notre paysage institutionnel comme une nouvelle forme d'organisation susceptible, pour les élus qui ont voulu s'en saisir, de répondre de façon plus efficiente aux besoins de leur population.
Ce débat nous amène à repenser la place de la commune dans la République. Je suis de ceux pour qui la commune doit rester l'entité de base de notre démocratie républicaine, et ce pour trois raisons au moins.
La première raison est liée à l'engagement de citoyens qui se mettent au service de l'intérêt général – c'est l'enjeu démocratique.
La deuxième raison tient au coût des services : organisés au niveau communal, ils sont bien moins onéreux qu'à l'échelle supracommunale – c'est l'enjeu financier.
La troisième raison tient particulièrement aux petites communes : il s'agit de la qualité de la relation des élus avec leurs administrés – c'est l'enjeu social.
La « commune nouvelle » ne doit pas amoindrir ou remettre en question ces trois enjeux, qui sont autant de principes à préserver, voire à développer. Elle doit même les rendre possibles, les conforter.
Alors que la plupart des élus locaux vivent très mal – et ils nous le disent ! – le déclassement de la commune et l'expression au plus haut niveau d'un dédain à l'égard de leur engagement bénévole – mais je devrais plutôt parler de « sacerdoce » –,…
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Franck Montaugé. … le Gouvernement envisage-t-il d'organiser l'élection des présidents d'intercommunalité au suffrage universel direct ? (Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Le jour où ce sera le cas, il en sera terminé des communes !
M. Philippe Bas. Exactement !
M. Franck Montaugé. Les « communes nouvelles » ont-elles vocation à se substituer aux communes à la faveur, par exemple, de mécanismes financiers qui obligeraient, sans le dire, et c'est déjà le cas, les communes à se regrouper ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. J'entends bien vos préoccupations, monsieur Montaugé.
Oui, la commune est aujourd'hui la collectivité territoriale la plus proche des citoyens, et nous savons combien ces derniers sont attachés à leur commune et à leur maire. Au fond, la commune est le coeur de notre identité nationale et républicaine. Elle demeure, aux yeux du Gouvernement, cette entité de base, comme je viens de le rappeler.
L'incitation financière est là pour faciliter la création des communes nouvelles, mais toujours sur la base du volontariat – je tiens à le souligner.
Le Gouvernement n'a aucune intention d'organiser l'élection des présidents d'intercommunalité au suffrage universel direct. Ce n'est pas au programme. Cette mesure ne vaut que pour certaines métropoles, en raison de leur statut particulier. Aujourd'hui, seule celle de Lyon est concernée.
Le Gouvernement a dit qu'il souhaitait une pause dans les réformes territoriales, et cette pause concerne aussi bien les structures que la manière dont elles sont élues.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Deroche. Ma question rejoindra celle de M. Philippe Bas.
Dans mon département, le Maine-et-Loire, certaines communes nouvelles ont une taille suffisante pour exercer les compétences dévolues aux communautés de communes antérieures dont elles occupent parfois le même périmètre.
Une intercommunalité « XXL » pourrait exercer les compétences en matière de développement – comme M. Philippe Bas l'a souligné –, d'économie, de tourisme, de déchets ou d'habitat, par exemple… De leur côté, les communes nouvelles pourraient continuer de gérer des compétences de proximité.
Or, pour conserver la DGF bonifiée, les intercommunalités sont tentées de prendre le plus de compétences possible.
M. Bruno Sido. C'est vrai !
Mme Catherine Deroche. Il conviendrait donc, selon moi, de redéfinir l'interaction entre communes nouvelles et intercommunalités, même si, bien évidemment, tout est fonction du territoire.
Aussi, ma question est simple : envisagez-vous de limiter le nombre des compétences obligatoires, ce qui encouragerait des élus parfois démobilisés à s'engager dans cette démarche et ce qui permettrait de conserver un lien entre citoyens et service public ?
Par ailleurs, je pense qu'il faudrait permettre aux communes traditionnelles de conventionner plus facilement entre elles, ou avec les communes nouvelles, sans recourir aux syndicats comme elles ont parfois tendance à le faire.
Envisagez-vous de laisser la place à l'imagination et de faire confiance aux élus des territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Je répondrai tout d'abord à votre dernier point, madame Deroche.
Il existe d'autres moyens de mutualiser que la seule création de syndicats. Certains dispositifs, qui figurent dans la loi, sont méconnus. Je pense, par exemple, aux ententes. Nous pourrions encourager les préfets à rappeler toutes les méthodes de mutualisation existantes.
Vous avez posé une question quelque peu similaire à celle de Philippe Bas sur les compétences. Les communes nouvelles, madame Deroche, au fond, c'est comme les communes traditionnelles : au sein d'une intercommunalité, certaines compétences restent au niveau communal et d'autres relèvent du niveau intercommunal.
Se pose ensuite la question du transfert des compétences obligatoires. Nous n'avons pas l'intention d'y revenir. Comme je l'ai dit, le Gouvernement veut de la stabilité. Nous n'engagerons aucune autre réforme que celle visant à assouplir les règles en matière d'eau et d'assainissement, comme le Premier ministre l'a annoncé hier, dans son discours devant le congrès des maires de France.
Enfin, sachez que nous avons déposé, à l'Assemblée nationale, un amendement visant à abaisser de neuf à huit compétences le seuil à partir duquel les communautés de communes peuvent bénéficier de la DGF bonifiée.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Je sais bien que le seuil est passé de neuf à huit compétences.
Toutefois, pour certains territoires, huit reste un chiffre élevé. Sur ce sujet des communes nouvelles et des intercommunalités, les choses restent trop rigides. Quoi qu'on en dise, vous ne faites pas confiance aux élus des territoires.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Oh !
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, ma question concerne le département des Deux-Sèvres, dont je suis élu, qui connaît une autre dynamique.
Dans ce département, ce sont souvent les plus petites communes qui sont mobilisées et qui travaillent sur un projet de commune nouvelle. Il s'agit parfois de six ou sept communes de moins de 300 habitants qui discutent d'un projet de commune nouvelle de 1 000 ou 1 500 habitants.
Dès lors que ces communes sont attachées à la notion de commune déléguée, pensez-vous que les textes aujourd'hui applicables sont adaptés à ce type de situation ? Existe-t-il une taille critique, en termes de nombre d'habitants, pour les futures communes nouvelles ? D'une façon générale, pensez-vous que ce débat sur la représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles est adapté à ce type de situation, eu égard aux tailles critiques évoquées ? Il s'agit d'un cas très particulier, mais que l'on retrouve dans beaucoup de zones rurales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Non, monsieur Mouiller, il n'existe aucun seuil, ni modèle. Tout repose sur la volonté des communes. Il ne faut y voir aucune allusion politique. Nous faisons confiance aux territoires pour s'organiser, mais – et je réponds en même temps à Mme Deroche – dans le cadre républicain.
La France est une République une et indivisible. On agit toujours dans le cadre de la loi, on ne peut pas faire n'importe quoi. Il faut arrêter de dire que nous ne faisons pas confiance aux élus locaux ! J'ai passé ma vie à défendre les élus locaux et je continue de le faire !
Je me souviens très bien de ce que signifie « faire confiance  l'intelligence territoriale ». Ce n'est pas parce qu'on demande aux élus de s'organiser sur leur territoire, à partir d'une loi-cadre, qu'on entrave leur liberté et qu'on ne leur fait pas confiance. La République est décentralisée, elle n'est pas désorganisée !
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. J'ai bien entendu vos propos, madame la ministre, qui ne correspondent pas tout à fait à la question que j'avais posée. (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n'était pas à vous que je répondais ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Mouiller. Je voulais seulement connaître votre point de vue sur l'implantation des communes nouvelles dans les petites communes. Cela étant dit, je transmettrai votre réponse à l'oratrice précédente… (Même mouvement.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour le groupe Les Républicains.
M. Bruno Sido. Depuis des années, on nous dit que 36 000 communes – même si, comme vous venez de nous l‘annoncer, avec beaucoup de gourmandise, ce chiffre a diminué – c'est trop et qu'il est urgent de rationaliser. Chacun, ici, connaît ce discours.
Faisons un petit peu d'histoire. En 1971, la loi dite Marcellin a permis, dans certains départements, la création de nombreuses communes dites « associées », théoriquement sur la base du volontariat. En réalité, elles le furent sous la pression, certes bienveillante, mais très présente, des préfets.
En Haute-Marne, par exemple, plus de 200 communes se sont associées, en 1971. La moitié d'entre elles ont divorcé très vite, au bout d'un ou de deux trimestres, parce qu'elles se sont aperçu qu'elles avaient perdu toute liberté. Il en reste aujourd'hui une centaine.
À l'origine, cette démarche offrait pourtant quelques garanties : un maire délégué habitant la commune associée, officier d'état civil et officier de police judiciaire, et susceptible de recevoir certaines délégations du maire ; une mairie annexe ; un délégué sénatorial.
Avec l'adoption de différentes lois en 2010, puis en 2015, qui ont, au fil du temps, vidé de son sens le pacte initial, j'ai déposé une proposition de loi, devenue loi le 8 novembre 2016, et qui porte mon nom – je l'ignorais –, afin que le débat ait lieu en toute transparence : oui ou non, le regroupement communal doit-il impliquer la disparition des communes d'origine ? C'est là tout le fond de ma question.
Désormais, avec l'accord du conseil municipal, les anciennes communes associées peuvent se voir reconnaître le statut de commune déléguée.
Alors que le Gouvernement appelle à une réduction globale du nombre d'élus, pourtant quasiment bénévoles en milieu rural, pouvez-vous garantir, madame la ministre, que vous n'avez pas l'intention de faire disparaître les communes déléguées dans la discrétion et l'indifférence quasi générale, comme vos prédécesseurs ont essayé de le faire avec les communes associées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Non, monsieur Sido, nous n'avons pas l'intention de faire disparaître les communes déléguées, comme j'ai eu l'occasion de le dire voilà quelques instants.
Ces communes sont pérennes et peuvent continuer de fonctionner ainsi, ou non, selon la volonté des élus locaux. Au bout d'un moment, vivre ensemble permet parfois de rester dans une structure unique. Il n'y a toutefois aucune volonté particulière de faire disparaître les communes déléguées.
Je me souviens très bien de la manière dont vous avez déposé ce texte pour faciliter l'entrée des communes « Marcellin » dans le système des communes nouvelles, ce qui était bien sûr une très bonne idée.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui est très instructif, alors que se déroule, à quelques pas de notre hémicycle, le centième congrès des maires de France. Je tiens d'ailleurs à remercier nos collègues qui nous offrent cette opportunité.
La dynamique du regroupement des communes est une réalité. On compte, dans bon nombre de nos départements, des initiatives qui ont – ou vont – aboutir à des communes plus peuplées et, par conséquent, plus fortes.
En effet, avec des communautés de communes de taille parfois « XXL », la commune nouvelle peut constituer une réponse adéquate pour peser davantage dans les prises de décisions communautaires.
Pour en parler régulièrement avec les maires qui ont franchi le pas, et dont je salue le courage et l'audace, nous savons tous que les communes nouvelles ne sont synonymes de réussite que si elles s'inscrivent dans un projet de territoire.
Et qui dit projet entend plus de services publics, plus d'équipements et, donc, plus d'investissement !
Si, à l'avenir, les communes nouvelles sont celles qui sont les plus dynamiques, je ne pense pas que la question de la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles constitue un sujet de préoccupation principal pour les élus locaux ou un frein à la mise en oeuvre de ces dernières.
La loi du 16 mars 2015 prévoyait des garanties de ressources pour les communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2016. Un dispositif permettait à ces communes de bénéficier du gel de la DGF et de certaines bonifications, ou de gels de dotation, comme la DSR. Ce dispositif a été prorogé jusqu'au 1er janvier 2017.
Si l'on veut encourager de nouveaux rapprochements, l'État doit accompagner les projets de création ou d'extension de communes. Un nouveau pacte de stabilité de la DGF et une dotation spécifique aux communes nouvelles pourraient être une réponse adaptée, notamment dans les territoires ruraux et de montagne, où le potentiel est important.
C'est pourquoi, madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer si de nouvelles mesures seront envisagées à partir du 1er janvier 2018.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Oui, madame la sénatrice Morhet-Richaud, l'Assemblée nationale a même voté la reconduction d'un système comprenant, comme je l'ai déjà souligné, un bonus de 5 % sur les dotations.
Ce pacte de stabilité concernera les communes nouvelles, sans seuil. Même une très petite commune nouvelle, comptant moins de 1 000 habitants, pourra donc en bénéficier. Les députés ont également adopté un amendement visant à relever le seuil initial de 10 000 à 15 000 habitants. Toutes les communes nouvelles, de zéro, si je puis dire, à 15 000 habitants, bénéficieront de cette garantie.
Bien évidemment, la DGF étant répartie au sein d'une enveloppe normée, vous comprenez que nous fixions un plafond. Si deux communes de 60 000 habitants décidaient de fusionner, elles ponctionneraient trop sur l'ensemble de l'enveloppe et donc sur sa répartition générale. Nous avons accepté de porter le plafond à 15 000 habitants pour favoriser les rapprochements.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Josiane Costes. En octobre dernier, des représentants de communes nouvelles se sont réunis pour la première fois en assises nationales – vous avez d'ailleurs, madame la ministre, participé à leurs travaux.
À cette occasion un premier bilan a pu être fait de l'application de la loi du 16 novembre 2015, confirmant le succès des assouplissements et des incitations apportés à ce dispositif.
Celles et ceux qui m'ont précédé ont rappelé les chiffres : ils témoignent d'une tendance que nous ressentons également sur le terrain.
Toutefois, nous devons sans cesse rappeler qu'une commune nouvelle doit être appréhendée comme une nouvelle commune. Et nous devons dire aux élus souhaitant s'engager dans la création d'une commune nouvelle qu'elle est une fusion, pas une intercommunalité bis, ni une coopération de proximité. Cela permettra de se prémunir de certaines déconvenues que nous voyons poindre.
En outre, au sein de ces nouveaux ensembles, le respect des identités des communes déléguées est primordial. C'est une question de représentativité démocratique.
L'avenir du fait communal dépend aujourd'hui de sa capacité à se rénover. L'évolution des communes nouvelles est une des manifestations du dynamisme de cet échelon.
Au-delà des amendements apportés au projet de loi de finances pour 2018, comment le Gouvernement entend-il répondre aux pistes de réflexion présentées par les communes nouvelles ? Je pense notamment à celles exposées en matière d'évolution de l'effectif du conseil municipal et concernant la création d'une dotation temporaire spécifique commune nouvelle. (M. Yvon Collin applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Chère Mme Costes, j'ai déjà répondu à votre interrogation sur le nombre d'élus.
Le Gouvernement n'envisage pas la création d'une dotation temporaire spécifique en faveur des communes nouvelles, eu égard à l'effort auquel il consent déjà et que j'ai évoqué précédemment.
Je rappelle encore que tout cela se fait sur une enveloppe fermée et que l'état des finances publiques ne permet pas d'inventer de nouvelles incitations qui viendraient s'ajouter à celles qui existent déjà.
La suppression du seuil de 1 000 habitants va faire réfléchir de très petites communes de 100 ou 150 habitants, par exemple, qui seront accompagnées à travers cette dotation.
De même, le relèvement du plafond à 15 000 habitants accompagnera beaucoup d'autres projets.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes. Je tenais juste à demander à Mme la ministre de bien vouloir m'excuser pour le caractère redondant de ma question.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
Source http://www.senat.fr, le 30 novembre 2017